LES ORIGINES CHRÉTIENNES
DES HOPITAUX
HOSPICES ET BUREAUX DE BIENFAISANCE DU PÉRIGORD.
4 o ) 3 6
é
a g ? a-#
45336
LES
ORIGINES CHRÉTIENNES
DES HOPITAUX
HOSPICES ET BUREAUX DE BIENFAISANCE
DU PÉRIGORD
RÉPONSE A LA LOI DU 5 AOÛT 1879
A.-B. PERGOT.
CHANOINE HONORAIRE,
Membre de l’Académie de Rome dite de la Religion catholique,
et de la Société historique et archéologique du Périgord,
4
" , CURE-DOYEN DE TERRASSON,
459 36
-^3853$?-
PÉRIGUEUX
CASSARD FRÈRES, IMPRIMEURS-LIBRAIRES
RUE SAINT-MARTIN, I 3 ET 1 5 .
188S
PREFACE.
La loi du 5 août 1879 sur l’organisation des com¬
missions administratives des hôpitaux, hospices et
bureaux de bienfaisance, a donné lieu à l’ouvrage
que nous publions. On sait que cette loi exclut de
ces commissions le clergé et tout élément reli¬
gieux.
A cette occasion, Mgr Dabert, notre vigilant évê¬
que, toujours disposé au combat, lorsqu’il s’agit
des droits et. des intérêts de l'Eglise, me fit l’hon¬
neur de m’écrire :
« PérigueuXj le 11 août 1879.
» Mon bien cher doyen,
» Je viens faire appel à votre plume pour un travail qui
» me paraît plein d’actualité.
» Vous connaissez la nouvelle loi sur l’administration
» des hospices et des bureaux de bienfaisance. Cette loi
» laïcise cette administration au point d’exclure des con-
» seils et commissions les curés et toute influence ecclé-
» siastique.
» Ce n’est pas seulement là de l’impiété, c’est encore de
» l’ingratitude au premier chef ; car c’est à l’Eglise que la
PRÉFACE.
» société moderne doit ces asiles de la pauvreté. A l’Eglise,
» dis-je, et dans notre Périgord par nos chères sœurs de
» Sainte-Marthe.
» Gela dit, je me suis demandé s'il n’y avait pas lieu
» de relever dans une suite d’articles ce fait de la fonda-
» tion de nos hospices par les vénérables anciennes sœurs
» de Sainte-Marthe. Le public en serait édifié, et l 'esprit
» moderne y trouverait une flétrissure qu’il n’aurait pas
» volée.
» J’ai communiqué cette pensée à M. Junières et à mon
» conseil ; elle a été chaudement approuvée, et M. Junières,
» qui a rédigé dans les registres de Sainte-Marthe le récit
» des fondations, vient de m’en remettre des copies. J’ai,
» de mon côté, pensé à vous, cher Doyen, pour l’exploita-
» tion de cet intéressant sujet. Il m'agréerait beaucoup à
» moi-même, mais impossible pour moi d’y penser. Je
» serais très heureux que vous voulussiez accepter ce tra-
» vail, pour lequel vous auriez, je le répète, tous les ren-
» seignements désirables et, en bien des cas, une rédac-
» tion toute faite. — Si, comme je l’espère, vous acceptez,
» je vous enverrai sans délai les écrits manuscrits qui
» m’ont été remis.
» Votre tout dévoué en N. S.
» f N.-JOSEPH,
Évêque de Pêrigueux et de Sarlat. »
Un travail, aussi gracieusement offert, ne pou¬
vait être refusé ; je l’acceptai et je le commençai.
Le 11 du mois d’août 1882, j’eus l’honneur d’écrire
à Sa Grandeur :
« Monseigneur,
» J’achève le travail que Votre Grandeur me fit Thon-
PRÉFACE.
III
» neur de me demander, il y a trois ans, sur les Origines
» CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, HOSPICES ET BUREAUX DE BIENFAI-
» SANCE DU PÉRIGORD.
» Justement indignée, avec tous les catholiques, des
» dispositions de la loi du 5 août 1879, excluant de l’admi-
» nistration de ces établissements , le clergé et tout
» élément religieux, Votre Grandeur voulut répondre, par
» la logique des faits, à cette loi, et en faire voir l’injus-
» tice, je dirai même l’inconvenance.
» Il fallait, pour cela, démontrer que l’Eglise, fécon-
» dant la charité chrétienne, avait seule fondé ces établis-
» sements, d’où la conséquence naturelle qu’elle avait un
» droit réel à ne pas être exclue de leur administration.
» C’était bien là le travail que Votre Grandeur me fai-
» sait l’honneur de me demander par sa lettre du 11 août
» 1879, et c’est le travail que j’ai fait et publié par Notices
» spéciales dans divers numéros de notre Semaine reli-
» gieuse.
» Si Votre Grandeur a jeté un coup d’œil sur ces Notices,
» elle a pu facilement se convaincre que j’ai donné plus
» d’extension à l’idée qu’elle avait conçue et au pro_
» gramme qu’elle m’avait tracé.
» Me renfermant dans les limites de cette idée et de ce
» programme, je n’avais à m’occuper que des établisse-
» ments hospitaliers dirigés par nos soeurs de Sainte-
» Marthe du Périgord ; ma tâche était courte et facile.
» Mais nous avons plusieurs hôpitaux et hospices dirigés
» par des religieuses appartenant à d’autres congréga-
» tions. Les oublier, c’était faire un travail incomplet et
» insuffisant.
» Dès le moment que je sortais du programme indiqué,
» il a fallu ne pas m’en tenir aux documents que Votre
» Grandeur me promettait, devant, dans sa pensée, me
IV
PRÉFACE.
» suffire, et dans lesquels je devais trouver souvent une
» rédaction toute faite. Avec ces documents, précieux sans
» doute, et dont j’ai fait usage, nous aurions eu les pro-
» cès-verbaux d’installation de nos sœurs de Sainte-Mar-
» the dans les établissements hospitaliers qu’elles diri-
» gent, mais nous ignorerions les origines de ces établis-
» sements. Nous ne pourrions pas les revendiquer comme
» œuvres de la charité chrétienne et, par suite, comme
» propriétés de l’Eglise. Il fallait cependant démontrer ces
» origines pour prouver que les droits de l’Eglise à coopé-
» rer au moins à l’administration de ces établissements,
» ont été lésés par la loi du 5 août 1879.
» Ici, ma tâche devenait difficile, pénible même ; Votre
» Grandeur saura l’apprécier.
» Il fallait, en effet, se procurer des documents qui per-
» missent de voir la fondation de chaque établissement et
» d’en suivre les développements jusqu’à nos jours. Mais
» où les trouver ?
» J’ai cherché.
» En fouillant dans les archives, dans les bibliothèques ;
» en déchiffrant les vieux actes, les vieux registres, il
» arrive souvent qu’on trouve ce qu’on ne cherchait point,
» ou plus quion ne cherchait. J’ai fait ainsi quelquefois
» des découvertes heureuses. D’autre fois, je n’ai pas eu
» dans mes recherches tout le succès désiré.
» Nous avons dans le diocèse 83 établissements hospi-
» taliers, régulièrement établis et fonctionnant sous la
» direction intelligente et dévouée de nos religieuses.
» Dans mon travail, chaque établissement a, eu sa
» notice spéciale, qui forme un tout complet et pourrait
» avoir pour titre : La Chanté chrétienne en action. Réunies,
» ces noticesformentla vraie Statistique de la Charité dans
» le Périgord, depuis les temps les plus reculés jusqu’à
PRÉFACE.
» nos jours, et offrent, dans leur ensemble, aux générations
» qui viennent, un glorieux tableau quilesporte à l’amour
» de notre mère, la sainte .Église, et à la pratique des
» œuvres de bienfaisance qu’elle inspire.
» Dans mes recherches, j’ai pu constater que, dans notre
» diocèse, la charité chrétienne est féconde aujourd’hui
» comme aux temps anciens. Elle a, en ce moment, en
» préparation plusieurs établissements hospitaliers, dont
» l’éclosion ne peut tarder à se produire. J’ai dû en tenir
» compte et leur donner une place dans ma statistique.
» Par le fait seul qu’ils sont d’origine récente, quenousles
«voyons naître et se développer sous nos yeux, ils offrent
» un exemple plus efficace et parlent un langage mieux
» compris.
» Si je n'ai oublié aucun de nos établissements hospita-
» liers, je n’ai pu énumérer tous nos Bureaux de bien-
» faisance, encore moins dire les origines de chacun.
» Cela m’eût demandé un travail dont je me suis reconnu
«impuissant, et qui, d’ailleurs, n’était d’aucune utilité
» pour la cause que nous soutenons. Je me suis borné à
» parler de quelques-uns qui m’ont paru s’éloigner de la
» ligne commune et offrir un intérêt tout particulier.
« Toujours dans le but d’offrir à la génération présente
» et aux générations à venir des exemples d’une salutaire
» influence, j’ai recueilli autant que possible la liste des
» bienfaiteurs de chaque établissement hospitalier. Pla-
» cée comme Tableau d’Honneur, suivant le conseil que
«j’en donne, dans l’appartement le plus fréquenté, elle
» invitera le pauvre à la reconnaissance, et le riche, à se
» faire le bienfaiteur du pauvre.
» Voilà, Monseigneur, le résumé de ce que j’ai fait pour
«répondre à vos désirs et remplir la tâche que Votre
» Grandeur, me jugeant trop favorablement, voulut bien
VI
PRÉFACE.
» m’imposer. L'OEuvre avait ses difficultés ; il m’a fallu,
■j pour la poursuivre jusqu'à la fin, m’encourager par la
» pensée de vous être agréable et de faire une œuvre
» utile à la gloire de l’Église.
» Cette œuvre est-elle parfaite? Non, sans doute, mais
» elle a un mérite incontestable, le mérite de l’à-propos :
» elle vient à son temps.
» Son utilité fut reconnue dès les premières Notices qui
» parurent dans notre Semaine religieuse. Il me fut alors
» demandé si je ne ferais pas une édition spéciale pour
» réunir le tout en un volume,, facile à conserver. Dans le
» cours de la publication, cette demande m’a été souvent
» renouvelée par un grand nombre de prêtres et de
» laïques, et parmi ces derniers je pourrais citer plusieurs
» de nos studieux et savants collègues de la Société his-
» torique et archéologique du Périgord. Et, dans ces der-
» niers mois, sans doute parce qu’on a vu que mon travail
» touchait à sa fin, la demande a pris un caractère pres-
» que impératif ; on m’a dit et écrit : Il nous faut une
» nouvelle édition, si vous ne voulez pas que votre OEuvre
» reste inutile, perdue qu’elle serait dans la collection,
» plus ou moins conservée, de la Semaine religieuse.
» J’ai dû céder à ces instances dont je me sentais émi-
» nemment honoré. L’édition désirée et demandée est
» sous presse, et bientôt j’en ferai hommage à Votre
« Grandeur.
» Daignez agréer, Monseigneur, l’hommage de mes sen-
» timents les plus respectueux et les plus dévoués.
A. Pergot,
Chanoine honoraire, Curé-doyen de Terrasson.
Quelques jours après, le 20 du mois d’août 1882,
PRÉFACE.
VII
Monseigneur daigna m’honorer de la réponse
suivante :
« Monsieur le Curé,
» Je me félicite de ma modeste initiative dans votre
» important travail sur « Les Origines chrétiennes » de nos
» établissements de bienfaisance. J’en ai suivi avec un vif
» intérêt les développements successifs, et c'est une joie
a pour moi de le savoir heureusement accompli.
» Un double mérite est acquis désormais parmi nous à
» votre OEuvre : L’histoire lui devra un faisceau magni-
» fique de faits trop vite oubliés, et la conscience catholi-
» que une invincible protestation contre les injustices du
» présent.
» Il y a dans notre législation des lois qui la déshonorent,
» et de ce nombre est celle qui porte ladate du 5 août 1879.
» Loi, en effet, d’odieuse ingratitude envers l’Église : On
» lui .interdit, en la personne de ses ministres, toute ingé-
» rence , tout accès, dans les asiles où s’abrite, où
» s’alimente la pauvreté* et plus qu’à tout autre lui appar-
» tiennent ces asiles. Elle y est chez [elle ; leurs habitants
» sont ses hôtes, et le pain qui les nourrit, elle l’a pétri de
» ses mains.
» Où se trouve l’amour vrai du pauvre ? L’amour sans
» défaillance, que ne déconcertent ni l’indifférence, ni
» l’ingratitude, l’amour courageux et fort qui va jusqu’à
» l’oubli de soi, jusqu’au sacrifice ? Dans l’Église et nulle
» part ailleurs. Ce noble sentiment de commisération
» envers les déshérités de la fortune, l’Église le prend au
» cœur de l’homme tel que la nature l'y a versé, puis elle
» le retrempe dans l’esprit dont elle est animée, le trans-
» figure par la grâce dont elle est la dispensatrice, l’élève
VIII
PRÉFACE.
» jusqu’à la hauteur d’une vertu surnaturelle et lui cora-
» munique sa constance, sa force invincible et son admi-
» rable fécondité. Eh bien I C’est de cet amour là que
» l’on trouve à l’origine et au progrès, comme à l’entretien
» èt au service de nos établissements de bienfaisance. Ce
» fait est constaté par tous les témoignages de l’histoire ;
» mais ce sera votre honneur, comme votre mérite, de
» lui avoir donné, en ce qui concerne le Périgord, une
» éclatante démonstration.
» Je sais ce que votre savant ouvrage vous a coûté de
» laborieuses et patientes recherches : soyez heureux de
» l’avoir écrit. Déjà notre Eglise devait à votre piété
» filiale le récit des origines apostoliques de sa foi ; elle
» vous devra encore celui de sa charité dans ses plus
» importantes manifestations : double titre à sa mater -
» nelle gratitude.
» Recevez, Monsieur le curé, l’assurance de mon affec-
» tueux dévouement en N. S.
» f N.-JOSEPH,
» Evêque de Périgueux et de Sarlat. »
Après ce témoignage, d’autant plus flatteur qu’il
est plus autorisé, on me permettra, pour compléter
cette Préface, de placer ici quelques encourage¬
ments dont m’ont honoré des prêtres et des laïques,
et qui me prouvent l’utilité de l’œuvre que j’ai
faite, et la nécessité de la reproduire en un volume.
Un chanoine :
« Bien cher confrère^
» Je vous envoie de grand cœur mon bulletin de sous-
PRÉFACE.
IX
» cription au livre que vous vous proposez de publier,
» comme présentant en un seul volume les articles qui
» ont paru dans la Semaine religieuse sur les Origines
» chrétiennes des maisons de charité du Périgord.
» Je me trouverais fort embarrassé, si j’étais obligé de
» produire tous les numéros de la Semaine religieuse où
» on a pu lire votre travail en articles séparés. La pensée
» de les réunir, seul moyen de les conserver, est d’une
» très bonne inspiration. J’y souscris très volontiers, pour
» l’œuvre qui est bonne et utile, et aussi pour l’auteur qui
» possède mes sympathies, mon estime et mon affec-
» tion. »
Un laïque, membre de la Société historique et
archéologique du Périgord, inspecteur de la Société
française d’archéologie :
« Monsieur le Curé,
» Je vous dois bien des remercîments pour le plaisir et
» le profit que je retire depuis longtemps déjà de la lec-
» ture de vos monographies sur les établissements de cha-
» rité du Périgord... Comme toutes les grandes œuvres, la
» vôtre atteint plus d’un but : En défendant l’institution
» chrétienne de la charité, vous élucidez l’histoire locale,
» la véritable histoire du peuple, celle où l’on puise le-
» plus d’enseignements profitables et que nos gouvernants
» feraient bien de consulter davantage pour le profit des
» gouvernés et aussi pour leur propre intérêt, afin de
» paraître moins ignorants et moins grotesques devant les
» étrangers et la postérité. »
Le même, en m’envoyant sa souscription :
« Monsieur le Curé,
» Avant de partir pour les eaux* de Cauterets, je veux
PRÉFACE.
» me mettre en règle vis-à-vis de vous en vous envoyant
» mon bulletin de souscription. J’ai trouvé trop d’intérêt
» à lire ces Notices dans la Semaine religieuse, malgré les
» coupures incessantes qu’elles ont eu à subir, pour ne
» pas désirer les relire dans leur ensemble et dans de
» meilleures conditions. Ce que vous avez prouvé, pièces
» en main, pour les établissements hospitaliers du Péri-
» gord, pourrait se prouver pour toutes les maisons de ce
» genre qui existent dans le monde. Qui peut, en dehors
» de la religion, professer la charité envers le prochain et
» le dépouillement ? Ce ne seront, certes, pas nos gouver-
» nants qui viendront créer une exception à la règle. Je
» vois bien tout ce qu’ils détruisent, mais je n’aperçois
» pas encore ce qu’ils ont fondé. Puissions-nous voir bien-
» tôt un nouvel ordre de choses plus conforme au bon
» sens et au bon droit, qui vous mette dans la nécessité
» d’ajouter de nouveaux chapitres à votre belle histoire. »
Un prêtre :
« Bien cher confrère,
» C’est avec bonheur que, m’associant au désir que plu-
» sieurs vous ont manifesté et qui a été éprouvé par tout
» le clergé, en particulier, j’ai l’honneur de, vous adres-
» ser ma souscription à la nouvelle édition des Origines
» chrétiennes des hôpitaux , hospices et bureaux de bien-
» f aisance du Périgord. '
» Avec toutes mes félicitations pour votre ouvrage si
» intéressant, à tous les points de vue, daignez agréer,
» etc. »
Un ingénieur :
« Monsieur le Curé,
» J’ai l’honneur de vous adresser ci-inclus mon modeste
PRÉFACE.
XI
» bulletin de souscription . Je suis très reconnaissant
» au bon curé de X., mon ami, de m’avoir procuré l’occa-
» sion de vous adresser mes bien sincères compliments
» sur une œuvre dont j’ai lu quelques extraits dans la
» Semaine religieuse. »
Un prêtre :
« Monsieur le Doyen,
» Votre ouvrage est une bonne œuvre dont le diocèse
» doit vous être reconnaissant. J’avais lu vos articles dans
» la Semaine religieuse , et je l’avais longtemps collec-
» tionnée à cause d'eux ; mais j’avais fini par égarer plu-
» sieurs numéros et je m’étais découragé. Vous me ren-
» dez un vrai service ainsi qu’à un grand nombre de prê-
» très, en faisant une édition spéciale pour réunir; en un
» seul volume vos articles épars. »
Un laïque, membre de la Société historique et
archéologique du Périgord :
« Monsieur le Doyen,
» Je m’empresse de vous retourner signé le bulletin de
» souscription à vos études sur les Origines chrétiennes
» des hôpitaux du Périgord. Notez devoir, à nous cher-
» cheurs chrétiens, est de faire ressortir par tous les
» moyens les bienfaits du Christianisme sur l’humanité et
» sur les arts, et de soutenir les auteurs de ces travaux. »
Un prêtre :
« Monsieur le Doyen,
» Je me fais un bonheur de souscrire aux Origines
» chrétiennes des hôpitaux, etc. Cette œuvre de longue
XII PREFACE.
» haleine a dû vous coûter bien du travail et des recher¬
ches. Vous trouverez votre récompense dans les nom-
» breuses adhésions que vont vous donner vos confrères
» et toutes les personnes du Périgord qui tiennent à cœur
» de favoriser les œuvres patriotiques. »
Un laïque, sénateur :
« Monsieur le Curé,
» J’applaudis de tout cœur au projet de publication que
» votre infatigable charité vient d’entreprendre par ces
» tristes temps. Rappeler les OEuvres glorieuses de la
» bienfaisance, c’est l’encourager et l-’honorer ; c’est digne
» de vous et de votre talent. »
Un prêtre :
« Monsieur le Chanoine,
» Je souscris de tout cœur à votre excellent ouvrage sur
» les Origines chrétiennes de nos Hôpitaux et Bureaux
» de bienfaisance. C’est une belle œuvre que vous avez
» entreprise ; Dieu saura la récompenser. Non content
» d’avoir été l’historien de notre grand Saint Front, vous
» voulez être, sur vos vieux jours, le défenseur éclairé et
» l’apologiste sans peur d’OEuvres merveilleuses que nos
» démolisseurs ne sauraient revendiquer pour eux. Hon-
» neur à votre vaillant courage !! »
Un laïque, avocat distingué :
« Monsieur le Curé,
» Vous m’avez fait un grand honneur en me mettant
» au nombre de ceux qui liront avec un religieux intérêt
>> les annales de nos ancêtres chrétiens. Votre plume vient
PRÉFACE.
XIII
» de les enrichir encore. Il lui appartenait, après avoir cé-
» lébré les miracles des siècles de foi, de faire connaître
» à une génération oublieuse les OEuvres patientes des
» siècles de charité. Ces deux vertus ont eu leurs apôtres
» dans nos contrées. Grâce à vous, il ne sera plus permis
» d’ignorer ni leurs noms ni leurs actes... Je vous remer-
» cie avec un affectueux respect d’avoir bien voulu ne
» pas me trouver indigne d’apprécier et de méditer votre
» ouvrage, et je vous prie de vouloir bien trouver dans
'» mon adhésion reconnaissante et empressée une nou-
» velle assurance de mes sentiments religieusement dé-
» voués. »
Un prêtre, au bas du bulletin souscrit :
« Honneur aux infatigables défenseurs de toutes les
» saintes causes ! Si nous n’avons pas la force de les imiter,
» ayons au moins celle de les louer et de les seconder I
Un avocat, membre de la Société historique et
archéologique du Périgord :
« Monsieur le Doyen,
» Je remets sous ce pli le bulletin de souscription que
» vous avez bien voulu m’adresser, et m’estime heureux
» de pouvoir, dans la mesure de mes moyens, contribuer
» au succès d’un ouvrage tel que le vôtre. »
Un laïque, étranger au Périgord, membre de
plusieurs sociétés savantes :
« On ne saurait trop applaudir à la publication d’un
» travail comme celui-là ; il est d’une utilité et d’une
XIV
PRÉFACE.
» opportunité incontestables. Rien ne sera plus à même
» de faire ressortir l’injustice de ceux qui aujourd’hui
» écartent systématiquement des commissions administra-
» tives des établissements hospitaliers, les évêques, les
» prêtres et parfois même les laïques suspectés de clérica-
>> lisme. C’est l’Église qui a créé ces maisons hospitalières ;
» la plupart des bienfaiteurs appartiennent au clergé ; la
» bonne administration des communautés hospitalières
» en a accru les revenus. Et quant aux laïques qui les ont
» fondées ou enrichies, c’étaient des chrétiens ; on n’a
» qu’à lire, pour s’en convaincre, les extraits de leurs tes-
» taments ou les titres de fondation, enfouis dans les ar-
» chives. Faites bien ressortir tout cela, Monsieur le doyen,
» et vous montrerez que les Chambres ont fait une OEuvre
» malhonnête ç, n excluant du conseil des hôpitaux et hos-
» pices les ministres du culte catholique. »
Dans une autre lettre, le même correspondant
me disait :
« Vous avez fait une chose éminemment utile, Monsieur
» le doyen, en mettant au jour ces pages magnifiques des
» annales hospitalières de votre Périgord. Il serait à dési-
» rer que votre exemple fût suivi partout. Ce ne sont pas
» les théories plus ou moins bien exposées qui forment
» ou changent les opinions ; ceci, c’est comme la belle
» musique : autant en emporte le vent; mais les faits dans
» leur brutalité , comme on a coutume de dire, les faits, on
» ne peut les dénier, à moins de mauvaise foi manifeste.
» Il faut bien en reconnaître l’évidence, et de leur examen
» on ne peut sortir que convaincu ou homme de parti-
» pris, avec lequel la discussion n’est plus possible.
» Continuez, Monsieur le Doyen, continuez encore cette
» œuvre de revendication des droits de l’Eglise ; vous avez
» choisi la voie la plus pratique et je désire que votre
» œuvre soit vulgarisée dans la plus large mesure possi-
» ble. Que vos études ne soient pas lues seulement par un
j> groupe d’hommes éclairés et déjà convaincus ; qu’elles
» passent sous les yeux de tous ; qu’on les propage dans
» les familles chrétiennes, dans les écoles libres. Elles
» seront lues avec plus de plaisir que les études d’un
» intérêt général, car il y sera question du pays ; les noms
» cités dans ces pages seront ceux de la contrée. On pourra
» donc vérifier sur place, car les documents originaux
» seront à portée de toutes les mains. Que de mémoires
» oubliées vous apprendrez à bénir 1
» Vous avez bien voulu me promettre, Monsieur le
» Doyen, l’ensemble de ces intéressantes études sur les
» hôpitaux du diocèse de Périgueux ; je me réjouis de les
» posséder, et surtout de les devoir à leur auteur, pour
» lequel je professe ces sentiments de vénération qu’ins-
» pirent toujours les vaillants défenseurs de l’Eglise. »
Ces témoignages se passent de tout commentaire
Nos lecteurs en jugeront.
INTRODUCTION.
On ne peut mettre en doute que les établisse¬
ments hospitaliers ne soient d’origine purement
chrétienne. On en chercherait vainement des tra¬
ces dans les sociétés païennes. Il appartenait au
Christianisme d’inaugurer les œuvres de bienfai¬
sance envers les pauvres.
Jésus-Christ fut le premier pauvre de l’ère chré¬
tienne, qui commençait à sa naissance. Né dans
une étable, il n’eut pas dans le cours de sa vie
« un lieu où il pût librement reposer sa tête (1) ».
Mais il fut le premier aussi à prendre soin des
pauvres, à s’occuper d’eux : il les évangélisait et
les nourrissait. Jusques à lui les pauvres avaient
été tellement méprisés ou du moins négligés,
c’était chose si extraordinaire de faire attention à
eux, de s’en occuper, qu’il put donner sa conduite
à leur égard comme une preuve de sa divinité.
« Allez, disait-il aux envoyés de son précurseur,
» allez dire à Jean : Les aveugles voient, les boiteux
» marchent, les lépreux sont guéris, les sourds
entendent, les morts ressuscitent, les paumes sont
» évangélisés (1). »
(1) S. Matthieu, ch. 8, V. 20.
INTRODUCTION.
Pour relever le pauvre de l’état d’abjection où
l’avait laissé le paganisme, ennoblir sa pauvreté,
la rendre honorable aux yeux du riche, Jésus-
Christ se met dans la personne du pauvre et déclare
devoir tenir comme donnés à lui-même les soins
qui sont donnés aux pauvres. Il fait entendre aux
riches, en faveur des pauvres, cette parole qu’au
dernier jour il dira aux bénis de son Père : « J’ai
» eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu
» soif, et vous m’avez donné à boire ; j’ai eu besoin
» de logement, et vous m’avez logé ; j’ai été nu, et
» vous m’avez revêtu; j’ai été malade, et vous
» m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes
» venus me voir (2). »
Nous voyons que les Apôtres, imitant leur divin
Maître, n’oublièrent pas les pauvres ; ils élurent et
consacrèrent sept diacres pour être les ministres ou
les distributeurs des aumônes (3).
Les pauvres ainsi ennoblis, devenus par droit
de première affection, de première sollicitude, sa
propriété, Jésus-Christ les a donnés à son Eglise,
qui les a reçus avec amour et reconnaissance, et
en a toujours fait son bien, son trésor, ses joyaux,
les diamants de sa couronne. L’empereur Valérien
(1) S.Matth., ch. 2, V. 5.
(2) S. Matth., ch. 25, V. 35.
(3) Act. des Ap. ch. 6, V. 5.
INTRODUCTION.
ayant ordonné au diacre Laurent de lui livrer les
trésors de l’Eglise, Laurent lui demanda trois jours
pour les ramasser. Ce délai lui étant accordé, il
assembla tout ce qu’il put trouver d'aveugles, de
boiteux, d’infirmes et d’autres pauvres, et, au troi¬
sième jour, il alla avec cette suite au palais de
l’empereur et lui dit : « Auguste prince, voilà les
trésors de l’Eglise que je vous ai amenés : trésors
éternels qui augmentent toujours, sans jamais
diminuer, qui se répandent partout et que chacun
peut posséder. »
Quoique l’Eglise eût toujours déployé une solli¬
citude spéciale pour les pauvres, les établissements
hospitaliers où l’on retirait les indigents, les mala¬
des, les infirmes, ne commencèrent à bien se déve¬
lopper qu’après le règne de Constantin, c’est-à-
dire quand le triomphe du Christianisme fut défi¬
nitivement assuré.
Dans le principe, ces établissements, qu’on les
nomme Maisons hospitalières, hôpitaux ou hospi¬
ces, étaient simplement destinés à recevoir les
pèlerins ou les étrangers qui voyageaient par un
motif de piété. On ne tarda pas à y admettre les
pauvres et les malades. La première Maison hospi¬
talière de ce genre fut fondée, vers la fin du
me siècle, à Jérusalem , par d’illustres dames
INTRODUCTION.
romaines qui s’étaient retirées dans cette ville pour
y pratiquer les vertus chrétiennes sous la direc¬
tion de saint Jérôme.
Ce pieux exemple fut imité dans beaucoup
d’antres villes de l’Orient; les hôpitaux pour les
pèlerins et les malades y étaient déjà nombreux à
la fin du ive siècle.
En Occident, lorsque l’invasion des barbares vint
bouleverser l'empire romain, une foule d’églises et
de monastères ouvrirent des asiles aux malades et
aux infirmes. Les rois et les grands personnages
suivirent l’exemple que leur donnait le clergé.
Parmi les établissements qui remontent à cette
époque, c’est-à-dire aux ve, vie et vu® siècles, on cite
les hôpitaux de Lyon, de Reims, d’Autun et de
Paris. A cette nomenclature que nous donne
Dupiney de Yorepierre, auquel nous faisons plu¬
sieurs emprunts, nous ajouterons l’hôpital de Ter-
rasson, fondé vers le milieu du vie siècle par le roi
Gontran, en reconnaissance d’un bienfait reçu de
l’ermite saint Sour.
Les maisons hospitalières se multiplièrent consi¬
dérablement en France pendant les Croisades, car,
outre la charité qui parlait alors aux cœurs avec
une éloquence irrésistible, une maladie cruelle, la
lèpre, apportée d’Orient par les Croisés, provoqua
INTBODUGTION.
5
la fondation d’une multitude d’hôpitaux pour les
malheureux atteints de cette affection.
En même temps que les asiles, destinés au trai¬
tement des différentes sortes de maladies et d’in¬
firmités humaines, se multipliaient, il se formait
de toutes parts des congrégations d’hommes et de
femmes, qui se vouaient aux besoins des malades.
C’était l’Eglise qui couvrait le sol de la France
d’hospices et d’institutions charitables, et c’était
l’Eglise seule qui les administrait au temporel
comme au spirituel. Le pouvoir civil ne songeait
pas alors à exclure l’Eglise de ces établissements,
où elle se dévouait pour l’humanité souffrante et
malheureuse ; il avait trop à cœur léserais intérêts
des pauvres pour vouloir les arracher aux soins
maternels de l’Eglise.
Mais l’Eglise n’est pas égoïste ; elle s’est toujours
montrée l’ennemie du monopole. — Au commence¬
ment du xive siècle, elle voulut bien faire partager
à des laïques et les charges et les mérites de l’ad¬
ministration du temporel des maisons hospitalières.
Au concile de Vienne, en 1311, elle décréta que
l’administration du temporel des hospices serait
confiée « à des laïques sages, intelligents, sensibles
» aux misères des pauvres et capables de se com-
» porter en vrais tuteurs de leurs biens, à la
INTRODUCTION.
» charge par eux de rendre compte de leur admi-
» nisjtration aux évêques. »
Si, plus tard, le pouvoir civil revendique et
obtient pour ses représentants le droit de direction
des hôpitaux, il conserve cependant au représen¬
tant de l’Eglise, au curé du lieu où se trouve
l’établissement, une place distinguée dans la
composition du bureau d’administration (1).
Il en fut ainsi jusqu’en 1790. Mais, à cette
époque, la nomination des administrateurs des
hôpitaux fut dévolue aux municipalités, et non-
seulement le représentant de l’Eglise n’y trouva
plus sa place, mais, quatre ans plus tard, les Sœurs
de Charité furent chassées de ces établissements,
parce quelles ne voulurent pas prêter un serment
que leur conscience repoussait. Les conséquences
en furent désastreuses pour les pauvres ; les sources
de la charité se trouvèrent taries, et des rapports
officiels, cités au Sénat par M. de Chesnelong, nous
disent que les pauvres mouraient de faim dans
les hôpitaux.
La loi du 5 août 1879 nous ramène à cette
époque. Elle a été dictée par le même esprit, avec
un surcroît de haine anti religieuse. L’Eglise n’a
plus son représentant dans les commissions admi-
(l) Voir la Déclaration de 1698.
INTRODUCTION.
nistratives, et bientôt, nous devons nous y attendre,
un post-scriptum, ajouté à cette loi, viendra
bannir des hospices et des hôpitaux, non-seulement
les Sœurs de Charité, tant aimées des pauvres,
mais tout élément chrétien, toute idée de religion.
Peut-on espérer que les conseils municipaux et les
préfets se préoccuperont de choisir de préférence,
comme cela devrait être, « des hommes sages,
» intelligents, sensibles aux misères des pauvres
» et capables de se comporter en vrais tuteurs de
» leurs biens, » tels que le concile de Vienne les
voulait ? Non ; il faudra avant tout être républi¬
cain, ce qui équivaut à ne pas vouloir de Dieu ;
car le but de nos législateurs est de chasser Dieu
de l’asile des pauvres, comme on veut le chasser de
l’enseignement. — L’hôpital est, à sa manière, une
école où le malheureux peut apprendre la rési¬
gnation qui allège les souffrances, et acquérir
l’espérance d’une vie meilleure qui les couronne.
On ne veut pas que le pauvre reçoive cet ensei¬
gnement.
Un mot maintenant sur les Bureaux de bien¬
faisance.
Ils ne sont pas, comme les hôpitaux et les
hospices, un asile pour les pauvres, les malades et
les infirmes ; ils sont des administrations purement
INTRODUCTION.
locales, chargés de concentrer les aumônes de la
charité privée, pour les distribuer à domicile aux
indigents, soit en argent, soit en denrées alimen¬
taires et en vêtements, soit en médicaments, etc.
Les Bureaux de bienfaisance, comme les hôpi¬
taux et les hospices, sont d’origine purement
chrétienne ; mais, plus anciens que les hôpitaux et
les hospices, qui ne datent que du me siècle, ils
remontent aux premiers jours du Christianisme.
Nous trouvons le premier Bureau de bienfaisance
dans le collège des sept diacres, élus et consacrés
par les Apôtres pour prendre soin des pauvres et
leur distribuer les aumônes.
Avant comme après la fondation des hôpitaux et
des hospices, il y eut dans chaque maison épisco¬
pale, dans chaque église, dans chaque monastère,
des distributions régulières d’aumônes de toute
nature. C’était là encore le Bureau de bienfaisance,
mais, comme on le voit, purement ecclésiastique.
Son organisation civile ne remonte qu’à 1642.
A cette date, un édit royal institua les Bureaux des
pauvres. Mais on y admit l’élément religieux. On
comprenait que la majeure partie des biens de ces
établissements provenant de l’Eglise ou de la charité
des catholiques, on ne pouvait éloigner l’Eglise de
leur administration, ni priver le pauvre de son ta-
INTRODUCTION.
teur naturel, qui est le curé dans chaque paroisse.
Il fallait arriver à notre époque pour voir les
pauvres, trésor de l’Eglise, arrachés à son amour
et soustraits à la Sœur de Charité, pour être livrés
à des laïques dont le premier titre à l’honneur de
soigner les pauvres sera d’être républicain. Heu¬
reux encore le pauvre si, pour lui donner droit
aux secours du bureau de bienfaisance, on n’exige
pas de lui la profession de foi républicaine et le
chant de la Marseillaise ! — On en viendra là. Je
pourrais citer une localité où l’on a exigé d’une
pauvre veuve, pour lui continuer une faible ration
de pain, qu’elle retirât son enfant de l’école con¬
gréganiste pour l’envoyer à l’école laïque.
En 1847, M. le baron de Watteville, inspecteur
général des établissements de bienfaisance, fit
un admirable rapport à M. le Ministre de l’in¬
térieur sur le Paupérisme et l’Administration des
secours à domicile, en d’autres termes sur les
Bureaux de bienfaisance. — Nous lui empruntons
les lignes suivantes sur la nécessité de confier aux
Sœurs de Charité le soin de distribuer les secours à
domicile : « Elles seules, dit-il, remplissent réelle-
» ment le devoir de visiter les pauvres. Les laïques
» ne peuvent accomplir ce devoir en tout temps et
» en toutes circonstances. Leur présence, d’ailleurs,
10
INTRODUCTION.
» n’apporte pas au même degré, chez l’indigent,
» ces consolations morales qui accompagnent
» toujours la religieuse. Les seuls Bureaux de
» bienfaisance dont les secours soient vraiment
» efficaces sont ceux où ces dignes femmes les
» distribuent elles-mêmes. Dans l’intérêt du pau-
» vre, dans celui d’une bonne administration, il
» faudrait en instituer partout où le montant des
» ressources permet de subvenir à leurs dépenses.»
Que diront de cela nos modernes législateurs?
Ils trouveront sans doute le baron de Watteville
trop clérical. — Il n’en est pas moins dans le vrai.
Disons, en terminant cette introduction, que la
cause des pauvres et de l’Eglise fut vaillamment
défendue par nos orateurs catholiques à la Cham¬
bre des députés et au Sénat. Mais que peuvent
l’éloquence et la raison devant des juges décidés h
condamner quand même ?
L’Eglise subira la loi, sans toutefois renoncer à
ses droits méconnus. Il est de son devoir de les
revendiquer devant un tribunal dont les décisions
sont encore respectées, devant l’opinion publique.
Le travail que nous allons publier sur les Origines
chrétiennes de nos établissements de bienfaisance
sera la digne protestation de l’Evêque, du clergé
et des catholiques du Périgord.
LES
ORIGINES CHRÉTIENNES
HOPITAUX, HOSPICES ET BUREAUX DE BIENFAISANCE
DU PÉRIGORD
I
Aperçu sur l’Institut de Sainte-Marthe
du Périgord.
PREMIÈRE période : 1643-1800.
L’Institut de Sainte-Marthe ayant la direction de la
plupart des établissements de bienfaisance dont nous
aurons à parler dans ce travail, il convient, avant tout, de
donner un Aperçu, aussi succinct que possible, sur ses
origines et ses développements. Il aura son utilité. Dès lors
que nous aurons bien fait connaître la bonté de l’arbre
religieux, heureusement planté au sein de notre diocèse,
notre lecteur n’aura pas à s’étonner, à mesure que nous
lui en montrerons les fruits, de les trouver si bons, si con¬
formes au goût de notre Mère la sainte Eglise.
'A une époque qu’on ne peut bien préciser, mais peu
12
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
d’années avant 1643, les autorités de la ville de Périgneux
avaient affecté exclusivement aux malades indigents un
local peu spacieux situé près du moulin de Saint-Front,
et lui avaient donné le nom symbolique d 'Hôtel-Dieu.
La ville possédait déjà le Grand-Hôpital pour les malades
de toutes conditions.
Quelques charitables jeunes filles s’étaient vouées spon¬
tanément à soigner les malades de l’Hôtel- Dieu. Bientôt
vinrent se joindre â ces dévouées servantes des pauvres
deux demoiselles, deux sœurs, de la ville d’Angoulême,
Antoinette et Jeanne Juilbard. Depuis longtemps elles dé¬
siraient quitter le monde pour consacrer leur vie au soin
des pauvres et des malades. Pour en faire l’essai, l’Hôtel-
Dieu de Périgueux, où l’on ne contractait aucun engage¬
ment, leur convenait. Elles ne tardèrent pas à acquérir
sur leurs compagnes l’ascendant que donnent toujours
les hautes vertus et devinrent, sinon les supérieures, du
moins les premières entre celles qu'elles considéraient
comme leurs égales. Bientôt elles contractèrent en leur
nom avec les autorités de la ville des engagements qui
les attachaient à la direction de l’Hôtel-Dieu, et en môme
temps Mgr l’évêque de Périgueux les autorisait à vivre en
communauté avec leurs compagnes, et à poser ainsi les
fondements d’une congrégation locale, sous le vocable
de : Sœurs de Sainte-Marthe-du-Pèrigord. C’était une
heureuse inspiration de prendre pour patronne et pour
modèle la glorieuse Hôtesse du Christ, dont elles voulaient
continuer l’office auprès du Sauveur dans la personne
des pauvres.
Ceci avait lieu en l’année 1643. Malgré l’approbation
épiscopale, la règle proprement dite ne fut donnée et
approuvée que sept ans plus tard par M6r Philibert de
Brandon, évêque de Périgueux.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DD PÉRIGORD. 13
Dans son approbation, l’auguste Prélat relevait la
grandeur et la sublimité des œuvres de la nouvelle
Congrégation, les sœurs y faisant vœu de servir Notre-
Seigneur Jésus-Christ dans ses membres souffrants. Cette
règle fut confirmée par les évêques ses successeurs sur le
siège de Périgueux. -,
Le but de la nouvelle Congrégation, après la plus
grande gloire de Dieu, était de s’employer au soin des
malades indigents, en leur rendant tous les services exigés
par leur état. Toutefois il était enjoint par la règle aux
Sœurs de soigner plus spécialement l’âme que le corps
des pauvres, auxquels elles se dévouaient.
Quelques années après la fondation, on joignit d’autres
œuvres à celles qu’on avait eues en vue dans le principe.
Nous aurons lieu d’en parler.
Les Sœurs s’engageaient par des vœux simples, mais
perpétuels, de chasteté et de stabilité, au service des
pauvres malades. Quoiqu’elles ne fissent pas les vœux de
pauvreté et d’obéissance, elles étaient néanmoins obligées
de les observer dans la pratique : la vie commune était
en usage, et un article de la règle disait que les Sœurs ne
devaient posséder rien comme propre et avec attache.
Quand à l’obéissance, la règle disait formellement : que
les Sœurs ne pouvaient sortir ni faire faire le moindre
message sans en avoir obtenu la permission de la supé¬
rieure. Il était dit de plus qu’elles devaient accepter les
emplois sans réplique , à moins que leur conscience n'y
fût engagée. Dans ce cas, elles pouvaient faire leurs obser¬
vations, mais elles devaient être, néanmoins, disposées à
obéir si la supérieure ne trouvait pas à, propos de changer
de détermination.
La Congrégation reconnaissait M^l’évêque de Périgueux
14
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
pour premier supérieur et devait recourir à lui dans les
affaires extraordinaires.
Cette première règle, dont nous ne pouvons rapporter
ici tous les détails., fut toujours conservée sans aucune
modification^'usqu’en 1852, époque de la réunion de
toutes les communautés du diocèse en une seule Congré¬
gation.
Dès le principe, l’aînée des sœurs Juilhard, Antoinette,
fut reconnue pour fondatrice et première supérieure. Les
archives ne font mention d’aucun acte d’agrégation avant
l’approbation donnée par Mer de Brandon. Mais, dès que cette
approbation fut connue, de jeunes personnes, distinguées
par leur naissance et leur piété, aspirèrent à l’honneur de
se ranger sous la bannière de Sainte-Marthe, et à devenir,
sous ses auspices, d’humbles servantes des pauvres. La
première fut la sœur Marthe Dubois. Son acte d’agrégation
est de l’année 1653.
La fondatrice, Antoinette Juilhard, gouverna la Congré¬
gation jusqu’en 1679. Son grand âge ne lui permettant
plus alors de remplir cette charge, elle s’en démit et vécut
encore plusieurs années. Sa vie ne fut qu’une suite de
bonnes œuvres ; elle donna l’exemple de toutes les vertus,
mais une parfaite abnégation fut sa vertu privilé¬
giée. On ne sait pas si la maladie qui l’enleva à l’affec¬
tion de sa communauté fut longue. Ayant reçu tous les
sacrements et la visite de Mer de Francheville, évêque de
Périgueux, elle rendit sa belle âme à son Créateur, le
2 août 1685.
Les religieuses de l’Hôtel-Dieu voulaient garder auprès
d’elles les restes vénérés de leur fondatrice, mais le révé¬
rend Père recteur des Jésuites, qui désirait aussi avoir
cette précieuse relique, obtint de faire les obsèques et la
sépulture de la vénérée Mère dans la chapelle du
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 15
collège, qui était sous la direction des Pères de sa
compagnie.
A la Mère Antoinette Juilhard avait succédé, en 1679,
sœur Anne de Mèredieu, qui fut la première supérieure
élue par les suffrages des religieuses, suivant le mode
prescrit par la règle.
Les archives de la Congrégation nous ont conservé sur
cette seconde supérieure des détails pleins d’intérêt. En
les mettant sous les yeux de la famille actuelle de Sainte-
Marthe, nous lui dirons : Interrogez vos anciennes , les
premières religieuses de votre institut, elles vous instrui¬
ront par de beaux exemples.
Sœur Anne de Mèredieu appartenait à une famille
distinguée, et, de bonne heure, elle avait trouvé en son
cœur l’attrait de la vie religieuse ; c’était l’appel de Dieu.
Son amour pour les pauvres lui avait fait choisir la Congré¬
gation de Sainte-Marthe, mais elle avait rencontré dans
l’affection de ses parents un obstacle à l’accomplisement
de ses désirs. Ce ne fut qu'après des demandes réitérées
qu’elle obtint de commencer ses épreuves dans l’Hôtel-
Dieu de Périgueux, et qu’après un long noviciat qu’elle
reçut le consentement pour l’émission de ses vœux.
Elle avait été une novice fervente, elle fut une religieuse
exemplaire : sa charité était vive, ingénieuse ; les malades
les plus dégoûtants et ceux dont le caractère et l’humeur
étaient les plus difficiles avaient ses préférences. Les
offenses et les injures devenaient des titres pour avoir
des droits à son affection particulière.
Malgré le soin qu’elle mettait à cacher sa vertu, non-
seulement sœur Anne de Mèredieu était regardée comme
une sainte dans la communauté et l’hospice, mais elle
était en vénération dans la ville de Périgueux. Cette
16 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
vénération se manifesta d’une manière éclatante à sa
mort, arrivée en 1698.
- On avait exposé, selon l’usage, le corps de la défunte
dans la chapelle de la communauté. Les habitants de
la ville, de mus les rangs, s’y portèrent en foule. Pour
conserver quelque chose qui eût appartenu à la vénérée
Mère, on enleva la couronne de fleurs qui reposait sur sa
tête, ainsi qu’une partie de ses vêtements, pour s’en par¬
tager les lambeaux. La communauté dut placer des hommes
de garde près du cercueil ; mais, cette précaution devenant
encore insuffisante, on se vit contraint d'enlever ce pré¬
cieux dépôt. Les obsèques furent faites dans la chapelle
de l’Hôtel-Dieu, et le corps fut déposé dans un caveau
qu’on y avait préparé.
Cependant la Congrégation prospérait toujours, et l’on
comptait un nombre plus que suffisant de religieuses pour
l’hospice où elle avait pris naissance. Leur surabondance
et la bonne administration des sœurs dans l’établissement
de l’Hôtel-Dieu inspirèrent aux autorités de la ville la
pensée de leur confier la direction de l’Hôpital-Général,
appelé la Manufacture , situé sur l’emplacement de
l’hôpital actuel. Il était desservi par une ancienne reli¬
gieuse de la Charité, aidée de quelques séculières à titre
de servantes.
Ce fut en l'année 1701, onze ans après la mort d’Anne
de Mèredieu, que les sœurs de Sainte-Marthe s’établirent
à l’Hôpital-Général ; mais elles reconnaissaient pour
maison-mère l’Hôtel-Dieu et dépendaient en tout de la
supérieure de cette maison.
La Congrégation prenait du développement et embrassait
de nouvelles œuvres, ce qu’elle a toujours fait, à mesure
qu’elle a pris plus d’extension. Dix ans plus tard, en 1711,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 17
elle put fonder l’iiôpital de Mussidan, sur la demande des
antorités de cette ville. Nous aurons lieu d’en parler.
Etablies, comme nous venons de le dire, dans l’Hô-
pital-Général, les religieuses de Sainte-Marthe le diri¬
gèrent et desservirent pendant de longues années, à la
grande satisfaction des pauvres et de l’administration
civile. Mais, en 1779, les administrateurs leur ayant
suscité des difficultés, et les Sœurs ne pouvant plus
accomplir le bien qu’elles désiraient faire, il fut arrêté
qu’elles abandonneraient l’Hôpital - Général. Avant de
prendre cette détermination, la supérieure avait demandé
l’avis du premier supérieur, Mgr de Grossolles de Flam-
marens, évêque de Périgueux, et en avait reçu la lettre
suivante :
« Madame, je vois avec peine, par les deux dernières
» lettres que vous m’avez écrites, toutes les tracasseries
» qu’on vous suscite. J’ai reçu en même temps l’arrêté
» pris par MM. les administrateurs de l’Hôpital-Général
» de Périgueux. C’est à vous, Madame, à assembler votre
» communauté, à recueillir les suffrages, et à vous décider
» ensuite à prendre le parti le plus sage et le plus sûr ;
» soyez assurée d’avance que j’approuverai toujours tout
» ce que vous ferez d’accord avec votre communauté.
«Vous me trouverez toujours disposé à donner à
» toutes vos sœurs, et à vous en particulier, des marques
» de mon attachement et à rendre publiquement témoi-
» gnage de tous les services que vous rendez à l’Hôpital-
» Général.
» C’est avec ces sentiments que j’ai l’honneur d’être, etc.»
La résolution prise ne fut pas exécutée, on ne sait pour¬
quoi ; nous trouvons les sœurs de Sainte-Marthe dans
l’Hôpital-Général encore en 1794.
A la révolution de 1789, la Congrégation eut à subir les
2
18
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
conséquences de cette époque de terreur et de crimes.
Elle avait espéré pendant quelque temps que la loi de
proscription ne l’atteindrait pas, mais elle ne tarda pas à
être cruellement désabusée.
On commença par supprimer l’établissement de l’Hôtel-
Dieu et l’on transporta les malades à l’Hôpital-Général.
Les sœurs des deux maisons se réunirent alors et se
fixèrent dans cet hôpital. Elles avaient pu espérer d’y jouir
de quelque sécurité, mais le calme ne fut pas long. Vint
le moment où l’on exigeait des prêtres le serment à la
Constitution. On voulut exiger des sœurs le même ser¬
ment, elles refusèrent. Plusieurs furent mises en réclu¬
sion, on chercha à intimider les autres, mais toutes furent
fermes et constantes dans leur refus, mettant leur repos
et leur vie entre les mains de Dieu.
Une autre épreuve bien pénible leur était réservée : leur
aumônier,- prêtre vertueux et fidèle à l’honneur de son
sacerdoce, fut obligé de fuir ou de se cacher. On lui subs¬
titua un prêtre assermenté ; mais les sœurs refusèrent
constamment d’être en communion avec lui et d’assister
à sa messe.
Elles avaient obtenu de garder le Saint-Sacrement en
cachette, et même, au besoin, de le transporter d’un lieu
à un autre pour le soustraire à la profanation. Elles
eurent le bonheur de garder longtemps ce précieux dépôt,
enfermé dans une petite case pratiquée sur -la tribune de
leur chapelle. Le Dieu fait pauvre ne devait pas abandon¬
ner la maison de ses pauvres.
On peut juger de tout ce que les sœurs eurent à souffrir,
soit pour se procurer le bonheur de recevoir elles-mêmes
les sacrements de Pénitence et d’Eucharistie, soit pour les
faire administrer à leurs malades. Mais, malgré tout ce
qu'elles eurent à supporter de peines et d’ennuis, de pri-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 19
vations spirituelles et corporelles, elles se maintinrent à
l'Hôpital-Général jusqu'en 1794.
A cette époque, nos sœurs de Sainte-Marthe, comme
toutes celles qui ne voulurent point se soumettre à des
exigences que leur conscience repoussait, furent obligées
de quitter leurs établissements et de se retirer dans leurs
familles.
La Congrégation se composait alors, tant à Mussidan
qu’à Périgueux, de trente religieuses ; Congrégation peu
nombreuse encore, mais toute remplie de l'esprit de Dieu.
Avant de clore cette première période de l’existence de
notre Congrégation, nous ferons remarquer l’influence de
la bonne odeur de ses vertus. Plusieurs maisons hospita¬
lières, entre autres celles de Brantôme, de Ribérac et de
Bergerac, se fermèrent à l’instar de Sainte-Marthe de
Périgueux, dont elles prirent le nom et la règle, en con¬
servant toutefois leur indépendance, vivant de leur propre
vie, ayant chacune son noviciat pour s’alimenter et se
perpétuer. Nous aurons à raconter leurs origines.
La Congrégation de Sainte-Marthe d’Angoulême fut
aussi une fille de Sainte-Marthe de Périgueux, et se
forma sur le modèle de sa mère. Les deux premières reli¬
gieuses de cette Congrégation firent leur noviciat à l’Hôtel-
Dieu de Périgueux , attirées sans doute par la bonne
renommée des deux sœurs Antoinette et Jeanne Juilhard,
originaires, comme elles, d’Angoulême. Mais Sainte-
Marthe d’Angoulême ne fut jamais unie que par les liens
de la charité à Sainte-Marthe de Périgueux ; elle conserva
toujours son indépendance.
seconde période : 1800-1852.
Dès que les circonstances le permirent, en 1800, celles
des religieuses de Sainte-Marthe qui avaient survécu à
20
LES ORIGINES CHBÉTIENNES
l’orage révolutionnaire et qui ne furent pas retenues par
des infirmités, au nombre de six seulement, s’empressè¬
rent de reprendre leur poste auprès de leurs chers mala¬
des. Elles y furent même invitées par les autorités de
Périgueux, qui, à la manière dure et peu charitable dont
les pauvres étaient traités par les infirmiers mercenaires,
avaient pu se convaincre on commence à l’oublier
aujourd'hui — que la religion seule peut enfanter des
âmes dévouées, prêtes à s’immoler à chaque instant pour
le salut et le soulagement de leurs frères, pauvres et
malheureux. On aura beau creuser dans le laïcisme, on
n’en fera pas sortir une sœur de charité, un frère de
Saint-Jean-de-Dieu, un Vincent-de-Paul.
Les saintes et dévouées filles de Sainte-Marthe éprouvè¬
rent une indicible joie d’être rappelées et de pouvoir
reprendre les œuvres auxquelles, sous l’inspiration divine,
elles avaient consacré leur vie. Mais en quel étal, et nous
livrons ceci aux réflexions de nos modernes réformateurs,
en quel état vont-elles retrouver l’asile des pauvres
qu’elles avaient laissé si bien pourvu de tout ? Sous la
direction des mercenaires qui les avaient remplacées, tout
avait été dévasté ou pillé; c’était le dénûment le plus
complet. Il n’y avait pas même le linge de première néces¬
sité, à tel point que les sœurs furent obligées, pendant
quelque temps, de se servir de leur propre linge pour
changer les malades. Si elles étaient rentrées avec une
grandejoie, parce qu’on leur avait dit : Vous allez revenir
dans la maison de Dieu, la maison de vos pauvres, après
le triste inventaire de tant de misère, fait dès la première
heure, elles sentirent un moment leur courage défaillir.
Mais bientôt, tombant à genoux devant une image de la
Sainte-Vierge que l’une d’elles avait apportée, elles se
mettent sous la protection de la Mère du Dieu fait pauvre,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 21
et se relèvent pleines de confiance et prêtes à tout entre¬
prendre pour la gloire de Dieu et le bien-être de leurs
chers pauvres.
Parmi les religieuses qui rentrèrent à l’hôpital en 1800,
nous devons citer la sœur Lamy ou Marie Lapeyrière. Le
Dictionnaire des ordres religieux a, sur cette sœur, une
belle page dont la lecture fera plaisir à nos religieuses
actuelles de Sainte-Marthe. Gomme nous l’avons déjà dit,
il est toujours utile d’interroger les ancêtres.
« La sœur Lamy était une de ces âmes privilégiées qui
» ne veulent que connaître la volonté de Dieu, pour l’ac-
» complir de toute la force de leur volonté. Bien jeune
» encore, se sentant appelée à la vie religieuse, mais
» n’ayant d’attrait prononcé pour aucune communauté,
» elle en visita plusieurs à Périgueox. Croyant connaître
» assez clairement que Dieu la voulait dans la Congréga-
» tion de Sainte-Marthe, elle n’hésita pas, elle y entra et
» fit profession en 1783.
» Lors de la Révolution, elle montra un courage, une
» énergie dont on ne l’aurait pas crue capable, elle tou-
» jours si douce, si timide I Mais que ne peuvent pas les
» âmes quand elles sont revêtues de la force et de la vertu
» d’en haut ?
» La vertu caractéristique de cette religieuse était une
» douceur inaltérable, mais qui n’ôtait rien à sa fermeté.
» A cette douceur étaient jointes une aimable simplicité
» qui ne soupçonnait jamais le mal, et une charité active
» et sans bornes. Elle supportait les mauvais procédés
» avec une patience angélique, et avait une admirable
» éloquence pour persuader aux autres la pratique de
» cette vertu. On peut dire qu’en la voyant on se sentait
» attiré vers elle, mais de cet attrait qui incline vers tout
» ce qui est bien.
22
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» Si cette sœur se montra une des plus fermes au
» moment du danger, elle ne se montra pas moins ardente
» à réparer les désastres causés dans l’hôpital par les
» agents de la révolution. A toutes les vertus elle joignait
» une piété tendre et ardente ; aussi mit-elle tout en
» œuvre pour remettre en bon état la chapelle de l’hos-
» pice. Tout manquait, mais elle se mit en quête et obtint
» des autorités les objets d’art épargnés par la fureur
» révolutionnaire dans les chapelles des communautés
» qui n’étaient pas rétablies.
» Combien de fois, après des journées laborieuses
» passées près du lit des malades et des mourants, a-t-elle
» travaillé bien avant dans la nuit pour l’ornement de la
» maison du Dieu trois fois saint ! Et son travail contri-
» buait non-seulement au culte du Seigneur, mais elle en
» recevait souvent une rétribution qui lui aidait à pro-
» curer aux pauvres les choses les plus indispensables.
» Cette religieuse fut élue quatre fois supérieure, et
» pendant les douze années de sa supériorité, elle fut
» toujours égale à. elle-même, toujours bonne, douce et
» complaisante. Jamais une parole aigre ne sortait de ses
» lèvres ; ses réprimandes et corrections étaient toutes
» imprégnées de cette mansuétude chrétienne qu’elle
» avait puisée dans le cœur du Dieu de charité.
» Cette vénérée Mère mourut le 8 mars 1842, à la
» quatre-vingt-deuxième année de son âge, munie des
» Sacrements de l’Eglise, pleine de jours et de vertus,
» laissant après elle une grande réputation de sainteté. »
Nous avons laissé nos chères religieuses reconstruisant
pour ainsi dire l’asile des pauvres, et réparant les dégâts
causés par l’orage révolutionnaire. En peu d’années elles
eurent rendu à l’hôpital de Périgueux sa prospérité pre¬
mière, et elles continuèrent à le diriger, à la grande satis-
23
B ES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
faction des administrateurs et pour le bien-être des pau¬
vres et des malades, jusqu’à la révolution de 1830.
Ici commence une ère de nouveaux revers pour la Con¬
grégation de Sainte-Marthe.
A cette époque, l’administration de l’hôpital de Péri-
gueux fut entièrement changée. Elle fut composée d’hom¬
mes peu bienveillants à l’égard des religieuses, mécon¬
naissant les services qu’elles avaient rendus, qu’elles
rendaient encore tous les jours, et le dévouement qu’elles
apportaient à l’accomplissement de leur œuvre. Ils leur
suscitèrent mille tracasseries. Une des plus graves fut de
vouloir limiter le nombre des sœurs, ce qui leur ôtait la
possibilité d’admettre de nouveaux sujets, et par consé¬
quent de prendre de l’extension, la Congrégation n’ayant
pas de noviciat indépendant de l’hôpital.
Il fallut se prémunir contre cette mauvaise volonté des
administrateurs, et, sans beaucoup de ressources, mais
comptant sur la Providence qui ne fit pas défaut, on
acheta à Saint-Léon-sur-l’Isle un petit local où l’on, plaça
provisoirement quelques novices que l’on avait reçues à
l’hôpital.
Mais les administrateurs n’en poursuivirent pas moins
leur persécution, espérant lasser la patience des sœurs et
les obliger à demander elles-mêmes à se retirer. C’est ce
qu’elles firent. En novembre 1835, avec l’approbation des
supérieurs ecclésiastiques, elles abandonnèrent l’hôpital
de Périgueux et se retirèrent les unes à Saint-Léon-sur-
l’Isle, et les autres, au nombre de cinq, allèrent à Beau¬
mont, où depuis longtemps elles étaient demandées pour
y diriger un petit hospice et une maison d’éducation.
Avec les revers s’ouvrit une ère nouvelle pour la
Congrégation. Plusieurs petites villes du diocèse récla¬
mèrent des sœurs de Sainte-Marthe pour soigner leurs
24
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
pauvres- et élever chrétiennement leurs enfants. De ce
nombre fut d’abord Thiviers, où trois religieuses furent
envoyées en 1836 pour diriger un hospice et y faire une
classe gratuite, et, peu de temps après, le Bugue pour
fonder un établissement semblable à celui de Thivièrs.
D’autres maisons se fondèrent successivement, les reli¬
gieuses conservant toujours le lien commun qui les
attachait ensemble, sous la direction d’une même supé¬
rieure.
Sorties de Périgueux dans les conditions que nous
venons de dire, les sœurs de Sainte-Marthe conservèrent
l’espoir d’y rentrer ; elles piîrent le réaliser sous l’admi¬
nistration de Mgr Gousset. L’illustre prélat, arrivé à
Périgueux en 1837, n’eut pas plutôt pris connaissance de
ce qu’avait eu à souffrir la Congrégation de Sainte-Marthe,
qu’il compatit à ses peines et lui témoigna toujours le
plus grand intérêt. Sa Grandeur jugea qu’avec le déve¬
loppement que prenait cette Congrégation dans le diocèse,
il lui fallait dans sa ville épiscopale la maison principale,
la maison dirigeante, la maison-mère. L’occasion se
présenta. Les religieuses de la Visitation ayant fait bâtir
une nouvelle communauté, désiraient céder leur ancienne
maison, située à la porte-sud de Saint-Front. Mgr Gousset
conseilla aux religieuses de Sainte-Marthe d’en faire
l’acquisition. Elles en prirent possession au mois de
novembre 1839, y transportèrent leur noviciat de Saint-
Léon et en firent leur maison-mère.
Peu de temps après, Périgueux ne possédant pas de
salle d’asile, elles en fondèrent une dans leur propre
maison avec le concours de l’autorité municipale. Cette
salle est encore la seule qui existe dans la ville, et elle
réunit tous les jours près de 150 enfants de la classe
indigente.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 25
Un peu plus tard, en 1846, la ville voulant avoir un
dépôt de mendicité, ou plutôt un hospice de vieillards ou
d’incurables, elle en confia la direction aux sœurs de
Sainte-Marthe. Là, comme ailleurs, elles remplirent leur
tâche avec autant de zèle que de dévouement.-
Outre ces établissements, la maison de Périgueux avait
pu, vers la même époque, fournir trois religieuses au
petit séminaire de Bergerac et deux au lycée de Périgueux,
chargées du soin de l’infirmerie et de la lingerie.
A Mgr Gousset avait succédé sur le siège de St-Front
Mgr George, de pieuse et apostolique mémoire. Ce prélat,
non-seulement continua l’intérêt et la bienveillance de
son prédécesseur envers la Congrégation de Ste-Marthe,
mais nous pouvons dire qu’il en fut le réformateur ; les
annales de la Congrégation ne lui refuseront pas ce titre.
Nous avons à raconter ici un des actes qui honorent le
plus l’épiscopat de Mgr George, et bien certainement le
fait le plus important de l’histoire de Sainte-Marthe.
Nous avons dit que plusieurs maisons religieuses du
diocèse avaient pris et suivaient la règle de Sainte-Marthe
de Périgueux et en portaient le nom, quoique indépendan¬
tes de cette Congrégation. De ce nombre étaient les reli¬
gieuses des hospices de Bergerac, Ribérac et Brantôme,
et les religieuses des couvents d’Eymet et de Monpazier.
En outre, trois autres communautés, suivant une règle
très peu différente mais s’appliquant aux mêmes œuvres,
existaient dans le diocèse; c’étaient les religieuses de
l’hôpital de Sarlat, sous le patronage de saint Alexis, et
les deux communautés de la Miséricorde de Bergerac,
l’une dans la ville et l’autre dans le bourg de la Made¬
leine. Ces trois maisons étaient aussi indépendantes.
Parmi ces diverses communautés vouées à peu près aux
mêmes œuvres, quelques-unes avaient peine à se soutenir
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
faute de sujets. L’isolement leur était funeste. Il fallait
qu’un lien les attachât les unes aux autres en mettant en
commun et les intérêts spirituels et les intérêts matériels ;
et ce lien devait s’attacher lui-même à un centre fécond
d’où partirait la vie. Ce centre pouvait se trouver dans
Sainte-Marthe de Périgueux.
Cette communauté venait d’être reconnue par le gou¬
vernement comme Congrégation à supérieure générale, et
pouvait par conséquent faire des fondations en leur don¬
nant l’existence légale. La vie religieuse y surabondait
et ne demandait qu’à s'écouler pour apporter la fécondité
dans les maisons dont la stérilité faisait prévoir la chute.
L’état de ces maisons — les neuf que nous avons déjà
nommées — avait attiré l’attention et provoqué la solli¬
citude pastorale de Mgr George. Pressé d’un autre côté
par les prescriptions du concile de Bordeaux, Sa Gran¬
deur nourrissait depuis longtemps le projet de former de
toutes ces maisons une seule Congrégation, sous la direc¬
tion d’une supérieure générale, en s’aidant des éléments
que lui offrait Sainte-Marthe de Périgueux. Pour atteindre
ce but, une fusion complète était nécessaire, et, pour
l’entreprendre et la conduire à bonne fin, il ne fallait pas
moins que toute l’énergie de Mgr George.
Le projet fut d’abord communiqué à chaque commu¬
nauté pour être sérieusement médité devant Dieu et la
conscience de chaque sœur ; puis toutes les religieuses
furent convoquées pour deux retraites données successi-
ment au Petit-Séminaire de Bergerac.. Là, avec cette élo¬
quence persuasive qui lui était propre, le Prélat exposa
et développa son plan d’une Congrégation générale, et il
eut bientôt porté la conviction'dans toutes ces âmes, déjà
bien préparées par la faveur de la retraite. Il fallut
cependant faire des concessions aux ^plus âgées, à celles
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 27
qui avaient « pris leurs engagements sacrés avant le
concile de Bordeaux ».
Quoique bien fixé sur les dispositions des sœurs pré¬
sentes à ces retraites, Mgr George ne voulut cependant
rien précipiter ; un temps non déterminé fut accordé pour
que chaque maison dressât, après mûr examen, son acte
d'adhésion à la Congrégation générale. Toutes se hâtèrent
de l’envoyer. Et, dès ce moment, la nouvelle Congrégation
était fondée ; il ne restait plus qu’à l’organiser. On com¬
mença par le noviciat, pour lequel les filles de Sainte-
Marthe de Périgueux voulurent bien mettre à la disposi¬
tion de Mgr l’évêque non-seulement le personnel, mais
encore le local et le mobilier nécessaires.
Le siège de la nouvelle Congrégation fut donc fixé à
Sainte-Marthe de Périgueux, sous la direction de la supé¬
rieure, et, deux ans plus tard, Mgr George, dans une
lettre que nous avons sous les yeux, crut devoir exprimer
sa « reconnaissance aux religieuses de cette maison pour
les sacrifices qu’elles s’étaient imposés comme pour la
bonne direction qu’elles avaient réussi à donner au nou¬
veau noviciat ».
Mais cette maison de Sainte-Marthe se trouva bientôt
insuffisante pour le noviciat et la maison-mère d’une
grande congrégation. Dès le début, les mesures avaient
été prises pour l’achat du vaste terrain où fut bâti le local
occupé actuellement par la Congrégation, à côté de l’église
de la Cité.
Il fallut procéder ensuite à l'élection de la supérieure
générale ; le choix ne pouvait être douteux ; tous les suf¬
frages se portèrent sur la sœur Marie-Rose Pichon, supé¬
rieure depuis treize ans de Sainte-Marthe de Périgueux,
et supérieure générale provisoire depuis la fondation du
nouveau noviciat.
28 LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC,
Par leur acte d’agrégation à la Congrégation générale,
les sœurs de Sainte- Marthe de Périgueux s’étaient réservé
le droit d’élire leur supérieure comme elles l’avaient fait
jusqu’alors. Après la mort de la Mère Rose Pichon, au
mois d’avril 1857, elles nommèrent la sœur Lataille pour
la remplacer comme supérieure de leur communauté.
Cette maison ayant été reconnue par le gouvernement
comme Congrégation à supérieure générale , ainsi que
nous l’avons déjà dit, on profita de ce titre pour donner
une existence légale à la nouvelle Congrégation, et c’est
en vertu de ce titre qu’elle exerce aujourd’hui tous ses
actes civils.
On le voit, l’Esprit de Dieu a soufflé, et la vie est des¬
cendue de Sainte-Marthe sur ces communautés, qui se
mouraient dans leur isolement, et en a fait une œuvre
féconde en précieux résultats pour la gloire de Dieu et le
bien des âmes.
A Domino factum est istud et est mirabile in oculis
nostris 11!
II
Hôpital de Mussidan.
L’origine chrétienne de l’hôpital de Mussidan n’est
pas douteuse. Ici, comme à l’origine de tous nos établis¬
sements de bienfaisance, la charité chrétienne se montra
par de nombreuses et fécondés donations.
En l’année 1650, le duc de Laforce commença l’œuvre
de cet hôpital . Il lit rédiger en forme d’acte public la
manière de l’administrer. Il est à regretter que ce premier
règlement ne nous ait pas été conservé. Les recherches
du vénérable doyen de Mussidan pour en découvrir quel¬
ques vestiges ont été sans résultat.
Peu d’années après,. M. Bessine Delort, originaire de
Mussidan, chirurgien ordinaire de Louis XIV, donna à
cet hospice par testament la somme de 62, 262 francs. Ce
legs üt conférer à l’établissement une existence légale par
un arrêt du parlement de Paris du 27 août 1693.
Une autre libéralité, à peu près de la même impor¬
tance, futla cause que l’on confia la direction de l’hospice
aux religieuses de Sainte-Marthe de Périgueux. M. Delage,
curé de Saint-Médard-de-Mussidan, fit don à l’hospice de
30
LES ORIGINES CHRETIENNES
cette ville, par testament en date du 18 février 1701,
d’une métairie appelée Villedieu qui, après plusieurs
■échanges, produisit plus tard un capital de 50,000 francs.
Il en donnait l’usufruit à sa nièce, Gabrielle Delage,
religieuse de Sainte-Marthe de Périgueux, et mettait pour
condition « que deux religieuses de cette congrégation, et
» un plus grand nombre, s’il le fallait, seraient appelées
» à diriger ledit hôpital, l’une pour y soigner les pauvres,
» et l’autre pour y diriger une école gratuite en faveur
» des filles de Saint-Médard-de-Mussidan.»
Cette condition était trop à l’avantage de l’hôpital pour
ne pas être acceptée par ses administrateurs, qui se
hâtèrent de faire la demande de deux religieuses à la
communauté de l’Hôtel-Dieu de Périgueux. Les deux
religieuses, Gabrielle Delage, nièce du curé bienfaiteur,
et Catherine de Vatiné, furent envoyées, mais seulement
à titre provisoire et sans autres conditions que de faire
un essai de trois ans avant de contracter aucun
engagement. Il y eut cependant pour ce provisoire un
traité passé entre les administrateurs de l’hôpital et la
supérieure de l’Hôtel-Dieu, portant l’approbation de M«r
l’évêque de Périgueux, premier supérieur de Sainte-
Marthe. Ceci avait lieu en 1711.
L’essai ne devait être que pour trois ans ; il se pro¬
longea jusqu’au 22 du mois de juin 1717, et ayant réussi,
à la satisfaction de toutes les parties intéressées, on
voulut à cette époque établir l’œuvre sur des bases so¬
lides, ce qui donna lieu au traité définitif, liant pour
toujours les parties contractantes. Il fut précédé d’une
délibération de la communauté en date du 17 juin de
la même année, prise par devant notaire. Elle mérite
d’être transcrite ici en son entier, ne serait-ce que pour
conserver et perpétuer le souvenir des sages mesures que
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETO., DU PÉRIGORD. 31
prenaient autrefois les congrégations religieuses lorsqu’il
s’agissait de quelque acte important.
« Aujourd’hui dix-septième juin mil sept cent dix-
» sept, avant midi, en la ville de Périgueux et dans la
» salle de l’hôpital Sainte-Marthe de ladite ville, par
» devant le notaire royal soussigné, présents les témoins
» ci-après nommés, ont été présentées et capitulairement
» assemblées, demoiselles Madeleine Juilhard (1), Anne
» de Froidefond, Jeanne Debrousse, Léonarde Gueydon
» de Dive, Catherine de Soulem, Luce Parade, Anne
» Solier, Catherine Martel et Rose de Foidefond, toutes
» sœurs servant les pauvres du présent hôpital Sainte-
» Marthe, capitulairement assemblées au son de la
» cloche au lieu et maison accoutumés, faisant tant pour
» elles que pour demoiselles Léonne Clergeaud, mère
» supérieure, Gabrielle Delage et Catherine de Yatiné,
» absentes, étant actuellement en la ville de Mussidan,
» toutes composant la présente communauté ; lesquelles
» de leur gré ont donné plein pouvoir et puissance à
» ladite mère Léonne Clergeaud, supérieure, de pour et
» au nom de la présente communauté, passer contrat
»• avec messieurs les déflniteurs de l’hôpital établi dans les
» faubourgs de la ville de Mussidan, et s’obliger au nom
» de la présente communauté à donner et fournir deux
» filles d’entr’elles ou plus grand nombre si la nécessité
» le requiert, pour continuer à toujours et à perpétuité
» leurs soins et services aux pauvres dudit hôpital de
» Mussidan, et à faire tenir école pour l’instruction des
» personnes de leur sexe des deux paroisses de Saint-
» Georges et de Saint-Méard-de-Mussidan ; à condition
» qu’il leur sera donné un logement dans ledit hôpital,
(1) Elle étail nièce des deux fondatrices Antoinette et Jeanne Juilhard.
32 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» qui leur soit convenable et pour faire leurs écoles et
» pour loger les malades qui leur seront envoyés, et qu’il
» sera fourni le linge, ustensiles, meubles et aliments
» nécessaires auxdits pauvres. Et pour ce q\ii est du
» payement de la rétribution du chapelain requis par
» lesdites demoiselles, il y sera pourvu par lesdits sieurs
» administrateurs dudit hôpital, de même qu’à l’égard
» des frais des médecins et chirurgiens, pour les remèdes
» qu’ils exposeront pour les pauvres dudit hôpital ; et en
» ce que lesdites filles ne pourront être contraintes de
» recevoir audit hôpital des femmes enceintes pour y faire
» leurs couches, ni maladie incurable; etquepourlanour-
» riture et entretien desdites filles dans ledit hôpital, lesdits
» sieurs administrateurs leur fourniront et assigneront
» de pension annuelle et perpétuelle la somme de trois
» cents livres, ensemble de celle de trente livres pour les
» ornements nécessaires de la chapelle dudit hôpital, pour
» les cierges qu’il y conviendra, et même pour le blan-
» chissage desdits pauvres; lesquelles deux sommes jointes
» ensemble feront celle de trois cent trente livres ; en
» payement de laquelle somme lesdits sieurs adminis-
» trateurs donneront auxdites filles la jouissance de la
» métairie de la Villedieu,, léguée audit hôpital par feu
» M. Delage, curé de ladite paroisse de Saint-Méard ;
» dans laquelle jouissance demeurera comprise la somme
» de deux cent cinquante livres de pension, que ladite
» Mère Delage a pendant sa vie sur ladite métairie de
» Villedieu, et par elle faisant état audit hôpital, et leur
» rendant compte du surplus de ladite métairie qui se
» trouvera excéder la somme de trois cent trente livres ;
» comme aussi en cas d’insuffisance dudit revenu
» qui pourrait survenir par cas fortuit ou accidents
» imprévus pour faire ladite somme de trois cent trente
DES HÔPITAUX , HOSPICES, ETC., DÜ PÉRIGORD. 33
» livres, lesdits sieurs définiteurs seront obligés d’y
» suppléer par d’autres revenus dudit hôpital ; et pour
» raison de tout ce que dessus contracter avec lesdits
» sieurs définiteurs, obliger tous les biens temporels de
» la présente communauté ; et généralement faire par
» ladite Mère Glergeaud, supérieure, tout ce qu’elle
» jugera à propos, promettant d’avoir pour agréable,
» tenir et entretenir et même ratifier, si besoin est, ce qui
» par ladite Mère Glergeaud sera, et l’en relever idem,
» le tout aux peines portées de droit sans obligation de
» tous les biens temporels de la présente communauté, à
« quoi de leur consentement ont été condamnées sous
» le scel royal. En présence de Pierre Loubit et Jean Ri-
» bette, praticiens, habitants de ladite ville, qui ont signé
» avec lesdites constituantes. Ainsi signé à l’original des
» présentes : M. Juilhard, A. de Froidefond, J. Debrousse,
» sœur de Dive, sœur de Loulem, sœur de Parade, Dusso-
» lier, G. Martel, Rose de Froidefond, Loubit présent,
» Ribette présent et Rousseau, notaire royal. Conno à Pé-
» rigueux, le dix-septjuin mil sept cent dix-sept. Signé :
» Mauraguier, pour onze sols. »
Ce fut en vertu de cette délibération ou plutôt de cette
délégation que fut passé, le 22 juin 1717, par devant no¬
taire, entre les administrateurs et la Mère Glergeaud,
supérieure de Sainte-Marthe de Périgueux, l’acte authen¬
tique qui établissait à toujours à l’hôpital de Mussidan les
religieuses de Sainte-Marthe.
Nous ne croyons pas nécessaire de transcrire ici cet
acte, qui reste déposé aux archives de Sainte-Marthe, à la
disposition de quiconque voudrait le consulter. Il n’est
d’ailleurs que la reproduction des clauses énoncées dans
la délégation que nous venons de rapporter. 11 ne sera
pas, néanmoins, sans intérêt de noter ici, pour souvenir,
34
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
que parmi les définiteurs ou administrateurs qui con¬
courent à cet acte, nous trouvons deux prêtres : «Messire
» Bernard Spéré, docteur en théologie, prêtre et curé de la
» paroisse de Saint-Georges de la ville de Mussidan, et
» messire Jean Vatiné, docteur en théologie, prêtre et curé
» de la paroisse de St-Méard dudit Mussidan. » Les noms
des autres administrateurs méritent aussi d’être con¬
servés. N’auraient-ils d’autre titre que celui d’avoir ap¬
pelé des religieuses pour la direction de l'hôpital, ils
doivent en être considérés comme les bienfaiteurs.
C’étaient : « M. maître Isaac, de Latanet, avocat en la
» cour et juge civil et criminel de la ville et juridiction du-
» dit Mussidan ; maître Pierre Guibert, procureur d’office
» dudit Mussidan, habitant ladite ville ; Pierre de Bacha-
» retie, écuyer, sieur de Beaupuy, habitant des faubourgs
» dudit Mussidan, tous président et définiteurs del’hôpital
» dudit Mussidan, et André Pinquet, syndic dudit hôpital,
» habitant desdits faubourgs. »
Par suite de ce traité, les deux sœurs de Sainte-Marthe,.
Gabrielle Delage et Catherine de Vatiné, qui avaient déjà
la direction de l’hôpital de Mussidan, y continuèrent leur
œuvre et y furent remplacées successivement par d’autres
aux mêmes conditions.
Mais à mesure que l’œuvre marchait, elle se développait.
De nouvelles salles furent préparées pour recevoir les ma¬
lades, et bientôt l’augmentation du travail obligea l’admi¬
nistration à augmenter le nombre des religieuses. Elles
étaient au nombre de cinq lors de la révolution de 1793.
A cette époque de triste mémoire, les religieuses de
Mussidan, comme celles de toutes les autres communautés,
furent obligées de quitter leur établissement et de se ré¬
fugier dans leur famille. Mais, dès que l’orage révolution¬
naire fut apaisé, celles qui avaient survécu s’empressèrent
35
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
de rentrer et de reprendre leur œuvre de charité et de
bienfaisance. De ce nombre était sœur Marie-Marthe de
Montozon, dont la mémoire sera longtemps en vénération
dans la ville de Mussidan. « Elle appartenait à une fa-
» mille honorable du Périgord et avait fait profession en
» l’année 1784.
» Peu après sa profession, elle avait été envoyé àMussi-
» dan ; elle y était encore lorsque éclata la révolution. Sa
» constance et sa fermeté lui valurent les honneurs de la
» réclusion, où elle fut détenue pendant six mois et, néan-
» moins, elle ne quitta jamais entièrememt le costume reli-
» gieux. Rentrée à l’hôpital de Mussidan, elle ne recula
» devant aucune peine pour réparer les dégâts que larévo-
» lution y avait causés.
» Cette religieuse était assez habile pharmacienne : aussi
» venait-on souvent de loin la consulter et lui demander
» des remèdes qu’elle ne refusait jamais. Qni pourrait énu-
» mérer les plaies, les ulcères qu’elle a pansés et guéris
» pendant les soixante-huit ans qu’elle a habité Mussidan ;
» les misères de tous genres qu’elle a adoucies, les secours
» qu’elle a donnés ? Aussi à sa mort, arrivée en mars 1853,
» la population tout entière fit-elle éclater ses regrets, et
» témoigna-t-elle publiquement la vénération qu’elle avait
» pour cette religieuse.
» Le jour où le corps de cette chère Mère fut exposé dans
» la chapelle de l’hospice, on eût dit un jour de fête, tant
» l’affluence était grande. On venait entourer ce cercueil et
» contempler ces restes vénérés ; on se trouvait heureux de
» voir encore une fois celle qui avait été si bonne, si cha
» ritable pour tous.
» Pendant le convoi funèbre, la foule était si compacte,
» que les sœurs ne pouvaient se tenir à leurs places. De
» jeunes filles vêtues de blanc se succédaient à chaque
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» instant pour avoir l’honneur de porter, ne fût-ce que
» l’espace de quelques pas, ce précieux dépôt à la sépul-
» ture. Sœur Marthe de Montozon était âgée de 94 ans. »
Nous devions inscrire ici le nom de cette vénérable
religieuse, dont l’hôpital de Mussidan conservera le sou¬
venir.
Ayant repris, après la révolution, la direction de cet
hôpital, les sœurs de Sainte-Marthe de Périgueux conti¬
nuèrent à le diriger sans rien changer aux conditions qui
avaient été réglées par le traité de 1717.
Cet état de choses dura jusqu’à l’année 1850. A cette épo¬
que, l’administration proposa aux sœurs un nouveau traité
qui fut débattu, adopté de part et d’autre et approuvé par
le préfet et le ministre de l’intérieur.
Ce traité, quoique renfermant quelques clauses oné¬
reuses aux religieuses, et d'autres susceptibles d’interpré¬
tations contradictoires, fut cependant rais à exécution et
observé jusqu’au moment où l’administration voulut an¬
nexer à l’hôpital la fondation d’une classe payante, c’est-
à-dire jusqu’à la fin des vacances de 1857. M“« Piotay avait
donné pour cette fondation la somme de mille francs.
A cette époque, une nouvelle sœur fut envoyée à Mus¬
sidan ; mais, comme le nombre des élèves fut bientôt
assez considérable pour exiger le soin de deux religieuses,
la congrégation profita de cette circonstance pour deman¬
der à l’administration la modification du traité de 1850
et la rédaction de certains articles en des termes plus
clairs et plus précis.
La demande de la supérieure, au nom de la congréga¬
tion, fut d’abord assez mal accueillie par l’administra¬
tion. Il s’en suivit une discussion qui dura plus de six
mois. On finit enfin par s’accorder et un nouveau traité
eut lieu le 5 octobre 1858, qui portâtes clauses suivantes :
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 37
1° Le nombre des sœurs valides est fixé à cinq, dont
deux pour la classe payante ;
2° Ce nombre pourra être porté à six sur la demande de
la commission administrative et si les besoins l’exigent ;
3° Les sœurs seront logées, meublées, nourries, etc.,
aux frais de l’établissement ;
4° Chaque sœur valide recevra une indemnité de cent
francs par an pour frais de vestiaire, d’entretien, etc.;
5° La congrégation aura le droit de laisser dans l'éta¬
blissement, comme reposante , une sœur âgée ou infirme
qui comptera dix années de service dans la maison.
En 1867, le conseil municipal de Mussidan, ayant voulu
fonder une école communale de filles, fit la demande
d’une septième religieuse pour diriger cette école. La
demande fut favorablement accueillie, et une religieuse
de Sainte-Marthe fut nommée institutrice communale,
résidant à l’hospice aux mêmes conditions que les autres
religieuses.
L’œuvre du conseil municipal de 1867 a fonctionné à la
grande satisfaction des familles jusqu’en 1878.
Le nouveau conseil municipal, ayant pour président un
étranger, n’a pas jugé qu'il fût convenable à sa dignité
républicaine de conserver à des religieuses la direction
d’une école communale. Mais les bonnes sœurs, peu res¬
pectueuses des susceptibilités républicaines, ont remplacé
l’école communale par une école libre, plus florissante
aujourd’hui que n’était leur école communale.
Les religieuses de Sainte-Marthe, au nombre de sept,
dirigent encore l’hôpital de Mussidan; mais la commission
administrative a été entièrement renouvelée. Là, comme '
ailleurs, on ne peut être bon administrateur du bien des
pauvres si l’on n’est pas républicain. Le vénérable M. de
Vassal, qui, depuis près de quarante ans, prêtait son
38 LES ORIGINES CHHÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC.
concours dévoué et généreux aux deux administrations
de l’hôpital et du Bureau de bienfaisance, vient d’en être
indignement exclu. Le prêtre n’a pu obtenir grâce devant
l’étranger qui règne à Mussidan, ni devant M. le préfet de
la Dordogne (1).
(1) Cette Notice était imprimée dans la Semaine religieuse du iO jan¬
vier 1880. Depuis cette époque, Mussidan a eu à déplorer la perte de
M. de Vassal, décédé le 2 juin 1881. Son successeur, M. l’abbé Pou-
meau, précédemment curé-doyen de Sainte-Aulaye, n’a pu résister au
laïcisme envahisseur, et les religieuses, coupables d’avoir une école libre
plus florissante que l’école laïque , ont reçu ordre de ne plus faire la
classe dans les dépendances de l’hôpital, nonobstant la volonté formelle
des donateurs. C’est l’équité de la force brutale.
III
Hôpital de Ribérac.
Un acte notarié, en date du 23 janvier 1768, et dont une
copie est déposée dans les archives de l’hôpital de Ribé¬
rac, fait connaître d’une manière bien précise l’origine et
la fondation de cet établissement. L’origine chrétienne
ne saurait être mieux caractérisée. Cet acte est ainsi conçu :
« Par devant les notaires royaux en la sénéchaussée de
» Périgueux, résidant dans la ville de Ribérac, soussi-
» gnés, furent présentes demoiselles Marie et autre Marie
» Moulin, sœurs germaines, filles légitimes de défunt
» Annet Moulin, sieur de Lachaume, et de Suzanne de
» Lachèze, demoiselle Dirif, habitantes de cette ville, dans
» leur maison, et occupées depuis vingt-un ans environ
» à recevoir et héberger les pauvres malades, à les soigner,
» à leur fournir des remèdes, et à l’instruction des jeunes
» filles.
» Lesquelles nous ont dit qu’ayant toujours été touchées
» de voir que, dans la ville de Ribérac, qui est peuplée et
» commerçante, il n’y avait aucun établissement de cha-
» rité ni pour le soulagement des pauvres malades, ni pour
» l’instruction et éducation des jeunes filles, ce qui faisait
» que lespauvres malades, tant de la ville que du voisinage,
40 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» étaient sans aucun secours de nourriture et de remèdes
» dans leurs maladies, mouraient en grand nombre, lors-
» qu’ils auraient pu être conservés à l’Etat , et mouraient
» souvent sans secours spirituels et sans sacrements ; que
» les soldats de Sa Majesté étant en route et arrivant ma-
» lades à Ribérac y • ont reçu des soulagements ; elles
» avaient conçu le dessein depuis longtemps de se consa-
» crer elles-mêmes et leurs biens à ces deux objets de
» charité ; qu’en conséquence, depuis le temps dit, elles
« avaient disposé leur maison pour pouvoir y recevoir et
» soigner les pauvres et les soldats malades et pouvoir y
» tenir une école chrétienne et gratuite pour les jeues fil-
» les de Ribérac et du voisinage, et avaient, en effet, rempli
» ces deux objets par elles-mêmes de l’agrément de Mon-
» seigneur l’évêque de Périgueux et de toute ladite ville,
» qui avait vu avec une singulière satisfaction les pauvres
». secourus dans leurs maladies, et les jeunes filles instrui-
» tes dès leur bas-âge à la religion, à la modestie, au tra-
» vail, à la lecture et couture, au lieu de l’oisiveté et de la
» dissipation où elles étaient auparavant ; que lesdites
» demoiselles Moulin et Marguerite Piat, Marguerite Dus-
» solier et Anne Dalesme Dutticourby, avec une fille de
» service nommée Marthe Ribéron, qui a bien voulu, par
» un même esprit de charité et afin de procurer le bien
» public, s’associer à leurs travaux et les aider dans les
» deux fonctions du soin des pauvres malades et des éco-
» les chrétiennes ; voyant les bénédictions et les succès
» que Dieu avait bien voulu donner à leurs soins, et con-
» naissant par l’expérience combien il est à désirer que
»- cet établissement soit perpétuel et durable, si Sa Ma-
» jesté veut bien l’autoriser, attendu surtout que la ville
» de Ribérac est éloignée de tout hôpital pour les pauvres
» malades, puisque celui de Périgueux est éloigné de douze
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 41
» lieuês de t rance, quoiqu’il en soit le plus près, et que
» même n’étant fondé que pour les pauvres malades de la
» ville et banlieue de Périgueux, ceux de Ribérac ne s’y
» peuvent faire transporter ni y être reçus.
» C’est pour toutes ces considérations et causes- que les-
» dites demoiselles Marie et autre Marie Moulin, sœurs,
» sous le bon plaisir du Roi, ont, par ces présentes, projeté
» de fonder à perpétuité un hôpital dans ladite: ville1 -de
» Ribérac, pour y recevoir, héberger, soigner, traiter et
» médicamenter les pauvres malades, comme il est prati-
» qué dans les autres hôpitaux, et y faire les instructions
» et les classes chrétiennes aux jeunes filles, le tout ainsi
» et le même que lesdites demoiselles Moulin en ont usé
» et usent depuis plus de vingt ans qu’elles ont formé cet
» établissement de leurs biens et revenus patrimoniaux,
» et avec la permission de Mer l’évêque de Périgueux, et
» de M. le marquis de Chapt, seigneur comte de Ribérac ;
» pour la dotation duquel hôpital et œuvre de fondation,
» lesdites demoiselles Moulin offrent de céder et quitter
» par don et donation entre vifs et à jamais irrévocable,
» et autrement de se dessaisir purement et simplement et
» dans la manière que faire se doit suivant les lois et or-
» donnances du royaume, de la propriété des biens meu-
» blés et immeubles, noms, raisons et actions rescindentes,
» rescisoires,et exercices d’icelles qui seront ci-après spé¬
cifiées et dénumérées, pour être à jamais . consacrés à
» recevoir, héberger, soigner, traiter et médicamenter les
» pauvres malades de la ville de Ribérac et du voisinage,
» et être pour les filles qui dans la suite voudront servir
» ledit hôpital, pourvoir à l’instruction classique des jeu-
» n'es filles, sans que lesdits biens puissent être détournés
» de ces objets, sous quelque prétexte que ce soit et pour
» quelque cause que ce puisse être ; et dans le cas où, par
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» la suite des temps, ledit hôpital pourrait être détruit, soit
» à défaut de trouver des sujets propres ou des qualités
» requises, soit pour soigner les pauvres malades, ou faire
» la classe, ou instruire les jeunes filles, ou pour quelque
» autre motif que ce puisse être, lesdites demoiselles Mou-
» lin, esdits cas, sous le bon plaisir de Sa Majesté, veu-
» lent et entendent que les administrateurs principaux du-
■> dit hôpital demeureront toujours nantis des biens et
» effets qui seront ci-après nommés, pour en faire l’emploi
» en faveur des pauvres de la présente ville, ou autrement
» ainsi qu’il sera visé bon être par lesdits administrateurs,
» sur l’avis du Bureau qui sera établi pour l’administra-
» tion dudit hôpital.
» Lesquels biens ainsi délaissés, lesdites demoiselles
» Moulin ont déclaré être et consister en la présente mai-
» son qu’elles occupent, située dans la présente ville, pa-
» roisse de Saint-Martin, où se trouve une chapelle à gau-
» che, en entrant au rez-de-chaussée, et une classe à la
» main droite, les deux susdites pièces, classe et chapelle,
» séparées par un vestibule ; le cellier et la cuisine à droite
» et un réfectoire à gauche. Au premier étage, une galerie
» couverte d’un toit, et cinq chambres à plusieurs lits.
» Une cour de quarante-deux pieds de longueur sur trente-
» deux de largeur ; sur la droite de ladite cour une grange
» et. écurie, et sur la gauche, un mur mitoyen séparant
» ladite maison des voisines. Un enclos consistant en terre
» iabourable, pré et jardin, le tout de la contenance de
» cinq journaux.»
Vient ensuite l’énumération longuement détaillée des
autres immeubles donnés par ces demoiselles et consis¬
tant en :
» 1° Une autre petite maison joignant la précédente, et
» acquise par ces demoiselles de M. Jouffrey.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 43
» 2° Une métairie appelée de Jolligner, exploitée par
» une paire de bœufs et une paire de vaches, située dans
» la paroisse de Paye, près Ribérac, et assortie de tout ce
» qui était nécessaire pour l’exploitation.
» 3° Des terres labourables, situées dans les apparte-
» nances du village de Montilloux, paroisse de St-Mar-
» tial-de-Ribérac.
» 4<> Autre terre labourable, située*dans les appartenan-
» ces du môme village.
» Tous les meubles meublants, linge, ustensiles et au-
» très effets se trouvant dans la maison. »
Vient ensuite le don et legs de plusieurs sommes en
rentes constituées sur divers particuliers formant un total
de 2,100 livres.
A la suite de cette énumération, intervient dans l’acte
Marthe Riberon, qui déclare faire donation, aux mêmes
clauses et conditions que les demoiselles Moulin, d’une
pièce de pré à elle appartenant, située sur la paroisse de
Saint-Martin-de-Ribérac et estimée la somme de 600 livres.
Cet acte est signé : Marie Moulin aînée, Marie Moulin,
Marthe Riberon, Dussolier, notaire, et Pourteyron, notaire.
Il est suivi de l’inventaire du mobilier donné par les de¬
moiselles Moulin et constaté par les mêmes notaires.
Cette donation fut soumise à la sanction du Roi et ap¬
prouvée par ordonnance royale, en date du mois de no¬
vembre 1767. Par cette ordonnance est , approuvée la fon¬
dation d’une maison de charité et d’instruction dans la
ville de Ribérac, et les officiers municipaux de cette ville
sont autorisés à accepter, au nom des habitants, les libé¬
ralités des demoiselles Moulin, aux clauses et conditions
stipulées dans l’acte.
En vertu des pouvoirs qui leur étaient accordés par l’or¬
donnance royale, les officiers municipaux de la ville firent
44
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
leur acceptation par un acte public, en date du l*-1- juillet
1771, et dès lors l’hospice de Ribérac se trouva régulière¬
ment et légalement fondé. Déjà, les deux pieuses fonda¬
trices, avec l’autorisation de Monseigneur l’évèqne de
Périgueux, s’étaient consacrées à Dieu par les vœux de
religion, sous le vocable àe Sœurs de Sainte-Marthe, pre¬
nant pour modèle les religieuses de Sainte-Marthe de
Périgueux, dont elles .avaient adopté la règle, tout en con¬
servant leur indépendance.
L’hospice de Ribérac étant ainsi constitué en commu¬
nauté religieuse, les fondatrices s’agrégèrent des sujets
pour pouvoir continuer et perpétuer leur œuvre. Mais le
moment n’était pas éloigné où il devait en être de cette
communauté comme de toutes celles qui existaient alors
en France. L’orage révolutionnaire éclata sur elle, et les
religieuses furent obligées de se disperser et de se réfu¬
gier au sein de leurs familles.
Aussitôt que le calme commença à se rétablir, la muni¬
cipalité de Ribérac, bien différente de celle d’aujourd’hui,
persuadée qu’elle n’avait rien de mieux à faire, dans l’in¬
térêt. des pauvres et des malades, que de rappeler les
religieuses qui avaient fait tant de bien, prit une délibé¬
ration dans ce but et provoqua un arrêté du préfet de la
Dordogne, en date du 16 floréal, an XI de la République.
Qn lit dans cet arrêté :
« Yu la délibération de la commission civile de l’hos-
» pice de Ribérac du 15 germinal dernier, tendant à
» rappeler les religieuses anciennement chargées de l’ad-
» ministration intérieure de cet établissement, à la charge
» par lesdites religieuses de porter et dépenser leurs
» revenus particuliers dans l’hospice, et sous la condition
» qu’elles jouiront de l’enclos attaché à la maison et du
» produit des. rentes montant à 237 francs ;
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 45
» Considérant(nous livrons ce considérant aux réflexions
» de nos modernes réformateurs), considérant qu’on doit
» espérer du retour des religieuses dans cet hospice tous
» les avantages qu'il a perdus depuis leur absence...
» Arrête : la commission de l’hospice de Ribérac est
» autorisée à rappeler les religieuses Desgranges, Feyfant
» et Ghouri. »
Et cela était dit et signé par un préfet de la Dordo¬
gne ! (1) 11 nous fut donné un jour de placer notre main
dans la sienne ; nous y trouvions toute la chaleur du
vieil honneur français.
Cet arrêté donna lieu à une nouvelle réunion de la com¬
mission, en date du 25 messidor an XI. Dans cette
réunion, il fut dit que « Mme Feyfant s'était présentée et
» avait déclaré qu’elle consentait à reprendre la direction
» de l’hospice ; que Mme Desgranges avait refusé de ren-
» trer à cause de son grand âge et de ses infirmités ; que
» Mme Ghouri avait objecté que sa famille avait besoin de
» son secours, et que la sœur Mazière, postulante, y était
» rentrée pour donner des soins aux malades ».
A la suite de cette délibération vient l’énumération de
tous les objets qui se trouvaient alors dans l’hospice.
Après qu’elle eut repris la direction de l’établissement
avec la novice et une sœur converse^ la Mère Feyfant
admit quelques jeunes personnes qui se présentèrent
pour se consacrer à Dieu et au service des pauvres, et
bientôt le nombre des religieuses fut suffisant pour les
besoins de la maison.
Plus tard, l’hospice ayant acquis une plus grande
importance et augmenté ses revenus, la commission s’oc¬
cupa de faire construire un nouveau local à peu de dis-
(1) Le baron Rivet.
46 LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC,
tance de l’ancien, qui était devenu insuffisant et tombait
en ruine. Ce nouveau local est celui qui existe aujour¬
d’hui et qui est parfaitement approprié au service des
établissements de cette nature. Les soeurs, au nombre de
six, y sont occupées aux soins des pauvres et des malades
et à la direction d’une école gratuite.
Il n’y a pas eu d’autres conditions avec l’administra¬
tion que celles qui avaient été réglées à l’époque de la
rentrée des sœurs. Les ressources dont elles disposent
personnellement suffisent à leurs besoins.
A l’époque de la réunion de toutes les communautés,
celle de Ribérac a adhéré à la mesure sans observation et
sans aucune condition particulière.
Hôpital de Bergerac.
Plusieurs années avant la fin du xn° siècle, il existait à
Bergerac un hôpital sous le vocable d 'Hôpital du Saint-
Esprit, relevant de l’hôpital du même nom fondé à
Montpellier par Guy, fils de Guillaume, seigneur de
Montpellier et de Sibylle.
Ce Guy est généralement reconnu pour fondateur de
l’Ordre hospitalier du Saint-Esprit. Il bâtit à Montpellier,
sur la Un du xn° siècle, un célèbre hôpital pour y rece¬
voir le§ pauvres malades. Son insigne charité le rendit
très recommandable. Il procura de grands biens à son
nouvel établissement, et associa avec lui d’autres per¬
sonnes pour en avoir soin et assister les pauvres de leurs
biens. En peu de temps son Ordre s’étendit en plusieurs
villes, comme il paraît par la Bulle du Pape Innocent III,
du 23 avril 1198, portant approbation de cet Ordre (1).
(1) Voir, pour la fondation de l’Ordre hospitalier du Saint-Esprit, le
Dictionnaire des Ordres religieux, édition Migne, t. h, p. 202 et suiv.
Voir aussi, pour l’hôpital de Bergerac, les notes que notre savant col¬
lègue de la Société historique et archéologique du Périgord, M. Elle de
Biran, a publiées, dans le Bulletin de la Société (t. vu, p. 313 et suiv.),
sur les établissements de bienfaisance de la ville de Bergerac. Nous lui
faisons de nombreux émpruûts.
48
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Mais en quelle année précise, dans quelles circonstances,
dans quel but spécial, avec le concours de quelles per¬
sonnes, Guy de Montpellier fonda-t-il un hôpital à Ber¬
gerac? Nos documents se taisent à cet égard. Il n’en est
pas moins vrai qu’il fut le fondateur d’un hôpital du
Saint-Esprit dans cette ville. Gela ressort de la Bulle déjà
citée d’innocent III. Le Pape y fait l'énumération des
hôpitaux que l’Ordre possédait déjà, et il les soumet à
l’autorité de Guy et de ses successeurs à perpétuité. Nous
y trouvons mentionné l’hôpital de Bergerac, et, à son
sujet, la Bulle s’exprime ainsi : Bomum quàm habetis in
villa quæ dicitur Brageac, tibi, fili, Guido, etsuccessoribus
tuis perpetuo subjacere.... (sans doute)j oolumus.
En vertu de la soumission prononcée par cette Bulle,
l’hôpital de Bergerac fut sous la dépendance de l’hôpital
de Montpellier, et régi par un délégué du Commandeur
général de l’Ordre, portant lui-même le nom de Comman¬
deur du Saint-Esprit.
« Cet hôpital était situé hors de la ville et consistait en
» une maison et terres environnantes, en rentes foncières
» et directes, en douze pognères de blé que lui faisait
» annuellement chacun des sept moulins de la ville, et en
» charités que les âmes pieuses lui faisaient, qu’on nom-
» mait alors sancta chantas. »
Ainsi fondé et régi, l’hôpital du Saint-Esprit de Ber¬
gerac se développa et prospéra pendant plusieurs siècles,
les pauvres et les malades y recevant les soins intelli¬
gents et dévoués des Frères-Hospitaliers, dont le chef
prenait toujours la dénomination de Commandeur, rele¬
vant du Commandeur de Montpellier. Nos documents ne
nous permettent pas de suivre ses développements et ses
diverses vicissitudes ; ils nous font défaut jusqu’en 1405.
A cette date il ne prospérait pas, peut-être par le manque
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 49
de ressources, peut-être par la négligence du comman¬
deur. Sous cette date, « les consuls de la ville écrivirent
» au grand commandeur de Montpellier de vouloir pour-
» voir d’un bon commandeur l'hôpital du Saint-Esprit
» qui dépérissait. »
Cet hôpital, dont la position dut s’améliorer sous le
nouveau commandeur, était- situé, comme nous l’avons
dit, hors de la ville. Il eut plus tard, à l’intérieur, comme
une succursale qui devint l’hôpital principal, sous le nom
d’Hôtel-Dieu.
En effet, nous voyons dans les Notes de M.Eliede
Biran que, « le 29 janvier 1416, Peyre Donzel donna par
» contrat au commandeur du Saint-Esprit une maison
» sise dans la ville, près la Font-Balquine, pour en faire
» un hôpital pour les pauvres, moyennant qu’il lui ferait
» dire une messe tous les vendredis. » Elle ne tarda pas à
être mise à la disposition des pauvres, toujours sous l’au¬
torité du commandeur.
Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici la
suite des Notes de M. de Biran, qui ne sont que la copie
de notes extraites en 1805 de l’inventaire des titres et
papiers de l’hôpital, par M. Guillaume Gontier de Biran,
ancien député aux Etats-Généraux de 1789. Elles nous
disent bien les diverses phases de prospérité et de
malheur et de l’hôpital du Saint-Esprit et de l’Hôtel-
Dieu.
« Lorsque les religieux furent chassés de la ville parles
» religionnaires, leurs meubles et' papiers furent portés
» à la maison de ville ; les maire et consuls en firentmeu-
» bler la maison qu’avait donnée Peyre Donzel, qui fut
» desservie par des filles pieuses et administrée exclusi-
» vement par les maire et consuls jusqu’à la déclaration
50
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» du roi du 12 décembre 1698, portant règlement pour
» l’administration des hôpitaux (1).
» Il paraît que les maire et consuls, pendant leur admi-
» nistration, gardèrent les rentes des religieux hospitaliers
» et les firent tourner au profit de la ville, et la rente des
» douze pognères de blé de chaque moulin fut pendant
» longtemps distribuée par eux aux pauvres le jour de la
» Pentecôte, en petits pains qu’on portait sur le pont de
» la Dordogne.
» Le 15 mars 1555, Elie Eymery, prêtre, donna aux
» pauvres, par son testament, une vigne qu’il avait dans
» la paroisse de Ste-Foy- des-Vignes.
» Le 14 mars 1592, Samuel de Clermont, seigneur de
» Piles, donna également, par son testament, aux pauvres
» de l’hôpital de Bergerac, une somme de quatre cents
» écus pour être mis en rentes.
» Le 15 novembre 1673, Marthe Bonheure fait une dona-
» tion aux pauvres de l’Hôtel-Dieu de Bergerac, par acte
» devant Marphaud, notaire royal.
' » Le 15 novembre 1673, par un jugement des commis-
» saires députés nommés par le roi, le maire et consuls
» furent condamnés à rembourser à l’hôpital une somme
» de mille livres qu’ils avaient ci-devant prise des mains
» du receveur de cet hôpital. Cette somme fut remboursée
(1) Dès 1696, d’après une Note de Lespine (Bibl. n1», Papiers Lespine ,
t. 48, p. 192), Mme Anne Lachapelle (d’autres disent demoiselle Lacoste),
fille du bailli de Bergerac, avait formé la communauté des filles de l’hô¬
pital et y était entrée avec l’approbation de l’évêque de Périgueux . Sous
sa prudente direction, l’établissement, dont les ressources étaient presque
taries, prit un nouveau développement. (Nous verrons qu’on lui attribue
de avoir relevé de ses ruines.) La fondatrice mourut en 1741. Mme de
Birrn, qui lui succéda, s’inspira de ses pieux exemples. A sa mort, elle
avai', reçu dix-neuf religieuses qui la secondaient dignement dans sa mis¬
sion de charité.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 51
» en une liasse de rentes que l’hôpital a perçues jusqu’à
» la Révolution.
» Le 24 août 1693, le roi, par sa déclaration, ordonna
que les biens et revenus des maladreries et léproseries
» seraient donnés aux hôpitaux des lieux. Dès lors l’hô-
» pital jouit des biens ayant appartenu aux Frères du
» Mont-Carmel et de Saint-Lazare.
» Le 24 août 1693, arrêt du conseil d’Etat du roi portant
» que l’aumône et distribution que les maire et consuls
» de la ville faisaient aux pauvres le jour de la Pentecôte
» seraient réunies à l’hôpital de Bergerac. Cette aumône
» et distribution étaient de douze pognères de blé, que
» chaque moulin de la ville faisait de rente annuelle.
» L’hôpital en a joui jusqu’à la Révolution.
» Le 5 décembre 1690, brevet du roi par lequel Sa Ma-
» jesté donna aux pauvres de l’hôpital la place ayant servi
» ci-devant de cimetière à ceux de la religion P. R. Ce
» cimetière fut changé en jardin, dont l’hôpital a joui jus-
» qu’à la Révolution, époque où ses biens furent vendus.
» Enfin il fut fait à l’hôpital beaucoup d’,autres legs qui
» firent monter ses revenus, en 1790, à près de 5,000 livres,
» sans y comprendre les revenus en nature d’une métairie,
» d’un vignoble et de trois jardins.
» Dans la Révolution, les biens ruraux de l’hôpital
» furent vendus 62,000 francs. Les capitaux qui avaient été
» placés en rentes constituées furent remboursés au
» Trésor national en assignats. Les papiers et titres furent
» dispersés, égarés ou perdus. Les hospitalières abandon-
» nèrent les pauvres (1) et se retirèrent auprès de leurs
(1) Las religieuses hospitalières n 'abandonnèrent pas les pauvres, mais,
comme nous le dirons bientôt, elles furent indignement chassées de
l’hôpital et jetées dans la rue. Il fallait bien qu’elles cherchassent un refuge
chez leurs parents.
52
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» parents. Il n’y en resta qu’une qui, sans secours, sans
» appui, supporta tout le fardeau de cet établissement.
» L’administration municipale vint au secours de cette
» charitable religieuse ; elle la nomma directrice, lui
» adjoignit des ûlles pour soigner les malades, un phar-
» macien pour lui préparer ses remèdes, sous la surveil-
» lance d'un médecin et d’un chirurgien habiles, et elle
» administra le reste des revenus des pauvres (1)... »
» Les biens ruraux vendus au préjudice des pauvres
» furent remplacés par d’autres, et les rentes remboursées
» par d’autres rentes, à la vérité très mauvaises, la plu-
» part féodales ou prescrites.
» L’hôpital jouit présentement (1805) d’un revenu de
» 5,500 francs en argent et d’environ 100 hectolitres de
» froment. Sur cela, il y a à déduire des rentes constituées
» et autres charges qu’il a à payer. Il a cent lits montés
>! et peut recevoir beaucoup de malades. Le minimum de
» chaque jour est de trente. 11 est desservi par- trois reli-
» gieuses hospitalières et trois servantes depuis lepre-
» mier thermidor an XII. Ces trois hospitalières sont ren-
» trées dans cet établissement en vertu d’une délibération
» du 5 prairial an XII, approuvée par M. le Préfet. *
(1) Il y a ici une contradiction qui n’échappe à personne. Comment
cette charitable religieuse supporta-t-elle seule, sans secours, sans appui,
tout le fardeau de l’établissement, puisque l’administration municipale se
montra pour elle si bienveillante, lui adjoignit trois fille» pour soigner les
«alades, un pharmacien pour préparer les remèdes, sous la surveillance
d’un médecin et d’un chirurgien habiles? Nous ne voulons pas suspecter
les sentiments de l’auteur de ces Notes, mais nous ne pouvons croire à tant
de bienveillance de la part d’une administration qui laisse chasser les reli¬
gieuses de l’hôpital et ravir aux pauvres l’asile que la charité chrétienne
leur avait créé. Si les pauvres avaient conservé leur hôpital, « le représen-
» tant du peuple Lakanal, en mission à Bergerao, n’eût pas trouvé le local
» qu'ils occupaient malsain, peu aéré et fort ineommode, » ainsi que
l’observe l’auteur de ces Notes.
53
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
II. — Une lettre, conservée dans les archives de l’hôpi¬
tal, donne sur cet établissement les détails les plus inté¬
ressants ; ils font bien connaître son origine chrétienne
et les diverses phases qu’il a subies.-
Cette lettre, aussi remarquable par le fond que par la
forme, fut adressée en 1806 à MSI' Portalis, alors minis¬
tre des cultes, par deux religieuses, les premières rentrées
à l’hôpital après la Révolution de 93. En la reproduisant,
nous compléterons l’histoire de cet hôpital.
« A Son Excellence Monseigneur Portalis,
ministre des cultes.
» Monseigneur,
» C’est à la charité généralement reconnue de Yotre
» Excellence que nous prenons la liberté de recourir dans
» les circonstances où nous nous trouvons.
» Nous sommes deux sœurs hospitalières de l’hospice de
» Bergerac, département de la Dordogne, qui, seules d’une
» maison infiniment plus nombreuse avant la Révolution,
» faisons dans ce moment le service des pauvres malades
» dans ledit hospice. Mais comme nous pourrions y être
» troublées, d’après le décret impérial du 3 messidor an
» XII, nous venons supp.lier Yotre Excellence de nous ob-
» tenir par sa puissante intercession l’existence légale de
» notre congrégation.
a Pour justifier de notre demande, nous prions Votre
« Grandeur de nous permettre d’entrer ici dans quelques
» détails qui nous paraissent nécessaires dans l’intérêt des
» pauvres, et que votre amour pour eux voudra bien nous
» pardonner.
» La ville de Bergerac avait de toute ancienneté un hô-
54
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» pital pour y recevoir et y soigner les pauvres malades.
» Il paraît môme qu’il avait été assez richement doté ;
» mais les vices de son administration, peut-être même le
» malheur des temps, avaient réduit presque à rien un éta-
» blissement si utile. Il n’y restait plus que quelques ma-
» sures, où, faute de soins, les 'malades trouvaient plutôt
» la mort que les secours qui leur étaient nécessaires.
» Touchée du triste état de cette maison, la demoiselle
» Lacoste, fille que sa piété et sa charité rendaient égale-
» ment recommandable, entreprit, il y a plus de cent ans,
» par le moyen de sa fortune qui était considérable, et
» par le crédit de sa famille qui occupait les principales
» places de la ville, de rétablir cet hôpital, et, poury réus-
» sir, elle s’associa plusieurs demoiselles de Bergerac et
» des environs, que la religion détermina à se consacrer
» avec elle au service des pauvres malades, et à se réunir
» en communauté sous sa direction.
» La déclaration du roi du 12 décembre 1698, portant
» règlement pour l’administration des hôpitaux, vint, par
» l’établissement d’un bureau administratif des biens des
» pauvres, consolider l’ouvrage de la demoiselle Lacoste,
» qui, avant sa mort, eut la satisfaction de voir cet hôpital
» relevé de ses ruines, ses biens grossis et mieux adminis-
» très, et surtout sa communauté des sœurs hospitalières,
» dont elle était la fondatrice, justifier, par son zèle à ser-
» vir les malades, la confiance qu’elle avait mise en elle.
» En mourant, la demoiselle Lacoste laissa une partie
» de ses biens aux pauvres, et à sa communauté l’autre
» partie, voulant que le revenu de celle-ci servît à ses
» sœurs dans leurs besoins et de supplément à la dot
» qu’elles apportaient en entrant à la maison ; car toutes
» devaient y venir avec un revenu suffisant pour les faire
» vivre sans qu’elles fussent dans le cas d’avoir recours au
55
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
» bien des pauvres. Aussi, du moment de l’établissement
» de notre société jusqu’au moment de la Révolution, les
» biens des pauvres et les nôtres ont toujours été admi-
» nistrés séparément, les premiers par le bureau établi en
» vertu de la déclaration de 1698, et les seconds par nos
» supérieures.
» Les uns et les autres, grâce à une sage économie et à
» quelques dons que la piété déterminaient, avaient pros-
» péré si heureusement, qu’à l’époque de la Révolution
» notre communauté comptait environ vingt-cinq reli-
» gieuses ou sœurs, toutes occupées du service de l’hôpi-
» tal de Bergerac ou de celui d’Eymet, ce dernier fondé
» par ladite demoiselle Lacoste qui l’avait laissé aux soins
» des religieuses de Bergerac.
» Dans ce même temps, le bureau, qui voyait croître
» ses revenus, était sur le point d’augmenter ses bâti-
» ments et le nombre des lits, aün qu’un plus grand nom-
» bre de malades, et principalement les militaires et les
» marins, pussent y être admis avec plus de facilité et
» mieux soignés.
» La Révolution détruisit les biens des pauvres et les
» nôtres ; meubles et immeubles, titres et papiers, tout
» fut envahi ou dispersé. On nous chassa ignominieuse-
» ment de notre maison. A peine nous permit-on de nous
» retirer au sein de nos familles qui furent de nouveau
» chargées de fournir à nos besoins, puisqu’il en était
» beaucoup parmi nous qui en entrant avaient donné
» leurs capitaux au bureau, à la charge seulement par
» celui-ci de leur en payer les intérêts, leur vie durant,
» le capital lui étant acquis après leur mort.
» Un hôpital était trop nécessaire à Bergerac pour qu’on
« pût s’en passer longtemps ; aussi ne tarda-t-on pas à
» le rétablir, non dans son ancienne maison, mais dans
56
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» une autre dont on avait expulsé les Dames de la Foi ,
» où il est même encore ; mais nos sœurs ne crurent pas
» devoir ni pouvoir aller y reprendre auprès des malades
» l’exercice de leurs fonctions, à l’exception d’une seule
» qui y a toujours demeuré jusqu’à sa mort arrivée il y a
»plus d’un an.
» Pour nous, nous n’y sommes rentrées que depuis
» deux ans, c’est-à-dire lorsque nous avons vu l’ordre se
» rétablir, l’autorité se concentrer et se réunir dans des
» mains dignes de porterie sceptre du monde, et lorsque
» un heureux concert de la religion et des lois a dissipé
» toutes nos craintes sur l’avenir, et ranimé nos espé-
» rances.
» Mais quelque bien fondées qu’elles soient par rap¬
port à nous, nous ne pouvons pas nous dissimuler que
» notre état est précaire, et que, sans une autorisation ex-
» presse de Sa Majesté Impériale, nous ne pouvons nous
» flatter d’aucune stabilité, ce qui, vraisemblablement, a
» empêché celles de nos* sœurs qui vivent encore de se
» réunir à nous ; ce qu’elles feront, nous n’en doutons
» pas, lorsqu’elles pourront rentrer dans leur maison
» sans crainte d’en être expulsées de nouveau.
» Suivant le décret impérial du 3 messidor an XII, nous
» serions tenues de rapporter les statuts et règlements de
» notre maison, mais nous avons déjà pris la liberté d’ob-
» server à Votre Excellence que tout nous a été enlevé,
» que dans ce moment nous ne pouvons fournir aucun
» renseignement, si ce n'est que notre maison était gou-
» vernée, pour ce qui regardait le bien des pauvres, par
» un bureau formé d’après la déclaration du Roi du 12
» décembre 1698, et composé des premiers officiers de
» justice et municipaux, ainsi que du curé, lesquels ap-
» pelaient dans leurs réunions les personnes les plus re-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 57
» commandables de la ville, pour s’aider de leurs lumiè-
» res et de leurs conseils. Nous pensons même que c’est
» à la sage administration de ce bureau que le bien des
» pauvres était redevable de l’accroissement considérable
>> qu’il avait pris.
» Pour ce qui concernait notre bien propre, c’étaient
» nos supérieures et nos anciennes qui l’administraient,
» et les produits de leurs soins et de leurs économies
» tournaient encore plus à l’avantage des pauvres qu’au
» nôtre ; toutes nos pensées, toutes nos affections et nos
» désirs n’allaient qu’à les servir, à les soigner et à leur
> procurer tous les secours possibles. Nous ne vivions que
» pour eux. En entrant dans la maison, nous faisions
» deux vœux qui, quoique simples, ne nous liaient pas
» moins que s’ils avaient été solennels, puisque dans le
» cours de plus d’un siècle àpeine y avait-il eu un exemple
» d’une de nos sœurs qui les eût rétractés. Ces deux vœux
» étaient ceux de chasteté et de stabilité au service des
» pauvres. Nous vivions en communauté sous le nom de
» Sœurs hospitalières de Sainte-Marthe et sous la dire c-
» tion de M. le curé de la paroisse, qui était notre supé-
» rieur dans tout ce qui concernait la religion.
» C’est cette communauté ou cette agrégation si chère et à
» la religion et à l’humanité qui a été détruite par le mal-
» heur des temps et dont le- rétablissement paraît réservé
» à la charité de Votre Excellence, car en mettant sous
» votre protection les sœurs de la charité et les sœurs hos-
» pitalières, Sa Majesté impériale a voulu favoriser le réta-
» blissement de ces sociétés que laRévolution avait détrui-
» tes, assurer leur stabilité et leur procurer enfin tous les
» avantages qu’elles ont droit de réclamer d’un gouver-
» nement aussi éclairé que bienfaisant. C’est dans cette
» confiance, et pour satisfaire aux obligations que notre
58
» état nous impose, que nous prenons la liberté de re-
» courir à Votre Excellence afin d’obtenir :
» 1° L’autorisation de nous réunir en communauté avec
» celles de nos sœurs qui vivent encore et qui, nous n’en
» doutons pas, n’attendent que le moment de reprendre avec
» sécurité des fonctions auxquelles elles se sontvouées ;
» 2° Si elles ne rentrent pas, lapermissiqn de nous agré-
» ger quelques filles pieuses, que la religion portera à se
» consacrer au service des pauvres malades, afin d’assurer
» la perpétuité de ce service ;
» 3° Enfin, la jouissance des mêmes facultés dont notre
» communauté jouissait avant la Révolution.
» Si nous sommes assez heureuses pour obtenir de Votre
» Excellence l’objet de nos demandes, nos efforts seront
» impuissants pour la remercier dignement. Nous la
» prions, en attendant, d’agréer les vœux que nous ne ces-
» serons d’adresser au ciel pour sa prospérité, et la béné-
» diction des pauvres malades qui devront à sa bonté un
» meilleur traitement. >u
Il résulte des indications données par cette lettre, qu’il
existait de temps immémorial dans la ville de Bergerac
un hôpital, dirigé probablement par des personnes sécu¬
lières, mais qui était réduit à la dernière misère, et dont
le local tombait en ruine, lorsque mademoiselle Lacoste
vint consacrer une partie de sa. fortune à le relever.
C’était vers la fin du xvne siècle ; nous en jugeons par
une ordonnance de Mgr de Francheville, évêque de Péri-
gueux, en date du 12 juillet 1700, approuvant le règle¬
ment qui fut adopté par mesdames Anne de Chapelle et
Jeanne de Gontier, deux des premières religieuses que
mademoiselle Lacoste avait associées à son œuvre et qui
formèrent le premier noyau de cette congrégation nais-
. santé.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 59
On trouve encore dans les archives de la communauté
que ces deux mômes religieuses firent bâtir la maison où
fut établi l’hôpital et qui fut donnée, après la Révolution,
pour l’établissement du collège qui l’occupe encore au¬
jourd’hui.
Nous ne connaissons pas les noms des deux premières
religieusès qui, après la Révolution, vinrent prendre pos¬
session de l’ancienne maison des Dames de la Foi, que
la ville mit à leur disposition pour y rétablir l’hospice. Il
est Vraisemblable que les autres religieuses qui avaient
survécu à forage révolutionnaire ne tardèrent pas à se
réunir à ces deux premières.
Un décret impérial, en date du 25 novembre 1810, vint
reconnaître cette communauté, lui donner une existence
légale et approuver ses statuts qui étaient, à peu de chose
près, les mêmes que ceux de toutes les autres sœurs de
Sainte-Marthe.
Divers traités furent passés successivement avec l’admi¬
nistration pour ce qui regarde le nombre des sœurs, le
service intérieur de l’établissement, l’emploi des fonds,
etc. Ces traités ont reçu, toutes les fois qu’ils ont été re¬
nouvelés, des modifications selon le temps et les circons¬
tances. C’est encore aujourd’hui sous ce même régime
que cette maison est gouvernée.
A l’époque de la réunion de toutes les communautés du
diocèse en une seule congrégation, c'est-à-dire en 1852,
les sœurs de cette communauté étaient au nombre de huit
religieuses et une sœur converse.
Quoique leur acte d’agrégation ne fasse aucune réserve
en ce qui concerne la nomination de la supérieure, ce¬
pendant, en 1858, après la mort de la mère Paris, qui était
supérieure depuis plusieurs années, MSr George voulant
laisser aux sœurs de cette communauté la liberté de se
60
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
choisir une nouvelle supérieure, elles firent l’élection
comme à l’ordinaire, et leurs suffrages se portèrent sur
sœur Sophie Barjou, qui avait fait profession à l’hospice
de Bergerac, mais qui s’étant agrégée en 1856 à la con¬
grégation générale, avait été envoyée à Piégut, en qualité
de supérieure pour fonder un petit établissement.
Jusqu’à cette époque, les religieuses qui avaient été atta¬
chées à l’hospice de Bergerac n’avaient eu droit qu’au lo¬
gement, à la nourriture, au chauffage et à l’éclairage, et
elles étaient obligées de pourvoir aux frais de leur entre¬
tien. En vertu d’une promesse faite en 1858 par les mem¬
bres de la commission administrative, il n’y eut rien de
changé sur ce point pour les anciennes religieuses ; mais,
depuis cette époque, toutes celles qui y sont envoyées re¬
çoivent une somme de cent francs pour leurs frais de
voyage et d’entretien.
Un nouveau traité dans ce sens fut fait au commence¬
ment de l’année 1860 entre la commission et la Mère
Dussoulas, supérieure générale de la congrégation. Il
consacre les droits des anciennes religieuses et fixe à sept
le nombre de celles qui sont regardées comme indis¬
pensables pour le service de l’établissement, et il accorde
une indemnité de cent francs par an à chacune des nou¬
velles sœurs qui y seront envoyées.
Notre lecteur aura déjà prononcé son jugement sur l’o¬
rigine de l’hospice de Bergerac. Ici la charité chrétienne
a tout fait : elle a le droit de tout revendiquer. Le local
qu’elle occupe remplace celui qu’elle a seule bâti, et, en
vertu d’un échange forcé, l’Université loge ses élèves et
ses professeurs chez la chanté chrétienne.
Bergerac possédait un autre hôpital, situé dans le fau¬
bourg de la Madeleine, et connu sous la dénomination
d 'hôpital Saint- Antoine. Nous constatons son existence
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 61
dès avant 1414 ; mais nous n’avons aucun détail sur son
origine, nous ne le connaissons que par un fait bien mé¬
morable de la piété des habitants de Bergerac. M. Elie
de Biran l’a extrait du Registre-manuscrit de l'his¬
toire de Bergerac. On sera bien aise de le trouver ici :
« La communauté fit vœu, cette année 1501, à la Vierge,
» à saint Anthoine et aux saints du Paradis, vu le grand
» danger de mortalité et de peste, qu’on envoyrait un
» homme dévot dans l’église de l’hôpital de St-Anthoine,
» au faubourg de la Madeleine, à Bergerac, qui porterait la
» ville contrefaite en cire, ce qui fut exécuté. La représen-
» tation était la ville de Bergerac en cire, avec quatre tours
» et une girouette sur chacune, et en dedans se voyait
»>la maison du consulat , l’église St-Jacques , l’église
» N.-D.-du-Château et celle de Sainte-Catherine, au Merca-
» dil. Le tout fut porté en procession le 17 mai 1501, par
» les consuls, accompagnés des officiers et des chefs de
» famille. »
Hospice d’Eymet.
L’établissement des sœurs hospitalières de Sainte-Mar¬
the dans la ville d’Eymet remonte à l’année 1730. La
fondatrice fut Marie de Paute, veuve de Chapelle, fer¬
vente catholique de cette ville. Son testament indique le
but qu’elle s’était proposé et les ressources qu’elle voulut
consacrer à cette fondation ; il fallait remédier à un
grand mal. Il est dit dans ce testament, écrit de sa main
en date du 10 août 1730, et contresigné Mouta , curé
d’Eymet :
« Comme j’ai vu depuis longues années une infinité de
» gens mourir faute de secours dans la présente ville, je
» veux pour remédier à ce malheur établir dans la pré-
» sente ville d’Eymet deux filles, de Sainte-Marthe, espé-
» rant que, par leurs exemples, elles pourront en attirer
» d’autres et former dans la suite une communauté nom-
» breuse qui pourra contribuer à l’instruction des jeunes
» filles de cette ville et de la paroisse, sorties la plupart
» de parents qui ne connaissent pas la religion.
» Je donne pour cet établissement et fondation des
» deux sœurs de Sainte-Marthe et pour celles qui leur
LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC. 63'
» succéderont à l’avenir : premièrement, une petite mai-
» son et jardin joignant icelle, situés ladite maison et
» jardin dans la présente ville, confrontant du levant... »
(A la suite des confrontations, se trouve le détail du
mobilier légué aussi aux deux sœurs et à celles qui leur
succéderont.)'
« Je lègue et donne pour le même établissement et
» fondation des deux sœurs de Sainte-Marthe et à celles
» qui leur succéderont ma métairie de Pouquette, située
» dans la présente paroisse d’Eymet, avec toutes ses ap-
» partenances et dépendances, ■ sans qu’il puisse en être
» rien ôté, et mon vignoble de Peyrouillé, aussi situé
» dans ladite paroisse d’Eymet, tel qu’il est. »
Ce fut en exécution de ’ces dispositions testamentaires
que deux religieuses de Sainte-Marthe de l’hospice de
Bergerac furent envoyées à Eymet, où elles s’établirent
dans la maison qui leur avait été léguée et y commencè¬
rent leur œuvre.
Nous avons trouvé à la fondation de l’hospice de Ber¬
gerac une religieuse du nom d’Anne de Chapelle , l’une
des deux premières religieuses que s’adjoignit la fonda¬
trice Marie Lacoste. On a supposé qu’elle pouvait être la
même que la veuve Marie de Chapelle dont il est ici
question. La supposition n’est pas admissible. La bien¬
faitrice d’Eymet ne fut point religieuse, puisqu’elle mou¬
rut peu de jours après avoir fait son testament. En effet,
ce testament, daté d’Eymet, en la maison de la testatrice,
du 10 août 1730, et remis entre les mains de Me Durand,
notaire à Lauzun, fut ouvert à la requête des héritiers,
le 26 du même mois d’août. L’ouverture du testament, à
là requête des héritiers, suppose le décès de la testatrice.
Ce qui a pu donner lieu à la supposition que nous ne
pouvons admettre, c’est, en outre de la similitude du nom
64
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
propre, que les deux religieuses qui allèrent fonder la
communauté d’Eymet, y furent envoyées par la supé¬
rieure de l’hospice de Bergerac, Marie Lacoste, qu’elles y
apportèrent le même règlement et que les religieuses
d’Eymet semblent être restées sous la dépendance de la
maison de Bergerac, jusqu’à la Révolution de 1793.
Quoi qu’il en soit de cette question peu importante,
dont cependant nous avons cru devoir dire un mot, les
désirs et les prévisions de Mme veuve de Chapelle furent
accomplis. Elle avait voulu deux religieuses de Sainte-
Marthe, pour donner l’instruction morale et chrétienne
aux jeunes filles de la ville et de la paroisse d’Eymet,
« espérant que ces deux sœurs,, par leurs bons exemples,
» en attireraient d’autres et formeraient dans la suite une
» communauté nombreuse. » Ces exemples furent effi¬
caces. Les religieuses hospitalières d’Eymet se multi¬
plièrent, la communauté fut nombreuse, et nous la ver¬
rons avoir un pensionnat nombreux, devenir maison-
mère et donner naissance à plusieurs communautés qui
seront sous sa dépendance.
Quoique la fondatrice n’eût eu en vue, aux termes de
son testament, que l’instruction chrétienne des jeunes
filles de la paroisse, les religieuses néanmoins allaient,
dans leurs moments de loisirs, visiter les pauvres ma¬
lades et leur donnaient tous les secours que permettait
leur position. Mais là n’était pas encore l’hospice d’Ey¬
met. Nous arrivons à son origine ; elle est plus que
chrétienne , elle est sacerdotale.
En 1779, le 28janvier, M. François Roux, docteur en
théologie et curé d’Eymet, voulant donner de l’extension
à l’œuvre des religieuses et les rendre véritablement hos¬
pitalières, dota leur établissement d’un capital de 16,000
francs, « pour le revenu, porte l’acte de donation passé
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC.,. DU piRIGORD. 65
» devant notaire, être employé à fournir aux bouillons des
» pauvres malades de la ville et de la paroisse d’Eymet et
» étrangers qui y tomberont malades, et de tous les pau-
» vres, tant catholiques que protestants , qui seront retirés
» et reçus dans la maison occupée par les filles de Sainte-
» Marthe dans la ville d’Eymet, lesquelles s’emploient à
» soigner et secourir les pauvres malades par état et cha-
» rité. »
Cette donation, faite par devant M° Lafon, notaire, en
présence de messire Barthélemy de Laborie, docteur de
Sorbonne, vicaire-général des diocèses d’Agen etdeSar-
lat, messire Jean-Bertrand de Bechon de Caussade, doc¬
teur en théologie et curé de Bougas, en Agenais, fut ac¬
ceptée par le sieur Pierre Lambert, bourgeois et consul de
la ville d’Eymet. Elle fut faite aux conditions suivantes
que nous ne devons pas passer sous silence :
« 1° Il sera célébré à perpétuité, le premier lundi de
» chaque mois, une messe dans l’église d’Eymet, pour le
» repos de son âme et de celles des pauvres secourus ;
» laquelle messe sera annoncée la veille par le son de la
» cloche, et l’honoraire en sera pris sur les revenus de
» l'objet donné.
» 2° Ledit donateur veut et entend que les curés de la-
» dite ville, qui viendront après lui, soient les premiers et
» principaux administrateurs de la susdite somme capi-
» taie de seize mille francs et du revenu d’icelle.
» 3° Que messieurs les curés successeurs dudit sieur
» donateur soient les seuls, à l’exclusion de tout autre,
» qui donneront des billets pour rendre les pauvres par-
» ticipants du bienfait donné. »
Ne dirait-on pas que M. Roux prévoyait qu’un jour une
loi excluerait les curés de l’administration du bien des
pauvres et qu’il voulut mettre à couvert des atteintes de
5
66 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
cette loi les curés ses successeurs ? C’est sans doute à la
publicité qu’il a eu soin de donner autour de lui à l’acte
conditionnel de M. Roux, que M. l’abbé Pramil, curé ac¬
tuel d’Eymet, doit d’avoir été nommé membre des com¬
missions administratives de l’hospice et du bureau de
bienfaisance de cette ville. On a compris qu’on ne pou¬
vait pas le priver d’un droit incontestable et si légitime¬
ment acquis, droit que, d’ailleurs, M. le curé n’eût pas
manqué de faire valoir (1).
Une quatrième condition, stipulée par M. Roux, dit que
les pauvres malades seront confiés aux soins des filles de
Sainte-Marthe de la ville d’Eymet.
M. Roux, qui s’était réservé, sa vie durant, le revenu de
la somme, objet de sa générosité, mourut le 7 jan¬
vier 1782, et c’est du jour de sa mort que date l’origine
de l’hospice d’Eymet, dont il fut le vrai fondateur. Alors
les sœurs entrèrent en possession de la rente qu’il avait
fondée, et elles se trouvèrent par conséquent chargées
de la double mission de donner aux jeunes filles une
instruction morale et religieuse, et de porter à domicile
des secours aux pauvres malades. Elles purent même re¬
cevoir quelques pauvres dans leur maison en attendant
qu’un local plus vaste leur fût bâti à côté et sur un ter¬
rain du couvent.
La Révolution de 1793 vint suspendre l’exercice de ces
œuvres de charité. A cette époque, les deux religieuses
d’Eymet, sœur Saint-Mayme et sœur Lambert, durent,
(1) Un nom est honorablement prononcé par M. le curé Roux dans cet
acte de donation ; c’est celui de M. Simon-Pierre Faute Delord, écuyer,
dans la maison duquel, à la Gravette, paroisse de Rouquette, l’acte est
passé, un descendant sans doute de Marie Paute. M. Roux le nomme lui
et ses descendants en ligne directe, du conseil d’administration des seize
mille francs, « lui accordant ce privilège en considération des bienfaits
» que ses auteurs ont faits à la maison desdites tilles de Sainte-Marthe. »
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 67
comme toutes les autres, se retirer dans leurs familles.
Mais, l’orage révolutionnaire passé, elles se hâtèrent de
revenir à leur poste et d’y reprendre l’exercice de leurs
fonctions dans leur môme maison qui n’avait pas été dé¬
truite, ni aliénée. Toutefois, pour des motifs qui ne nous
sont pas connus, sœur Saint-Mayme n’y resta pas long¬
temps, et la sœur Lambert s’y trouva seule ; mais bientôt
la sœur Besserve, venue d’ailleurs et victime de la Révo¬
lution, se joignit à elle, on ne dit pas en quelle qualité.
Acetteépoque,àEymet, comme ailleurs, une commission
avait été nommée pour administrer les biens des pauvres,
Cette commission vendit la métairie et le vignoble qui
avaient été donnés aux sœurs par leur fondatrice ; elle plaça
en rentes sur l’Etat le produit de cette vente qui s’éleva à
la somme de cinquante-deux mille francs, et s’engagea à
donner une somme annuelle de six cents francs pour l’en¬
tretien et la nourriture des deux religieuses. L’engagement
en fut pris par une délibération du 4 février 1807.
Il est dit dans cette même délibération que « la commis-
» sion administrative de l’hospice voulant mettre à exécu-
» tion les dispositions testamentaires de madame de Cha-
« pelle, fondatrice, et celles deM. Roux, ancien curéd’Ey-
» met, et regardant comme urgent de nommer une direc-
» trice pour régir, de concert avec madame Lambert, reli-
» gieuse de Sainte-Marthe, cet hospice qui depuis plus de
» trois ans ne se trouve desservi que par ladite dame Lam-
» bert, à cause de l’absence de madame Saint-Mayme, di-
» rectrice démissionnaire, arrête :
« 1° La commission nomme, en remplacement de madame
» Saint-Mayme, la personne de madame Marobert Bessou,
» religieuse de Notre-Dame de Sarlat, pour être à la tête
» de cet établissement, dont la capacité, les talents, la
» douceur et la moralité sont reconnus.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» 2® La maison donnée par madame Chapelle et celle ser-
» vant à recevoir les pauvres malades, seront jouies et ad-
», ministrées par lesdites dames avec tous les meubles et
» effets qui en dépendent sans reconnaissance d’inventaire.
» 3° Les religieuses, instruisant les pauvres filles dont il
» a été parlé, ou ayant soin des malades, recevront à titre
» d’indemnité six cents francs.
4° La directrice recevra sans inventaire les drogues ou
» médicaments qui appartiennent à l’hospice, et les vendra
» en même qualité et nature. Les remèdes jugés nécessaires
» pour les malades de l’hospice seront donnés gratis, de
» même qu’à ceux du canton qui seront porteurs d’un cer-
» tificat de pauvreté délivré par la mairie ou par l’officier
» de santé attaché audit hospice.
» 5° Lesdites religieuses sont autorisées à recevoir des
» pensionnaires dans leur maison, attendu la modicité des
» revenus de la pension qui leur est accordée.
» 6® Ladite dame Marobert est nommée à vie. Elle pourra
» s’adjoindre d’autres religieuses qu’elle payera, attendu
» la modicité des revenus de l’hospice.
» 7® La maison sera remise à ladite dame en bon état ;
» elle demeure chargée des menues réparations, comme
» vitres, crépis et blanchissage. »
Malgré tout ce qu’avait d’insolite cette déclaration, sur¬
tout en ce qui concerne la nomination de madame Maro¬
bert, et quoique ce fût un acte qui se ressentait beaucoup
de l’esprit révolutionnaire de l’époque, cependant madame
Marobert, religieuse de Notre-Dame à Sarlat, vint prendre
la direction de la communauté d’Eymet et embrassa les
règles et statuts des sœurs de Sainte-Marthe. C’était une
femme d’un grand mérite par son instruction, sa piété et
l’énergie de son caractère. Elle avait été arrachée par l’orage
révolutionnaire à la maison des sœurs de Notre-Dame de
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 69
Sarlat et eut à souffrir une douloureuse réclusion dans la
maison des religieuses de Sainte-Claire de cette ville,
transformée en prison. Ayant recouvré sa liberté, elle se
retira à Castillonnès, où elle dirigeait, lorsqu’elle fut ap¬
pelée à Eymet, un pensionnat déjà en honneur. Arrivée à
Eymet, elle se joignit aux sœurs Lambert et Besserve, or¬
ganisa la maison, établit un pensionnat qui compta bien¬
tôt une quarantaine d’enfants des meilleures familles du
pays.
Elle comprit qu’il fallait à l’œuvre, dont elle devenait
comme la seconde fondatrice, une existence légale. Elle la
demanda et l’obtint. Par un décret du 6 janvier 1811, les
religieuses d’Eymet furent reconnues et approuvées sous
le nom de Sœurs ou Dames hospitalières de la congréga¬
tion de Sainte-Marthe établie dans l'hospice d' Eymet.
Dès ce jour, la communauté de Sainte-Marthe et l’hos¬
pice eurent une existence légale et furent attachés, par des
liens indissolubles, l’hospice à la communauté et la com¬
munauté à l’hospice. L’hospice fut bâti en 1842, tel qu’il
est aujourd’hui, sur le terrain appartenant à la commu¬
nauté, et les deux maisons, quoique distinctes, ne forment
qu’un même corps de bâtiments.
Sous l’habile direction de madame Marobert, la commu¬
nauté se développa promptement. Bientôt plusieurs jeunes
religieuses vinrent en augmenter le personnel, et la plu¬
part, en y apportant leurs dots, en augmentèrent aussi les
revenus.
En se multipliant, les sœurs hospitalières d’Eymet ne
pouvaient plus borner leur zèle au soin de quelques ma¬
lades et à l’instruction de quelques jeunes filles delà classe
indigente ; elles donnèrent de l’extension à leurs œuvres.
Leur pensionnat, devenu bien vite florissant, fut pour elles
comme une pépinière de vocations à la vie religieuse. Elles
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
70
eurent de 40 à 50 pensionnaires et leur noviciat comprenait
en moyenne une douzaine de postulantes ou novices.
Elles furent appelées successivement dans plusieurs lo¬
calités pour y fonder des établissements, ou prendre
la direction de ceux qui y existaient déjà. C’est ainsi qu’en
1852, époque de la réunion de toutes les communautés du
diocèse en une seule et même congrégation, la commu¬
nauté d’Eymet, depuis longtemps maison-mère, où étaient
douze religieuses et huit sœurs converses, avait sous sa
dépendance, pour les avoir fondés, les couvents hospita¬
liers de Villefranche-de-Belvès, de Domme, de St-Cyprien
et de Castillonnès dans le diocèse d’Agen, et les maisons
d’éducation de Lévignac et de Cahuzac, dans le canton de
Seyches, aussi diocèse d’Agen.
Elle apporta à la formation de la congrégation générale
un personnel de quarante religieuses ou sœurs converses.
Elle avait alors pour supérieure la sœur Elisabeth Du-
plantier qui avait succédé, le 27 juillet 1833, à madame Ma-
robert, décédée au milieu de ses filles en odeur de sain¬
teté et dont les funérailles, Eymet s’en souvient encore,
furent un vrai triomphe.
Mais si la communauté avait prospéré, grâce à la direc¬
tion que lui avait donnée madame Marobert, l'hospice,
grâce à la confiance qu’inspiraient les sœurs qui le diri¬
geaient, avait eu sa bonne part de prospérité ; la charité
chrétienne avait considérablement augmenté ses reve¬
nus. 11 avait reçu des legs importants; nous en citerons
quatre:
1° Par testament mystique du 8 janvier 1834, M. Jean-
Antoine Rochery, curé de Saint-Julien-d’Eymet, donnait
à l’hospice d’Eymet une métairie située dans le bourg de
sa paroisse, avec dépendances considérables, en sus plu¬
sieurs objets mobiliers, le tout, dit le testateur, « pour ob-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 71
tenir sur moi un regard favorable du Dieu de miséricorde. »
Ces propriétés diverses furent vendues 36,000 francs.
2° Le 2 novembre 1839, l’hospice recevait un legs de trois
mille francs de madame de Boisneuf, née Marie' Cadot,
fervente catholique.
3° M. Martin, curé de Cogulot, laissa en mourant â
l’hospice d’Eymet une somme de deux mille francs.
4° Enfin, le 29 mars 1859, un legs de seize mille francs
fut fait au même hospice par M. Julien-Louis Hoarau de
la Source pour la fondation de trois lits, deux pour les
infirmes pauvres d’Eymet , et un pour ceux de Rou¬
quette (1).
De son côté, le Bureau de bienfaisance n’a pas été ou¬
blié : Le 10 août 1876, il percevait une somme de 15,164
francs provenant des dispositions testamentaires d’une
pieuse catholique de cette ville, Anne Rousseau. Son tes¬
tament est du 20 avril 1867.
On le voit, la communauté et l’hospice ont marché de
pair dans la voie de la prospérité. Si, par suite de son agré¬
gation à la congrégation diocésaine des sœurs de Sainte-
Marthe, la communauté a perdu son titre de maison-mère,
elle n’en est pas moins florissante. Fidèles à leurs tradi¬
tions, les sœurs qui la composent pratiquent toujours les
mêmes œuvres : elles soignent les pauvres malades,
portent des secours à domicile aux indigents malades qui
ne peuvent être reçus à l’hospice, dirigent une école gra-
(1) Ce noble et généreux chrétien que Dieu a récompensé, fut bien
secondé dans ses charitables largesses par sa digne épouse, cette servante
et amie dévouée des pauvres qui eut le mérite de laisser ignorer à sa main
gauche ce que faisait sa main droite. Elle donna six mille francs pour la
reconstruction de l’église d’Eymet. Le digne fils de ce père et de cette
mère, M. Charles Hoarau de la Source, conseiller général pour le canton
d’Eymet, continue les traditions chrétiennes et bienfaisantes de sa famille.
{ Note donnée par M. Pramil, doyen d’Eymet.)
72
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
tuite très fréquentée, et un pensionnat nombreux et tou¬
jours bien aimé des familles chrétiennes.
La sœur Elisabeth Duplantier , décédée le 17 février
1870, avait marché sur les traces de la sœur Marobert dont
elle avait été l’assistante, se faisant remarquer par l’amé¬
nité de son caractère, l’amour des pauvres et des enfants
et une piété angélique, et la supérieure actuelle, sœur
Mélanie, continue ces précieuses traditions de piété et de
bonne administration.
Et maintenant, si, en finissant cette notice, nous rap¬
pelons les dons faits par madame de Chapelle, M. le curé
Roux, d’Eymet, M. le curé Rochery, de Saint-Julien,
M. le curé Martin, de Gogulot, par M. Hoarau de la Source
et les ferventes catholiques Anne Rousseau et Marie de
Boisneuf, ne serons-nous pas autorisé à dire que la ville
d’Eymet est redevable de l’origine d’une importante com¬
munauté religieuse, de l’origine et de la prospérité de son
hospice, ainsi que des principaux revenus de son Bureau
de bienfaisance, à la pieuse générosité de ses curés, de
ceux du canton et des fidèles qu’ils dirigeaient ?
Nous aimons à savoir que la ville d’Eymet se montre
reconnaissante, et que la mémoire de ses bienfaiteurs lui
sera toujours chère. On voit s’élever sur la place de
l’ancien château une colonne commémorative. Elle porte
ces mots : « Aux bienfaiteurs des pauvres. Puis, viennent
les noms des curés Roux, Rochery et Martin, et les noms
des dames Paulte et Boisneuf. » — C’est bien ! Mais là
n’est pas toute la liste des bienfaiteurs des pauvres d’Ey¬
met. Pourquoi ne pas la compléter V
Post-Scriptum.
Des renseignements, arrivés après l’envoi à l’imprimeur
de notre étude sur l’hospice et le couvent d’Eymet, exigent
quelques modifications.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 73
Nous n’avons pas dit tout le mal que l’orage révolution¬
naire fit aux religieuses de cette ville. Non-seulement elles
furent chassées de leur maison et obligées de se retirer
dans leurs familles, mais la propriété de Rouquette, qu’elles
devaient à la générosité de madame de Chapelle, leur fut
confisquée au profit de la nation qui la vendit 31,000 fr.
Il est vrai que, plus tard, une indemnité en rentes na¬
tionales fut accordée à l’hôpital ; mais les religieuses, les
vraies spoliées, ne reçurent rien. L’Etat donna en outre à
l’hôpital, à titre de compensation, quelques immeubles.
Une délibération de la commission administrative du 12
nivôse an XI porte que 6,590 fr. de rentes nationales sur
particuliers furent données à l’hospice en remplacement
de biens aliénés.
Une délibération du 9 messidor an XII parle de biens
remis à l’hospice à titre de compensation. Enfin, une déli¬
bération du lerjuin 1828 énumère ces biens : « Le domaine
» de Perfaure, commune de Ladosse, canton de Mareuil ;
» le domaine de Cabane , commune de Beauregard, canton
» de Yillamblard ; les domaines de Cours et de la Mouline,
» commune de Saint-Georges-de-Monclard ; les quatre
» estimés 38,000 fr. »
Tous ces biens furent vendus très-avantageusement en
1833. Il est résulté de ces restitutions et dons, quelques-
uns au préjudice des religieuses, que l’hospice d’Eymet a
aujourd’hui un revenu fixe de 4,800 francs.
Aux noms des prêtres bienfaiteurs de l’hospice d’Eymet,
nous devons ajouter celui de M. Henri Lassalle-Gauthier,
curé de Saint-Capraise-d’Eymet, qui donna audit hospice
une rente de 50 fr. , comme le constate une délibération
de la commission administrative du 24 avril 1806.
Nous devons rectifier le don fait par M. Philippe Martin,
curé de Gogulot: i] ne donna point 2,000 fr., comme nous
74
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
l’avons dit d’après des renseignements inexacts, mais bien
la propriété d’une rente annuelle de cent francs, constituée
au capital de deux mille francs , créée par acte passé
devant M® Gagnère, notaire à Bergerac, et due par
M. Joseph Bontems, de Cogulot. Le testament olographe
qui lègue cette rente est du 17 janvier 1826, et la délibé¬
ration de la commission de l’hospice qui l’accepte est du 7
janvier 1827.
M. Martin avait été transféré en 1809 de Cogulot à Naus-
sanes, où il mourut dans le courant de l’année 1826. Il
était déjà euré de Cogulot et Saint-Sulpice lorsque l’orage
révolutionnaire éclata. Il partit en exil pour l’Espagne vers
la fin de 1792, d’où il ne revint qu’en 1802.
Le registre de l’église de Cogulot, à l’ouverture de l’année
1803, porte quelques lignes bien touchantes, bien édi¬
fiantes, écrites de la main de ce digne confesseur de la foi.
Nous croyons faire une agréable digression en les repro¬
duisant ici.
Il donne d’abord une copie textuelle du passeport qui
lui fut délivré, en date du 29 septembre 1792, par les au¬
torités municipales d’Eymet.Nous remarquons avec plaisir
que la prmière des signatures est celle de M. Barbe Du-
plantier, maire d’Eymet, le père de la vénérable supé¬
rieure, sœur Elisabeth Duplantier, dont il a été parlé.
M. Martin n’avait alors que 35 ans.
« Le gouvernement révolutionnaire, dit-il, fulmina un
» décret d’exil contre tous les ecclésiastiques employés,
» fidèles au serment qu’ils avaient prêté à Dieu et à l’Eglise
» de Jésus-Christ. Ces prêtres inconstitutionnels refusèrent,
» aux dépens de leurs biens tant patrimoniaux qu’ecclé-
» siastiques, de leur liberté, et au péril même imminent
» et très-imminent de leur vie, de profaner et prostituer
» leur bouche sacrée aux intentions perfides des agents de
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGOBD. 75
» la Révolution, par la prestation d’un serment sacrilège,
» Ce serment, destitué de vérité, de jugement et de jus-
» tice, présageait ce qui ne s’est malheureusement que trop
» vérifié, le bouleversement entier de la société tant civile
» que chrétienne.
» Je végétai dans un exil d’environ dix ans en Espagne.
» Je rentrai à Saint-Sulpice, à la Saint-Jean 1802, et le Ie''
» janvier 1803, je repris possession de la maison curiale
» de Pauvert (gros village entre Gogulot et Saint-Sulpice).
» Je donnais alternativement les offices à Gogulot et à
» Saint-Sulpice.
» J’étais livré aux travaux les plus pénibles du saint
» ministère, n’ayant d’autres ressources que celles de la
» charité des fidèles. Telle est, au moment où j’écris ceci,
» ma position (premier jour de janvier 1803). Je vis content,
» parce que je n’ambitionne que la gloire de Dieu et le
» salut des âmes.
» Je crois en Dieu, j’espère en lui ; j’aime Dieu, j'aime
» mon prochain, comme moi-même : telle est sincèrement
» ma devise. »
Nous avons pensé que le regard de notre lecteur se repo¬
serait agréablement sur ces lignes, témoignage de la foi
vive et de la tendre piété d’un excellent prêtre.
Hospice de Saint-Cyprien.
Nous n'avons que peu de documents sur la fondation et
les développements de l’hospice de Saint-Cyprien. Il peut
remonter à une époque fort ancienne et avoir une origine
toute monacale. N’aurait-il pas été, aux premiers jours de
son existence, le Xenodochium ou hôtellerie que l’on
voyait à côté de chaque monastère, où l’on recevait les
voyageurs, les pèlerins, où les pauvres pouvaient se retirer,
assurés d’y être l’objet de la charité la plus hospitalière ?
C’est une supposition qui n’est peut-être pas sans fonde¬
ment. Ce qui lui donne un caractère de grande probabilité,
c’est l’action ou patronage que le prieur de l’abbaye de
Saint-Cyprien exerçait sur cet hospice.
Nous voyons, en effet, qu’en 1680 (date la plus ancienne
que nous trouvons de l’existence de cet hospice), « le sei-
» gneur du Vis, conseiller du roi en la cour du parle-
» ment, commandeur des ordres de Notre-Dame du Mont-
» Carmel et de Saint-Lazare , ayant voulu s’attribuer les
>, revenus de l'hôpital de Saint-Cyprien, le prieur de l’ab-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC. 77
w baye, en sa qualité àe patron dudit hôpital, le fit déchoir
» par l’opposition qu’il forma à ses prétentions (1). »
Un autre document nous dit qu’aucurf pauvre n’était
admis dans l’hôpital « sans l’agrément de monsieur le
» prieur. »
A cette date, l’hospice n’était cependant pas la propriété
de l’abbaye ; il avait son existence civile. Nous pouvons
Juger de son importance par le nombre des pauvres qu’il
logeait et nourrissait ; il y en avait vingt-deux en 1786.
Ses revenus provenaient de diverses pièces de terre, chène-
vières, prés et vignes, et de quelques rentes en argent.
Rien ne nous dit à quelle époque des religieuses hospi¬
talières prirent la direction de cet hospice, ni à quelle
congrégation elles appartenaient. Il est souvent question
de ces religieuses de l’hospice de Saint-Gyprien, mais une
seule est nommément désignée : La sœur Sarlat, en 1788.
Le nombre des pauvres de cet hospice, vingt-deux en
1786, nous fait assez comprendre que plusieurs sœurs
devaient être employées à les servir.
Elles ne furent pas à l’abri de l’orage révolutionnaire
de 1793 ; chassées de leur hospice, elles furent obligées de
se retirer dans leurs familles. L’hospice lui-même fut
alors supprimé et remplacé par un simple bureau de cha¬
rité ou de bienfaisance, qui seul prit soin des pauvres jus¬
qu’en 1822.
A cette dernière date, Mme de Marobert, supérieure des
sœurs de Sainte-Marthe d’Eymet, parente de la famille de
Beaumont, de Saint-Gyprien, offrit aux administrateurs
du bureau de bienfaisance le service de deux religieuses,
pour le soin des pauvres et la direction d’une école gratuite
(1) Patron, en termes de jurisprudence canonique, est celui qui a fondé
ou doté une église ou un bénéfice, et qui s’est réservé pour lui et ses suc¬
cesseurs ou héritiers le droit de patronage. [Dictionnaire de Trévoux).
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
78
dejeunes filles. L’offre fut acceptée, et les conditions ar¬
rêtées et consignées dans la délibération suivante du bu¬
reau de bienfaisance, en date du 19 mai 1822 :
« Mmo de Marobert, supérieure de la congrégation reli-
» gieuse hospitalière de Sainte-Marthe-d’Eymet, offre le
» service gratuit d’une religieuse et d’une sœur de sa
» congrégation, pour donner leurs soins aux pauvres de
» Saint-Cyprien, et, dans le cas où sa proposition serait
» acceptée, elle a envoyé une[dame religieuse de sa congré-
» gation, pour exposer les conditions suivantes :
» 1° Un mobilier suffisant sera fourni pour une religieuse
» et une sœur hospitalière, ainsi que les ustensiles néces-
» saires pour le service des pauvres ;
» 2° Les bâtiments concédés par le bureau seront remis
» à la dame religieuse, et, en conséquence, le susdit bureau
» la mettra en possession de la salle occupée en ce moment
» par l’école de Mn° Beynat ;
» 3° La partie du jardin jouie jusqu’à ce jour par le bu-
» reau passera à la jouissance de ladite dame religieuse .
» 4° Le bureau de charité de Saint-Cyprien remettra la
» direction de cet établissement à ladite dame, tant pour
» ce qui regarde la distribution des secours à domicile
» que pour les soins des malades ;
» 5° Les recettes seront effectuées par le trésorier du
» bureau, et les dépenses seront régularisées de la manière
» prescrite par les instructions ;
» 6» Il sera remis à ladite dame un état détaillé des débi-
» teurs des rentes et de la consistance des immeubles qui
» appartiennent au bureau ;
» 7° Elle établira une pharmacie à ses frais et fournira
» gratuitement les remèdes aux pauvres du bureau ;
» 8° Elle prendra dans l’établissement deux pauvres au
» moins, à cinquante centimes par jour et par tête, les-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 79
» quels seront désignés par quatre membres du bureau,
» et munis d’un certificat de l’officier de santé ;
» 9° Lorsque les malades seront guéris ou que leur
«maladie aura «été reconnue incurable, la dame reli-
» gieuse pourra les renvoyer de son autorité ;
» 10° Elle portera à domicile aux pauvres malades ou
» nécessiteux, désignés par le bureau, les secours néces-
» saires ;
» 11° Elle élèvera gratuitement 20 filles pauvres dans la
» religion catholique, apostolique et romaine, leur appre-
» nant à lire, à écrire et à travailler à l’aiguille. Le nom-
» bre s’augmentera dans la proportion des ressources ;
» 12° Un compte détaillé par chapitre de recettes et de
» dépenses sera régulièrement rendu au bureau par ladite
» dame, tous les trois mois.
» Les membres du bureau, considérant que Mme de
« Marobert n’a d'autre but, dans cet établissement, que
» de satisfaire son amour ardent et éclairé pour l’huma-
» nité, qu’il ne peut en résulter que de très grands avan-
» tages pour l’éducation des enfants et pour les soins et
» le soulagement des pauvres malades, dont les revenus
» sont sensiblement augmentés par cet ordre de choses,
» ont unanimement approuvé toutes les conditions sus-
» énoncées de la proposition de Mme de Marobert, et ont
» signé au registre. »
C’est ainsi que les sœurs de 'Sainte-Marthe-d’Eymet
prirent la direction du bureau de bienfaisance de Saint-
Cyprien, qui redevint bientôt hospice. A l’époque de la
fusion et de la formation de la congrégation générale de
Sainte- Marthe, la maison de Saint-Gyprien dirigeait dans
cette ville un hospice, des écoles gratuites et payantes et
un pensionnat assez nombreux. Elle avait eu successive-
80 LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC.
ment pour supérieures les sœurs Delpech, Antoinette
Poujol et Haubert.
Les sœurs de Sainte-Marthe, pour des motifs peu con¬
nus, et que nous n’avons pas à examiner, durent quitter
Saint-Cyprien en 1864. Elles furent remplacées par les
Filles de Saint-Vincent-de-Paul.
Aujourd’hui, Saint-Cyprien n’a plus d’hospice, mais un
simple bureau de bienfaisance, qui a recueilli le prix de
la vente de l’ancienne maison des pauvres avec quelques
terres qui en dépendaient. Les trois quarts de ses reve¬
nus, il les doit à la générosité de deux curés de Saint-
Cyprien : l’un, M. l’abbé Dupourtel, mort au commence¬
ment du siècle, l’autre, M. l’abbé Vergnolles, que nous
avons connu, aimé et estimé, décédé en 1860, « frappé, —
» écrivions-nous alors, — frappé avant son heure, si nous
» ne consultons que son âge (48 ans) et le bien qu’il fai-
» sait, mais frappé à l’heure de Dieu qui, trouvant pleine
» la mesure de ses mérites, a voulu le récompenser. »
Répétons-le en finissant, pour qu’on le sache bien : la
ville de Saint-Cyprien doit les trois quarts des revenus de
son bureau de bienfaisance à deux de ses anciens curés,
ce qui n’a pas empêché d’exclure de la commission admi¬
nistrative de ce bureau le curé actuel de Saint-Cyprien,
M. l’abbé du Plantier.
Hospice de Beaumont.
Avant la grande Révolution de 1793, la petite ville de
Beaumont possédait un très bel établissement d’instruc¬
tion pour les jeunes filles, dirigé par les Dames de la Foi ,
et un hospice desservi probablement par les mêmes reli¬
gieuses, quoique leur institut ne fût pas essentiellement
hospitalier. Les deux maisons, occupées l’une par le
pensionnat, et l’autre par les pauvres, très vastes et très
bien bâties l’une et l’autre, paraissent dater de la même
époque.
L'hospice fut fondé en 1750 par M&r Henri-Jacques de
Montesquiou, évêque de Sarlat, aidé des dons généreux
des dames de Lapradelle, disent quelques-uns, tandis que
d’autres prétendent que la générosité de ces dames se
porta uniquement sur la fondation de là maison d’instruc¬
tion. Peut-être concoururent-elles à la fondation des deux
établissements, puisque leur architecture indique une
construction de la même époque.
Le local bâti alors pour l'hospice sert aujourd’hui de pres¬
bytère, de prétoire de paix et de mairie. A l’époque de la
grande Révolution, il ne fut point vendu, et quoique non
82 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
occupé par les pauvres, il a toujours été considéré comme
propriété de l’hospice : la commune en a payé 300 francs
de location à la commission administrative jusqu’en 1875.
A cette époque, elle l’acheta 16,000 francs qui furent placés
en rentes sur l’Etat au profit des pauvres de l’hospice.
Quant au local occupé par les Dames de la Foi et leur
nombreux pensionnat, il ne fut pas non plus vendu, mais
les religieuses en ayant été chassées par le flot révolution¬
naire, quelques familles pauvres s’y établirent et s’en dis¬
putèrent les divers appartements.
Les pauvres, qui avaient été aussi chassés de leur
demeure pendant l’orage, y rentrèrent après, dans la partie
laissée libre par le prétoire de paix et la mairie, et y furent
soignés par une religieuse, probablement une de celles
qui en avaient été chassées, peut-être la sœur Marie Paty,
ancienne religieuse des Dames de la Foi, et dont nous
aurons à parler.
Tel fut l’hospice de Beaumont jusqu'en 1818. A cette
époque, le beau couvent des Dames de la Foi fut évacué par
les familles pauvres qui s'y étaient installées. Les autorités
de Beaumont comprirent qu’il y avait place dans ce local
et pour les pauvres et pour les écoles dont la ville était
dépourvue. Elles comprirent aussi que, pour le bien-être
des pauvres et la bonne instruction des jeunes filles, elles
devaient y appeler des religieuses ; elles s’adressèrent à la
congrégation de Sainte-Marthe-d’Eymet.
La supérieure, alors Mme de Marobert, s’empressa d’adhé¬
rer à la demande qui lui était faite, et ce fut au mois de
septembre de cette même année 1818 que les religieuses
d’Eymet s’établirent à Beaumont, pour y continuer ou
reprendre l’œuvre des Dames de la Foi en faveur des
jeunes filles, et l’œuvre des. sœurs hospitalières en faveur
des pauvres et des malades. Un traité, réglant les condi-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 83
tions de ce double établissement, fut passé devant notaire
le 29 décembre suivant entre Mme de Marobert et la com¬
mission administrative de l’hospice.
Par ce traité, tous les bâtiments de l’ancien couvent des
. Dames de la Foi furent mis à la disposition des nouvelles
religieuses ; une aile fut spécialement affectée à l’hospice,
et dès ce moment, les pauvres y furent transportés. Des
réparations urgentes furent faites à tout le bâtiment ; les
religieuses eurent à supporter une bonne part des frais.
Il y avait là, comme on le voit, deux établissements bien
distincts, indépendants l’un de l’autre, le couvent avec ses
diverses classes et l’hospice avec ses pauvres. Les sœurs
devaient diriger leurs écoles pour leur compte personnel,
sans aucun contrôle des autorités locales ; quant à la direc¬
tion de l’hospice, elles devaient se conformer au règle¬
ment arrêté par ce traité du 29 décembre 1818, et rendre
compte à la commission administrative.
La première supérieure du couvent et de l’hospice fut
Mme Elisabeth Duplantier,que nous avons vue, au chapitre
sur l’hospice d’Eymet, assistante de Mme de Marobert, et
plus tard supérieure elle-même de la Maison-mère.
Dès l’arrivée des sœurs de Sainte-Marthe à Beaumont,
nous voyons parmi elles l’ancienne religieuse des Dames
de la Foi, la sœur Marie Paty, que nous avons déjà nom¬
mée. Elle vécut en communauté avec les sœurs de Sainte-
Marthe, probablement sans se lier par aucun vœu. Nous
la verrons plus tard jouer un beau rôle de conciliation.
La maison religieuse de Beaumont prit une rapide exten¬
sion et devint bientôt, par la prospérité de son pensionnat
et des autres classes, un établissement d’instruction d’une
assez grande importance. Pendant plusieurs années elle
marcha parfaitement d’accord avec la communauté d’Ey¬
met, qu’elle regardait avec raison comme sa Maison-mère.
84
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Mais, peu à peu, l’esprit d’indépendance s’y introduisit et,
comme on n’eut pas le soin de couper le mal dans sa ra¬
cine et de l’arrêter dès le principe, il se trouva trop tard
lorsqu’on voulut y remédier.
En même temps, l’hospice avait aussi ses progrès ; il s’en¬
richissait des dons de plusieurs bienfaiteurs. Nous devons
citer en première ligne M. Pouzargue, curé de Beaumont,
qui, par l’importance des biens qu’il donna à l’hospice,
doit en être regardé comme le second fondateur.
M. Jean Pouzargue, originaire de Belvès, était curé de
Beaumont quand la Révolution éclata. Fidèle à l’honneur
de son sacerdoce, il refusa le serment exigé des prêtres et
passa dix années en exil. Il fut, après le Concordat, réin¬
tégré dans la cure de Beaumont, où il mourut plein de
jours et de vertus en 1822. Par son testament du 20 mars,
de cette année, reçu par M0 Duclaud, notaire à Beaumont,
il légua aux pauvres présents et futurs de l’hospice tous ses
biens immeubles, chargeant les dames Antoinette de
Marobert et Elisabeth Duplantier de leur en distribuer les
revenus. Il légua aussi ses valeurs mobilières, meubles, or,
argent, argenterie et créances aux mêmes religieuses pour
en disposer à leur volonté.
Les biens immeubles légués par M. Pouzargue étaient :
1° une métairie au village de Nérac ; — 2° une métairie
dite Métairie-Neuve , dans la commune de Nojals ; — 3° un
enclos avec maison, près du village des Fargues ; — 4<> un
pré dans la commune de Blanquefort, canton de Fumel
(Lot-et-Garonne) ; — 5° une terre dite de Pech-Grand ;
— 6° un bois taillis à Yiou-de-Pot ; — 7° une châtaigne¬
raie au Maine.
Ces divers immeubles furent vendus en plusieurs lots
en 1837, et le produit en fut placé en rentes sur l’Etat au
profit de l’hospice.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 85
A la suite de M. le curé Pouzargue, nous devons citer
comme bienfaitrice de l’hospice de Beaumont Mlle Aude-
bert,, qui, par son testament du 12 décembre 1825, légua
à l’hospice plusieurs rentes qui furent converties en un
-capital de 1,040 fr.
Revenons aux religieuses directrices des écoles et de
l’hospice. Nous avons dit que l’esprit d’indépendance s’était
introduit parmi elles. Les choses en étaient arrivées au
point que la maison de Beaumont se considérait moins
comme la fille que la rivale de celle d’Eymet. Elle voulait
avoir son noviciat particulier et former elle-même les reli¬
gieuses qui lui seraient nécessaires. Malheureusement,
cette prétention se trouva favorisée par l’autorité civile et
religieuse du lieu.
La supérieure de la communauté d’Eymet, persuadée
que ce projet n’avait pour but que de rendre la maison de
Beaumont indépendante, eut recours à un moyen extrême,
celui d’abandonner cette maison et de rappeler à la Maison-
mère les religieuses qui y étaient employées. On dit aussi
que des difficultés administratives, élevées entre les reli¬
gieuses et la commission de l’hospice, pesèrent beaucoup
dans la détermination prise par la supérieure générale.
Quoi qu’il en soit, dociles à la voix de leur supérieure,
toutes les religieuses de Beaumont, toutes, à l’exception
de deux, la supérieure et une sœur converse, s’empres¬
sèrent d’obéir. C’était en 1834.
Les religieuses, en se retirant, durent régler avec la com¬
mission administrative jet l’autorité municipale leurs comp
tes de gestion. Le règlement définitif ne put avoir lieu
que le 22 août 1835, par acte devant M° Gérard, notaire à
Beaumont; les deux parties n’ayant pu arriver à un
accord parfait qu’après de longues et vives contestations
et avec l’intervention de l’autorité préfectorale.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Par acte du 11 juillet 1820, retenu par Me Ducros,
notaire, Mme de Marobert et Mme Duplantier, acceptant
pour la communauté de Beaumont, avaient acquis des
mariés Mizermont une pièce de terre, pour le prix de
618 fr. 30 c., payés comptant, et provenant des deniers de
la communauté. Elle avait été convertie en j ardin, ce qui
avait occasionné de fortes dépenses, supportées par la
même communauté.
Par un autre aete du 20 novembre 1822, retenu par
M° Baysselance, notaire, Mme Elisabeth Duplantier, alors
supérieure de la communauté de Beaumont, avait acquis
des frères Antoine Beaudoumier un pré placé au lieu de
Raugea, au prix de 220 fr., dont l’acte portait quittance.
En se retirant, les religieuses et leur supérieure géné¬
rale, Mme Elisabeth Duplantier, qui avait succédé depuis
deux ans à Mme de Marobert, réclamaient la propriété de
ces deux objets et entendaient en disposer à leur volonté.
Elles réclamaient aussi- le mobilier de la communauté
qu’elles avaient acquis de leurs propres deniers. Mais une
opposition formelle leur fut signifiée de la part de M. le
maire de Beaumont.
Nous ignorons quelle fut la décision du conseil de pré¬
fecture, mais toutes les difficultés furent aplanies par
l’intervention de la sœur Marie Paty. Par l’acte du règle¬
ment de compte du 22 août 1835, elle donna à l’hospice
de Beaumont quelques immeubles qui lui appartenaient,
à la condition que les religieuses d’Eymet ne seraient nul¬
lement inquiétées par aucune demande ni réclamation de
la part de l’administration de la ville, et le différend prit
fin.
Pour remplacer les religieuses d’Eymet, les autorités de
Beaumont eurent recours aux religieuses de Sainte- Mar¬
the de Périgueux, qui, alors, ayant quitté depuis peu
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 87
l’hôpital de Périgueux, s’étaient retirées à Saint-Léon-sur-
l’Isle. Elles s’empressèrent d’accepter l’offre qui leur était
faite. Ce fut le 28 octobre 1835 qu’elles prirent possession
de la communauté et de l’hospice de Beaumont. L’an¬
cienne supérieure, qui y était restée dans l’espoir que les
sœurs d’Eymet y reviendraient, voyant que l’hospice et
tout l’établissement passaient sous la direction d’une
autre congrégation, prit enfin le parti de se retirer ; mais,
au lieu de rentrer dans sa communauté d’Eymet, elle se
rendit auprès de sa famille, à Dagland, et se fixa dans une
maison qu’elle y possédait. Et c’est là qu’elle mourut
quelques années plus tard, après avoir légué par testa¬
ment sa maison aux religieuses d’Eymet pour y faire urfe
fondation.
Les sœurs de Sainte-Marthe de Périgueux continuèrent
à Beaumont les œuvres des sœurs de Sainte-Marthe-
d’Eymet : le soin des pauvres et des malades, l’école gra¬
tuite, les classes payantes et le pensionnat.
Par les conditions arrêtées entre l’administration et la
supérieure, la commission laissait aux religieuses la
jouissance d'une métairie, d’un jardin et le produit des
classes, sans qu’elles fussent obligées d'en rendre compte.
De plus, la commission prenait à sa charge l'entretien des
bâtiments, du linge et du mobilier des pauvres et elle
donnait, en outre, aux sœurs, cinquante centimes par
jour pour la nourriture de chaque pauvre ou malade.
Ces conditions n’ont pas été changées et sont toujours
en vigueur.
Tel fut et tel est aujourd’hui l’hospice de Beaumont.
Disons en finissant, et sans réflexion aucune, qu’ayant
été fondé par un évêque et enrichi par un curé, il n’a pu
conserver le curé de la paroisse dans la commission qui
l’administre III
VIII
Hôpital de Villefranche-de-Belvès.
L’hôpital de Villefranche-de-Belvès fut fondé sous le
vocable d 'Hôtel-Dieu de Villefranche-du-Périgord par ma¬
dame la marquise de Giversac, née de Beaupoil de Saint-
Aulaire. L’acte de fondation fut passé à Paris le 25 juin
1736, en l’étude du notaire Judde.
Par cet acte, « la dame Marie-Anne de Beaupoil, veuve
» de messire Louis-Christophe de Cugnac, chevalier, mar-
» quis de Giversac, seigneur de Sermet, Lahastide, Saint-
» Plainpont, vicomte de Puicalvel, demeurant en la ville'de
» Cahors en Quercy, donne, pour fondation d’un Hôtel-
» Dieu, sa maison, sise à Villefranche, avec toutes ses
» appartenances et dépendances, ensemble tous les lits,
» linge, ustensiles et autres effets qui sont dans ladite
» maison. Elle donne en plus, au profit dudit hôpital, un
» titre de 400 livres de rente annuelle et perpétuelle, rache-
» table à la volonté de ladite dame donatrice ou de ses
» héritiers, moyennant la somme de huit mille francs qui
» sera alors employée en acquisition de biens fonds ou en
» rente constituée sur des fonds solides. »
LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC. 89
L’acte porte ces paroles : « Ladite dame marquise de
» Giversac, touchée de lamisère extrême où sontréduits les
» habitants pauvres des terres dudit feu seigneur son mari,
» tant par la stérilité du pays que par le dommage qu’ils
» souffrent â raison du passage et logement des gens de
» guerre, a formé depuis longtemps le dessein de fonder un
» Hôtel-Dieu ou hôpital de charité en la ville de Ville-
» franche-du Périgord, diocèse de Sarlat, où les pauvres
» malades et infirmes desdites terres et paroisses, par pré-
» férence à tous autres, même les soldats malades qui pas-
» seront ou logeront audit Villefranche , puissent être
» admis et y recevoir le soulagement nécessaire à leurs
» maladies et infirmités. »
Ladite dame donatrice se réserve de mettre et recevoir
dans le susdit hôpital les filles de charité qu’elle choisira
pour servir les malades tant pour le présent que pour
l’avenir.
Il est dit à l’article 8 : « Monseigneur l’évêque de Sarlat
» aura, ainsi que de droit, toute supériorité sur les filles
» de charité qui seront préposées pour le service des
» pauvres audit hôpital, lesquelles n’y seront même admi-
» ses et reçues que de son agrément, et pourra au surplus
» faire tels règlements qu’il jugera à propos pour le gou-
» vernement spirituel de cette maison. »
La fondatrice règle ensuite l’organisation du bureau
qui devra fonctionner après sa mort; elle garde seule
l’administration sa vie durant. « Ce bureau se composera
» du patron de l’hôpital, qui sera toujours le seigneur,
» propriétaire de la terre de Sermet, de messieurs les
» curés de Villefranche et de Sermet, et du syndic ou tré-
» sorier dudit hôpital, nommé par le seigneur patron.
» Monseigneur l’évêque de Sarlat en sera toujours le chef
» et y présidera toutes les fois que bon lui semblera, ou
90
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» l’un de înessieurs ses grands vicaires en son absence,
» avec voix délibérative. »
Vient ensuite sur le parchemin de cet acte l’approbation
de Mgr Denis-Alexandre Le Blanc, évéque de Sarlat, avec
sa signature propre et son cachet épiscopal en cire.
La marquise de Giversac mourut en 1759 en son château
de Sermet, paroisse de Loubejac. Son corps, suivant ses
dernières volontés, fut inhumé dans la chapelle de l’hos¬
pice qu’elle avait fondé. On y conserve encore son por¬
trait qu’elle-même y avait placé avec celui de sa fille.
Mais ce dernier a été, il y a quelques années, donné à sa
famille qui l’avait demandé.
La marquise de Giversac fonda l’hôpital de Villefranche
pour expier la faute grave qu’elle avait commise en for¬
çant sa fille à consentir à un mariage contraire à ses goûts
et à ses inclinations. Une tradition, passée à l’état de
légende, bien connue dans le pays et toujours écoutée
avec émotion, fait le récit suivant quand il s’agit de faire
connaître le motif principal de l’importante fondation :
La noble dame avait fiancé sa jeune fille avec son oncle
paternel ; mais ce mariage répugnait au cœur de la timide
enfant par la disparité de l’âge et autres considérations.
La mère, inflexible devant les larmes de sa fille, avait
imposé sa volonté.
Au jour fixé pour la célébration du mariage, on se ren¬
dit à l’église. Au moment solennel, interpellée par le prê¬
tre si elle consent au mariage, la jeune de Giversac, se
tournant vers sa mère, lui dit d’une voix étouffée par la
crainte révérentielle : Vous le voulez ? ma mère. — Oui,
ma fille, répond celle-ci. La jeune fille prononce alors
son oui sacramentel , mais en même temps elle s'affaisse
sur elle-même comme foudroyée. On s’empresse de la
relever ; elle était morte 1!
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 91
Et la marquise comprit sa faute, et pour s’en punir et
l’expier, elle fit l’importante fondation dont nous venons
de parler. Et elle voulut que son beau-frère, le marquis
de Giversac, devenu son gendre et son héritier par ce
fatal mariage, lui qui avait aussi beaucoup à expier, don¬
nât son consentement à la fondation expiatoire. Nous
lisons dans l’acte précité : « Haut et puissant seigneur
» messire Emmanuel de Cugnac, chevalier, seigneur,
» marquis de Giversac, Sermet et autres places, vicomte
» de Puicalvel, tant pour lui, en qualité de successeur
» audit droit de patronage, que pour ses successeurs, pro-
» priétaires de ladite terre de Sermet, ensemble pour les
» pauvres dudit Hôtel-Dieu, a déclaré qu’il accepte ladite
» fondation et les donations faites par ladite dame mar-
» quise de Giversac, sa belle-mère , pour la fondation
» dudit hôpital, avec toutes les clauses et conditions qu’il
» promet de sa part exécuter et faire exécuter en tout leur
» contenu. »
Dès le début de la fondation, la marquise de Giversac
confia la 'direction de l’hôpital aux sœurs de la charité de
Nevers qui la conservèrent jusqu’à la Révolution. A
l’explosion de l’orage révolutionnaire , elles en furent
chassées.
L’une d’entre elles, la sœur Vialence, originaire de
Yillefranche, se retira dans sa famille, ne perdant pas de
vue la maison des pauvres. Dès que les circonstances le
permirent, elle reprit seule le service de l’hôpital et le
dirigea jusqu’à l’année 1823.
A cette époque, les administrateurs s’adressèrent aux
sœurs de Sainte-Marthe d’Eymet pour avoir des religieu¬
ses qui pussent faire en même temps le service des pau¬
vres de l’hôpital et diriger des classes pour l’instruction
des jeunes filles. Un premier traité eut lieu le 5 juillet 1823
92
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
entre les administrateurs et la supérieure générale, Mme de
Marobert, dont plusieurs fois nous avons eu à admirer
l’intelligence et le zèle pour les œuvres de charité.
En vertu de ce traité, Mme de Marobert, supérieure
générale, s’engageait à envoyer à Villefranche deux sœurs,
chargées de soigner les pauvres et les malades de l’hôpi¬
tal et de diriger une école gratuite pour les filles pauvres
de la ville, à la condition que les administrateurs fourni¬
raient aux sœurs le mobilier nécessaire et leur accorde¬
raient une pension annuelle de 400 fr. pour leur nourri¬
ture et leur entretien.
Ce traité ajoutait que si les administrateurs désiraient
annexer à l’hôpital une classe payante et externe, Mme de
Marobert enverrait un sujet capable pour la diriger, et il
fixait le taux de la rétribution scolaire.
En 1840, le gouvernement ayant voulu régulariser la
position de tous les établissements de bienfaisance, un
second traité fut passé entre la commission et Mme Elisa¬
beth Duplantier, supérieure générale de la communauté
d’Eymet. Ce nouveau traité, eh date du 8 avril 1840,'
rédigé d’après la formule envoyée par le ministre de l’in¬
térieur, paraît avoir été fait plutôt pour la forme que pour
la mise à exécution. Les conditions qui y sont établies ne
sont pas plus observées par la commission que par les
sœurs, et cependant l’établissement est administré d’une
manière satisfaisante pour les uns et pour les autres.
Parmi les membres delà commission qui signèrent alors
le traité, figurent M. Vialence, médecin, neveu de la sœur
de Nevers dont nous avons parlé, et M. Goldefy, curé. On
n’excluait pas encore le curé de l’administration des inté¬
rêts des pauvres.
Ce traité fut approuvé le 23 juin 1840 par M. de Rému-
sat, ministre de l’intérieur.
93
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
Les religieuses de Sainte-Marthe d’Eymet dirigèrent
l’hôpital de Villefranche jusqu’à l’époque de la formation
de la Congrégation de Sainte-Marthe-du-Périgord ; elles
adhérèrent alors aux nouveaux statuts sans aucune
réserve.
Aujourd’hui, les besoins de cet hôpital exigent la pré¬
sence de quatre sœurs qui y sont employées aux soins des
malades, à l’école gratuite et à la classe payante. Elles
trouvent dans l’établissement tout ce qui leur est néces¬
saire tant en santé qu’en maladie, et une somme de cent
francs est accordée annuellement à chacune pour frais
d’entretien.
Reprenons, pour en dire encore un mot, les dispositions
généreuses de la fondatrice.
La maison léguée pour y établir l’Hôtel-Dieu de Ville-
franche résista à l’orage révolutionnaire de 1793 ; elle
abrite encore les religieuses et les pauvres, et la mémoire
de la marquise de Giversac y est toujours bénie.
La marquise avait légué aussi pour l’entretien des pau¬
vres diverses propriétés, et, en outre de la rente de 400 fr.
dont nous avons parlé, autres rentes en argent placées
sur le clergé, et spécialement affectées à l’entretien des
religieuses, directrices de l’hôpital.
Les propriétés furent successivement aliénées et le capi¬
tal placé en rentes sur l’Etat ou sur particuliers. Plusieurs
de ces dernières. ont été perdues, parce qu’on a négligé de
faire renouveler les inscriptions hypothécaires avant la
prescription des titres.
Quant aux fonds placés sur les biens du clergé, ils subi¬
rent, à l’époque de la Révolution, le sort des autres biens
de l’Eglise ; il n’en reste aucune trace.
Aujourd’hui, les revenus de cet hôpital, si riche à son
origine, grâce à la charité chrétienne, ne s’élèvent qu’à
94 LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC.
la modique somme de 1,750 fr., affaiblie encore par les
droits du receveur municipal.
A Villefranche, comme à Eymet, on a respecté les
volontés de la fondatrice de l’hôpital. Nous avons vu que
la marquise de Giversac avait compris le curé de Ville-
franche dans la composition du bureau qui devait admi¬
nistrer après elle les biens de l’hôpital.
A notre avis, elle constituait pour le curé un droit ina¬
liénable de la part des autorités de Villefranche qui accep¬
taient la fondation, comme inaliénable était la fondation
de la part de la marquise. — L’acte de fondation devait à
tout jamais et dans toutes ses clauses sortir son effet.
M. le curé actuel de Villefranche a été compris dans la
nouvelle commission administrative. Il fait aussi partie
de la commission du Bureau de bienfaisance, dont les
revenus ne dépassent pas 400 fr. M. le curé doit sa double
nomination, ou plutôt la reconnaissance de son droit, au
bon sens du conseil municipal.
Hôpital de Monpazier.
Nous savions que M. l’abbé Monmont, curé de Capdrot,
bien connu des lecteurs de notre Semaine religieuse ,
avait fait des études sur les anciennes collégiales de Cap¬
drot et de Monpazier, et nous lui avions demandé quel¬
ques notes sur l’hospice de cette ville. Notre cher confrère
est allé au-delà de nos désirs ; il nous a envoyé un tra¬
vail tout fait et des plus intéressants. Nous n’avons qu’à
nous en faire l’éditeur ; nos lecteurs y trouveront leur
avantage.
« Monpazier, l’une des villes les plus curieuses du
département, bâtie par les Anglais en 1284, possédait déjà
en 1318, c’est-à-dire trente-quatre ans après sa fondation,
une maison de charité. Certains documents que nous
avons sous les yeux constatent, en effet, que les quatre
consuls de la ville en furent nommés administrateurs à
cette date reculée. Cet établissement devait être, toutefois,
de très médiocre importance, dans une petite ville dépour¬
vue de commerce et d’industrie, telle que Monpazier,
éloignée des grandes voies de communication, et comme
perdue au milieu de campagnes boisées. Les archives de
96 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Uhôtel-de-ville ne font aucune mention de cette maison
hospitalière, durant les longues années qui s’écoulent du
xiv® au xtii0 siècle. Un acte public de 1717 nous fait con¬
naître, incidemment, l’état de ses ressources, qui s’éle¬
vaient seulement à la modique somme de cinquante-deux
livres de revenus.
» L’abbé de Laborie de Campagne, originaire de Saint-
Cyprien, nommé archiprêtre de la collégiale de Monpa-
zier en 1757, fut le véritable fondateur de l’hôpital actuel.
La baronne de Lavaur, Anne- Virginie de Gironde, avait
laissé par testament une maison et un champ aux orphe¬
lines de la ville. Une ordonnance royale approuva la
réunion de ce legs à la maison de charité. Cette donation
n’augmentait pas notablement les revenus de l’établisse¬
ment, dont les murs, peu spacieux d’ailleurs, tombaient
en ruines. L’abbé de Laborie, qui venait d’en être nommé
syndic,' ou directeur, par les officiers municipaux, songea
dès lors à lui procurer, par tous les moyens en son pou¬
voir, des ressources plus abondantes, d’autant plus né¬
cessaires que le nombre des pauvres était considérable à
Monpazier.
» Issu d’une des principales familles du Périgord, sa
naissance le mettait tout naturellement en rapport avec
la haute société. Il était doué, du reste, de beaucoup
d’intelligence — ses actes le prouvent — et d’une grande
énergie pour le bien. Il se rendit donc à Paris, quêta pour
son hôpital auprès des familles opulentes, et obtint même
de l’Etat des sommes importantes pour la restauration et
l’agrandissement de la maison de charité et l’établisse¬
ment d’une filature.
» De retour à Monpazier, le digne archiprêtre voulut
aussitôt mettre la main à l’œuvre. Il n’épargna ni son
temps, ni sa bourse, ni sa santé pour conduire à bien
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 97
l’œuvre qu’il avait entreprise. Mais il avait compté sans
l’opposition jalouse de certains hommes qui eurent le
triste courage de traverser ses projets, quand par état ils
auraient dû les servir.
. » Il avait acheté de ses propres deniers plusieurs mai¬
sons délabrées dont il destinait les matériaux à la restau¬
ration projetée. Il avait, de plus, demandé aux échevins
de la ville l’autorisation d’employer, pour la même fin,
quelques restes de vieux remparts dont la municipalité
n’avait nul souci, et laissait même à la libre disposition
de quiconque voulait les utiliser. La réponse se fit long¬
temps attendre, et on finit par lui refuser l’autorisation
qu’il avait sollicitée. L’abbé de Laborie dut recourir alors
à l’intervention de l’autorité supérieure. Voici la lettre du
maréchal de Richelieu, gouverneur de la Guienne, à
MM. les maire et échevins de Monpazier :
«Messieurs, je joins ici un mémoire de M. l’abbé de
» Laborie par lequel il me demande, ainsi que vous le
» verrez, la permission de se servir des pierres de quelques
» vieux restes de murailles de votre ville pour faire des
» réparations à l’hôpital et à la maison de charité. S’il est
» vrai, comme il le dit, que ce ne soient plus que quel-
» ques vestiges de murs épars çà et là qui ne puissent
» désormais être d’aucune utilité, je pense qu’au lieu d’en
» laisser enlever les matériaux par le premier à qui il
» plaît de s’en emparer, ainsi que vous avez le grand tort
» de le souffrir, il vaut beaucoup mieux les employer à
» l’usage pour lequel M. de Laborie les demande, et qui
» présente un avantage réel pour votre ville, puisqu’il
» s’agit d’objets à la conservation desquels toute la com-
» munauté est intéressée. Ainsi, messieurs, à moins qu’il
» ne s’y trouvât quelque inconvénient que je ne connais
» pas, ce dont vous auriez soin de m’avertir, je consens
98 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» volontiers à ce que les pierres de ces vieux restes de
» murailles soient employées aux réparations de l’hôpital
» et de la maison de charité de votre ville ; et pour qu’el-
» les soient véritablement réservées pourc et usage, exclu-
» sivement à tout autre, je vous charge expressément de
» veiller à ce que personne n’en détourne la moindre
» partie à ses usages particuliers, et de me donner avis
» sur-le-champ de tout ce qui pourrait se passer sur cela
» de contraire à mes ordres. Je vous charge aussi de faire
» transcrire sur vos registres cette lettre, dont vous ne
» manquerez pas de m’accuser réception.
» Signé : Maréchal de Richelieu. »
» Cette lettre, datée du 23 juillet 1774, resta sans effet :
la municipalité continua d’entraver les projets de l’abbé
de Laborie par mille tracasseries. Un jour que le digne
archiprêtre présidait à l’enlèvement des matériaux qui lui
avaient été cédés par l’autorité supérieure, le maire de la
ville, accompagné de plusieurs hommes armés, parut tout
à coup sur les lieux et menaça les ouvriers de la prison,
s’ils ne cessaient aussitôt tout travail. L’abbé de Laborie,
ne voulant pas compromettre ces pauvres gens, les invita
à se retirer ; puis, il protesta contre la violence dont il
était l’objet, malgré les ordres formels de l’intendant de
la province, et se déclara prêt à revendiquer, par les voies
juridiques, le plein exercice de ses droits.
» Ces dispositions si injustes, si despotiques de la mu¬
nicipalité, si contraires à l’intérêt des pauvres et à la paix
publique, ne pouvaient être tolérées plus longtemps. Un
arrêt du Parlement de Bordeaux vint exclure le maire et
les échevins réfractaires de l’administration de l’hôpital.
» Cette mesure sévère, mais juste et méritée, irrita pro¬
fondément les officiers municipaux, qui adressèrent au roi
plusieurs requêtes et mémoires pour protester contre leur
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 99
exclusion. Ils se réunirent plusieurs fois à l’hôtel-de-ville
pour délibérer à ce sujet, et nommèrent, de leur propre
autorité, deux nouveaux syndics chargés de poursuivre,
devant le Parlement de Bordeaux, l'annulation de l'arrêt
qui les frappait. Ces diverses réclamations restèrent sans
réponse, et l’abbé de Laborie put reprendre l’œuvre à
laquelle il devait consacrer sa vie (1).
» Le pieux fondateur, qui venait d’être nommé vicaire-
général de Sarlat, peut-être en récompense de son zèle et
de sa persévérance, avait en vue tout à la fois, dans l’œuvre
qu'il projetait, le soin des pauvres, Finstruction de la jeu¬
nesse et le travail manuel. Pour le seconder dans cette
triple tâche, il appela à Monpazier une jeune personne de
Gourdon (diocèse de Gahors), recommandable par son
amour des pauvres et sa grandepiété, nommée Marie Falret,
qui prit l’habit des sœurs hospitalières et fit sa profession
l’année d’après. Ces religieuses ne faisaient que le double
vœu de chasteté et de stabilité.
» Cette sainte fille répondit admirablement à l’attente
du digne archiprêtre. Elle ne pouvait, toutefois, réduite à
ses seules forces, remplir la lourde tâche à laquelle elle
s’était dévouée. Marie Falret appela donc auprès d’elle,
pour lui aider dans ses laborieuses fonctions, une de ses
sœurs Jeanne Falret, qui revêtit elle-même l’habit reli¬
gieux.
» Nous l’avons déjà dit, l’abbé de Laborie voulait établir
à l’hôpital une filature pour procurer du travail aux bras
inoccupés, et faire pénétrer un peu d’aisance au sein des
familles pauvres, si nombreuses à Monpazier. 11 engagea,
dans ce but, Marie Falret à se rendre à Périgueux, au cou-
(1) La plupart des renseignements qui précèdent sont extraits des papiers
de feu M. Larguerie, ancien notaire à Monpazier, que sa veuve a bien
voulu mettre à notre disposition.
100
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
vent des Ursulines, pour y apprendre à travailler le coton.
La bonne sœur partit à regret. Avait-elle quelque vague
pressentiment de sa ün prochaine? Ses élèves, qui l’entou¬
raient du plus tendre respect, l’accompagnèrent, én ver¬
sant des larmes, bien au-delà des murs de la ville. «Adieu,
mes enfants, leur dit-elle en les quittant, je ne vous rever¬
rai plus qu’au ciel. Aimez et servez bien le bon Dieu, et
priez-le pour moi. »
. >; Elle ne devait, en effet, ni revoir ses chères élèves, ni
ses pauvres, ni cette maison de Monpazier où elle avait
dépensé sans mesure tout ce qu’elle avait de jeunesse et
d’intelligence, où elle avait jeté les premières ardeurs de
son zèle et de son dévouement. Elle tomba malade peu
après son arrivée à Périgueux, et mourut dans les senti¬
ments d’une angélique piété, laissant à sa sœur, Jeanne
Falret, le précieux héritage de ses vertus, sa discipline et
sa ceinture de fer.
» Marie Falret avait eu pour élève une jeune fille appar¬
tenant à une très-honorable famille de Monpazier, Marie
Bousquet, qui avait pris l’habit religieux et prononcé ses.
vœux entre les mains de M. de Laborie, à l’âge de seize
ans. C’était, paraît-il, malgré sa jeunesse, une sœur extrê¬
mement recommandable par ses qualités personnelles,
très-aimée des pauvres et des enfants. Ce fut elle qui suc¬
céda à sa maîtresse dans la charge de supérieure. Pendant
son administration, l’hôpital devint un des plus florissants
du Périgord. Nous avons sous la main le procès-verbal
authentique d’une visite faite en 1780 à cet établissement
par les membres du chapitre et les notabilités de Monpa¬
zier, et qui en constate la prospérité vraiment surprenante.
» Dans les deux corps de logis très-vastes, et entière¬
ment neufs, construits par l’abbé de Laborie, se trou¬
vaient, outre les cinq religieuses et les pauvres malades
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 101
ou infirmes, une école gratuite, fréquentée par un grand
nombre d’enfants, un pensionnat et une filature de coton.
Les jeunes filles internes payaient la moitié deleur pension
avec le produit des travaux à l’aiguille qu’elles exécutaient
à leurs moments de loisir. Quant aux ouvrières employées
à la filature, au nombre de quarante, dont vingt orphelines,
logées et nourries dans la maison, elles se réunissaient
tous les jours pour filer le coton au rouet, sous la direc¬
tion de deux sœurs qui leur enseignaient en même temps
les éléments de l’instruction primaire.
» Quand l’éducation des jeunes ouvrières était terminée,
on les plaçait en condition dans des maisons honnêtes, ou
bien on les remettait à leurs parents avec u n petit fonds pour
continuer leur industrie ; assez souvent même on les dotait
quand il se présentait pour elles quelque placement con¬
venable. Les rouets à filer le coton étaient répandus par¬
tout, à la ville et à la campagne, et des centaines de familles
devaient leur subsistance à cette industrie, introduite dans
le pays par le charitable archiprêtre.
» Sur les fossés de la ville, au milieu de magnifiques
jardins, on apercevait l’établissement appelé la manufac¬
ture des garçons. Là se trouvaient un maître-fabricant de
laine, des ouvriers qui travaillaient à leurs métiers, et
enfin, dans une salle spéciale, tous les jeunes garçons,
pauvres et mendiants de la ville, occupés à la filature de
la laine ou du coton, sous la surveillance d’une sœur de
l’hôpital, qui leur apprenait, en outre, à lire et à écrire.
Quand ces enfants, arrivés à l’âge adulte, étaient capables
de travailler, on donnait à chacun d’eux le métier qui lui
convenait, et l’abbé de Laborie payait ordinairement leur
apprentissage. Les jeunes ouvriers qui sortaient de là se
distinguaient toujours par leur amour du travail et leur
conduite régulière.
102
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» Le procès-verbal que nous venons d’analyser porte
cinquante-deux signatures et se termine par les lignes
suivantes : « Puisse la vérité des faits constatés par nous,
» attirer les libéralités des âmes chrétiennes et amies de
» l’humanité sur cette maison qui a besoin d’être secourue,
» n’ayant au plus que cinq cents livres de revenus, les-
» quelles sont consomméespar le bouillon seul des pauvres
» malades. Les autres œuvres, comme la subsistance des
» sœurs, celle des orphelines, l’entretien des ateliers, etc.,
» étant à la charge du sieur abbé de Laborie, qui les sou-
» tient, bien moins par ses revenus, qui sont trop modi-
» ques, que par les ressources d’un zèle industrieux.
» Puisse l’acte authentique que nous en avons dressé
» être un monument qui éternise le souvenir des obliga-
» tions qu’a la ville de Monpazier au sieur de Laborie, et
» la reconnaissance qu’elle lui doit (1). »
» Une réflexion se présentait à notre esprit, à la lecture
de ce curieux document. Qui se douterait, nous disions-
nous, en nos jours de préjugés invétérés, tant l’esprit de
l’histoire a été faussé, que, dès les premières années du
règne de Louis XYI, il existait, dans une des petites villes
les plus pauvres de notre Périgord et les plus éloignées
des grandes communications, non-seulement un hospice
considérable pour les malades, mais une école gratuite et
une filature de coton et de laine, pour fournir du travail
aux bras inoccupés. Pour tout esprit impartial et sensé, ce
fait est un enseignement. N’est- il pas, en effet, une preuve
évidente, ajoutée à tant d’autres, que tous les progrès ne
datent pas, quoiqu’on dise, de la grande Révolution, et
que dans l’ancienne France on travaillait avec ardeur,
même au fond de nos provinces, à améliorer le sort des
(1) Le Chroniqueur du Périgord, livraison de juin 1853.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., LU PÉRIGORD. 103
classes populaires, à les instruire, à les moraliser? — Re¬
prenons notre récit.
» La prospérité de l’hôpital de Monpazier continue de
progresser jusqu’aux mauvais jours de la grande Révo¬
lution. En 1792, l’abhé de Laborie, ayant refusé le serment
prescrit par la Constitution, fut déchu de ses fonctions de
directeur et remplacé par trois administrateurs choisis par
la municipalité. L’école et la filature furent fermées, et les
sœurs elles-mêmes ne tardèrent pas à être expulsées, sous
le prétexte odieux et ridicule que l’hôpital « était plutôt
une maison de commerce qu’un asile pour les malheu¬
reux. » On leur refusa jusqu’à l’autorisation de reprendre
les objets mobiliers qu’elles avaient apportés dans la mai¬
son. L’abbé de Laborie, retiré à Saint- Cyprien, protesta,
mais en vain, contre cette inique mesure. Il était lui-
même, quelque temps après, emprisonné àPérigueux.
» Durant les jours sinistres de 93, les pauvres et les ma¬
lades seraient morts de faim et de misère, dans le plus
complet abandon, sans le dévouement courageux deJeanne
Falret, dont la charité était supérieure à toutes les craintes
et à tous les périls. Cette sainte fille quêtait tous les jours
et s’ingéniait de mille manières pour leur ^procurer des
secours.
» Quand la tourmente révolutionnaire fut passée, les
bonnes sœurs reprirent possession de l’hôpital; c’était sous
le Consulat. La maison se trouvait dans le plus triste état;
les ressources étaient taries, les bâtiments mutilés. L’abbé
de Laborie, échappé, comme par miracle, au couteau delà
guillotine, brisé par les épreuves de l’exil et arrivé à une
extrême vieillesse, n’avait plus l’énergie nécessaire pour
reprendre son œuvre. Il mourut, du reste, peu après lais¬
sant à Monpazier le souvenir impérissable de ses vertus,
surtout de son inépuisable charité. Mère Bousquet releva
104
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
comme elle put les ruines accumulées par la sape révo¬
lutionnaire, rouvrit l’école gratuite et le pensionnat. Il
ne pouvait plus être question de la filature, dont les
métiers avaient été brisés et les ressources anéanties.
Elle garda le titre de supérieure sans réélection jus¬
qu’en 1823. A cette date, M. l’abbé Lasserre, vicaire-
général de Mgr de Lostanges, fut envoyé pour présider
à l’élection d’une supérieure et d’une assistante. Mère
Bousquet fut réélue tous les trois ans jusqu’à l’époque
de sa mort.
» Dans les dernières années de sa vie, elle se déchargea
peu à peu de ses fonctions sur une jeune religieuse nom-
mée'sœur Verdier, nièce de Marie Falret, la première supé¬
rieure, et dont elle avait deviné les remarquables aptitudes
pour la direction d’une communauté. Mère Bousquet en
arriva bientôt à ne plus s’occuper que des grandes pensées
de l’éternité ; elle passait des journées entières en oraison
devant le T.-S. Sacrement. Elle mourut enfin en 1842,
entourée de la vénération universelle et dans un âge très-
avancé. La population se porta en foule à ses funérailles,
qui furent magnifiques ; mais les larmes des pauvres et
des orphelins en furent le plus bel ornement. Elle était
restée supérieure 67 ans.
» Nous arrivons maintenant à la période des faits contem¬
porains. On nous permettra d’être bref et de ne pas louer
les vivants. Sœur Verdier succéda à Mère Bousquet. Le
nombre des élèves s’accrut notablement au pensionnat. De
nombreuses vocations surgirent parmi ces jeunes filles. La
communauté eut bientôt son noviciat et devint même une
Maison-mère. D’autre part, la nouvelle supérieure fit des
acquisitions importantes pour l’extension des bâtiments
jugés indispensables. La maison de Monpazier devint une
des plus considérables du diocèse, et, en 1853, époque de
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 105
la réunion de toutes les communautés, elle comptait -vingt-
deux religieuses et six aspirantes. »
» La communauté compte aujourd’hui quinze religieuses
employées à la direction de l’hôpital, de l’école communale
ou du pensionnat, qui est très-florissant. Mère Verdier,
parvenue à un âge avancé, et remplie de mérites, vient de
se démettre de ses fonctions ; elle est remplacée par sœur
Emilie Gapmas, dont les heureuses qualités sont appréciées
de tous.
» Une simple réflexion en terminant. Nous avons sura¬
bondamment prouvé, croyons-nous, dans le cours de ce
récit, que l’abbé de Laborie avait été le vrai fondateur de
l’hôpital de Monpazier, puisqu’il en avait relevé et nota¬
blement agrandi les bâtiments et créé les ressources, par
ses sacrifices personnels et les saintes industries de son
zèle infatigable. Gomment expliquer, après cela, que les
administrateurs actuels d’une œuvre exclusivement cléri¬
cale soient exclusivement laïques, et que le digne succes¬
seur du vénérable archiprêtre, M. l'abbé Rey, ait été bru¬
talement exclu de la commission hospitalière ? Que signi¬
fient ce mépris des plus vulgaires convenances, cet oubli
calculé des bienfaits de la charité catholique H Pour cer¬
tains hommes de notre temps, ce vice odieux qui se nomme
l’ingratitude serait-il une vertu ? »
A ces belles pages, dont nous remercions l’auteur, nous
ajouterons les noms des bienfaiteurs de l’hôpital, pour en
consacrer et perpétuer le pieux souvenir.
1° En 1750, M. l’abbé de Laborie, curé de Monpazier. —
Il fonda l’hôpital et lui légua en mourant une rente annuelle
et perpétuelle de 200 francs.
2° En 1770, M. l’abbé Saint-Ours, curé de Monpazier. —
Il légua à l’hôpital un capital de 1,000 francs.
3° En 1770, M, Moulinier-Lacou, maire de Monpazier. —
106 LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC.
Il légua à l’hôpital une rente annuelle et perpétuelle de
120 francs.
4° En 1785, M. Joseph Milhe de Saint-Amant, de Ville-
réal (Lot-et-Garonne). — Il légua à l’hôpital un capital de
1,600 francs, qui fut accepté et reçu par J. Lafaye, admi¬
nistrateur de l’hôpital.
5° En 1807, M. le vicomte Géraud-Louis de Prud’homme,
originaire de Fonds, dans le canton de Figeac (Lot). — Il
légua la somme de 4,500 francs, avec obligation pour
l’hôpital de faire célébrer un service tous les ans, et une
messe basse tous les mois, pour lui et les siens décédés.
6» En 1818, M. Luc-Pierre Lafaye, du château de Laval,
paroisse de Trentel , dans le canton de Penne (Lot-et-
Garonne). — Il assura à l’hospice la possession d’un legs
de 1,200 francs, fait par son grand-oncle, M. Lafage.
7° En 1835, M. Béthogé-Lagarde, de Bordeaux. — Il lé¬
gua à l’hôpital la somme de 600 francs.
8° En 1875, le 17 janvier, M. Pons, prêtre, desservant de
Yilleréal. — Il assura à l’hôpital le paiement d’un legs de
400 francs, fait par un de ses ascendants, le 12 mai 1778.
9° En 1856, M. Onésime, huissier à Monpazier. — Il
légua à l’hôpital la somme de 200 francs.
10° En 1870, le 19 juin. — Jeanne Marie Mathaty, épouse
Barthoumieux. — Elle légua à l’hôpital la somme de
500 francs.
Tels sont les bienfaiteurs dont nous avons pu recueillir
les noms. Nous souhaitons qu’ils aient de nombreux imi¬
tateurs.
X
Hôpital de la Providence, à Montpon (1).
La fondation d’un hôpital dans la petite ville de Mont¬
pon, sous le vocable d 'Hôpital de la Providence, remonte
à l’année 1687. Elle fut l’œuvre de la charité chrétienne de
très-haute et très-puissante demoiselle Suzanne-Henriette
de Foix de Candalle, princesse de Busch, dame de la sei¬
gneurie de Montpon et autres lieux. Elle en confia la direc¬
tion aux sœurs de la Charité (2). Un traité posant les bases
de cet établissement et réglant les conditions de son exis¬
tence fut passé à Paris le 5 mai 1687, entre : « honnêtes
et charitables filles sœurs Mathurine Guérin, supérieure
de la communauté des Filles de la Charité, servante des
pauvres malades , Marie Pellegrin, assistante , Marie
(1) Nous conservons l’ancienne orthographe, plus conforme à l’étymo¬
logie. On trouve dans les anciens actes : Capella de Montpao, Domus de
Monte Pavonis, Castellania Monfis Pavonis, Castellum de Montpao, Mont-
Pouns, Montepao. (Voir Noms anciens de lieux du département de la Dor¬
dogne, par M. le vicomte A. de Gourgues.)
(2) 11 existe une intéressante Vie de Mlle Suzanne-Henriette de Foix de
Candalle, par son neveu, M. l’abbé de Belsunce, alors abbé de Notre-
Dame de Chambons et grand-vicaire d’Agen, et plus tard l’illustre et saint
évêque de Marseille ; imprimée à Agen, en 1707. Une nouvelle édition
serait accueillie avec faveur.
108
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Moreau, économe, et Madeleine Paumier de Pemier, leurs
officières, présentement en charge , et faisant , suivant
l’usage de leur Compagnie, au nom et pour toute la com¬
munauté, demeurant en leur maison du faubourg Saint-
Lazare, et du consentement de M. Edm. Jolly, leur supé¬
rieur général, d’une part, et la noble dame fondatrice,
représentée par son neveu Henri François deFoix deCan-
dalle, pair de France et duc de Randan, d’autre part. »
Il est dit dans ce traité que « mademoiselle de Foix,
désirant pourvoir, à perpétuité, à l’assistance des pauvres
malades de la ville de Montpon, elle aurait, à cet effet,
suivant le désir de Mgr l’évêque de Périgueux, choisi l’Ins¬
titut desdites Filles de la Charité pour le service desdits
pauvres malades. La supérieure, son assistante et ses offi-
cières, voulant faire droit à la demande qui leur est faite,
s’engagent pour elles et pour celles qui leur succéderont
à perpétuité, à envoyer et conserver à Montpon deux filles
de leur Compagnie.
La fondatrice devait « donner un logement meublé et
accommodé convenablement aux deux religieuses, l’entre¬
tenir de toutes grosses et menues réparations pendant sa
vie, et devait laisser, à son décès, à perpétuité, un fonds
suffisant pour ces réparations et l’entretien des meubles
et autres choses. » De plus, « elle devait payer annuelle¬
ment en deux pactes égaux de six mois en six mois et
d’avance, à chaque religieuse, à commencer du jour de
leur arrivée à Montpon, la somme de trois cents livres, pour
leur entretien d’habits et menus linges à. leur usage ; et
annuellement deux cents livres au moins pour l’assistance
des pauvres malades, et pour fournir des remèdes, tisanes,
bois, charbon, lumière, gros linges, blanchissage et autres
ustensiles nécessaires pour les religieuses et leurs pauvres
malades, »
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 109
« Et seront les deux soeurs assistées pendant leurs ma¬
ladies comme les autres pauvres. Elles devront suivre l’or¬
dre du médecin ou chirurgien autant qu’elles pourront
pour les saignées et la composition des médecines, juleps
et autres petits remèdes, et feront elles-mêmes les sirops,
décoctions et autres choses nécessaires aux malades.
» M1Ie de Foix pourvoira aux frais du premier voyage des
deux sœurs qui seront envoyées pour commencer l’établis¬
sement, et devra dès ce moment faire un fonds suffisant
pour les frais de voyage des sœurs qui pourront être rap¬
pelées pour cause de maladie ou infirmité dans le cours
des six premières années de leur résidence à Montpon, et
des sœurs qui seront envoyées tant à leur place qu’à la
place des défuntes, comme aussi pour les frais des voyages
des sœurs qui seront rappelées par le supérieur général et
par les autres officières et leurs successeurs, après avoir
servi six ans dans ladite ville de Montpon les pauvres ma¬
lades, et des sœurs qui seront envoyées à leur place. »
Quant au spirituel, les sœurs seront soumises à Msr l’évê¬
que de Périgueux et au curé de la paroisse de Ménestérol,
devant avoir leur demeure dans cette paroisse (1). Toute¬
fois, le supérieur général se réserve pour lui et ses succes¬
seurs le droit de les visiter ou faire visiter, et de leur faire
assigner dans les lieux un confesseur approuvé par l’ordi¬
naire, de les changer ou rappeler quand il le jugera néces¬
saire, en les remplaçant immédiatement par d’autres, et
dans ce cas, après la première fois, les frais de voyage
seront supportés par les sœurs. »
Dans la suite du traité, il est stipulé que les sœurs
auront toute liberté de vivre sous l’obéissance de leur
supérieur général, des sœurs officières de leur commu-
(1) Ce ne fut qu’en 1823 que Montpon fut érigé en commune et en
paroisse.
110
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
nauté et de la sœur nommée supérieure de cet établisse¬
ment, non comme religieuse séparée, mais comme fille
d’une communauté régulièrement établie. « Elles devront
observer tous les règlements et exercices spirituels de leur
Institut, sans néanmoins préjudicier au soin et service
des pauvres malades qu’elles préféreront à toute autre
chose. »
Enfin, il est réglé que les funérailles des sœurs seront
faites sans aucune pompe par le curé de la paroisse, et
qu’il sera célébré un service et deux messes basses pour
le repos de l’âme de la défunte, le tout sans aucune rétri¬
bution à payer de la part des sœurs.
Ce traité, qui prévoyait si bien toutes choses, fut ratifié
par MUo de Foix, le 5 novembre 1688, par un acte passé
devant Bergaze, notaire royal à Montpon ; et, ce jour-là,
les deux sœurs de la Charité furent installées dans la mai¬
son qui leur avait été préparée, et y commencèrent leur
mission de soigner les pauvres malades et d’instruire les
jeunes filles, en ouvrant une classe gratuite.
Nous trouvons dans le testament de MUo de Foix, en
date du 20 février 1694, le détail des biens meubles et
îtnmeubles, dont elle enrichit son cher hôpital de la Pro¬
vidence.
A tous les points de vue, ce testament est admirable, et,
du premier mot au dernier, il exhale le parfum de la cha-
iité la plus pure, la plus chrétienne. Nous regrettons de
ne pas l’insérer ici dans son entier ; nous devons nous
borner à reproduire le préambule et les articles qui regar¬
dent l’hôpital (1).
(1) On devrait faire imprimer ce testament et en placer un exemplaire
dans toutes les familles qui habitent l’ancienne seigneurie de Montpon. On
ne saurait trop faire pour conserver le souvenir d’une telle bienfaitrice.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 111
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,
» Je, Suzanne-Henriette de Fpix de Gandalle, princesse
de Busch, dame de la seigneurie de Montpon, considérant
l’incertitude du moment auquel il plaira à Dieu de me
retirer de cette vie, et l’état auquel on se trouve réduit
dans l’extrémité des maladies, j’ai cru devoir réduire par
écrit ma dernière volonté, et en un temps où, par la grâce
de Dieu, je possède une parfaite santé , et encore saine de
mon esprit, crainte que quelque accident imprévu ne me
mette hors d’état de pourvoir aux choses que je désire être
accomplies après mon décès ; et enfin particulièrement
de n’avoir mon esprit occupé que de l’affaire de mon
salut, lorsqu’il faudra partir de ce monde. Ce que j’ai
délibéré de faire en la manière qui suit : » .
« Après avoir pourvu à toutes les choses ci-devant
déclarées qui regardent les plus communes et ordinaires
obligations, il est juste que je satisfasse au devoir le plus
important, qui regarde l’hommage que je dois à Dieu de
tous les biens que je possède , comme à mon souverain
Seigneur, que je reconnais tenir de son infinie bonté, en
consacrant une partie de mon dit bien à son honneur et
gloire, et à l’utilité et secours des pauvres. Et comme je
me suis proposée de lui faire cette offrande sans démem¬
brer quoi que ce soit de ma dite terre de Montpon ; dans
cette vue, je déclare que feue madame ma mère et moi
avons fait établir une maison dans cette ville de Montpon
où je fais encore ma demeure, et que nous en avons acquis
quelquesautres,entr’autrespour augmenter l’emplacement,
la cour, galerie, le jardin, sis au-delà du pont et près de la
ville, dans la paroisse de Saint-Martial, lesquelles terrasses
et jardin mon héritier basnommé en jouira sa vie durant.
» Et pour revenir à l’offrande que je fais à mon Dieu,
112
LES 0RI6INES CHRÉTIENNES
pour la rémission de mes péchés et l’augmentation de sa
gloire, de toutes les acquisitions que feue ma mère et moi
avons faites, je déclare que j’ai déjà fondé depuis l’année
mil six cent huitante-huit deux sœurs de la Charité pour
servir les pauvres malades et l’instruction des filles!
qu’étant satisfaite de leur zèle et de leur charité pour les
pauvres et de leur instruction des filles , et que désirant
continuer à perpétuité et à jamais un si utile et saint
secours aux habitants de cette ville et de cette terre, afin
qu’ils prient Dieu pour monsieur le duc de Foix, mon
très-honoré et cher neveu et pour moi, j’ai fait bâtir dans
cette ville une maison à mes chères sœurs de la Charité,
à la porte qu’on appelle de Sainte-Foy, avec la salle garnie
de lits pour les pauvres ; au bout de ladite salle, on a fait
un retranchement par des barreaux pour y mettre un autel
pour y dire la sainte messe ; et que, pour cet effet, j’ai
donné tous les vases sacrés : custode, calice, soleil pour
exposer le Saint-Sacrement, le tout d’argent fin, et plusieurs
beaux ornements d’autel, chasubles, qui ont été donnés
par feue ma chère demoiselle de Lavagnac ou par moi. Le
reste de la maison est achevé de bâtir, soit pour le loge¬
ment de mes chères sœurs ou pour les pauvres, avec tous
les meubles nécessaires, soit linge, vaisselle, batterie de
cuisine, rien n’y manque, grâce à Dieu. Outre cela, je leur
ai fait bâtir de petites chambres pour panser les pauvres ;
outre cela, je leur ai fait bâtir une belle grange, où il y a
un pigeonnier au-dessus de la grange. Il y a une petite
maison où il y a un jardin, sans compter celui qu'elles
ont dans leur maison. Outre de cela, il y a un cimetière
pour enterrer les pauvres qui mourront dans l'hôpital que
j’ai nommé de la Providence , espérant qu’il se soutiendra
toujours.
» Et pour empêcher que ma fondation vienne à périr à
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 113
faute d’être régulièrement payée de l’entretien de mes
chères sœurs et de ce qui leur faut pour la nourriture et
entretien des pauvres malades, je déclare que j’ai donné à
perpétuité et à jamais au susdit hôpital que j’ai fait et que
j’ai déjà nommé de la Providence , toutes les acquisitions
que feue madame ma mère et moi avons faites en fonds
qui consistent en la métairie du Four, du dédier, et les
Serr ailler s.
» Plus, je donne aussi au susdit hôpital mes métairies
et bois de la grande maison de Bournac, et généralement
tous mes fonds de quelle manière qu’ils soient dépendants
de mes métairies de Bournac. J’en fais de même du Four,
du dédier, et Serraillers, en y comprenant tous les bestiaux
gros et menus, qui se trouveront lors de mon décès, et de
toutes les métairies nommées ci-dessus, et même toutes
les semences sans faire tort aux métayers ; déplus, je donne
les prés dont je jouis aux Barthes, comme ayant été déta¬
chés de la métairie du Four.
» Plus, je donne et lègue à mon dit hôpital toutes les
vignes en quelle part qu’elles soient situées, à la réserve
des vignes de la Tour du Puy de Ghalup et dans les fonds
et circuit de ladite Tour de Ghalup que feue madame ma
très-chère mère et moi avons fait planter, que je ne veux
ni ne prétends détacher de la seigneurie de cette terre de
Montpon. Et quant aux rentes dont tous les susdits biens
que je donne au susdit hôpital sont chargés envers le sei¬
gneur de cette terre de Montpon, je les en décharge et les
donne francs de rentes , c’est-à-dire tant que les susdits biens
demeureront joints à l’hôpital ; et s’il arrive que Ton les
\ende ou échange, je veux et entends que les susdits biens
vendus ou échangés reviennent chargés des mêmes rentes
qu’ils devaient payer au seigneur de Montpon avant que je
les eusse donnés à l’hôpital, n’étant pas ma volonté de les
114
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
rendre francs des droits et rentes dus au seigneur de Montpon
que tant que l’hôpital en jouira.
» Plus, je donne et lègue à mon dit hôpital à perpétuité
et à jamais la rente constituée que j’ai acquise de M. Gars-
sellon, curé de Ménestérol, qui me coûte mille livres et
rapporte de revenu cinquante livres.
» Plus, je déclare que je suis en marché avec M. Durand,
juge de Montpon, d’une métairie appelée des Yignaux, pour
le prix et la somme de mille cinq cents livres et que je le
paierai d’argent compté ; laquelle métairie des Vignaux je
donne dès à présent à mon hôpital avec les mêmes réserves
et conditions que je leur ai donné les autres métairies du
Four et du Clédier, pour tous les droits seigneuriaux sans
rien changer.
» Mais, prévoyant que mes chères sœurs ne sauraient
vaquer au service des pauvres malades et prendre soin des
revenus de leurs dits domaines, et les recevoir et faire
porter dans leur maison, pour ces raisons je leur établis
un aumônier qui sera obligé de veiller à la conservation
et maintien de leurs domaines et de leur en faire porter
les revenus chez elles par leurs propres métayers, et leur
dire chaque jour la messe dans la chapelle de l’hôpital, afin
que les pauvres reçoivent les secours spirituels en même
temps que les temporels. Les intentions des messes, ma
vie durant, seront pour demander à Dieu la prolongation
et satisfaction des jours de monsieur le duc, mon très-
honoré et cher neveu, et pour moi la grâce de me bien
préparer à la mort et à la miséricorde de Dieu après mon
décès.
» Je veux et entends que l’aumônier dise sept ' messes
pour chaque pauvre qui mourra à l’hôpital ; et si quelques-
unes de mes chères sœurs arrivent à y mourir, que l’aumô¬
nier dudit hôpital leur dise une trentaine de messes, et
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 115
que de plus ledit aumônier dise et communique à mes
chères sœurs les desseins qu'il aura pour la conservation
et augmentation des biens de l’hôpital.
» Plus, je défends audit sieur aumônier de se charger du
service de la chapelle de la ville, ayant assez d’affaires à
conduire celles des pauvres ; que si l’envie d’augmenter
son revenu lui fait entreprendre cet emploi, j’ordonne à
mes sœurs de le quitter, et d’en prendre un autre de la
main de MM. les missionnaires de Saint-Lazare de Paris
ou des supérieures de la Providence d’Acquitaine, de la
même Congrégation. Présentement, j'établisM. deLamothe,
mon aumônier, étant bien" convaincue de sa bonne vie et
mœurs et charité pour les pauvres, et pour cet effet, je lui
donne et lègue la somme de trois cents livres. Outre ces
trois cents livres, je donne à mon dit aumônier son loge¬
ment et la j ouissance de la maison et j ardin que j ’ai achetés
à maître Joyeux, notaire royal, francs de toutes rentes et
droits seigneuriaux, c’est-à-dire tant que la maison sera
dépendante de l’hôpital. Car si l’on vend ou échange, je
veux et entends qu’elle revienne chargée de tous les droits
et rentes dus au seigneur de Montpon. De plus, M. de
Lamothe venant à quitter cet emploi, il ne pourra préten¬
dre à la pension de trois cents livres ni au logement.
» De plus, je donne à celui qui sera aumônier de l’hôpital,
à perpétuité et à jamais, mon pré, appelé de l’Ilote de
Ménesplet, en payant aux révérends pères Minimes de Pla-
gnat ce que je leur ai toujours payé, dix livres de poisson
et cinq sols en argent.
» De plus, je veux et entends que lorsque le susdit aumô¬
nier sera malade, qu’il soit traité par mes chères sœurs de
médecines, saignées, emplâtres, et toutes sortes de médi¬
caments qui lui seront nécessaires, le devant regarder
comme le premier pauvre, ayant pris son mal en les ser-
116
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
vant, ayant pris soin de leurs Liens et servant les pauvres
de l’hôpital. Qu’il ait soin de tenir sa maison et tons les
biens de l’hôpital en vrai père de famille, en prenant tous
les soins possibles. »
On le voit, la pieuse fondatrice de l’hôpital de Mo'ntpon
faisait les choses en grand. Agissant avec autant d’intel¬
ligence que de charité, elle ne négligeait rien de ce qui
pouvait assurer le bien-être matériel et spirituel de ses
chères sœurs et des pauvres malades.
MUo de Foix de Candalle mourut à Montpon le 1er juin
1706, et, dès ce jour, son hôpital de la Providence se trouva
en possession du riche héritage qu’elle lui avait légué et
dont nous venons de donner les détails. Sous la direction
intelligente et zélée des Filles de Saint-Vincent-de-Paul,
Fœuvre prospéra pendant un siècle, à la satisfaction de tous
et pour le plus grand bien des pauvres, auxquels on avait
appris à bénir le nom de la noble et charitable fondatrice.
Les pauvres malades y étaient heureux des soins qu’on
leur donnait, et les jeunes filles de la classe indigente y
recevaient une instruction chrétienne.
Il était réservé à la grande Révolution de détruire cette
belle œuvre comme tant d’autres. L’ouragan révolution¬
naire emporta ici le patrimoine des pauvres comme il
emporta dans toute la France les biens du clergé et de
l’Eglise. La maison elle-même qui leur donnait asile dans
leurs maladies et leurs infirmités ne iut point respectée
par les nouveaux Vandales démolisseurs ; il n’en resta pas
une pierre. Les belles métairies, les vastes prairies, les
riches vignobles, tout fut vendu, dissipé et perdu pour les
pauvres, alors qu’on aurait pu tout sauver. Mais il ne se
trouva pas à Montpon un homme d’énergie qui osât s’op¬
poser au vandalisme et invoquer en faveur des pauvres le
bénéfice des lois. De tout temps, la timidité a été, dans les
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGOBD. il7
circonstances critiques, le grand défaut des honnêtes
gens (1).
De cette époque désastreuse jusqu’en 1838, il n’y eut
plus à Montpon qu’un simulacre d’hôpital qui ne pouvait
recevoir aucun malade, ayant conservé, néanmoins, on
ne sait pourquoi, sa commission administrative.
A cette dernière date, 1838, on comprit la nécessité
d'appeler à Montpon des religieuses pour l’instruction des
jeunes filles de la classe indigente, visiter les pauvres
malades et leur distribuer les minimes ressources dont on
pouvait disposer et qui provenaient des dons de quelques
âmes charitables, et l’on s’adressa à la supérieure de la
Miséricorde de Bergerac qui promit d'envoyer quatre reli¬
gieuses de sa communauté. Une délibération de la com¬
mission administrative de l'hospice du 23 octobre 1838,
approuvée par la Mère Du Pavillon et par M. Romieu, pré¬
fet de la Dordogne, leur assurait, à perpétuité, une somme
de 600 francs « pour leur tenir lieu de traitement et d’in¬
demnité de logement. »
Il fallait aux religieuses, à leur arrivée à Montpon, un
logement convenable et suffisant pour elles , pour une
(1) Par son article S, la loi du 19 mars 1793 ordonna la vente des biens
des hôpitaux, fondations et dotations en faveur des pauvres. — Cette vente
fut, il est vrai, suspendue par l’article 1er de la loi du Ier mai suivant. —
Il fut encore sursis par une loi du 9 fructidor, an III, à la vente des biens
des hospices. — Une loi du 28 germinal suivant excepta aussi provisoire¬
ment les biens des hôpitaux de ceux dont la vente avait été ordonnée le
28 ventôse de la même année. — Enfin, la loi du 16 vendémiaire, an V,
conserva les hospices civils dans la jouissance de leurs biens. — Mais ces
lois tutélaires furent pour l’hôpital de Montpon comme non avenues. —
Dans le court intervalle qui' s’était écoulé du 19 mars au 1er mai 1793, ses
quatre métairies, ses prés et ses vignobles avaient été vendus. Par une
incurie inqualifiable, personne n’invoqua en sa faveur le bénéfice des lois
qui viennent d’être rapportées, et, à partir de cette époque, cet hôpital, à
peu près ruiné, cessa de recevoir des malades.
( Note due à l’obligeance de M. le docteur Léonardon , de Montpon .)
118
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
classe payante, une classe gratuite, et, au besoin, pour y re¬
cevoir quelques pensionnaires. Elles s’installèrent de leur
mieux et commencèrent leur œuvre auprès des jeunes filles
et des malades indigents. Mais bientôt le local étant devenu
insuffisant, elles durent s’en procurer un autre plus vaste,
toujours à titre de locataires.
Ce premier changement et d’autres qu’on pouvait pré¬
voir n’étaient pas faits pour assurer la stabilité de l’œu¬
vre ; le bien pouvait en souffrir. On le comprit, et l’on
songea à y remédier.
Ce fut alors que M. le docteur Léonardon, maire de
Montpon et membre du conseil général de la Dordogne,
homme de zèle et de dévouement, entreprit de faire revi¬
vre l’œuvre de Mlle de Foix de Candalle. Que de belles cho¬
ses ne peut point un maire, lorsqu’il a l’amour du bien et
qu’il prend généreusement à cœur les intérêts de sa com¬
mune ! M. le docteur Léonardon nous en offre la preuve.
Par son exemple, il intéressa à son œuvre quelques per¬
sonnes charitables ; par son influence, il obtint quelques
secours de la commune, du département et de l’Etat, et un
décret du 1er juillet 1854 l’autorisa à reconstruire un
hôpital dont la ville avait besoin. Il mit immédiatement
la main à l’œuvre, et, en moins de deux ans, il eut bâti le
simple mais élégant édifice que l’on voit aujourd’hui hors
de la ville, entre l’église et la gare du chemin de fer. Les
religieuses en prirent possession au mois de septembre
1856, et c’est là que, depuis cette époque, elles continuent
leur œuvre qui offre aujourd’hui toutes les garanties de
stabilité pour l’avenir. Depuis l’année 1858 elles y reçoi¬
vent des malades.
Pour mieux relier le passé au présent et reprendre de
glorieuses traditions, a-t-on conservé au nouvel hôpital le
nom qu’avait donné au sien Mlle de Foix de Candalle :
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., BU PÉRI BORD. 119
hôpital be la providence ? Nous l’ignorons. Mais on voit
au-dessus de la porte d’entrée cette belle inscription gra¬
vée sur une plaque de marbre : Christo inpauperibus (1),
au Christ dans les pauvres ; ce qui nous prouve qu’une
pensée éminemment chrétienne etqui honore son auteur
a présidé à la construction de ce nouvel hôpital. Elle rat¬
tache admirablement l’œuvre de M. Léonardon à l'œuvre
de Mlle de Foix, et l’on peut dire que les glorieuses tra¬
ditions du passé revivent à Montpon.
N’oublions pas de noter, en finissant, que le 3 avril 1876
une salle d’asile fut ouverte à l'hôpital aux petits enfants
au-dessous de sept ans. Les frais d’appropriation et plus
tard d’agrandissement du local furent payés en majeure
partie au moyen de souscriptions recueillies par M. l'abbé
Parrot, curé-doyen de Montpon.
Enfin, en 1877, l’œuvre s’est complétée par un magnifi¬
que ouvroir, bien aimé des jeunes filles. Les frais de sa
construction et de son mobilier ont été couverts en tota¬
lité par une généreuse offrande faîte, à la sollicitation de
M. le doyen, par les Révérends Pères de la Grande-Char¬
treuse.
Les bienfaiteurs n’ont pas manqué à l’hôpital de Mont¬
pon ; on nous en a envoyé la liste ; elle ne contient pas
moins de 65 noms (2). Nous regrettons de ne pouvoir les
citer tous ; nous devons nous borner à dire que notre cher ,
confrère et ami, autrefois notre bien-aimé vicaire, M. l’abbé
Parrot, occupe sur cette liste une place distinguée, ce qui,
néanmoins, ne lui a pas mérité de faire partie de la nou¬
velle commission administrative.
(1) Je remercie l’inconnu qui, par une lettre des plus bienveillantes,
mais non signée, a bien voulu me faire connaître cette inscription.
(2) Nous proposons l’érection, comme à Eymet, d’une colonne sur une
des places publiques de Montpon j elle porterait les noms de tous les bien¬
faiteurs des pauvres ou de l’hôpital, commençant par celui de Mlle de Poix.
XI
Hôpital d’Issigeac.
La fondation d’un hôpital dans la petite ville d’Issigeac
remonte à plusieurs siècles. Les documents nous man¬
quent pour en préciser exactement l’époque et en dire le
fondateur. Des Lettres patentes de Louis XY en date du
mois de décembre 1774, portant confirmation d’un hôpi¬
tal à Issigeac, nous disent qu’à cette époque on considé¬
rait déjà comme très ancienne « la fondation de cette
maison de charité. >> Il nous est permis de soupçonner ici
une origine toute monastique. En effet, Issigeac pos¬
sédait un monastère de l’Ordre de Saint-Benoît, lequel,
en 1348, fut réuni à la mense épiscopale de Sarlat par le
. pape Jean XXII, et dont les religieux furent sécularisés,
en 1488, par le légat du Saint-Siège. Il est probable que
l’hôpital ancien dont il est ici question avait été fondé
pour les pauvres et les voyageurs par les disciples de
saint Benoît.
Nous voyons par ces mêmes Lettres patentes que cet
hôpital fut entièrement détruit pendant les guerres de
religion, « que les bâtiments furent brûlés et les papiers
enlevés, et que, de toutes les possessions qu’il avait alors,
LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC. 121
il ne lui restait plus en 1774 qu’un revenu de. 75 livres.
Nous apprenons par d’autres documents, que les Protes¬
tants s’emparèrent d’Issigeac, en 1566, après avoir saccagé
et pris d’assaut le château des évêques de Sarlat, qui, à
cette époque, n’était autre probablement que le monas¬
tère dont nous venons de parler, car on voit encore à
Issigeac le petit château des évêques, bâti en 1669 et qui
porte encore le nom d’évêché. Les Protestants, détruisant
le monastère, détruisirent aussi la maison des pauvres.
Après leur départ, les habitants d’Issigeac durent s’oc¬
cuper de réparer les ruines qu’ils avaient faites. Les
mêmes Lettres patentes nous disent « qu’ils se procurèrent
un autre logement pour les pauvres et que le Parlement
de Bordeaux reconnut cet hôpital assez utile et assez im¬
portant pour y établir, par un arrêt du 27 juillet 1740, le
bureau administratif prescrit par la Déclaration de 1698. »
Il se composait des officiers de justice, des officiers muni¬
cipaux, du curé et de deux notables habitants.
Mais les revenus de cet hôpital n’étant, comme nous
l’avons dit, que de 75 livres, ne permettaient pas de rece¬
voir tous ceux qui avaient besoin de secours. Pour aug¬
menter les ressources, il fallait que rétablissement, par
toutes les conditions de stabilité, inspirât toute confiance
aux personnes charitables qui étaient disposées à lui faire
du bien, et c’est dans ce but que les Lettres patentes furent
demandées et accordées. Elles portent :
« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de
» Navarre, à tous présents et à venir, salut.
» Nos chers et bien-aimés administrateurs de l’hôpital
» d’Issigeac, diocèse de Sarlat, nous ont fait connaître
» que l’établissement de cette maison de charité est très-
» ancien, mais qu’elle fut presque entièrement détruite
122
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» pendant les guerres de religion ; que les bâtiments
» furent brûlés, les titres et les papiers enlevés, en sorte
» qu’il ne lui reste plus, des possessions qu’il avait alors,
» que soixante-quinze livres de revenus ; que depuis ce
» temps les habitants de cette ville se sont procuré un
» logement pour les pauvres, et que le Parlement de
» Bordeaux, reconnaissant l’utilité de cet hôpital, a cru
» devoir y établir une administration régulière, en or-
» donnant, par arrêt du 27 juillet 1740, l’exécution de la
» Déclaration de 1698, suivant laquelle il a été établi de-
» puis ce temps un bureau composé des officiers de jus-
» tice, des officiers municipaux, du curé et de deux nota-
» blés habitants, mais que la modicité du revenu et l’in-
» certitude de ce revenu ne permettant pas de recevoir
» dans cet hôpital tous ceux qui ont besoin de secours,
» les exposants croient devoir nous Représenter que plu-
» sieurs personnes charitables lui feraient des donations,
» qu’elles craignent de faire tant que cet établissement
» n’aura pas une existence solide par nos Lettres patentes ,
» que les exposants nous ont très-humblement fait sup-
» plier de leur accorder.
» A. ces causes, voulant concourir aux pieuses inten-
» tions des exposants, de l’avis de notre conseil, et de
» notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale,
» nous avons approuvé , loué, confirmé et autorisé,
» et par ces présentes signées de notre main, approuvons,
.» louons et confirmons et autorisons l’établissement dudit
» hôpital en la ville d’Issigeac, diocèse de Sarlat, pour
» être régi et administré conformément à notre Déclara-
» tion du 12 décembre 1698. Permettons aux administra-
» teurs dudit hôpital de recevoir tous les dons, legs et
» et aumônes jusqu’à concurrence de quatre mille livres
» de rente. Voulons que ledit hôpital jouisse de tous les
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 123
» avantages, franchises, exemptions et immunités, dont
» jouissent les autres hôpitaux de notre royaume. »
Ces Lettres patentes durent produire un bon effet, et
l’hôpital, nous n’en doutons pas , vit augmenter ses res¬
sources, à la grande satisfaction des pauvres. Il eut quel¬
ques années de prospérité, sous l’intelligente direction de
trois religieuses de Saint-Benoît auxquelles il avait été
confié, probablement après le départ des Protestants. Mais
arriva l’orage révolutionnaire de 1793, et ici, comme ail¬
leurs, les pauvres furent chassés de l’asile-que la charité
monastique leur avait créé , et qui fut cédé en partie,
comme habitation , au prêtre assermenté , pasteur merce¬
naire que les brebis ne connaissaient pas, dont elle mépri¬
saient la voix et l’apostasie. Cependant, ici, l’appétit révo¬
lutionnaire fut moins insatiable qu'ailleurs ; il laissa du
poitrimoine des pauvres quelques revenus de divers
immeubles et de rentes, dus par des propriétaires, et dont
la gestion , les religieuses ayant été renvoyées dans leurs
familles, fut confiée provisoirement à un syndic.
L’orage passé, on ne songea point à rétablir l’hôpital,
et les faibles revenus qui lui restaient servirent à alimen¬
ter le Bureau de bienfaisance.
Aucune modification ne fut apportée à cet état de choses
jusqu’à l’année 1844. A cette date, Rf. Feytou, curé de la
paroisse, appela à Issigeac cinq religieuses de la congré¬
gation de Sainte-Marthe-d’Eymet. Un traité passé le 29
mai 1844, entre M. le curé et la supérieure générale, et
approuvé, le 6 juin suivant, par Msr George, évêque de
Périgueux, réglait les conditions.
M. le curé offrit pour l’établissement des religieuses
une maison, à titre de jouissance, et une somme annuelle
de trois cents francs, payable par moitié tous les six mois.
124 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Les grosses réparations du local restaient à la charge de
M. le curé.
Moyennant ces conditions, les religieuses devaient diri¬
ger une classe gratuite pour les filles pauvres, et avaient
droit à la rétribution de la classe payante et au produit
du pensionnat, si elles en montaient un.
Les religieuses, au nombre de cinq , s’installèrent dans
les bâtiments de l’ancien hôpital, qu’elles durent pourvoir,
à leurs frais, de tout le mobilier nécessaire pour elles et
les classes dont nous venons de parler. Outre le soin de
ces classes, elles étaient chargées de porter aux pauvres à
domicile les secours fournis par le Bureau de bienfai¬
sance.
Les sœurs de Sainte-Marthe-d’Eymet ne conservèrent
que six ans leur établissement d’Issigeac. Elles durent
l'abandonner, en 1850, par suite da la modicité des res¬
sources qui ne donnaient pas aux cinq religieuses le strict
nécessaire pour la nourriture et le vêtement.
Issigeac se vit encore une fois privé d’établissement
religieux. Il était réservé à un enfant de cette ville, à
M. l’abbé Junière, le vénéré et bien-aimé vicaire-général,
de la doter d’un établissement fondé sur des bases solides
et réunissant toutes les conditions désirables de stabilité.
Dans ce but, M. l’abbé Junière “fit l’acquisition d’un
immeuble qui se composait d’une partie de l’ancienne
maison des évêques de Sarlat et d'un jardin contigu, d’une
étendue suffisante pour les besoins de l’établissement, et,
par acte du 27 septembre 1862, il en fit donation à la
Congrégation des sœurs de Sainte-Marthe de Périgueux, à
la condition que cette Congrégation fonderait à Issigeac
une maison de son Ordre.
Bientôt après , et avant que les formalités voulues fus¬
sent remplies auprès du gouvernement, la ville d’Issigeac,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 125
par l’organe de son maire, proposa un échange de cette
maison contre l’ancien hôpital qu’elle venait d’acquérir
pour en faire le presbytère. Cet échange avait le double
avantage de procurer à la ville un presbytère très-conve¬
nable et placé à proximité de l’église, et de faire revenir
en quelque sorte l’ancienne maison des pauvres à sa des¬
tination première ; il fut accepté sans difficulté par
M. l’abbé Junière et par la révérende Mère supérieure
générale des sœurs de Sainte-Marthe, et fut ratifié par une
délibération du conseil municipal en date du 5 octo¬
bre 1863.
La maison prise en échange, c’est-à-dire l’ancien hôpi¬
tal, ayant besoin de grandes réparations, et l’accomplisse¬
ment des formalités auprès du gouvernement devant pren¬
dre un temps considérable, M. l’abbé Junière, pressé par
les besoins et les désirs de la population, loua provisoire¬
ment une maison pour pouvoir commencer immédiate¬
ment son œuvre ; et dans ce but deux religieuses furent
envoyées à Issigeac , au commencement du mois de
novembre 1863. Elles ouvrirent dans le local provisoire
une classe payante et une classe gratuite. Le succès des
débuts donna la plus grande espérance pour l’avenir. En
attendant, on travailla aux réparations de la maison prise
en échange et l’on fit les démarches nécessaires auprès du
gouvernement pour hâter la décision qui devait donner
au nouvel établissement son existence légale.
Enfin, un décret impérial, en date du 19 mars 1864,
approuva la donation faite par M. l’abbé Junière, et, par
suite, autorisa la Congrégation de Sainte-Marthe à fonder
à Issigeac une maison de son Ordre.
Pendant les vacances de 1864, les principales réparations
de la maison reçue en échange étant terminées, les Sœurs
en prirent possession et purent y établir commodément
126
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
leurs classes. Elle offre, d’ailleurs, tous les avantages dési¬
rables, soit pour les religieuses, soit pour les enfants.
Un autre décret impérial, en date du 25 mars 1865, vint
autoriser l'échange qui fut définitivement conclu,, par acte
du 12 mai 1865, moyennant une soulte de six mille francs
au profit de la Communauté.
Il manquait à l’établissement une chapelle ; il fut né¬
cessaire pour son emplacement de faire l’acquisition d’un
immeuble contigu, et peu de temps après on y bâtissait
l’élégant petit édifice qu’on y voit aujourd’hui.
Mais, quoique la nouvelle Communauté fût établie sur
des bases solides et offrît toutes les garanties désirables
de stabilité, l’œuvre de restauration n’était pas complète à
Issigeac. Si les jeunes filles de toutes les classes avaient
dans les religieuses de Sainte-Marthe des institutrices in¬
telligentes et dévouées, les pauvres n’avaient pas encore
recouvré leur asile, leur maison hospitalière, et le besoin
en devenait de jour en jour plus urgent. Cette restaura¬
tion eut lieu.
L’initiative et le mérite de l’exécution en étaient réservés
au zèle actif et intelligent de M. l’abbé Carbonnier, curé
actuel d’Issigeac. Déjà il avait étudié sérieusement cette
question , et fait des recherches au point de vue historique de
l’ancien hôpital et des ressources qui avaient échappé aux
ravisseurs de 1793. Faisant deux parts des revenus qu’admi¬
nistrait le Bureau de bienfaisance, il avait vu dans la part
qui revenait à l’hôpital, la possibilité de le rétablir. Dans ce
but, il présenta un rapport à la Commission administra¬
tive qui en adopta les conclusions, et la délibération prise
à ce sujet reçut en avril 1872 l’approbation du conseil
municipal. L’affaire ne pouvait être plus heureusement
engagée, elle devait réussir. Et cependant, dès le début,
une difficulté sembla vouloir paralyser les élans les plus
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 127
généreux, la difficulté de trouver un local convenable.
Elle fut bientôt levée. Il ne fallait pas retarder indéfini¬
ment le commencement d’une œuvre que tout le monde
avait à cœur. On s’entendit avec les religieuses de la
Communauté et avec M. l’abbé Junière, leur supérieur
pour établir provisoirement sur les dépendances de la
Communauté deux salles de malades, l’une pour les hom¬
mes et l’autre pour les femmes. Après avoir examiné en¬
semble les bases sur lesquelles on pourrait prendre des
arrangements, la supérieure en référa à la Mère générale
qui, disposée à se prêter au désir qui lui était manifesté,
consentit, après avoir pris l’avis de son conseil et vu
l’urgence d’un hôpital, à laisser approprier sur ses dépen¬
dances les deux salles projetées.
La délibération du conseil de la Congrégation donna
lieu à une délibération du Bureau de bienfaisance, con¬
cluant aux mêmes effets. Ces deux délibératious furent
favorablement accueillies par M. le préfet qui leur donna
son assentiment. Mais il en fut autrement de la part de
l’administration centrale de Paris. Un décret du chef de
l’Etat étant nécessaire pour rétablir l’ancien hôpital, le
dossier des pièces pour l’obtenir fut envoyé àM. le minis¬
tre de l’intérieur qui ne voulut donner suite à la demaüde
que moyennant certaines modifications qu’il indiqua en
renvoyant toutes les pièces. Elles regardaient, les unes les
ressources qui devaient être affectées à l’hôpital , et les
autres, les constructions provisoires qui devaient être éle¬
vées sur le terrain de la Communauté.
Pour se conformer aux exigences du ministre, le
Bureau de bienfaisance se mit en mesure d’aplanir les
difficultés relatives aux ressources de l’hôpital dont on
demandait le rétablissement ; et, pour lever celles qui re¬
gardaient les constructions provisoires, M. le maire, pré-
128
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
sident de la commission administrative, passa avec la
supérieure générale un traité dont voici quelques articles :
Art. 1er. — Mme Marie Gonthier du Soûlas, supérieure
générale des Sœurs de Sainte-Marthe du Périgord, cède, à
titre gratuit , à la commune d’Issigeac l’emplacement de
la cour de la Communauté située dans cette ville et dé¬
pendant de la Congrégation des Sœurs de Sainte-Marthe.
Art. 2. — Cette cession est faite dans le but de favoriser
la création d’un hôpital dont le besoin se fait sentir cha¬
que jour.
Art. 3. — Sur cet emplacement seront construites deux
salles de malades, l’une pour les hommes et l’autre pour
les femmes, aussitôt que le décret d’autorisation sera
rendu.
Art. 4. — La direction de cet hôpital sera confiée aux
Sœurs de Sainte-Marthe, à des conditions qui seront
réglées ultérieurement et sur lesquelles les parties inté¬
ressées se seront déjà entendues.
Mme du Soûlas s’interdit le droit de changer la destina¬
tion des constructions qui auront été faites pour l’hôpital.
M. le maire s’interdit le droit de confier la direction de
cet hôpital à une autre congrégation pendant tout le temps
qu’il restera sur cet emplacement.
Mme du Soûlas et les constructeurs des deux salles
cèdent terrain et bâtiments, à perpétuité, à la commune
pour un hôpital et tant que l’hôpital sera là ; ils se réser¬
vent, si la commune transfère l’hôpital ailleurs, les Sœurs
fie reprendre leur terrain, et les constructeurs des deux
salles de reprendre les bâtiments , qu’ils abandonnent
d’ores et déjà aux Sœurs.
Pour ne pas agir en dehors de son conseil, la supérieure
générale voulut bien lui soumettre ce traité qui fut
approuvé par une délibération du 15 juin 1873.
DES HOPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 129
Le dossier modifié dans le sens des instructions minis¬
térielles, et complété par les deux pièces dont nous avons
déjà parlé, fut envoyé de nouveau à M. le ministre de
l’intérieur qui, cette fois, voulut bien s’en contenter, le
soumettre au conseil d’Etat et faire rendre par le maréchal
de Mac-Mahon un décret d’autorisation, daté de Versailles,
le 24 décembre 1873.
Les deux salles furent immédiatement construites dans
les conditions indiquées, et à l’aide des sacrifices person¬
nels de M. le curé et des ressources qu’il reçut de M. l’abbé
Junière et de la supérieure de la communauté. Il fallut
les pourvoir du mobilier nécessaire ; ce fut encore l’œuvre
de M. le curé qui trouva de généreux concours dans quel¬
ques personnes de sa paroisse, notamment dans la famille
Vélery qui lui donna 500 francs.
Dès ce moment, grâce à la générosité des Sœurs de
Sainte-Marthe et au zèle da M. le curé, grâce aussi à la
générosité, au savoir-faire, à la sagesse en administration
de M. l’abbé Junière, un nouvel hôpital était créé àlssi-
geac. La maison des pauvres dans cette ville doit deux
fois son existence à la charité monastique et sacerdotale.
A regret nous signalons, en finissant, l’ingratitude des
nouveaux administrateurs envers les Sœurs de Sainte-
Marthe. Ils les ont chassées de l’école communale, pour
laïciser l’instruction des jeunes filles ; mais les familles
ont suivi les chères Sœurs dans l’école privée. Voudra-t-on
aussi laïciser la direction de l’hôpital ? Le traité que nous
avons cité ne rend pas cette tâche facile.
Ajoutons, en laissant à nos lecteurs le soin d’apprécier,
que M. l’abbé Carbonnier, le digne doyen d’Issigeac, ne
fait point partie de la nouvelle commission administra¬
tive.
XII.
Maladrerie, hôpitaux et hospices de Sarlat (1).
De tout temps la ville de Sarlat fut richement pourvue
d’établissements de bienfaisance. Dès le xm« siècle , sous
le règne de saint Louis, nous y trouvons une Maladrerie
pour les lépreux et tous ceux qui, atteints de maladies
pestilentielles, devaient être séquestrés. Jugée inutile, un
siècle plus tard, elle fut abandonnée , mais son nom est
resté au lieu qu’elle occupait, hors de la ville et des fau¬
bourgs. On ne peut douter de son origine toute chré¬
tienne ; nous n’avons pas à nous en préoccuper.
En-même temps que l’hospice des lépreux , et peut-être
à une époque antérieure , il existait dans l’intérieur de la
ville pour tous les pauvres malades un asile connu sous
le nom d 'hôpital du Peyrou , dont la fondation est attri-
(1) Nous avons pour cette étude les meilleurs documents. Nous les de¬
vons en partie à l’obligeance de Mlle Geneviève de Saint-Ours qui a bien
voulu les extraire d’une collection du Sarladais (de 1830 à 1860), où se
trouvent Lettres à Julie, par M. de Larouverade, président du tribunal de
Sarlat, et Etudes sur le pays Sarladais , avec Fragments historiques et
statistiques sur la ville de Sarlat, attribués à M. Vaussanges. Il nous est
très-agréable d’avoir ici pour collaboratrice une ancienne élève, et des plus
distinguées, du pensionnat de.Terrasson.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES DES HÔPITAUX, ETC. 131
buée à l’abbé du monastère. 11 recueillit au xiv® siècle la
dotation de la Maladrerie supprimée.
Depuis cette époque jusqu’à l’année 1632, nous ne
voyons à Sarlat d’autre hôpital que celui du Peyrou. Son
insuffisance provoqua, à cette dernière date , la fondation
d’un Hôtel-Dieu ; elle fut l’œuvre de la charité sacerdo¬
tale. Nous avons tous les documents pour l’établir.
Par son testament du 9 avril 1631, Jean de Bars, grand-
archidiacre de la cathédrale , légua, « pour être convertie
» en hospice, sa grande maison patrimoniale, située au
» quartier de la Mellougane. Il ajouta à ce legs celui de
» ses métairies des Rodes et du Singleirac , de tout son
» mobilier et des rentes en argent qu’il possédait. Il voulut
» qu’il y fût fondé , aux frais d’Antoine de Bars de la
» Gazaille, son neveu et héritier du surplus de ses biens,
» une chapelle où Ton célébrerait deux messes chaque
» année pour le repos de son âme et des membres défunts
» de sa famille. » Il priait, enfin, MM. les consuls,
» attendu que l’hôpital du Peyrou u’était ni assez vaste ni
« assez commode , de l’unir à l’Hôtel-Dieu qu’il plaçait
» sous l’administration de l’évêque , de trois députés du
» chapitre et de trois délégués de l’Hôtel-de -Ville. Et, au
» cas où les consuls refuseraient cette union , il laissait
» l’administration à l’évêque, à trois députés du corps des
» chanoines , et aux trois plus anciens prêtres obituels de
» la paroisse de Sainte-Marie. »
Les dons du grand-archidiacre de Bars reçurent leur
application. La maison fut agrandie par l’achat des mai¬
sons contiguës, et le tout fut approprié à l’établissement
de l’Hôtel-Dieu , où devait être reçus , autant que le local
le permettrait, tous les pauvres malades, de l’un et l’autre
sexe, de la ville, des faubourgs et de la banlieue. Mention¬
nons une belle fontaine qui se trouvait au milieu de la
132 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
cour, plus que suffisante pour les besoins de l’établisse¬
ment.
On pourvût à ces dépenses au moyen de l’argent comp¬
tant qu’avait laissé le généreux fondateur, et d’un legs de
10,000 francs qu’avait fait le chanoine Jean Garbonnières,
décédé quelques années auparavant.
Il fallut quelques années pour l’exécution de tous ces
travaux de construction et d’appropriation. Enfin , le 25
mars 1659 , il fut passé devant Mortemousque , notaire
royal, un acte par lequel MM. Armand de Gérard, Antoine
Leygues et Antoine Daymerique, chanoines et députés du
chapitre , et MM. Jérôme Ravilhon , David Bouffanges ,
Léonard Martinis, consuls, Jean Laville, procureur syndic,
Descotes de Maurival, Jean Daussel, Bertrand Daymerique
et Jean de Ville, membres de la Jurade et tous députés de
l’Hôtel-de-Yille , arrêtèrent , selon les désirs du grand-
archidiacre de Bars , l’union de l’hôpital du Peyrou et de
l’Hôtel-Dieu. Ils en confièrent la direction et le service,
sous la surveillance d’un bureau, à DUo Jeanne Descostes
de Lacalprenède, veuve de Magran, avocat, et à ses com¬
pagnes, Marguerite Andrieux , Catherine Varenne, Antoi¬
nette de Gros, Marie Reynal , Jeanne Monzie et Pétronille
Saint-Clar, sœurs hospitalières agréées par l’évêque, qui
leur donna un gouvernement intérieur.
Par un second traité du 16 avril suivant, il fut expliqué
et convenu que cette communauté de sœurs hospitalières
aurait seule le droit , sous l’approbation de l’évêque , de
recevoir et d’exclure les compagnes qui devaient perpétuer
l’institut et le maintenir dans son état de sanctification ;
que leur entretien et nourriture seraient à leur propre
charge ou à celle de leurs familles ; qu’elles pourraient
avoir des domestiques salariées par l’hôpital qui payerait
également les médecins et chirurgiens, mais que les sœurs
BES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., BU PÉRÏGORB. 133
fourniraient les drogues et médicaments au moyen d’une
pharmacie avec autorisation de vendre aux externes au
profit de l’établissement ; qu’enfin elles ne seraient pas
obligées de soigner les personnes atteintes de maladies
produites par le vice et les outrages à la pudeur.
L’administration de l’Hôtel-Dieu fut remise à un bureau
sous le nom de Bureau des 'pauvres , dont la présidence
d’honneur fut dévolue à l’évêque et qui devait se compo¬
ser de trois députés de l’Hôtel-de- Ville , de trois du cha¬
pitre et de deux magistrats du présidial. Ils devaient se
renouveler par moitié tous les trois ans, et avoir un tréso¬
rier comptable et des secrétaires.
On voit encore, à une légère distance de la Miséricorde,
dans la partie basse de la ville, les bâtiments de cet Hôtel-
Dieu. Il avait une forme très-irrégulière , principalement
dans la partie Nord-Est. Mais le plan intérieur avait de la
grâce et quelque chose de monumental. L’édifice est à
deux étages au Sud; il a pour accessoire une construction
moins ancienne que distingue une galerie soutenue par
des colonnes. L’Hôtel-Dieu est habité aujourd’hui par des
locataires industriels. Là sont les bains publics , là une
école primaire, là aussi deux cafés.
L’Hôtel-Dieu qui, à sa fondation, avait absorbé l’hôpital
dit du Peyrou , s’il ne fut pas absorbé lui-même , vers la
fin du xviie siècle, par la fondation d’un hôpital général ,
il perdit beaucoup de son importance. — Celui-ci fut
fondé en 1692 par Mgr Pierre-François de Beauvau ,
évêque de Sarlat.
De concert avec les consuls , le prélat avait employé le
montant d’un legs de M. de Fénelon et le produit de
diverses libéralités à l’achat d’un terrain assez vaste, hors
des murs de la ville, et c’est là que fut bâti l’hôpital géné¬
ral, dont les bâtiments forment aujourd’hui le collège. Et
134
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
voilà (horresco referais ! ) voilà le collège de Sarlat avec
une origine des plus cléricales I
Mgr de Beauvau, pour bien asseoir son œuvre, se hâta
de la faire approuver , et le roi Louis XIV lui accorda à
cette fin des Lettres patentes , en date du mois d’avril 1693.
On sera bien aise d’en trouver ici quelques extraits qui
feront connaître la destination et l’organisation de cet
hôpital général.
« Notre aimé et féal Pierre-François de Beauvau, évê-
» que de Sarlat, et nos si chers et aimés les consuls et
» principaux habitants de notre ville et cité de Sarlat,
» nous ayant très-humblement remontré que , conformé-
» ment à notre édit de 1662, ils avaient fait établissement
» d’un hôpital général en ladite ville, pour régler, nourrir
» et élever à la crainte de Dieu tous les pauvres, tant sains
» que malades, de la ville et de ses dépendances , cela
» avait heureusement réussi selon nos ordres et leurs
» intentions ; mais que , pour rendre cet établissement
» stable à toujours, il était nécessaire qu’il fût approuvé
» par nos Lettres patentes que les exposants nous ont
» très-humblement supplié de leur accorder. »
Vient ensuite l’approbation en la formule ordinaire ; et
immédiatement le roi ajoute :
ci Voulons que dans ledit hôpital soient enfermés les
» mendiants valides et invalides, de l’un et de l’autre sexe,
» qu’ils y soient élevés dans la crainte de Dieu et au tra-
» vail, nourris en santé et en maladie. Lequel hôpital
» prenons sous notre protection spéciale , sans qu’il soit
» assujetti ni dépende de notre grande aumônerie.
» Voulons que ledit hôpital soit gouverné par le sieur
» évêque de Sarlat, et en son absence par son grand-
» vicaire et par des directeurs. Nommons quant à présent
» pour directeurs , savoir : pris dans le clergé , les sieurs
DBS HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 135
» de Chantérac et Maraval, chanoines de la cathédrale, et
» Saint-Glar, curé de la ville ; et pris parmi les laïques,
» les sieurs Gisson et Yernet , conseillers au présidial;
» Boufïanges et Duloing , avocats ; Delage , médecin ,
» et Montmeja, procureur; lesquels exerceront durant
» deux années et seront remplacés par moitié par ceux
» restant, d’après le sort.
» Dispensonsles directeurs, durant leur gestion, de tutelle
» et curatelle, si ce n’est de leurs propres enfants.
» Leur donnons pouvoir de faire tous règlements néces-
» saires pour le bon ordre de la maison, d’ordonner des
» peines et d’avoir prisons et carcans, à condition que, pour
» les crimes, les coupables seront renvoyés devant nos juges
» royaux. Leur permettons d’avoir pour leur service des
» archers qni auront des casaques avec une marque parti-
» culière et porteront épées et hallebardes.
» Donnons pouvoir aux directeurs de contracter pour le
» bien des pauvres, de recevoir par dons et legs, d’acquérir
» et transiger aux formes de droit.
» Défendons à toute sorte de pauvres, sains ou malades,
» de mendier secrètement ou en public dans ladite ville,
» faubourgs et terroir de Sarlat, sous peine de prison et
» punition exemplaire, comme aussi aux habitants de leur
» faire l’aumône, à peine de trois livres d’amende applica-
» ble à l’hôpital.
» Approuvons et confirmons le legs de 8,000 livres fait
» audit hôpital par le sieur Gaurenne, chanoine de la
» cathédrale, ensemble tous autres dons faits ou à faire
» à l’avenir pour ledit hôpital.
» Et comme il nous a été représenté qu’il serait avanta-
»> geux que l’Hôtel-Dieu de la ville de Sarlat fût uni à
» l’hôpital général, nous avons uni, annexé et incorporé
» l’Hôtel-Dieu à l’hôpital général sous une seule et même
136
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» direction et administration, mais sans qu’il soit fait
» confusion de leurs revenus propres à chacun, et quoique
» les Sœurs donnant le secours de leurs soins dans l’un et
» l’autre soient du même corps et sous la même règle et
» même supérieure, sous la direction de l’évêque. »
On le voit par ces Lettres patentes, dans la pensée du roi,
l’hôpital dont il consacrait l’existence légale devait être à
la fois hôpital, hospice, bureau de bienfaisance et même
dépôt de mendicité.
Trois ans plus tard, le même monarque lui donnait une
preuve éclatante d’un intérêt tout particulier. Par déclara¬
tion du 10 décembre 1696, il attribuait à cet hôpital tous
les biens et rentes des consistoires protestants d’Eymet,
Monbazillac, Gardonne, Razac, Lamonzie, Couses, Sigoulès ,
Boisse, Issigeac, Lanquais, Villefranche, Badefol, Monpa-
zier, Castelnaud, Bergbière, Peyrat, Campagnat, Doissat,
Saussignac, Saint-Cyprien, Salignac, Monplaisant, Marnac,
Prats, Siorac, Pomport, et autres lieux situés dans le diocèse
et la sénéchaussée de Sarlat.
Msr de Beauvau ne put jouir que quelques années de
son œuvre. Il mourut le 23 octobre 1701, emportant les
regrets de tous les habitants de Sarlat et de tous les fidèles
du diocèse. Les pauvres de l’hôpital général furent ses
héritiers. Sentant sa fin approcher et voulant éviter à ses
légataires universels des débats et des délais, il fit porter
à l’hôpital, la veille de sa mort, tous ses meubles, toutes
provisions personnelles, à l’exception du lit où il se trou¬
vait et de la somme de douze cents livres qu’il remit, pour
les frais de ses funérailles, à Gabriel de Bars, grand-archi¬
diacre de sa cathédrale, un neveu probablement de Jean
de Bars, que nous avons vu en 1632 fondateur de l’Hôtel-
Dieu.
Unis l’un à l’autre sous la même administration par les
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 137
Lettres 'patentes dont nous venons de parler, l’Hôtel-Dieu
et l’hôpital général suffirent pendant longues années à
tous les besoins des malades, des infirmes et des nécessi¬
teux de Sarlat. L’hôpital général devint exclusivement la
retraite d’un grand nombre d’infirmes et de vieillards des
deux sexes, dont les familles ne pouvaient soulager la
misère, et l’Hôtel-Dieu continua à recevoir les malades
ordinaires, tant civils que militaires, l’un et l’autre sous
la direction des mômes sœurs hospitalières du Tiers-Ordre
de Saint-François.
C’est dans l’Hôtel-Dieu que Mme la marquise de Gaubert,
née Chapt-de-Rastignac, veuve à l’âge de 21 ans, entra, en
l’année 1708, pour embrasser la vie religieuse et se consa¬
crer au service des pauvres et des malades. Ce fut une
bonne fortune pour les pauvres de Sarlat ; elle devint leur
bienfaitrice, et, comme elle possédait des revenus consi¬
dérables, elle put faire en leur faveur des œuvres qui font
encore bénir son nom et vénérer sa mémoire. On lui doit
la fondation de l’hôpital actuel qui, par « ses vastes cons¬
tructions, la régularité de son plan et sa position des plus
avantageuses, n’a rien à envier aux plus magnifiques
hôpitaux de France. »
Peu de temps après son entrée à l’Hôtel-Dieu, elle s’oc¬
cupa d ’y faire exécuter des travaux derestauration et d’agran¬
dissement.
Nous l’avons dit, l’Hôtel-Dieu était pour les pauvres
atteints de maladies ordinaires qu’on pouvait espérer de
guérir ; les autres malades non indigents, civils ou mili¬
taires, avaient aussi le droit de s’y faire soigner, moyen¬
nant une légère rétribution. L’hôpital général était pour
les vieillards et les infirmes des deux sexes ; il n’était à
proprement parler qu’un hospice auquel on avait joint
138 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
un asile pour les jeunes orphelins et une filature de coton
pour les occuper.
Mme la marquise de Gaubert conçut la généreuse pensée
de ne faire de ces deux asiles de la souffrance et de la
misère qu’un seul établissement qui serait à la fois hôpital
et hospice. Dans ce but, elle fit acquisition d’un vaste ter¬
rain joignant le jardin du collège, au lieu du Colombier,
et au-dessus du faubourg de YEndrevie. Ce fut sur ce ter¬
rain, augmenté plus tard du jardin du collège, que fut bâti,
aux frais de la noble bienfaitrice, l’hôpital tel que nous l’y
voyons aujourd’hui. Il était pris dans telles proportions
qu’il y eut place et pour les malades de l’Hôtel-Dieu et
pour les vieillards et les infirmes de l’hôpital général. On
y joignit un orphelinat et une manufacture de coton pour
occuper les pauvres valides et les orphelins : et l’œuvre
de la marquise de Gaubert fut complète.
L’occupation du nouveau local appela une reforme inté¬
rieure Aux sœurs du Tiers- Ordre de Saint-François suc¬
cédèrent, • pour la direction de l’hôpital, des sœurs de
Sainte-Marthe, sous le vocable et le patronage de saint
Alexis. Ce changement du personnel religieux, dont les
chroniqueurs ne nous ont pas dit les motifs, se fit du vivant
de Mme de Gaubert. La généreuse marquise mourut dans
l’hôpital qu’elle avait fondé, le 27 février 1747. Son âme
put se présenter avec confiance devant son juge, elle ap¬
portait avec elle « la bonne mesure » de mérites que Dieu
veut recevoir de ses élus. Son corps fut déposé dans un
tombeau préparé sous le pavé de la chapelle. On voit encore
sur la pierre qui le couvre l’épitaphe que la reconnaissance
et la vénération y firent graver. On sera bien aise de la
retrouver ici :
« Eic jacet Joanna de Chapt-de-Raslignac, Marchio-
» nisa de Gaubert de Beauvoir , omnium virtutum exem-
DES HÔPITAUX , HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 139
» plar, pauperum mater amantissima. Hoc hospitium et
» hanc ecclesiam sumptibus suis œdificari voluit. Obiit
» die 27 februarii anno 1747. Resquiescat in pace 1 » Oui,
le corps peut reposer en paix, lorsque l’âme a emporté au
ciel le titre de Mère des pauvres.
Six ans après le décès de Mmo de Gaubert, en 1753, les
consuls Gisson, Meyrignac, Loys et Duloing, et le procu¬
reur syndic Barry, autorisés par une délibération de la
Jurade, firent avec le Bureau des pauvres échange du jardin
du collège avec les bâtiments et accessoires de l’hôpital
général. Les consuls ajoutèrent, au profit des pauvres,
une soulte de 5,500 livres, et le collège fut transporté dans
le local qui lui était cédé et qu’il n’a pas cessé d’occuper
depuis cette époque.
Les nouvelles religieuses admises à l’hôpital, du vivant
de la noble fondatrice, le dirigèrent jusqu’à la grande Révo¬
lution de 1793. A cette époque si funeste à tous les établis¬
sements religieux, pour se soustraire à la rage de leurs
persécuteurs, elles furent obligées d’abandonner leur
œuvre et de se retirer dans leurs familles.
Lorsque le calme commença à se rétablir, l’évêché de
Sarlat ayant été supprimé et réuni, comme celui de Péri-
gueux, à l’évêché d’Angoulême, pour ne former qu’un seul
diocèse, Mgr Dominique Lacombe, évêque des trois dio¬
cèses réunis, envoya à Sarlat pour la direction de l’hôpital,
des religieuses de la Charité de Chartres. Mais ces reli¬
gieuses, on ne sait pour quels motifs, se retirèrent après
quatorze mois seulement de résidence, et les vœux de la
population comme ceux de l’autorité administrative rap¬
pelèrent les anciennes religieuses de Sainte-Marthe, qui
avaient été expulsées par l’ouragan révolutionnaire. Toutes
s’empressèrent de répondre à l’appel qui leur était fait et
rentrèrent à l’hôpital, au nombre de dix, pour y reprendre
140
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
leurs fonctions, que depuis cette époque elles ont toujours
remplies avec le même zèle et le même dévouement. Elles
eurent pour première supérieure, la sœur Angélique Gou-
zot qui fut bientôt remplacée par sa sœur Marie-Anne Gou-
zot, de vénérable mémoire, type de la vraie religieuse hospi¬
talière, dont le zèle, la bonté, le dévouement pour les
pauvres, les malades, les infirmes, pour les misères de
tous genres, ne furent égalés que par celle qui lui succéda
dans le gouvernement de l’hôpital, et qu’elle avait formée
elle-même, autant par son exemple que par ses leçons, à
l’amour des pauvres et au soulagement des malades.
Décédée en 1837, laissant après elle une bonne odeur de
sainteté, sœur Marie-Anne fut remplacée par sœur Julie de
Selves', d’une des familles les plus honorables de Sarlat,
décédée elle-même il n’y a que trois ans, après avoir dirigé
l’hôpital pendant quarante ans (1).
Nous regrettons de ne pouvoir raconter ici les vertus et
les mérites de ces deux admirables supérieures ; nous
devons nous renfermer dans notre sujet. Un volume com¬
posé des Vies de sœur Marie- Anne et de sœur Julie serait
des plus intéressants. Il se trouvera peut-être à Sarlat
même une plume pour les écrire ; nous en exprimons le
vif désir.
Lorsque sœur Julie en prit la direction, l’hôpital n’avait
pas encore d’existence légale par l’approbation du gou¬
vernement. Gomme cette formalité était indispensable
pour que l’établissement pût fonctionner régulièrement et
être autorisé à recevoir les dons et legs qui pourraient lui
être faits, la supérieure , après les démarches nécessaires,
(!) Pour bien connaître et apprécier les vertus et les œuvres de sœur
Julie, voir le résumé succinct qu’en fit M. l’archiprêtre de Sarlat dans la
magnifique allocution qu’il prononça en célébrant ses funérailles; elle se
trouve dans la Semaine religieuse, n° du 27 janvier 1877.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 141
obtint une ordonnance royale, en date du 10 mars 1844,
qui autorisait l’existence de l’hôpital et approuvait les
statuts des religieuses chargées de sa direction. Ces reli¬
gieuses appartiennent aujourd’hui à la Congrégation de
Sainte-Marthe-du-Périgord.
Entre toutes les œuvres faites par sœur Julie pendant
sa longue administration, on lui doit la fondation d’un
orphelinat dont l’hôpital était privé. Un décret du 18 mars
1851 l’autorisa à le fonder et à l'annexer à l’hôpital. Tl y a
place pour trente-trois jeunes orphelines qu’on retire de
la misère et qu’on forme à une éducation chrétienne et au
travail des mains, pour en faire de bonnes domestiques
et de bonnes ouvrières.
Avant de clore cette notice, inscrivons les noms des bien¬
faiteurs qui sont venus s’ajouter à ceux dont nous avons
eu occasion de parler. Nous les trouvons dans trente-six
tableaux, vrais tableaux d’honneur, qui ornent le grand
corridor de l'hôpital et prêchent la reconnaissance aux
pauvres, et aux riches l’imitation.
1° M. Pierre-Joseph Loudîeu de Lacalprade, chanoine
de Notre-Dame de Paris, décédé à Sarlatle 5 mai 1841. —
Il légua à l’hôpital 1° une rente constituée au capital de
500 francs, à charge de faire dire à perpétuité quatre
messes pour le repos de son âme, les lor, 21 et 29 mai, et
le jour anniversaire de son décès ; 2° une autre rente
annuelle et perpétuelle de 400 francs pour la fondation
de deux places à l'hôpital, l’une pour homme et l’autre
pour femme.
2° M. Gouzot, juge de paix à Gadouin. — Par acte du
27 juin 1808, devant Me Michelot, notaire à Sarlat, il fit
don à l’hôpital de la maison appelée Pascal de Sergeac,
qu’il avait acquise de ce dernier.
142
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
3 » Jeanne Daudrix, marchande épicière à Sarlat. — Par
acte du 23 février 1845, devant Me Fonsales, notaire, elle
fit don à l’hôpital, d’un petit corps de bien appelé Meyssès-
Bas, à la charge d’être logée, nourrie et soignée à l’hôpital
sa vie durant. Elle y mourut le 28 février 1847, après avoir
ajouté à son premier d'on 1,900 francs qui lui étaient dus
pour vente d’une maison aux époux Gaminade, et 300 fr.
qu’elle possédait au moment de son décès.
4° Mmo du Chaylard. — Par son testament du 13 fruc¬
tidor an XII, elle légua à l’hôpital un domaine situé à
Yalojouls, à la charge de cent messes par an à perpétuité.
Ce domaine fut vendu et le produit employé à l’acquisi¬
tion d’une rente sur l’Etat.
5° Le sieur Pechmajou, de Sarlat. — Par acte du 4 mai
1825, devant M° Michelot, notaire, il fit don à l’hôpital
d’un petit jardin, à la charge de faire dire douze messes
par an pour le repos de son âme.
6" M. Jean de Laclergerie, prêtre à Fleurac. — Par son
testament du 10 novembre 1828, reçu par M° Gonthier,
notaire à Mauzens-Miremont, il légua à l’hôpital de Sarlat :
1° une somme de 1,500 francs ; 2° une vigne et des prés
situés à Fleurac, qui furent vendus aux enchères publiques
devant Me Michelot, notaire, moyennant la somme de
2,260 francs, tous frais payés.
7° M. Jean-Baptiste Yaussange, ancien notaire à Sarlat
et ancien maire, décédé le 18 décembre 1845. — Il légua
à l’hôpital la somme de 500 francs, à titre gratuit.
8“ Antoine Seignabou, cultivateur et maçon à Vezac. —
Par son testament du 3 avril 1826, reçu par Me Michelot,
notaire à Sarlat, il fit don de tous ses biens à l’hôpital
pour le prix en être employé en achat de linge.
9° Mlle Marie Lagrange, de Sarlat. — Par son testament
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 143
olographe du 1er mai 1829, elle légua 300 francs à l’hôpi¬
tal, sans condition.
10° M. Peyronenc-Gassagne, prêtre , décédé à Tours le
14 septembre 1835. — Il fonda la place d’un homme à
l’hôpital de Sarlat au moyen d’une rente annuelle et per¬
pétuelle de 175 francs. Déjà, de son -vivant, en 1830, il
avait fondé une place pour un vieillard , moyennant une
rente annuelle et perpétuelle de 275 francs, au capital de
5,500 francs, à lui due par M° Geyraud, avocat à Sarlat.
Il® M110 Marie-Louise-Pauline David , de Sarlat. —
Par acte du 29 janvier 1851, devant M0 Baudet, notaire,
elle üt don à l’hôpital de Sarlat de la somme 8,500 francs,
pour la fondation audit hôpital de deux places à perpé¬
tuité, en faveur de deux femmes de Marcillac et de
Sarlat.
12° Mu° Marie-Anne-Pétronille Ghapt-de-Rastignac. —
Elle fit don d’une métairie, appelée de Rousseseille, et
d’une maison à l’hôpital, autorisé à les accepter par décret
impérial en date de Gênes, du 16 messidor an XIII.
13° M. le baron Maurice, ancien préfet de la Dordogne,
décédé à Genève, le 17 avril 1851. — Il üt un legs de 500 fr.
à titre gratuit à l’hôpital de Sarlat.
14° M. Michel Yernet, prêtre, mort à Sarlat le 25 juin
1820. — Il légua à l’hôpital une maison , des meubles et
une somme d’argent, le tout représentant une valeur de
2,716 francs.
15° Mmo veuve de Paluel, née Anne Rodorel de Seillac. —
Par son testament mystique de 1844 , déposé chez M® Mi-
chelot, notaire à Sarlat, elle fit don à l’hôpital de la
somme de 4,000 francs, pour la fondation d’un lit d’in¬
firme, à la nomination des habitants de Paluel.
16° Mme veuve Blancher, née Jeanne-Françoise-Leclerc
144
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Lavierville, demeurant à Sarlat. — Par son testament du
30 prairial an X, elle légua 3,000 fr. à l’hospice, 3,000 fr.
à la Miséricorde, et 3,000 francs à la Manufacture ou hos¬
pice général, pour les bouillons des pauvres qui sont
reçus ou soignés dans ces établissements.
17° Mlle Marie-Antoinette de Bars, de Saint-Vincent-
les-Paluels. — Il résulte d’une délibération de la com¬
mission administrative de l’hospice, en date du 15 juil¬
let 1806, qu’elle légua à l’hospice une rente annuelle de
48 fr., au capital de 1,600 francs.
18° M110 Marie Soulignac Saint-Rome, décédée à Yézac
le 22 février 1847. — Elle fit don à l’hôpital de Sarlat de
la somme de 8,000 francs pour la fondation à perpétuité de
deux lits, en faveur des deux pauvres les plus nécessi¬
teux des communes de Vézac et de Carves.
19° Mlles Moudisse, de Sarlat. — Par acte du 14 juin 1815,
retenu par Me Michelot, notaire, elles firent donation à
l’hôpital d’une pièce de terre de la valeur de 6,000 francs,
sous la condition qu’il serait fondé à perpétuité deux
places pour deux infirmes, hommes ou femmes, à la nomi¬
nation des donataires, de leurs héritiers ou ayant-causes.
20» M1Is Marguerite Chauzé-Labesse-Reniac, religieuse,
décédée à Sarlat le 13 août 1833. — Elle légua par testa¬
ment 2,000 fr. à l’hôpital, sans condition.
21° Jean Autesserre. — Il résulte d’une délibération de
de la commission administrative du 23 août 1835, qu’il
légua par testament à l’hôpital la somme de 800 francs,
dont 700 fr. pour du linge et 100 francs pour des messes.
22° M. Antoine Maraval, chanoine régulier de la con¬
grégation de Notre - Dame-de-Chancelade , habitant à
Saint-André. — Il résulte d'une délibération de la com¬
mission administrative du 25 avril 1831, qu’il légua à
145
DES HÔPITAUX, HOSPTCES, ETC., DU PÉRIGORD.
l’hôpital une maison sise à l’Endrevie, des meubles et un
jardin, sous la condition d’une messe par mois pour le
repos de son âme.
23° M. Joseph de Gisson, de Sarlat, y décédé le 5 décem¬
bre 1841. — De son vivant, le 1er mars 1825, il fit don
d’un petit corps de bien confrontant à l’enclos de l’hôpital,
à la charge de créer une place dans la salle des vieillards ;
et par son testament il légua au même hôpital, à titre
gratuit, une rente constituée au capital de 1,000 francs,
qui lui était due par M. Soulignac- Saint-Rome.
24° Mme veuve de Philopal, née Anne de Giversac,
demeurant à Sarlat. — Par acte du 1er juin 1847, elle fit
donation à l’hospice de la somme de 14,000 francs, sous
la condition qu’il serait fondé dans ledit hospice, et à
perpétuité, quatre lits pour quatre hommes réunissant
toutes les conditions d’âge, de misère ou d'infirmités qui
pourront les rendre admissibles.
25° M. Bertrand de Grézel, décédé à Sarlat le 20 novem¬
bre 1844. — Il légua à l’hospice la somme de 1,000 francs,
à titre gratuit.
26» Jean Miramond, de Sainte-Nathalène. — Par acte
devant M° Fonsales, notaire à Sarlat, approuvé par décret
du 26 février 1852, il fit donation à l'hôpital de Sarlat d’un
petit corps de bien situé à Autesserre, commune de Ste-
Nathalène, d’une valeur approximative de 4,000 francs,
à condition d’être logé, nourri et entretenu dans cet éta¬
blissement, sa vie durant ; de recevoir 50 francs par an,
et qu’après sa mort il serait dit pour 100 francs de messes
pour le repos de son âme.
27° M. Jean-François-Xavier de Grézel, prêtre, décédé
à Sarlat le 9 avril 1834. — Il légua la somme de 1,000 fr.
à l’hôpital, sans condition.
10
146
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
82° Joseph Baillard, domestique à l’hôpital. — Il légua
par testament du l°r février 1845, à titre gratuit, à l’hô¬
pital, la somme de 600 francs.
29® M. Alfred-Marie-Guillaume-Antoine Marmier, avo¬
cat à la Cour de Cassation. — D’après un acte du 25 avril
1845, passé par M° Michelot, notaire, il fit don de 600 fr. à
l’hôpital, à la charge de faire dire quatre messes par an
pour le repos de l’âme de sa mère, de ses enfants et des
autres parents.
30® M. Henri Sanfourche, colonel en retraite. — Suivant
donation faite par lui devant Me Michelot, notaire, de son
enclos de Vigneras, commune de Sarlat, à l’hôpital dudit
lieu, il a été fondé une place de femme infirme et à per¬
pétuité .
31® Mlle Formigier de Beaupuy. — Par son testament
mystique du 28 janvier 1806, elle légua à l’hôpital de
Sarlat une rente annuelle de 400 francs, laquelle rente
son héritier ne pourra éteindre que par le paiement d’un
capital de 6,000 francs.
32® Les époux Grangier de Tamniers. — Il résulte d’une
délibération de la commission administrative, approuvée
le 22 juillet 1849, qu’ils firent don à l’hôpital, l’un de
400 francs, et l’autre de 600 francs, à titre gratuit.
Tels sont les bienfaiteurs que nous rappellent les
tableaux du grand corridor de l’hôpital ; il se fait en ce
moment un travail pour en augmenter le nombre, afin
d’avoir la liste complète des bienfaiteurs depuis l’origine
de l’hôpital jusqu’à nos jours.
En rappelant, à la fin de cette étude, les origines chré¬
tiennes et sacerdotales des hôpitaux et hospices de Sarlat,
on est attristé d’apprendre que M. l’abbé Mirai , chanoine
et archiprêtre, digne successeur des fondateurs de ces éta-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DD PÉRIGORD. 147
blissements, ne fait plus partie des administrations de
l’hôpital et du Bureau de bienfaisance. On est également
attristé d’apprendre que trois hommes des plus honora¬
bles, qui en faisaient partie : M. de Lavelle, parent et
neveu de M. l’abbé de Lacalprâde qui dota le Bureau de
bienfaisance, M. Henri de Lachapoulie , autre neveu de
M. de Lacalprade, et M. de Cerval, qui sert une rente
annuelle, au nom de sa famille , au Bureau de bienfai¬
sance , ont été exclus avec M. l’arcbiprôtre des deux com¬
missions administratives. — Il est des faits que le silence
qualifie mieux que la parole : nous nous taisons.
XIII
Hôpital de Domme.
Cet hôpital, comme plusieurs autres dont nous avons
déjà parlé, a une origine toute sacerdotale. Sa fondation
est due à Guillaume de Maleville, curé de Domme, où il
était né en 1699 et où il mourut le 8 septembre 1771 (1).
Vers les dernières années de sa vie, il forma le projet de
la création d’un hôpital dont la ville était privée, et dont
l’exercice de son ministère lui avait fait souvent apprécier
la nécessité. A cette fin, il fit bâtir sur un terrain commu¬
nal une vaste maison à laquelle il ajouta un jardin, objet
de première nécessité pour un semblable établissement.
Il n’eut pas avant sa mort la consolation d’y voir les pau¬
vres installés. Son successeur, Jean Gleyrac, animé lui
aussi d’un grand amour pour les pauvres, prit à cœur
l’œuvre de son prédécesseur et fit tous ses efforts pour la
mettre en mesure de fonctionner ; mais la mort vint l’arrê¬
ter et le priver lui aussi d’une consolation bien désirée.
(1) Aux vertus du prêtre et au zèle du pasteur, l’abbé Guillaume de
Maleville joignait l’amour des lettres qu’il cultivait avec succès, et. l’étude
des sciences philosophiques et théologiques. II était docteur en Sorbonne
et a laissé plusieurs ouvrages dont la collection, qui se trouve au château
de Fénelon, oomprend 15 volumes.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., Dü PÉRIGORD. 149
Jean Gleyrac ne survécut que deux ans à Guillaume de
Maleville. Il mourut le 30 décembre 1773, laissant pour
l’œuvre de Thôpital la somme de 6,200 livres, constituée
en rentes.
Enfin, des Lettres 'patentes du roi, en date du 27 novem¬
bre 1776, enregistrées au Parlement de Bordeaux, le
19 mars 1777, vinrent approuver la fondation de l’hôpital
et lui donner une existence légale, avec autorisation
d’accepter les dons et legs qui pourraient lui être faits,
jusqu’à concurrence de 4,000 livres de revenu.
De son côté, Mgr l’évêque de Sarlat, Joseph-Marie-Luc
de Ponte d’Albaret, voulant contribuer à la fondation de
l’hôpital de Domme, et favoriser ses développements, avait
formé le projet de lui réunir diverses chapellenies et de
lui en transmettre les revenus. Il y fut autorisé par Let¬
tres patentes du mois de mai 1786, enregistrées au Parle¬
ment de Bordeaux le 17 janvier 1787.
Ces chapellenies, au nombre de six, étaient : les trois
appelées de Rouügnat, celle de l’hôpital ou Delpon, celle
de Bernadou et celle appelée de Réveillon. L’union de
cette dernière offrit de grandes difficultés qui, d’après un
document que nous avons sous les yeux , retardèrent
même l’ouverture de l’hôpital. Elles furent enfin surmon¬
tées, et le décret de l’évêque, prononçant la réunion, put
avoir son effet.
Nous avons dit que l’abbé Guillaume de Maleville avait
bâti la maison destinée à la fondation de l’hôpital. A sa
mort, l’hôpital n’ayant pas d’existence légale, il n’avait pu
lui léguer directement cet immeuble. Son héritier le tenait
en réserve jusqu’au jour où l’hôpital pourrait légalement
le recevoir. L’héritière aussi de l’abbé Jean Cleyrac, la
demoiselle Marie de Taillefer, tenait en réserve les
6,200 livres léguées par son oncle. Les Lettres patentes
150
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
du roi approuvant la fondation de l’hôpital mentionnaient
ces deux legs et en autorisaient l’acceptation ; elles auto¬
risaient aussi la cession à l’hôpital, par la commune, du
terrain sur lequel l’abbé de Maleville avait bâti sa maison.
Le tout fut régularisé conformément aux prescriptions des
Lettres patentes , ainsi que le constate une « délibération
de la communauté, assemblée, aux formes ordinaires, en
l’Hôtel-de-Ville, le 1er septembre 1787. » Nous y voyons
1° que, le bureau d’administration de l’hôpital ayant été
composé suivant la déclaration du 12 décembre 1698, la
commune lui fait cession du terrain pris par l’abbé Guil¬
laume de Maleville ;
2° Que le marquis Jacques de Maleville, agissant comme
neveu et héritier de l’abbé Guillaume de Maleville, trans¬
met à l’hôpital la maison et le jardin légués par son oncle.
3° Que la demoiselle Marie de Taillefer, en sa qualité de
nièce et d’héritière de l’abbé Jean Gleyrac, donne à l’hô¬
pital la somme de 6,200 livres, que son bienfaiteur l’avait
chargée de lui transmettre, « à la condition, néanmoins,
» que ledit hôpital fera célébrer annuellement et à perpé-
» tuité une messe haute pour le repos de l’âme de feu sieur
» Jean Gleyrac, et que les descendants du sieur feu Tail-
» lefer, son frère, de son nom en ligne directe, seront
» administrateurs-nés dudit hôpital. »
Le même jour, sans doute, le Bureau d’administration
accepta un legs de 3,000 livres fait par un autre prêtre, M.
Etienne Lacombe. Il était lui aussi originaire de Domme,
y résidait et y mourut le 2 janvier 1782. Rien n’indique
qu’il y ait rempli les fonctions de curé. A sa mort, ses
nièces restèrent dépositaires de la somme léguée, qui fut
convertie, à leur charge, en rente constituée, au revenu
de 120 livres, que, par acte du 2 novembre 1789, elles s’en¬
gagèrent à payer annuellement à l’hôpital. — La famille
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉKISOHD. 151
Tourey, héritière des demoiselles Lacombe , sert encore
cette rente.
Parmi les signatures de cette délibération du l°r septem¬
bre 1787, nous remarquons celles de : Maleville, prêtre, et
de Pignol, curé. Celui-ci avait dû succéder à Jean Cleyrac.
Ainsi que nous l’avons dit, le Bureau administratif de
l’hôpital fut composé dans cette même assemblée de la
Commune. Les Lettres ■patentes du roi désignaient com¬
me membres de droit de ce Bureau : <■ le maire, le pro-
» cureur-syndic, le curé et le sieur Taillefer, docteur mé-
» decin, l’aîné des neveux de la demoiselle Marie Taille-
» fer, donatrice.» On y ajouta quatre membres : MM. Jean
Grèzes de Talazac et Guillaume Reynal, consuls en fonc¬
tion cette année, et MM. Jacques de Maleville et Antoine
Grézis de Caumon, avec réserve d’en augmenter ou dimi¬
nuer le nombre après trois ans, suivant que les intérêts
de l’hôpital pourraient l’exiger. Il est dit dans cette déli¬
bération que « le bureau devra recevoir les donations ci-
» dessus énoncées, et faire la recherche et le recouvre-
» ment des biens réunis à l’hôpital, » entr’autres, proba¬
blement, des revenus des chapellenies réunies à Phôpital
par Monseigneur l’évêque de Sarlat.
Par cette mémorable délibération prise par la commu¬
nauté en l’Hôtel-de- Ville, l’hôpital de Domme se trouvait
donc, enfin, définitivement fondé et institué, et, dès le
lendemain, il put être ouvert aux pauvres malades. Des
personnes pieuses et charitables en prirent la direction
intérieure et donnèrent leurs soins aux pauvres malades
jusqu’en 1793. A cetteipoque malheureuse arriva à Domme
dans sa famille une Sœur Chassaing que l'orage révolution¬
naire avait jetée hors du couvent des Dames deMirepoix de
Sarlat, où elle était en qualité de sœur converse. Le bureau
d’administration s’empressa de lui confier la direction
152
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
de l’hôpital. Elle est la première et unique directrice que
nos documents nous fassent connaître jusqu’en 1834.
A cette date, les religieuses hospitalières de Sainte-
Marthe- d'Eymet furent priées par la commission admi¬
nistrative de l’hôpital d'en prendre la direction. Un traité
qui en réglait les conditions fut passé, le 9 avril 1834, en¬
tre la sœur Saint-Louis, supérieure générale, assistée de
la sœur Delpech, de la communauté de Saint-Cyprien,
annexe d’Eymet, et les membres de la commission admi¬
nistrative. Nous y trouvons les signatures de : Yergne,
curé-administrateur ; P. Pontou, Cluzel, Compris, Sépière,
vicaire général ; sœur Saint-Louis, supérieure générale ;
sœur Delpech, assistante.
Ce traité fut approuvé le 6 octobre suivant par Msr de
Lostanges, évêque de Périgueux, et le 28 du même mois
par M. Romieu, préfet de la Dordogne.
Ce ne fut, néanmoins, que le 1er mars 1835 que les reli¬
gieuses d’Eymet prirent possession de l’hôpital de Dom¬
ine. C’est ce que constate le procès-verbal de leur installa¬
tion rédigé dans la forme ordinaire.
Il n’y eut d’abord que deux religieuses et une sœur
converse, l’une des religieuses pour le service des pauvres
et des malades de l’hôpital, et l’autre pour la direction
d’une classe gratuite, en faveur des jeunes filles. Mais
plus tard les besoins de cet établissement étant devenus
plus grands par l’augmentation des pauvres et des mala¬
des et par la création d’une classe payante, annexée à la
classe gratuite, il fallut successivement augmenter le
nombre des religieuses. Elles sont aujourd’hui quatre
religieuses et une sœur converse. Elles ont quelques pen¬
sionnaires, une classe payante nombreuse et une classe
gratuite plus nombreuse encore. Elles ont la charge de
l’hospice, qui a toujours un petit contingent d’infirmes et
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 153
de malades, et, de plus, elles portent à domicile, aux in¬
firmes et aux malades, les ressources qui sont mises à
leur disposition par le bureau d'administration. Ici les
ressources du Bureau de bienfaisance viennent s’ajouter
aux ressources de l’hôpital pour le plus grand avantage
de la classe souffrante et indigente.
Jetons maintenant un coup-d’œil sur le tableau des
bienfaiteurs, placé dans une des salles de l’hôpital. En
tête du tableau, figurent comme fondateurs, les deux cu¬
rés de Domme dont nous avons parlé, Guillaume de Ma-
leville et Jean Gleyrac. Viennent ensuite, dans l’ordre des
prêtres : Etienne Lacombe, dont nous avons dit le bien¬
fait ; Vergne, curé de Domme, décédé le 14 avril 1838,
et Sépière, vicaire général. Ges deux derniers sont consi¬
dérés comme restaurateurs de l’hôpital ; ils en firent
agrandir les bâtiments et appelèrent à le diriger les sœurs
hospitalières de Sainte-Marthe, qui le dirigent encore.
Nous y trouvons enfin le nom d’un prêtre trop tôt ravi à
l’affection de ses paroissiens et de ses confrères, M. Antoine
Lhonneur, curé de Domme, décédé le 13 août 1866.
Parmi les bienfaiteurs laïques de l’hôpital et des pau¬
vres de Domme, nous trouvons, nul n’en sera étonné,
quatre générations de la même famille, la famille de
Maleville. Elle a compris l’honneur que lui a transmis,
comme un glorieux héritage, l’abbé de Maleville en gra¬
vant son nom sur la pierre fondamentale de l’édifice ,
et chaque génération qui est venue a voulu, en recueil¬
lant l’héritage, le payer par un bienfait. Il nous est
agréable de redire ici les noms de ces bienfaiteurs ; les
pauvres de Domme nous en seront reconnaissants.
Première génération. — Quelques années avant 1771,
Guillaume de Maleville, curé de Domme, bâtit la maison
qui sert d’hôpital.
154 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC.', DU PÉRIGORD.
Deuxième génération. — Le lor septembre 1787, Jacques
de Maleville, neveu'du précédent, confirme les volontés
de son oncle et transmet à l’administration de l’hôpital la
maison et le jardin qui lui étaient destinés.
Troisième génération. — 1° Le 15 mai 183.0, Pierre-
Joseph, marquis de Maleville, fils du précédent, fait ces¬
sion à l’hôpital d’une rente perpétuelle de 80 francs au
capital de 2,000 francs, due par les héritiers Delille, et de
sa maison de Domme où ses père et mère sont décédés,
ladite maison évaluée 2,400 fr. — 2° Le 11 février 1855,
Marguerite de Maleville, veuve Bertrand de Limoges,
sœur du précédent, lègue par testament aux pauvres de
Domme, 1,300 fr. — 3° Le 30 novembre 1864, Pauline de
Maleville, veuve Sarlat de la Malartrie, sœur de la précé¬
dente, donne par testament la somme de 1,000 francs à
l’hôpital de Domme.
Quatrième génération. — Le 15 septembre 1879, M. le
marquis Guillaume- Jacques-Lucien de Maleville, ancien
pair de France, ancien député, aujourd’hui maire de
Domme et sénateur, offre à la commission administra¬
tive de l’hospice, qui accepte, la somme de 4,000 francs
en transmission de rentes et dons particuliers.
A mesure que viendront les autres générations de cette
famille si bienfaisante, l’héritage d’honneur, on peut s’y
attendre, sera généreusement payé.
Ajoutons, en terminant cette notice, que M. le marquis
de Maleville étant maire de Domme, M. l’abbé Delguel, le
si digne successeur des fondateurs de l’hôpital, ne pou¬
vait ne pas faire partie des deux commissions adminis¬
tratives de l’hospice et du Bureau de bienfaisance. Le
conseil municipal de Domme a le sentiment de la justice
et des convenances.
XIV
Hospice de Brantôme.
Il nous est bien agréable de trouver ici, comme pour
l’hôpital général de Sarlat, une origine épiscopale. Elle
nous est signalée par un acte du 3 février 1722, reçu par
Devillard, notaire à Brantôme.
D’après cet acte, Mme Marie de Saint-Aulaire, veuve du
vicomte d’Aydie, seigneur de Vaugoubert, fait donation
d’une métairie et d’une maison en faveur des pauvres de
la Miséricorde de Brantôme, « désirant, dit-elle, secon-
» der les pieux desseins de Mgr Pierre Clément, en son
» vivant évêque de Périgueux, dans l'établissement qu'il
» a fait d’une Miséricorde en la ville de Brantôme. »
Le même acte porte que la généreuse dame fait son don
« voulant contribuer perpétuellement à la nourriture et
subsistance des pauvres qu’on a coûtume d'y recevoir ou
qu’on y recevra dans la suite des temps, ou qui sont et
seront nourris aux dépens de cette même Miséricorde. »
Ces termes supposent un passé qui doit remonter jusqu’au
fondateur.
Mais, si nous trouvons dans cet acte le nom du fonda¬
teur, nous n’y voyons pas la date de la fondation, et nous
156
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
n’avons aucun document qui nous permette d’en préciser
le jour ni l’année. Nous savons seulement que l’évêque
fondateur, Pierre Clément, occupa le siège de Périgueux,
du 24 février 1703 au 8 janvier 1719. Il confia la direction
de cette Miséricorde ou hospice, dans lequel on recevait
les pauvres, aux Dames-de-la-Foi, déjà depuis longtemps
établies dans la ville de Brantôme. Elles en prirent la
direction et firent soigner les pauvres par une pieuse fille
à laquelle elles allouaient une somme de soixante livres.
Il est probable que Mgr Pierre Clément employa à la
fondation de son œuvre un don considérable qu’avait fait
« pour l’éducation des pauvres, » le sieur Etienne Jous-
sens, habitant de Brantôme. Son testament, du 26 janvier
1693, porte qu’il légua, à cette fin , une métairie située à
Puybartro. L’emploi de ce legs appelait une fondation.
Quoi qu’il en soit, la fondation de cette Miséricorde ou
hospice, eut les sympathies des habitants de Brantôme, à
son origine et dans ses développements, à toutes les épo¬
ques de son existence. Pour le prouver , nous n’aurions
qu’à dérouler la longue liste des bienfaiteurs dont la
reconnaissance a religieusement conservé les noms. Nous
en citerons quelques-uns pour le besoin de cette notice.
Nous avons déjà nommé la comtesse d’Aydie, Marie de
Sainte-Aulaire. Par l’acte du 3 février 1722, « de son bon
» gré, franche et libérale volonté, elle donnait et délaissait
» à titre d’acensement perpétuel et sous le devoir annuel
» de 100 livres de rente seconde , une métairie dans son
» entier, sise et située au village et appartenance de Tout-
» Blanc, et une maison sise et située dans la ville de Bran-
» tôme, » et annexée à celle qu’avait achetée le fondateur.
Plus bas, l’acte s’exprime ainsi au sujet de cette maison :
« Et d’autant que dans ladite ville de Brantôme, il n’y a
» point de maison affectée [pour le logement de la Sœur
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 157
» qui doit prendre soin des pauvres , c’est dans l’objet d’y
» pourvoir que ladite dame a donné comme elle donne
» par ces présentes, à titre de donation entre vifs et à
» jamais irrévocable, à ceux ou à celles qu’il plaira au
» seigneur évêque de Périgueux de nommer, tant pour eux
» et elles que pour leurs successeurs, administrateurs des
» biens et revenus de ladite Miséricorde, quepour servir de
» logement aux autres économes qui leur succéderont. »
A la date du l°r juillet 1732 , nous avons en faveur de
cet hospice un testament mystique de M. de Lacouture,
médecin, demeurant à Chassenat, paroisse de Monsec.
Nous y lisons :
« Je donne et lègue à MM. Arnaud et Souffron, prêtres
» et missionnaires, et au sieur Mathurin Laulanie, avocat,
» habitant de la ville de Brantôme, toutes les rentes cons-
» tituées qui me sont dues, obligations en argent, blé et
» vin, qui pourront se trouver m’appartenir au jour de
» mon décès, pour de tout en disposer pour le salut de
» mon âme et le bien des pauvres , en leur conscience,
» m’en remettant à eux, leur ayant déclaré mes intentions
» et volonté là-dessus ; et, pour qu’elle soit mieux suivie,
» je les nomme tous trois mes exécuteurs testamentaires
» et les prie d’en accepter les fonctions et les droits. »
Le testateur institue ensuite pour son héritier sa sœur,
Pétronille de Lacouture, ^veuve de M. Jean Baudin, sieur
de Pauzet.
Des difficultés ayant surgi entre l’héritière et les trois
exécuteurs testamentaires, relativement à la délivrance du
legs fait à ces derniers, le parlement de Bordeaux rendit
un arrêt, à la date du 27 juin 1746, par lequel il fut ordonné
que « lesdits sieurs Arnaud, Souffron et Laulanie, déclare-
» raient, dans le délai de quinzaine, par devant le sieur
» Desmanot, conseiller du Roi, délégué à cet effet, parties
158 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» présentes ou dûment appelées, les intentions que feu
v Jean de Lacouture, docteur en médecine, leur a confes-
» sées, pour que, conformément à icelles, ils ayent à faire
» l’emploi des sommes et effets à eux légués par son tes-
» tament du 1er juillet 1732.»
Conformément aux prescriptions de cet arrêt, et les 17
juillet, 29 novembre 1746 et 3 janvier 1747, lesdits sieurs
Arnaud, Laulanie et Souffron firent leurs déclarations.
Elles portaient :
« Les intentions que feu de Lacouture leur a confiées
» sont que les effets légués par son testament du 1er juil-
» let 1732 leur soient remis par les héritiers ; lesquels
» effets doivent être employés, pour la majeure partie, à
» l’établissement et au soutien d'une maison qui fournira
» par charité des bouillons aux pauvres dans la ville de
» Brantôme ; qu'ils doivent aussi être employés à établir
» et soutenir deux écoles chrétiennes et gratuites pour les
» pauvres garçons et les petites filles pauvres, séparémënt
» l’une de l’autre, dans la même ville de Brantôme ; qu’il
» doit être distribué manuellement une partie du restant
» desdits effets aux pauvres .des paroisses de Monsec et de
» Léguillac-de-Cercles, en une ou plusieurs distributions,
» au choix desdits Arnaud., Souffron et Laulanie, et que
» le restant doit être employé à faire dire un grand nom-
» bre de messes, pour le repos de l’âme dudit sieur de
» Lacouture et des siens. »
Ce ne fut donc qu 'après le 3 janvier 1747, c’est-à-dire
quinze ans après la date du testament, que les pauvres de
Brantôme purent jouir des générosités de M. de Lacou¬
ture, et qu’une école gratuite pour les petites filles pauvres
put être annexée à l’hospice. La part qui revint à l’hospice
de ces générosités fut sans doute la plus belle, car le nom
du charitable médecin figure sur la liste des bienfaiteurs
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 159
pour un don de 29,081 francs. Nous verrons bientôt l’em¬
ploi qui en fut fait.
Un troisième testament, en date du 15 juin 1735, nous
signale un autre don considérable fait aux pauvres de ce
même hospice. C’est le testament de M. Jean Flament,
bourgeois de la ville de Brantôme. Nous y lisons la clause
suivante :
« Je donne et lègue à l’hôpital de la Miséricorde de la
» Aille de Brantôme, en augmentation de fondation, savoir:
» toutes les rentes et arrérages d’icelles que je possède en
» pleine propriété en quoi qu’elles puissent consister,
» situées dans les paroisses de Condat, Eyvirat et ailleurs
» d’autres paroisses s’il s'en trouve, ensemble ma maison
» que j’habite avec! jardin et aisines; et aussi leur donne
» et lègue généralement tous mes meubles qui sont dans
» ma dite maison ; le tout franc de toutes charges généra-
» lement quelconques, pour, par le directeur dudit hôpi-
» tal, en jouir immédiatement après mon décès, et leur
» revenu être employé à la nourriture et entretien des
» pauvres qui sont placés dans ledit hôpital. » Le tout fut
évalué à la somme de 10,000 francs, qui figure à côté de
son nom sur la liste des bienfaiteurs.
Ainsi que nous l’avons dit , la direction de la Miséri¬
corde ou hospice fut confiée, dès le principe, par Mgr Pierre
Clément, aux Dames de la Foi. Ces religieuses conservè¬
rent cette direction jusqu’en l'année 1730. A cette époque,
l’une d’elles, la Sœur Marie Rambeau , conseillée par un
des Pères Bénédictins de l’abbaye , et autorisée par
Mgr l’évêque de Périgueux, renonça à sa congrégation
pour se faire l’humble servante des pauvres de la Miséri¬
corde et fonder une communauté indépendante dont les
religieuses prendraientle nom de Sœurs de Charité. Tou¬
tefois, elle resta unie jusqu’à sa mort aux Dames de la Foi.
160 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Les commencements de son administration furent des
plus laborieux. La maison, qui jusqu’à ce jour avait servi
aux pauvres de la Miséricorde et devait recevoir les nou¬
velles religieuses, était insuffisante et, d’ailleurs, elle tom¬
bait en ruine. Il fallait la reconstruire sur de nouvelles
bases et sur un plan qui permît d’y loger les pauvres et
les sœurs de la nouvelle communauté. C’était une œuvre
importante, bien digne du zèle de la première supérieure,
Marie Rambeau. Elle l’entreprit et mena à bonne fin,
autorisée par Mgr l’évôque de Périgueux, et aidée du con¬
cours efficace de l’administration civile de l’hospice. Les
frais furent couverts, partie avec les fonds que M. de La-
couture avait donnés par son testament, partie avec le
produit d’une souscription et un don de quatre mille
francs fait par l’abbé de Brantôme. Mme de Montozon,
supérieure des Dames de la Foi, avait donné une partie
de l’emplacement.
L’œuvre achevée, la sœurMarie Rambeau se trouva épui¬
sée par tant de travaux et comprit qu’elle ne pouvait plus
suffire seule aux besoins des malades, considérablement
augmentés par le passage des troupes du Roi. Elle eut re¬
cours à ses anciennes compagnes, les Dames de la Foi, qui
lui donnèrent pour coadjutrice Jeanne Rambeau sa sœur.
De ces deux sœurs, Marie étant morte peu de temps après,
Jeanne lui succéda, élue supérieure par la commission
administrative de l’hospice. Alors les Damés de la Foi, vou¬
lant continuer leur bienveillance envers la nouvelle com¬
munauté, encore à son berceau, envoyèrent, pour rem¬
placer Marie Rambeau, la sœur Géfard, qui ne tarda pas
à être supérieure et de l’hospice et de la communauté. Elle
fut le dernier sujet que le couvent des Dames de la Foi
donna au couvent des Sœurs de Charité.
La nouvelle supérieure, la mère Géfard, se préoccupa
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 161
avant tout de procurer à sa communauté le moyen de se
suffire à elle-même ; elle ouvrit un noviciat pour les jeunes
personnes désireuses de consacrer leur vie à Dieu et au
service des pauvres. Les sœurs Projet et de Croisant y
furent les premières reçues, et les premières y prononcè¬
rent les vœux de chasteté et de stabilité au service des
pauvres.
Quoique constituées en communauté et formant une
maison-mère, les Sœurs de Charité de Brantôme restèrent
sans règle spéciale jusqu’en 1784. Par une ordonnance du
1er juillet de cette année, Mgr de Flamarens, alors évêque
de Périgueux, approuva les statuts et règlements qu'elles
lui présentèrent, et qui, dès ce moment, devinrent obliga¬
toires. Ce fut aussi ce prélat qui les autorisa à avoir une
chapelle et leur donna les fonds nécessaires pour la bâtir.
A l’époque de la grande Révolution, nos chères Sœurs
furent soumises à de bien rudes épreuves ; elles les sup¬
portèrent avec le courage que donnent toujours la foi et
l’amour du devoir, porté jusqu’au sacrifice de soi-même.
La mère Géfard fut mise en réclusion et les vexations
de tous genres ne lui furent pas épargnées. Les
deux sœurs Projet et de Croisant, qui furent successi¬
vement supérieures, voulurent rester à leur poste pendant
tout le temps de la tourmente révolutionnaire, alors
qu’elles ne le pouvaient qu’au péril même de leur vie. On
ne saurait dire les mille vexations, les cruelles épreuves,
les humiliations les plus pénibles qu’elles eurent à subir
de la part des révolutionnaires. Tout fut mis en œuvre
pour les forcer à abandonner le pieux asile de la charité.
Elles résistèrent courageusement à tout. Souvent elles
furent obligées d’aller tendre la main pour pourvoir à
leurs besoins et à ceux de leurs pauvres malades ; mais,
malgré les privations imposées par la plus extrême misère,
11
162
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
elles restèrent fidèles à leur poste ; il leur était doux de
souffrir, pourvu que les membres souffrants de Jésus-
Christ fussent soulagés.
Il leur restait à subir la plus cruelle des épreuves ; elles
en seraient mortes de douleur, si Dieu n’avait voulu con¬
server ces deux fidèles servantes pour d’autres œuvres.
Il leur fallut voir le Saint-Ciboire arraché du tabernacle
par des mains sacrilèges, et les saintes espèces jetées sur
le pavé du lieu saint et foulées aux pieds de ces impies
scélérats. L’immensité de leur douleur égala l'énormité
du sacrilège... Mais tirons le rideau sur cette scène
odieuse ; un tableau des plus touchants appelle nos
regards.
Cette petite communauté, si intéressante par les vertus
héroïques de ses membres, avait une servante, modèle de
fidélité et des plus vertueuses ; son nom était Anna Vi-
roulaud. Elle ne voulut jamais se séparer de ses chères
maîtresses, malgré les précieux avantages qu’elle aurait
pu trouver ailleurs. Un jour qu’une personne haut placée
lui disait : « Mais, enfin, Anna, vous n’êtes pas liée à
» l’hôpital par des liens indissolubles ; vos privations, vos
» souffrances, me navrent le cœur. Quittez vos sœurs ;
» venez chez moi, je vous traiterai non pas comme ser-
» vante, mais comme ma fille. — Moi ! dit-elle, quitter
» nos Sœurs I jamais, non, jamais 1 Avec la Grâce de
» Dieu, je vivrai de leur vie, je mourrai de leur mort. »
Dieu daigna réaliser ses désirs et récompenser sa fidélité
en l’appelant à la vie religieuse. Elle mourut sœur con¬
verse le 12 mars 1850, regrettée de ses compagnes
qu’elle avait édifiées par ses vertus et éclairées de ses sa¬
ges conseils, douée qu’elle était de la science des saints.
Dès que l’orage révolutionnaire fut dissipé et le calme
rétabli, les Sœurs de charité commencèrent à se recruter
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD, 163
de nouveau, et la première qui fit ses vœux fut la sœur
Jourdes, dont le souvenir est encore précieux aux habi¬
tants de Brantôme. Elle fut supérieure de la communauté
et la dirigea avec l’hospice jusqu’en 1859.
Nous arrivons à l'époque de la réunion des communautés
diocésaines en une seule Congrégation. Celle de Bran¬
tôme se composait alors de cinq religieuses qui, déjà
depuis longtemps, avaient manifesté le désir de s’agréger
aux Sœurs de Sainte-Marthe de Périgueux ; aussi virent-
elles avec grande satisfaction qu’elles allaient faire par¬
tie de la Congrégation générale. La sœur Jourdes resta
supérieure ; mais, ayant donné sa démission en 1859, elle
fut remplacée par la sœur Latour, qui s’était élevée et
formée sous sa direction.
Peu de jours après, une des Sœurs étant morte, elles se
trouvèrent réduites à quatre, nombre insuffisant pour les
œuvres qui leur incombaient : soigner les pauvres
malades de l’hospice, diriger une nombreuse classe gra¬
tuite, distribuer à domicile aux pauvres qui ne pouvaient
être reçus à l’hospice, les ressources mises à leur dispo¬
sition par le Bureau de bienfaisance. Une cinquième
Sœur était nécessaire. Le conseil municipal le comprit,
et dans sa séance du 4 août 1860, il exprima le vœu qu’une
Sœur supplémentaire fut envoyée ; et, considérant que les
ressources de l’hospice ne lui permettaient pas de faire, à
ce sujet, les dépenses obligées, il vota à l’unanimité une
somme de cent cinquante francs pour les frais de ves¬
tiaire et d’entretien de la cinquième Sœur.
D'autre part, après la mort de Sœur Jourdes, ancienne
supérieure, la commission de l’hospice, par délibération
du 28 septembre 1862, demanda une nouvelle Sœur, et
lui alloua une somme de cent cinquante francs. La Sœur
fut envoyée le 17 octobre suivant.
164 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
Nous avons parlé de la liste des bienfaiteurs ; nous vou¬
drions pouvoir la reproduire ; elle couronnerait digne¬
ment cette notice. Sa longueur ne nous le permet pas ;
elle contient quarante-trois noms. Toutes les classes y
sont honorablement représentées. On voit qu’à Brantôme
la bienfaisance est en honneur, et que l’on comprend la
valeur du verre d’eau donné au pauvre. Cette liste forme
sans doute, comme à Domme, un tableau d’honneur,
placé à l’endroit le plus apparent et le plus visité de l’hos¬
pice. Il est bon, dans l’intérêt des pauvres, de montrer aux
générations à venir ce qu’ont fait les générations passées.
Nous ne pouvons, néanmoins, ne pas citer le dernier
nom que nous trouvons sur cette liste des bienfaiteurs,
celui de Mma Catherine Rigaudie, née Rougiéras. Ce n’a
pas été assez pour cette généreuse bienfaitrice de léguer
à l’hospice une somme de 2,000 francs, elle a donné de
plus la majeure partie de son avoir, c’est-à-dire 32,000 fr.,
pour bâtir une salle d’asile avec un local pour une école
payante qui seront annexées à l’hospice et dirigées par
les mêmes religieuses. Elles en prendront possession à la
rentrée prochaine des classes. On croit pouvoir avec la
même somme et quelques dons particuliers, relever de
ses ruines la chapelle de Mgr de Flamarens, qui sépare la
salle d’asile de l’hospice, et qui reliera les deux édifices
bâtis sur le même plan.
Et de tout cela nous devons tirer la conclusion, un peu
étrange sans doute, mais qui n’étonnera personne, que
M. Labrande, le digne doyen de Brantôme, ne fait point
partie de la nouvelle commission administrative de l’hos¬
pice. Hâtons-nous de dire que le zélé doyen a pris noble¬
ment sa revanche en créant un Bureau de charité, admi¬
nistré par les dames de la ville et fonctionnant sous sa
direction.
XV
Hospice de Thiviers.
On ne peut préciser l’époque de la fondation de l’hos¬
pice de Thiviers ; mais un document authentique, con¬
servé dans les archives de la mairie de cette ville, prouve
qu’il est d’une date assez ancienne.
Il est dit dans ce document qu’en 1676 le sieur Pierre
Noël, juge, rendit compte à Mgr l’évêque de Périgueux de
l’administration de l’hospice, « sous la réserve des droits
dont les consuls étaient en possession de se faire rendre
ce compte. » On peut conclure de cette réserve que les
consuls avaient droit de patronage sur cet hospice et que,
par suite, la communauté de la ville l’aurait elle-même
fondé.
Il résulte de ce même document que cet hospice n’avait
pas, à cette époque, de biens fonds, et ne possédait pour
toute ressource que le produit de deux rentes ; l’une, dont
le chiffre est inconnu , avait été fondée par le sieur Rey¬
nier, archiprêtre de Chantérac, l’autre, de quatre cent
cinquante-deux livres et seize sols, faite par le sieur de
Lamothe de Chassain. A ces deux rentes venait s’ajouter
le produit des quêtes qui se faisaient, les dimanches
16(3 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
à la messe, à la suite de la quête pour les âmes du pur¬
gatoire.
Il paraît que plus tard des dons ou des legs furent faits
à cet hospice, et que la Révolution de 1793, qui détruisit
probablement tous les titres et documents relatifs à ces
dons ou legs, respecta sinon la totalité, du moins une
partie des immeubles qui lui appartenaient.
En effet, en 1822, l’administration de l’hospice vendit
deux domaines qui avaient été conservés, l’un situé à
Gurmont, paroisse de Saint-Paul-Laroche , et l’autre à
Bazat, paroisse de Thiviers. On ne peut dire par qui ces
immeubles avaient été donnés, les noms des bienfaiteurs
n’ayant pas été conservés dans les archives, et la tradition
orale étant muette à ce sujet.
La vente de ces deux domaines et de quelques lopins
de terre détachés produisit un capital de 20,934 francs,
.qui fut converti en rentes sur l’Etat avec quelques réser-
. ves que ,1a commission possédait ; ce qui assura à l’hospice
un revenu annuel de 2,300 francs.
L’hospice de Thiviers était dans ces conditions admi¬
nistré par une commission dont les membres étaient nom¬
més par le gouvernement, lorsqu’en 1835, les Sœurs de
Sainte-Marthe de Périgueux furent appelées à le diriger.
Il comptait alors un petit nombre de pauvres et de mala¬
des, assez mal soignés par des personnes peu aptes à ce
genre de travail, et l’emploi des ressources dont on pou¬
vait disposer laissait souvent beaucoup à désirer.
La commission, justement persuadée qu’avec des reli¬
gieuses les secours seraient mieux employés et les mala¬
des mieux soignés, s’adressa à la congrégation des Sœurs
de Sainte-Marthe de Périgueux, qui s’empressa de se rendre
aux désirs qui lui étaient manifestés. Trois Sœurs furent
envoyées, dont deux pour le service des pauvres et des
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DD PÉRIGORD. 167
malades, et la troisième pour diriger une classe gratuite
en faveur des petites filles indigentes. Quelques années
après, le nombre des pauvres et des malades, considéra¬
blement augmenté , nécessita l’envoi d’une quatrième
Sœur.
Les Sœurs de Sainte-Marthe prirent la direction de
l’hospice de Thiviers sans passer aucun traité avec l’admi¬
nistration, et sans autre condition que de trouver dans
1 établissement la nourriture, le chauffage, le blanchissage
et l’éclairage, étant d’usage, à cette époque, que chaque
Sœur fît les frais de son entretien et de son vestiaire.
Aujourd’hui, ces dépenses personnelles, sont à la charge
de l’hospice.
La maison occupée en premier lieu par les religieuses
ne pouvait plus suffire à leur logement et à celui des
pauvres ; elle était loin, d’ailleurs, d’offrir les conditions
désirables de salubrité. Il y fut remédié en 1862 par l’ac¬
quisition d’un local plus spacieux, mieux aéré , et assorti
d’un vaste jardin. Il y a place pour les religieuses, pour
les malades et pour une classe gratuite ; on pourrait
même y avoir un pensionnat.
La commission administrative et l’administration muni¬
cipale ont tenu à perfectionner l’œuvre de bienfaisance ;
depuis 1860, une salle d’asile est annexée à l’hôpital, sous
la direction des mêmes religieuses.
Tel est l’hospice de Thiviers. Si, comme nous l’avons
dit au commencement de cette notice, nous ne pouvons
préciser l’époque de sa fondation ni citer le nom du fon¬
dateur, nous- pouvons affirmer, et cela suffit pour notre
thèse, que cette fondation fut l’œuvre de la charité chré¬
tienne.
XVI
Hospice du Bugue.
Cet hospice doit sa fondation àla générosité d’un habi¬
tant du Bugue, M. Mathieu Souffron-Lameyrolie, qui
mourut vers l’an 1825. Par son testament, il légua aux
pauvres de la ville du Bugue la maison qu’il habitait avec
l’enclos et le jardin attenants, plus une métairie qui était
affermée 350 francs. Mais ce legs ne put avoir son effet
qu’après la mort d^un frère auquel le testateur avait légué
l’usufruit.
Ce frère étant mort dans les premiers jours de l’année
1836, le bureau de bienfaisance, qui administrait le bien
des pauvres, entra immédiatement en jouissance des
immeubles légués, et se hâta de disposer la maison pour
en faire le petit hospice qui existe aujourd’hui. Il voulut
en confier la direction aux sœurs de Sainte-Marthe de
Périgueux, et, sur sa demande , trois religieuses de cette
congrégation y furent envoyées. Leur installation eut lieu
le 1er octobre de cette même année.
Il n’y eut d’abord entre la commission administrative et
la congrégation que des garanties verbales pour les con-
-ditions établies et les engagements contractés de part et
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DD PÉRIGORD. 169
d’autre. Mais, en 1839, M. le ministre de l’intérieur, vou¬
lant régulariser la position de tous les établissements de
bienfaisance , envoya à chaque administration un modèle
de traité à passer avec les congrégations religieuses. Alors,
les conditions qui n’avaient été que verbales furent rédi¬
gées en forme de traité, à la date du 24 septembre 1839 ;
ce traité, approuvé par le ministre au mois de juillet 1840,
entr’autres dispositions, contient les suivantes :
« Les Sœurs de Sainte-Marthe continueront, au nombre
» de trois, le service intérieur de l’hospice. Une des trois
» sera spécialement chargée de l’éducation morale et
» religieuse des petites filles des familles pauvres de la
» commune.
» Les Sœurs recevront pour frais d’entretien, de ves-
» tiaire, de nourriture et de logement, une somme de
» 225 francs par année pour chacune d’elles. Elles seront,
» en outre, meublées, blanchies, chauffées, éclairées et
» pourvues de gros linge aux frais de l'établissement.
» Lorsque l’âge ou les infirmités mettront une sœur hors
» d’état de continuer son service, elle pourra être conser-
» vée dans l’hospice et y être nourrie, éclairée, chauffée
» blanchie et fournie de gros linge, pourvu qu’elle compte
» au moins dix années de service dans l’établissement, ou
» dans d’autres établissements charitables ; mais elle ne
» pourra recevoir le traitement des sœurs en activité. Les
» Sœurs infirmes seront remplacées par d’autres hospita-
» lières, aux mêmes conditions que les premières. »
Gomme on le voit, le but de la fondation de l’hospice
du Bugue était de recueillir quelques pauvres malades, de
leur faire donner temporairement les secours nécessaires
et de procurer aux jeunes filles de la classe indigente une
instruction morale et religieuse.
Les membres du bureau de bienfaisance, persuadés avec
170 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
raison qu’en réunissant ensemble les ressources des deux
établissements, le bien se ferait avec plus de facilité et
d’efflcacité, aussitôt que les sœurs eurent pris possession,
confondirent tous les revenus et leur en confièrent l’admi¬
nistration, sous la direction de la commission civile.
Dans le principe, les revenus réunis de l’hospice et du
bureau de bienfaisance ne s’élevaient qu’à la somme de
1,500 francs. Il est vrai que la métairie léguée par M. Souf-
fron-Lameyrolie n’était affermée que 350 francs. Elle fut
vendue un peu plus tard moyennant la somme de 18,000
francs, et le produit de cette vente avec quelques dons
généreux faits par d’autres personnes élevèrent le chiffre
des ressources dont l’établissement dispose encore à la
somme de 3,000 francs.
C’est avec ces ressources , sagement distribuées que les
Sœurs, d’accord avec la commission administrative, pour¬
voient aux besons de leurs malades et infirmes, et donnent
des secours à un grand nombre d’indigents qui ne peu¬
vent être reçus à l’hospice.
En 1865, M. le curé du Bugue, désirant propager le bien
que faisaientles religieuses et y faire participer les jeunes
filles, à mesure qu’elles cessaient de fréquenter la classe
gratuite, fit annexer à l’hospice un ouvroirpour les y
recueillir et les initier aux divers travaux de leur position.
Dès ce moment, une quatrième Sœur devenait nécessaire ;
elle fut envoyée par la congrégation, et ieçue aux mêmes
conditions que les trois premières.
Nous constatons avec plaisir que M. Berger, curé actuel
du Bugue, mieux favorisé que beaucoup de ses confrères,
a échappé à l’ostracisme radical ; il fait partie de la nou¬
velle commission administrative.
XVII
Hospice Saint-Henri-de-Mareuil.
La ville de Mareuil doit la fondation de son hospice à
la pieuse libéralité de MmoZoé Sybille de Goisson, veuve
de M. Jean -Henri Gauthier, demeurant au château de
Beauregard.
En 1848, par acte devant notaire, cette généreuse bien¬
faitrice,. « désirant perpétuer dans le souvenir des habi-
» tants de Mareuil la mémoire de l’homme de bien dont
» elle avait tout à la fois et la douleur et l’honneur d’être
» la veuve, et jalouse avant tout d’honorer cette mémoire
» si chère à la manière dont il s’y prenait lui-même pour
» honorer chaque jour de sa vie, » fit donation entre vifs
et irrévocable à la commune de Mareuil, d’une maison
située dans cette ville, avec grange, jardin, cour et aisines,
aux charges et aux conditions suivantes :
1° La maison formant l’objet de cette donation sera
affectée à l’établissement d’un hospice pour les pauvres
malades de la commune de Mareuil, et d’une salle d'asile
gratuite pour les petits enfants pauvres de la même com¬
mune, dont les mères ont besoin d’aller, hors de leur
demeure, chercher la nourriture de la journée.
172 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
2° Deux Sœurs au moins de la communauté de Sainte -
Marthe, établie à Périgueux, seront logées dans la maison
et chargées des services hospitaliers qui viennent d’être
indiqués. Elles porteront également, hors de l’hospice,
aux pauvres et particulièrement aux pauvres malades, les
secours dont elles auront la disposition et les consolations
qui adoucissent toujours la misère.
3° Ces deux Sœurs seront nommées par M8r l’évêque de
Périgueux, et la supérieure prendra le nom de Sœur
Saint-Henri.
(Comme on le verra, ce ne fut point la supérieure, mais
l’hospice lui-même qui prit le nom de Saint-Henri.)
La donatrice se réservait, sa vie durant, la jouissance
de la partie gauche de la maison et la moitié du jardin
correspondant à cette partie, avec le droit de se servir des
étables, poulaillers, grange et cave, selon ses besoins, le
tout aux charges imposées aux usufruitiers. Le surplus de
l’immeuble devait être mis à la disposition de la com¬
mune le 24 juin 1849.
Une autre clause portait que la commune de Mareuil
s’engagerait à fournir les fonds nécessaires pour le traite¬
ment annuel de deux Sœurs, fixé à 40Ç) francs, et qu’elle
ne pourrait entrer en possession qu’autant que la somme
suffisante au paiement de la première annuité aurait été
portée au budget municipal, et que l’hospice aurait reçu
l’ameublement nécessaire au logement des Sœurs et de
la salle d’asile. Il était cependant stipulé que l’intérêt
des dons qui seraient faits à l’hospice viendraient en
déduction de la somme annuelle à la charge de la com¬
mune jusqu’à concurrence de 200 francs ; de manière que
la commune devait toujours payer au moins 200 francs.
L’acte de donation porte encore quelques autres clauses
et conditions de détails qu’il est inutile de mentionner ici.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 173
Cettq, donation fut acceptée avec toutes' ses conditions
par le conseil municipal, ainsi que le constate une déli¬
bération du 27 septembre 1848. Elle mentionne aussi les
services que les bonnes Sœurs pourront rendre aux pau¬
vres et infirmes de la commune, et combien la salle d’asile
tranquillisera les mères de familles, qui pourront sans
crainte aller gagner le salaire de la journée, bien certaines
que leurs petits [enfants seront bien gardés et recevront
des principes de morale et de religion, au lieu de vaga¬
bonder et sucer les principes d’enfants plus âgés.
Cette délibération se termine ainsi : « Le conseil muni-
» cipal est heureux de s’associer de tout cœur à la
» cause principale de la donation. Il y reconnaît l’âme
» bonne et charitable de la donatrice, et il remercie avec
» une profonde reconnaissance Mmo Gauthier, bienfaitrice
» de Mareuil. »
Il fallut ensuite l’autorisation du gouvernement ; elle
ne fut accordée que deux ans plus tard, par un décret du
1er mai 1851. Survint une nouvelle délibération du conseil
municipal qui vota les fonds promis pour le traitement
des deux Sœurs. Il était dit que « le conseil saluait l’arri¬
vée des deux bonnes Sœurs, qu’il savait tout ce qu’on
pouvait attendre de leurs soins intelligents, et qu’il s’ef¬
forcerait de leur prouver par tous les moyens en son
pouvoir sa vive gratitude. »
Cette délibération était du 18 mai 1851, et, au mois
d’octobre suivant, deux Sœurs de Sainte-Marthe, prises
de la maison du Touin, à Périgueux, furent envoyées à
Mareuil, et l’œuvre fondée par Mm° Gauthier commença
dans la maison qu’elle avait donnée.
En mémoire de celui que la fondatrice avait voulu hono¬
rer, l’hôpital prit le nom de Saint-Henri.
Cinq ans plus tard, au mois de mars 1856, la commis
174 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
sion de l’hospice, reconnaissant l’insuffisance de cette
maison, prit une délibération ayant pour objet d’inviter
le conseil de la commune à faire l’acquisition d’une vaste
maison, hôtel magnifique, situé au centre de la ville,
appartenant à M. le marquis Marc de Pindray-d’Ambelle.
Le conseil accepta la proposition, et l’hôtel fut acheté
moyennant la somme de 25,000 francs.
En faisant à ce prix cession de son hôtel, M. le marquis
d’Ambelle se montra aussi charitable pour les pauvres
que bienveillant à l’égard de la ville, et continua ainsi la
noble et bien chrétienne tradition de son honorable
famille, qui s’était toujours montrée la bienfaitrice des
malheureux de la paroisse et des environs.
A la même époque, Mlla Aglaé Dereix céda une maison,
un jardin et un vaste enclos pour être annexés à l’hospice
en échange de l’ancienne maison donnée par Mm0 Gau¬
thier. Les immeubles cédés étaient d’une valeur bien
supérieure à ce qu’elle recevait en échange : mais ici,
comme dans toutes ses œuvres, toujours bonne, géné¬
reuse et charitable, M110 Dereix n’exigea aucune soulte de
la commune.
Depuis dix ans, cet établissement, dirigé par des reli¬
gieuses de Sainte-Marthe, a pris de grandes proportions.
Et, grâce à la sage et bienveillante administration de la
commission, à la générosité d’un anonyme, aux secours
accordés par l’Etat sur la demande d’un membre de la
famille Dereix, grâce aussi à l’activité intelligente, pleine
de zèle et de dévouement de la Mère Supérieure, et aux
encouragements du vénérable curé de la paroisse,
M. i’abbé Delage, l’hospice se trouve aujourd’hui doté
d’une belle maison d’école. (L’ancienne maison de
MUo Dereix, séparée de l’hospice par une petite cour.) Là
se trouvent une classe payante, une classe gratuite et la
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 175
salle d'asile, dirigée par les mêmes religieuses, aidées
d’une sous-maîtresse externe, l’ancienne maîtresse d’école
de Mareuil.
Par un décret impérial du 20 juin 1860, l’hospice de
Mareuil fut érigé en hospice cantonal, ce qui nous permet
d’apprécier son importance. Il la doit à la générosité de
ses bienfaiteurs. Nous trouvons en tête de la liste qui
nous en a été donnée, le nom de Mme Gauthier, décédée
le 7 décembre 1860. Non contente d’avoir fondé l’hospice
par le don d’une maison bien assortie de tout et d’un
vaste jardin, elle voulut encore en mourant lui faire un
legs de 20,000 francs dont, il est vrai, l’hospice ne pourra
jouir qu’après la mort de la personne qui en a l’usufruit.
Viennent ensuite des noms bien honorables et bien chers
aux pauvres de Mareuil : — M. et Ma“ Dureclus, Mm0 et
M110 Dereix, M. le duc du Périgord, Mm0 Grellière, Mme La-
combe, Mm0 et M110 Boissat de la Grave, M. le comte Phi¬
lippe de Pindray-d’Ambelle, M. et Mme Pichon, et, enfin,
M. l’abbé Delage, le vénérable curé-doyen de Mareuil, qui
figure sur cette liste pour une somme de 8,824 francs. —
Il devrait y avoir dans chaque localité, comme à Eymet,
un monument d’honneur sur lequel on graverait les noms
des bienfaiteurs des pauvres, à mesure qu'ils se révéle¬
raient.
Mareuil possède aussi un bureau de bienfaisance, doté
de beaux revenus, fonctionnant à la satisfaction de tous,
une administration intelligente et dévouée. M. le doyen
en fait partie, et c’est par un malentendu regretté de tous
qu’il ne fait point partie de la commission de l’hospice.
XVIII
Hospice de Saint- Aulaye.
La fondation d’un hospice dans la petite ville de Saint-
Aulaye ne remonte pas à une époque bien ancienne. Elle
est attribuée, avec raison, à Mme veuve Dubreuilh, née
Marguerite-Hortense Chenard. Par son testament du
15 avril 181^, elle léguait à sa ville natale toute sa for¬
tune consistant en immeubles d’une valeur d’environ
cinquante mille francs. Gomme condition absolue de sa
générosité, elle imposait l’obligation d’employèr ce legs à
la fondation d’un hospice.
Il y avait bien alors, àSt-Aulaye, un bureau de bienfai¬
sance qui prenait le nom d’hospice, mais il n’en avait que
le nom ; aucun local n’existait destiné à recevoir les pau¬
vres malades. Mme Dubreuilh, étant morte peu de temps
après la date de son testament, ce bureau de bienfaisance
recueillit son héritage.
Le moment parut favorable à M. l’abbé Mirai, alors curé
de Saint- Aulaye, aujourd’hui archiprêtre de Sarlat, de
réaliser le projet qu’il avait conçu, d’avoir des religieuses
pour l’éducation chrétienne des jeunes filles de la paroisse
et le service des pauvres malades. Le zélé pasteur üt au-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 177
près de la commission administrative des démarches qui
eurent pour résultat de provoquer une première délibéra¬
tion à la date du 10 juin 1843. Elle fut favorable au projet
de fondation d’un hospice dirigé par des religieuses, et
M. le maire fut chargé de se procurer un local et de l’ap¬
proprier à cette destination. On pouvait compter sur le zèle
intelligent de M. Jouffrey, alors maire de Saint- Aulaye.
Des difficultés surgirent sur le choix de ce premier local :
elles furent levées , et enfin les travaux d’appropria¬
tion purent commencer en 1847 ; ils furent achevés
en 1851. Déjà, M. l’abbé Mirai avait quitté Saint-
Aulaye depuis le mois de juin de l’année précédente,
pour aller occuper l’archiprêtré de Sarlat. Il ne put
voir achevée l’œuvre objet de ses constants désirs et que
son zèle avait si bien préparée. Il avait planté ; un autre,
bien digne de lui succéder, vint arroser et recueillir les
fruits mûris sous le regard de Dieu. Et toutefois, nous
n’appliquerons pas ici à notre cher archiprêtre les vers si
connus : Sic vos non vobis, etc. ; le pasteur qui jette dans
sa paroisse la semence d’une bonne œuvre en recueille
en même temps les mérites devant Dieu. Pour lui, semer
c’est récolter.
Les travaux d’appropriation étant achevés, la commis¬
sion de l’hospice se réunit le 30 septembre 1851, sous la
présidence de M. Jouffrey. On sera bien aise de trouver
ici le procès-verbal de la délibération qui fut prise :
•« La séance ouverte, M. le président expose que, con-
» formément à la délibération du 10 juin 1843, il a fait
» exécuter dans la maison destinée à l’hospice, avec les
» ressources mises à sa ^disposition, les travaux d’appro-
» priation indispensables pour recevoir les Sœurs qui
» seront chargées de diriger ledit hospice.
12
178
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» Le logement étant prêt à les recevoir, il importe de
» faire choix de l’Ordre religieux auquel on s’adressera et
» de les installer, après avoir préalablement traité avec cet
» Ordre ;
» En conséquence, il informe la commission qu’il s’est
» adressé à l’Ordre de la Miséricorde de la ville de Berge-
» rac ; que cette communauté fournira trois Sœurs dont
» deux capables de donner l’instruction aux jeunes filles.
» Ces trois Sœurs donneront également des soins aux
«malades; la commission leur livrera gratuitement le
» logement et le jardin qui en dépend.
» La propriété appartenant à Fhospice sera administrée
» par les Sœurs ; elles rendront compte des produits de
» cet immeuble au receveur de Fhospice.
» Le revenu de l’établissement étant peu important, et
» pour ménager aux pauvres les secours les plus consi-
» dérables possibles, les Sœurs, pour faire face à leur en-
» tretien et aux besoins delà vie, épuiseront d’abord le
» produit de leur école ; le surplus sera prélevé sur le
» revenu de Fhospice.
» Elles devront toujours tenir compte de l’emploi des
» ressources de l’établissement, de manière que, pour
» régulariser la comptabilité, le receveur de Fhospice
» puisse l’établir en recettes et en dépenses.
>> La commission , après avoir mûrement discuté le
» rapport de M. le président, arrête :
» M. le maire est autorisé à livrer gratuitement aux
» trois Sœurs de la Miséricorde de la ville de Bergerac,
» qui seront désignées par la supérieure de cet Ordre, la
» maison et ses dépendances, devant servir d’hospice à
» Saint- Aulaye.
» Il mettra également à leur disposition le mobilier qui
» garnit ladite maison.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 179
» La propriété appartenant audit hospice sera gérée et
» administrée par les Sœurs.
» De leur côté, les Sœurs tiendront une école de jeunes
» filles dont les produits viendront en aide à l’entretien et
» aux besoins de la vie des Sœurs, afin de ménager aux
» pauvres les ressources les plus considérables possibles,
» sur les faibles revenus dont l’établissement peut dis-
» poser.
. » Elles donneront sur les revenus disponibles les soins
» aux malades qui seront admis à l'hospice.
» Pour la régularité de la comptabilité, la supérieure
» tiendra exactement un compte des recettes et des dé-
» penses qui seçont ordonnancées conformément au bud-
» get dressé chaque année par la commission administra-
» tive de l’hospice. »
On le comprend, ce n’est qu’avec des religieuses déta¬
chées par état des biens matériels, et vouées par devoir
de conscience aux œuvres de charité, qu’on peut conclure
un traité semblable. Elles stipulent en leur faveur unique¬
ment V alimenta et le quibus tegamur que saint Paul
réclamait pour tout ouvrier évangélique.
Chassez les religieuses de vos hôpitaux, remplacez-les.
par des laïques mercenaires ; outre le dévouement qui
leur fera toujours défaut, en trouverez-vous qui se con¬
tentent de la nourriture et des vêtements ‘l
En vertu de la délibération que nous venons de rappor¬
ter, trois religieuses de la Miséricorde de Bergerac furent
envoyées à Saint-Aulaye et prirent possession du local
qui leur avait été préparé ; elles y furent installées vers la
fin du mois d’octobre 1851 et commencèrent leur œuvre
avec tout le zèle que leur inspiraient la charité et l’amour
du devoir.
Mais on ne tarda pas à reconnaître que le local était
180
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
insalubre, mal placé et insuffisant. La commission admi¬
nistrative, persuadée que le but proposé ne serait pas at¬
teint, si elle ne prenait pas des mesures pour se procurer
un local plus convenable, conçut alors le projet de faire
une construction sur un plan approprié aux exigences
d’une communauté religieuse et d’un hospice. Ce qui la
décida à mettre promptement la main à l’œuvre, ce fut
une somme d’argent relativement considérable que lui
légua dans ce but une sœur de la Miséricorde, Virginie
Chenard, originaire de Saint-Aulaye, parente de Margue-
rite-Hortense Chenard, première fondatrice de l’œuvre.
D’un autre côté, le père de Virginie Chenard possédait à
» l’entrée de la ville un vaste enclos réunissant toutes les
conditions nécessaires à l’établissement d’un hospice. Il ac¬
cepta facilement la proposition qui lui fut faite de céder cet
enclos et de recevoir en échange un des immeubles légués
par Mm0 veuve Dubreuilh. C’est sur cet enclos que fut bâti
le joli petit édifice qu’on y admire aujourd’hui. Les cons¬
tructions, commencées en 1854 s’élevèrent rapidement,
et, dès le mois d’octobre 1858, les religieuses qui, parleur
réunion à la congrégation générale du diocèse, avaient
pris le nom de sœurs de Sainte-Marthe, purent s'installer
avec leurs classes et leurs pauvres dans ce nouvel hos¬
pice.
Ce changement de local et les améliorations sérieuses
qu’il offrait furent pour les religieuses, comme pour la
commission administrative, une occasion de changer les
clauses et les conditions du traité primitif. La commission
proposa aux Sœurs qui acceptèrent, de leur abandonner
le produit des classes et le revenu du jardin et de l’enclos
sur lequel était bâti le nouvel hospice, en y ajoutant une
somme annuelle de 750 francs pour couvrir leurs frais de
nourriture et d’entretien. De plus, elle proposa de payer
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., tfü PÉRIGORD. 181
soixante-quinze centimes par jour pour chacun des mala¬
des qui seraient admis à l’hospice.
Les Sœurs se trouvèrent bien de ces nouvelles condi¬
tions qui, si elles ne les rendaient pas entièrement indé¬
pendantes de la commission, les affranchissaient de l’obli¬
gation de lui rendre compte de leur gestion.
Les revenus de l’hospice et du bureau de bienfaisance
étant confondus et gérés par une même administration,
une quatrième sœur fut jugée nécessaire pour visiter les
pauvres malades et leur porter des secours à domicile.
Sur la demande qui en fut faite par M. le curé et le prési¬
dent de la commission, cette quatrième sœur fut envoyée
au mois d’avril 1864.
Pour bien fixer ses devoirs et ses attributions, le règle¬
ment suivant lui fut tracé et copie en fut envoyée à M. le
curé de Saint- Aulaye.
« La sœur chargée de remplir les œuvres de miséricorde
à l’hospice de Saint-Aulaye devra se conformer aux pres¬
criptions suivantes :
1° Elle se rappellera que sa mission doit s’exercer par-
» ticulièrement à l’égard des pauvres et qu’elle ne doit ses
» soins aux riches qu’accidentellement , c’est-à-dire lors-
» que les convenances, l’intérêt de l’hospice, ou le bien
» spirituel des malades l’exigeront.
» 2° Elle ne sera obligée que de visiter les malades de
» la paroisse, et non ceux des paroisses étrangères.
» 3° Elle pourra aller seule visiter les malades de la
» ville, mais toutes les fois qu’elle sera obligée d’aller à
» la campagne, elle devra être accompagnée d’une per-
» sonne de confiance.
» 4» Elle n’ira visiter les malades la nuit que dans des
» cas très-rares et très-urgents, et jamais seule.
» 5° Lorsqu’elle sera appelée dans les villages éloignés
182 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DD PÉRIGORD.
» et à une distance où elle ne pourrait se rendre à pied
» sans s’exposer à compromettre sa santé , on lui fournira
» des moyens de transport. »
En terminant cette notice, constatons l’origine chré¬
tienne de l’hospice de Saint-Aulaye ; constatons aussi que
deux curés, M. l’abbé Mirai et M. l’abbé Despouyade,
celui-ci décédé le 5 mars 1879, ont concouru de tout leur
zèle sacerdotal à sa fondation et à son développement. Il
était bien juste que M. l’abbé Poumeau, leur digne suc¬
cesseur, fût compris dans la nouvelle commission admi¬
nistrative. Il doit cette faveur à la justice et au bon sens
du conseil municipal.
XIX
Hospice et Bureau de Bienfaisance de Saint-
Astier.
L'hospice de Saint-Astier est de fondation récente ; il
n’a même pu encore fonctionner dans toutes les condi¬
tions voulues. Il mérite néanmoins une notice spéciale,
car sa fondation, inspirée par le zèle sacerdotal, est Lien
l’œuvre de la charité chrétienne. Voici les diverses phases
par lesquelles il a passé.
Jusqu’en 1862 il n’existait à Saint-Astier aucun éta¬
blissement hospitalier pour les pauvres et les malades ;
la ville était même privée de tout établissement religieux.
A cette date, M. l’abbé Lanoelle, prêtre aussi distingué
par les qualités de l’esprit et du cœur que par son zèle
pour le salut des âmes, zèle mis à l’épreuve dans les mis¬
sions du diocèse, était depuis peu de temps curé de Saint-
Astier. Persuadé qu’un des principaux moyens de régéné¬
rer sa paroisse était de faire donner aux jeunes filles des
principes d’une piété éclairée et d’une solide vertu, il avait
conçu, dès le jour de son installation , le projet de fonder
un établissement de religieuses vouées particulièrement à
l’instruction. Il mit d’abord en avant, comme plus popu-
184 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
laire, le projet de la fondation d’un hospice. Il savait que
l’hospice fondé appellerait naturellement à sa direction
des religieuses, et que celles-ci auraient, dès leur début,
au moins une classe gratuite pour les jeunes filles de la
classe indigente. C’était déjà avoir réalisé un grand bien.
Ce projet, habilement présenté et développé , fut goûté
de tous ; il fut hautement approuvé par les trois plus
riches propriétaires de la commune, MM. Sacreste, Paul
Dupont, député, mort depuis sénateur, et Lafont-Rapnouil,
médecin, qui voulurent bien faire les premiers frais de la
fondation. A l’instigation de M. le curé, ils firent l’acqui¬
sition d’un immeuble comprenant maison et enclos, situé
à peu de distance de la ville, et réunissant toutes les con¬
ditions qu’on pouvait désirer pour sa destination. Cet
immeuble appartenait à Mme veuve Fourgeaud qui, en le
cédant, voulut elle aussi favoriser l’œuvre projetée. L’ac¬
quisition fut faite aux prix de 15,000 francs, soldés 10,000
francs par M. Sacreste, 4,000 francs par M. Dupont et 1,000
par M. Rapnouil.
Pour donner à l’œuvre un caractère communal et inté¬
resser la commune à la compléter , les acquéreurs de
l’immeuble offrirent de le lui céder à titre de don gracieux.
La délibération du conseil municipal qui accepta cette
donation est du 27 octobre 1861 et porte en substance :
« La propriété de Font-Peyrière (depuis appelée du cou-
» vent ) est donnée pour servir de local à un petit hospice,
» dont la fondation n’aura lieu qu’au moyen de dons ou
» souscriptions volontaires, et pour être affectée, dès à
» présent, à une école gratuite et à un ouvroir tenus pardes
» religieuses qui pourvoiront à leurs besoins , au moyen
» des revenus de l’immeuble et d’une allocation annuelle
» de 600 francs que s’imposera la commune de Saint-Astier,
» et qui seront autorisées à tenir, dans le môme établisse-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 185
» ment et à leur profit, une école payante et même un
» pensionnat. Le vœu des donateurs est aussi que les
» religieuses visitent, à domicile, les pauvres malades.
» Le conseil municipal , reconnaissant l’importance de
» l’œuvre faite par MM. Sacreste, Dupont et Rapnouil,
» non-seulement en ce qui concerne l’hospice qu’ils ont
» l’intention de voir créer, mais encore pour l’avantage
» immédiat que les familles pauvres de la commune reti-
» reront de l’école gratuite, de l’ouvroir et des soins que
» les religieuses donneront aux malades ;
» Considérant que l’allocation annuelle de 600 francs
» demandée pour soutenir l’établissement n’est pas une
» charge exagérée, puisqu’elle est inférieure au revenu
» de la propriété donnée , et que la commune ne s’oblige
» à aucun autre sacrifice relativement à l’hospice et à la
» classe payante., est d’avis d’accepter la donation propo-
» sée et en exprime sa reconnaissance aux donateurs. »
Les fondateurs, persuadés que leur donation ne ren¬
contrerait aucune difficulté auprès de l’autorité supé¬
rieure, exprimèrent le désir que l’œuvre commençât dans
le plus bref délai. M. le curé s’empressa donc d’ouvrir
une souscription qui produisit immédiatement la somme
nécessaire pour approprier le local, le pourvoir d’un
mobilier convenable , et assurer aux religieuses le traite¬
ment de 600 francs , jusqu’à ce que la commune pût le
donner comme elle s’y était engagée.
On s’adressa aux sœurs de Sainte-Marthe de Périgueux
pour leur confier la direction de l’œuvre dont on venait
de jeter les fondements. Deux religieuses et une sœur
converse furent envoyées et installées le 8 décembre 1862.
Elles ouvrirent immédiatement une classe gratuite et un
ouvroir, selon les désirs des fondateurs.
• Deux ans après, le 7 juillet 1864, M. Sacreste, voulant
LES ORI&INES CHRÉTIENNES
hâter le fonctionnement de l’hospice, ajouta à son premier
don une somme de 20,000 francs. Les conditions de cette
seconde donation furent formulées par lui : « Il sera
» formé dans le corps du bâtiment principal dépendant
» de la propriété dite du couvent ou Font-Peyrière, com-
» mune de Saint-Astier, un hospice composé de deux
» salles, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes,
» et dont le service sera confié aux religieuses de l’ordre
» de Sainte-Marthe établies dans ce local, où elles tien-
» nent un ouvroir et une classe payante, et qui devront
» subsister et fonctionner concurremment avec l’hospice
» et à son profit, ainsi qu’il a été stipule dans l’acte de
» donation des 19 et 23 juin 1862. »
Le conseil municipal, par l’organe de M. Ulysse Dubet,
alors maire de Saint-Astier, accepta la nouvelle donation,
mais avec les réserves suivantes : 1° Que l’hospice à
fonder ne serait pas exclusivement confié aux sœurs de
Sainte-Marthe, mais pourrait l’être aux religieuses d’un
autre ordre ; 2° Que la tenue d’une école payante et
même d’un pensionnat ne serait pas rigoureusement obli¬
gatoire, mais facultative ; 3° Que la commune de Saint-
Astier resterait entièrement en dehors de toute dépense,
si les frais d’appropriation dépassaient la quotité de la
somme donnée.
La donation fut maintenue avec les clauses et réserves
posées par le conseil municipal, et l’on se mît à l’œuvre
pour approprier le local. Les dépenses faites pour réaliser
les intentions du généreux bienfaiteur absorbèrent une
partie notable de la somme donnée. Il restait néanmoins
encore un revenu qui dépassait 500 francs.
Les bienfaiteurs ne manquaient pas à l’établissement
naissant de Saint-Astier; ils rivalisaient de zèle et de
générosité. Au nom des trois premiers fondateurs, vint
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 187
s’ajouter le nom de Mm0 Eugénie Bouclier, fille de M. Paul
Dupont et belle-mère de M. Maréchal, député. Avec l’au¬
torisation de la commission de l’hospice, elle fit élever
dans l'enclos du couvent une salle d’asile, et l’offrit au
conseil municipal qui l’accepta comme établissement
communal et s’engagea, conformément au règlement des
salles d’asiles, à faire sur ses propres fonds un traitement
de 300 francs à la sœur qui serait chargée de sa direction.
Dans la première donation, comme nous l’avons vu, il
était dit que, pour compléter ce qui manquait à l’entre¬
tien des Sœurs, elles auraient le droit de jouir des reve¬
nus de l’immeuble, et de fonder une classe payante dont
elles consacreraient le produit à leurs besoins et à ceux
de l’hospice. Cette classe payante fonctionna, en effet,
pendant quelque temps dans de bonnes conditions de
succès, et, selon les prévisions des bienfaiteurs, elle deve¬
nait une ressource réelle pour l’avenir de l’œuvre. Mais,
par le fait de circonstances imprévues, auxquelles les reli¬
gieuses étaient entièrement étrangères, cette classe ayant
cessé d’être payante, les ressources cessèrent du même
coup. Pour y suppléer, la commission de l’hospice ajouta
au traitement de chacune des trois sœurs une allocation
de cent francs, et l’on donna cent francs à la servante de
l’asile. Ce qui restait après cela des revenus de l’hospice
ne permettait pas d’admettre à demeure des malades ou
vieillards pauvres. Néanmoins, en y joignant les ressour¬
ces provenant des dons particuliers faits de temps en
temps, on a pu jusqu’ici entretenir dans l’établissement
une petite pharmacie gratuite, et admettre pendant quel¬
ques jours, selon l’occasion et dans les besoins pressants,
quelques pauvres malades. Mais à partir du 1er janvier
1881, l’hospice réalisera définitivement la pensée première
de ses fondateurs, grâce à la générosité de Mme Bouclier,
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
dont il a été parlé plus haut. Cette charitable dame vient
de faire don à l’hospice d’une rente au capital de
20,000 francs, exclusivement destinée aux besoins des
malades ou infirmes recueillis dans l’établissement. Cette
rente doit être servie par elle ou ses héritiers, annuelle¬
ment, tant que la direction de l’hospice restera confiée à
des religieuses. Elle cesserait du jour où l’arbitraire admi¬
nistratif la ferait passer en d’autres mains. Telle est la
condition formellement stipulée ; nous n’avons pas besoin
de la commenter. ,
Nous savons que quelques autres legs testamentaires
d’une certaine importance, sur lesquels l’hospice peut
compter, subordonnés seulement à des formalités secon¬
daires, sont annoncés comme devant bientôt s’ajouter à
ce fonds de charité, qui s’accroîtra d’autant plus qu’on
en verra mieux, chaque jour, les heureux résultats.
L’hospice de Saint-Astier est donc désormais bien
fondé, et son avenir est assuré. La mémoire de ses fon¬
dateurs ne périra pas dans le cœur des pauvres.
Bureau de Bienfaisance. — Nous dirons ici quelques
mots du bureau de bienfaisance de Saint-Astier, bien plus
ancien que l’hospice. Son origine remonte peut-être à
l’édit royal de 1642 instituant les Bureaux des pauvres \
mais nous ne pouvons bien constater son existence qu’un
siècle plus tard, en 1777. Une pièce authentique conservée
aux archives de la mairie de Saint-Astier, et sauvée du
naufrage de la Révolution, en date du 19 mars 1777, nous
montre ce bureau existant et fonctionnant. Il s’agit d’une
convocation officielle de ses membres, parmi lesquels
nous trouvons nominativement désignés : « Guillaume
Dubois, prêtre, chanoine et syndic du chapitre collégial
de la ville de Saint-Astier, agissant au nom du chapitre,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 189
et messirç Boissat, prêtre, curé-vicaire perpétuel de la
même paroisse. »
Le bureau de bienfaisance disparut dans la tourmente
révolutionnaire ; il fut rétabli par un arrêté préfectoral du
11 germinal an IX, conservé aussi aux archives de la mai¬
rie. Mais les institutions de ce genre ont besoin, pour
vivre et se développer , de s’appuyer sur le principe et le
dévouement chrétiens. Aussi, la Révolution qui avait
détruit le premier bureau, fut-elle impuissante à donner
au second une existence prolongée. Nous trouvons, en
effet, une preuve de sa vie éphémère dans une lettre de
M. le préfet de la Dordogne, en date du 2 mars 1882,
annonçant au maire de Saint-Astier que, « l’intérêt des
» pauvres exigeant l’établissement d’un bureau de bien-
» faisance, il en décrète la création et nomme cinq des
» membres qui en feront partie. » En tête des élus de
M. le préfet, nous trouvons le nom de M. Lafaye-Dutard,
curé de Saint-Astier. M. l’abbé Lanoelle, qui lui succéda,
eut le même privilège ; M. l’abbé Magnères, curé actuel,
l’a conservé jusqu'en 1879 ; il en a été exclu sans motif
exprimé par suite de la nouvelle loi, quoiqu’il ait été con¬
servé dans la commission administrative de l’hospice. *
Les revenus du bureau de bienfaisance s’élèvent à envi¬
ron 750 francs, qui sont distribués aux pauvres par les
membres de la commission. Il y a cependant des religieu¬
ses à l’hospice, qui visitent, à domicile, les malades et les
pauvres, et leur distribuent les secours que la charité
privée, dans sa pleine confiance en leur dévouement, ne
manque pas de leur confier. Pourquoi ne pas leur confier
aussi la distribution des ressources du bureau de bienfai¬
sance? Rappelons ce que nous avons dit dans notre Intro¬
duction en citant le rapport de M. le baron de Wattelle :
« Les religieuses seules, dit-il , remplissent réellement le
190 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
» devoir de visiter les pauvres. Les laïques ne peuvent
» accomplir ce devoir en tout temps et en toutes circons-
» tances. Leur présence, d’ailleurs, n’apporte pas au même
» degré, chez l’indigent, ces consolations morales qui
» accompagnent toujours la religieuse. Les seuls bureaux
» de bienfaisance, dont les secours soient vraiment effica-
» ces, sont ceux où ces dignes femmes les distribuent
» elles-mêmes. Dans l’intérêt du pauvre, dans celui d’une
» bonne administration, il faudrait en instituer partout où
» le montant des ressources permet de subvenir à leurs
Hospice de Bourdeilles.
La date de la fondation d’un hospice dans la petite ville
de Bourdeilles ne peut être précisée : mais des documents
authentiques nous signalent son existence dès avant 1695.
A cette date, il recevait une rente d’une livre cinq sols,
constituée devant Ghabert , notaire royal , par Claude
Decoust.
La fondation de cet hospice fut l’œuvre de la bienfai¬
sance des seigneurs de Bourdeilles, dans le but d’y
recueillir les pauvres de la Seigneurie. Une vaste maison
et un enclos, d’une contenance de vingt-cinq ares, y furent
consacrés. Ces immeubles existent encore, et l’on peut se
convaincre que rien n’avait été négligé pour assurer le
bien-être des pauvres et des malades.
Dès l’origine, la direction de l’établissement et le soin
des pauvres malades furent confiés , sous l’autorité d’un
syndic, à des personnes dignes de la confiance des fonda¬
teurs, mais laïques. Ce ne fut qu’en l’année 1774 que le
marquis de Bertin, propriétaire de la Seigneurie de Bour¬
deilles, voulant remplir les engagements que lui imposait
son titre de patron de l’hospice, appela à le diriger « trois
192
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Filles de la Sagesse, ou Sœurs grises. » Ces religieuses
intelligentes et zélées en conservèrent la direction jus¬
qu’en 1793. L’orage révolutionnaire les dispersa.
Cependant l’hospice s’était enrichi des offrandes de la
charité chrétienne ; outre la dotation que les fondateurs
lui avaient faite, et dont la terre de Bourdeilles était res¬
ponsable, il avait reçu plusieurs rentes de diverses per¬
sonnes, dont témoignent les anciens registres. Nous les
enregistrons ici pour conserver les noms des bienfaiteurs.
On s’instruit toujours en interrogeant les anciens.
1° 1695. Chabert, notaire royal, rente d’une livre cinq
sols, constituée par Claude Decoust.— 2° Du 17 août 1726,
Charboney, notaire royal, rente de vingt-cinq livres un
sol neuf deniers, consentie par Thournieux-Villatte, de
Saint-Julien. — 3° 1741, Barbret, notaire royal, rente de
douze livres et douze sols, consentie par Marie Expert,
sous l’autorité de Pauly Puyjarrinet, son époux. — 4° De
1741, Barbret, notaire royal, rente de cinquante- deux
livres douze sols , consentie par Pierre Chabrier. —
5° Rente de cent cinquante livres , servie par Gabriel De-
veaux.— 6° 1764, Demoulin, notaire royal, rente de vingt
livres , consentie par Jean Simon, de Léguillac. --7° Du
25 avril 1770, Demoulin, notaire royal, rente de huit cents
livres, consentie par François Comte , sieur de Bourdeil-
lettes. — 8° Du 5 décembre 1776, Demoulin, notaire royal,
rente de cent cinquante livres, consentie par Marie Aubois.
— 9° Enfin, de 1741 et de 1787, rente accumulée de cent
soixante livres, consentie par Jean de Salis et Marie de
Sali;.
Toutes ces rentes furent exactement servies jusqu’en
1790. La Révolution dévora tout.
Ici trouve naturellement sa place une intéressante lettre
de M. le baron Rivet, préfet de la Dordogne, conservée
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 193
dans les archives de l’hospice. Elle est à la fois une dé¬
monstration succincte des origines et du développement
de cet hospice, et une preuve de la sollicitude de ce préfet
pour les établissements de bienfaisance de son départe¬
ment. Elle est adressée à M. le ministre de l’intérieur et
porte la date de : Périgueux, 27 thermidor, an IX de la
République (5 août 1802).
« Citoyen ministre, l’hospice de Bourdeilles, composé
» d’une belle maison et d’un jardin d’une contenance de
>j vingt-cinq ares, possédait, avant la Révolution, pour 628
» francs de capitaux de rentes. M. de Bertin , ancien sei-
» gneur du lieu, était protecteur et patron de cet établisse-
» ment ; il avait même, ainsi que ses prédécesseurs, rendu
» hommage de cette attribution particulière aux chargés
» de droit. En cette qualité, il appela à l’administration
» de cette maison, en l’année 1774, trois Filles de la Sagesse
» ou Sœurs grises, pour remplir les engagements que lui
» imposait le titre de protecteur. Il assura à chacune des
» religieuses une pension annuelle de 170 francs et four-
» nissait, en outre, afin de pourvoir à l’achat des drogues
» et à l’entretien des bâtiments, une somme de 120 francs.
» La totalité des sommes accordées annuellement par
» M. de Bertin était de 630 francs.
» Cette dette sacrée a été constamment et exactement
» payée jusqu’en 1790. Peu de temps après cette époque,
» la Nation s’empara de la terre de Bourdeilles pour cause
» de l’émigration du sieur de Bertin. Les religieuses, ne
» recevant plus la pension fixée, abandonnèrent l’hospice,
» à l'exception de la supérieure, qui continua d’y donner
» ses soins, et à laquelle il fut, postérieurement, par
» arrêté de l'administration du 7 ventôse an III, accordé
» un traitement de 400 francs, qui ne lui fut jamais payé.
» Il fut à peu après dans le même temps remboursé dans
13
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
194
» les caisses nationales 257 francs de capitaux de rentes,
» appartenant à l'hospice, et 699 francs d’intérêt, à quoi
» il faut encore ajouter un capital de 200 francs de rentes
» qui, dû par M. de Bertin, cessa d’être servi.
» Cet établissement, ainsi dépouillé , a néanmoins con-
» servé sa directrice, qui s’est épuisée pour prévenir sa
» ruine totale. Toutefois , ce n’est plus qu’un bureau de
» bienfaisance ou plutôt la demeure d’une fille dont la
» piété courageuse et féconde trouvait encore des ressour-
» ces pour secourir les malheureux.
» J’avais ignoré jusqu’à ce jour que l’hospice eût des
» droits sur les biens de l’émigré Bertin, et le défaut de
» rentes ne m’ayant pas permis de lui en attribuer en
» remplacement que pour 2,600 francs en capital , je pro-
» voquai l’établissement d’un octroi et le produit , affecté
» entièrement à l’hospice , lui a fourni un revenu de 300
» francs. Mais vous sentez, citoyen ministre, combien
» cette ressource est insuffisante. Cet hospice ne pourrait
«donc pas se relever, même comme bureau de bienfai-
» sance, si l’arrêté par lequel je reconnais qu’il doit lui
» être attribué les biens d’un revenu égal à la redevance
» qu’il percevait sur les biens du seigneur de Bourdeilles,
» n’obtenait votre approbation. Je ne crains donc pas
» d’avoir dépassé les bornes de l’intérêt que sollicite par-
» ticulièrement la ville de Bourdeilles , appauvrie par la
» ruine de ses fabriques de bonneterie et d’étoffes de laine,
» à l’usage des prêtres et des religieuses.»
Cette intéressante lettre fut suivie d’une délibération de
la commission de l’hospice qui, à défaut de titres pour
revendiquer ses droits sur la terre de Bourdeilles, s’ap¬
puyait sur trois lettres de M. l’abbé deBertin, frère du sei¬
gneur de Bourdeilles, et sur l'avis du directoire du district
de Périgueux, en date du 28 septembre 1793.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., BU PÉRIGORD. 195
Le ministre repoussa la demande faite par le préfet et
par la commission , se fondant sur ce que la loi n’accor¬
dait d’indemnité aux hospices que pour leurs biens vendus
et leurs rentes remboursées au profit du trésor public.
Ainsi que nous l’avons dit et que le constate la lettre de
M. le préfet, l’orage révolutionnaire avait dispersé les
religieuses. Une seule était restée, la supérieure, sœur
Irénée ou Marie Dubois. Elle dirigea seule l’hospice jus¬
qu’en 1802, lorsque ses forces épuisées ne lui permirent
plus de remplir sa charitable mission.
La commission administrative ne voulut point laisser
partir cette pieuse servante des pauvres sans lui exprimer
ses regrets et sa reconnaissance, et lui donner un mobilier
suffisant pour l’indemniser de ses dépenses personnelles
en faveur de l’hospice. Une délibération fut prise à ce
sujet et approuvée par le même préfet qui écrivit au maire
de Bourdeilles la lettre suivante , en date de : Périgueux,
le 9 brumaire, an XII de la république (10 novembre 1802).
« Citoyen maire, je partage avec la commission de
» l’hospice la reconnaissance exprimée dans sa délibéra-
» tion du 23 vendémiaire dernier envers la sœur Irénée.
» Aussi me suis-je empressé d’approuver la remise des
» effets qui lui est faite à titre d’indemnité... de ses avan-
» ces et de ses soins... Je vous prie d’exprimer à cette res-
» pectable fille le regret que j’éprouve de ne la pouvoir
» conserver dans le département.
» Signé : Rivet. »
D’après cette lettre, la sœur Irénée n’appartenait pas au
Périgord ; nous regrettons de n’avoir pu découvrir ni le
lieu de sa naissance, ni celui de son décès.
Après son départ, l’administration de l’hospice fut con¬
fiée au sieur Faucher, chirurgien, qui s’engagea, à la con¬
dition d’être logé et de percevoir les produits du jardin ou
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
enclos annexé à la maison, à soigner seize malades pau¬
vres à la campagne et quatre dans l’hospice. Pour ces
quatre derniers, la commune devait payer, en outre, jour¬
nellement, soixante centimes par personne.
Cet ordre de choses dura jusqu’en 1816. A cette époque,
M. Ghamparnaud, curé de Bourdeilles, fit la proposition
d’appeler à la direction de l’hospice les soeurs de la Misé¬
ricorde de Bergerac. Sa proposition fut favorablement
accueillie, mais resta sans effet à cause de l’insuffisance
des ressources. On eut donc recours, le chirurgien Faucher
se retirant, à un autre chirurgien , M. Lapouze , qui offrit
de soigner les malades et de fournir les médicaments aux
mêmes conditions, c’est-à-dire d’être logé et de jouir de
l’enclos. Mais il se retira lui-même après trois ans, et
alors la maison des pauvres fut affermée à plusieurs par¬
ticuliers pour la somme de quatre-vingt-cinq francs et
les pauvres malades restèrent à peu près sans secours. Il
en fut ainsi jusqu’en 1833. L’hospice eut d’autres locatai¬
res ; la commune y plaça l’école des garçons et des filles,
dirigée par un même instituteur. L’hospice avait cepen¬
dant encore quelques revenus. Nous en trouvons le détail
dans une note de 1831 ayant pour titre : Revenus de l’hos¬
pice de Bourdeilles.
« 1° Une rente de 12 francs au capital de 300 francs,
due par le sieur Marquet, de Larochebeaucour. — 2° Une
rente sur l’Etat de 35 francs. — 3» Une rente de 12 francs
sur l’Etat. — 4° Autre rente sur l’Etat de 30 francs, acquise
avec les 600 francs légués par le sieur Durand. — 5° Une
rente de 61 francs également sur l’Etat.
On le voit, l’hospice de Bourdeilles n’avait pas marché
en progressant ; il ne put jamais se refaire des spoliations
dont il avait été l’objet à la grande Révolution.
En 1844, la commission, considérant que les fonds de
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 197
l’hospice n’étaient plus employés qu’à secourir les pauvres
à domicile, émit l’avis que ledit hospice portât le nom de
Bureau de bienfaisance. Plus tard, un bureau de bienfai¬
sance ayant été fondé avec une administration distincte,
l'ancienne commission reprit son titre de commission de
l’hospice. Mais cette commission ne ressuscitait pas l’hos¬
pice, ses ressources ne lui permettant pas de recevoir un
seul malade. On sentait néanmoins le besoin de rendre le
local à sa première destination en le faisant occuper par
des religieuses ; les registres mentionnent plusieurs fois
des vœux émis à cette fin par les administrateurs.
Enfin, en 1853, trois religieuses, de la congrégation
hospitalière et enseignante de Nevers, à la grande satis¬
faction de tous, furent installées à l’hospice de Bourdeilles.
Un contrat fut passé avec la supérieure le 8 mars 1853 ;
il y est stipulé que la commission de l'hospice fournira
aux sœurs, avec le logement et la nourriture, 200 francs
à chacune pour son vestiaire et autres menues dépenses.
Les sœurs installées ouvrirent immédiatement une classe
gratuite et une classe payante, et une sœur fut spéciale¬
ment chargée de la visite des pauvres à domicile. Elles
furent en peu de temps aimées et estimées et dirigèrent
avec succès l’œuvre qui leur était confiée jusqu’en 1871.
Mais des difficultés survinrent par suite de leur indépen¬
dance de quelques familles trop autoritaires et de leur
trop grande dépendance de la commission administrative.
L’accord fut troublé et ne put se rétablir. La supérieure
générale fut invitée à les retirer. Elles furent remplacées
par trois sœurs de Sainte-Marthe de Périgueux. Un traité,
en date du 1er octobre 1871, fut passé entre madame la
supérieure générale, sœur Anne-Marie Gonthier du Soûlas,
et M. Tarrade, maire de Bourdeilles, agissant au nom de la
commission de l’hospice. En voici les principales clauses :
198 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
1° La supérieure générale se charge de la direction de
l’établissement fondé à Bourdeilles pour l’instruction des
jeunes filles ; elle enverra à cette fin trois religieuses de
sa congrégation de Sainte-Marthe. L’une d’elles sera
chargée de visiter les malades de la classe indigente.
2° M. le maire s’engage à payer à Mme Marie du Soûlas,
représentée par la directrice de l’établissement, une
somme annuelle de 1,400 francs, par trimestres échus,
à dater du 1er octobre courant.
3° La directrice de l’établissement sera libre de prendre
des pensionnaires. Dans ce cas, l’augmentation du per¬
sonnel et tous les frais qui en résulteraient seront à sa
charge ; mais elle n’aura aucun compte à rendre du pro¬
duit du pensionnat, si ce n’est qu’elle tiendra compte à
l’établissement de deux francs par mois pour chaque
pensionnaire habitant la commune.
4° Toutes les dépenses de réparation et d’entretien de l’é¬
tablissement et de ses dépendances, ainsi que les contribu¬
tions s’il en existe, restent à la charge de la commission.
Ces clauses ne diffèrent pas de celles qui avaient été
faites aux sœurs de Nevers. C’est dans ces conditions que
les sœurs de Sainte-Marthe dirigent encore l’hospice de
Bourdeilles. Les ressources de cet établissement ne dépas¬
sent pas la somme de 800 francs ; il est vrai qu’elles vien¬
nent de s’augmenter du revenu de la somme de 6,000 fr.
léguée, par testament du mois de mai dernier, par un
respectable chrétien de l’endroit, M. Boissat de Lajartbe,
vénérable vieillard, décédé il y a peu de temps.
Ajoutons, en terminant cette notice, que M. l’abbé
Mondy, le digne curé de Bourdeilles, a été conservé dans
l’administration de l’hospice ; et, ce qui nous étonne, il
doit cette faveur à M. le préfet. Le conseil municipal
l’avait bel et bien congédié.
La Miséricorde de Bergerac.
Ce n’est ici ni un hôpital ni un hospice ; c’est un simple
établissement voué, aux bonnes œuvres, que n’a pu attein¬
dre la loi du 5 août 1879. Nous ne croyons cependant pas
nous éloigner de notre sujet en lui consacrant une notice.
Sa fondation est l’œuvre de la charité chrétienne et sacer¬
dotale.
En 1735 (1), M. de Froidefond, curé de Saint-Jacques-
de-Bergerac, et les principaux habitants de cette ville, sol¬
licitèrent et obtinrent de Mgr de Prémeaux, évêque de
Périgueux, l’établissement d’une confrérie de la Miséri¬
corde, pour porter des secours à domicile aux pauvres
honteux, sains ou malades. Cette confrérie, mal organisée,
ne répondit pas aux espérances qu’on avait eues d’elle.
On la remplaça par une association de dames pieuses,
qui se chargèrent du soin de porter des bouillons, des
remèdes et autres secours aux pauvres honteux. Mais,
(1) Guillaume Gontier de Biran nous a laissé le récit de cette fondation,
recueilli dans le bulletin de la Société historique et archéologique du Pé¬
rigord , tome 7, p. 321. Nous lui faisons quelques emprunts.
200
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
distraites par les soins de leur ménage ou de leurs affai¬
res privées, ces dames, comme les membres de la confré¬
rie qui les avaient précédées, négligèrent, au préjudice
des pauvres, de remplir les devoirs dont elles s’étaient
volontairement chargées.
Alors, le même M. de Froidefond, dont le zèle était in¬
fatigable et la charité sans horne, réunit, sous la conduite
de Mmo Elisabeth de Sorbier du Séran, veuve de Tun des
premiers magistrats de la ville et sans enfants (1), trois
demoiselles alliées aux meilleures familles du pays : Eli¬
sabeth Roucherie, Rose Desmaison de Treyrac et Isabeau
Drion. Toutes les quatre, également recommandables par
la pratique de toutes les vertus chrétiennes, consentirent
à consacrer au service des pauvres, non-seulement leurs
soins, iûais encore une partie considérable de leur for¬
tune. Les charités du zélé pasteur ne le cédèrent point à
celles de ces dames ; il donna à cette œuvre, dont il se fai¬
sait le fondateur un immeuble dont le produit permettait
de pourvoir en grande partie aux besoins des pauvres.
De son côté, Mme du Séran fit l’acquisition d’un local situé
à l’extrémité de la rue Saint-James et à peu de distance
de l’église paroissiale de Saint-Jacques, où elle se retira
avec ses trois compagnes pour y vivre en communauté et
pouvoir mieux remplir les nouveaux devoirs qu’elles ve¬
naient de s’imposer. Elles adoptèrent un costume unifor¬
me et se tracèrent une règle de conduite basée sur celles
(I) Née de parents protestants, Elisabeth de Sorbier avait été relé¬
guée, à l’âge de dix-sept ans, dans le couvent des religieuses de la Foi
Chrétienne. Ce fut seulement après trois années de réclusion, lors d’une
mission qui eut lieu à Bergerac, que les troubles de son esprit se dissipè¬
rent. En 1704, elle épousa M. Simon, sieur du Séran, ancien capitaine
d’infanterie et lieutenant particulier à la sénéchaussée de Bergerac, avec
qui elle vécut en parfaite union jusqu’à la mort de celui-ci, arrivée en
1740. (Lespine, au Bulletin déjà cité, tome 7,p. 321.)
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., Dü PÉRIGORD. 20i
des établissements qui leur parurent le plus conformes à
celui qu’elles voulaient fonder.
Prévoyant le grand avantage que Bergerac allait retirer
de cette fondation , le sénéchal et le corps de ville
lui-même s’empressèrent de prendre, le 24 mai 1741 , des
délibérations pour l’autoriser autant qu’il dépendait d’eux
de le faire. A la vue de ces délibérations, Mgr l’évêque de
Périgueux donna, le 7 mars 1742, son approbation à cette
pieuse et charitable association. Il permit à ces dames,
sur la demande qu’elles lui en firent, de se lier par des
vœux au service des pauvres, approuva leurs statuts et
établit pour leur supérieur particulier le curé de Bergerac.
Dans la requête que ces dames avaient présentée pour
obtenir du prélat une autorisation de leur institut, il était
dit que la communauté se chargeait « de faire le bouillon
» des pauvres, de le leur distribuer, de les visiter, de les
» instruire, de les consoler et surtout de les disposer pen-
» dant leur maladie à une mort chrétienne. Ainsi, l’exer-
» cice des œuvres de Miséricorde spirituelle et corporelle
» en faveur des pauvres honteux et malades, dans toute
» l’étendue de la ville de Bergerac, telle était la fin de
» l’institut. »
Les fondatrices se proposaient encore un autre but,
c’était de se livrer, aussitôt que le personnel le permettrait,
à l’instruction des jeunes filles de toutes les classes de la
société, mais plus particulièrement de la classe indigente.
C'est dans ce double but, si louable, que Mgr de Pré-
meaux approuva la nouvelle fondation par une ordon¬
nance épiscopale, en date du 7 mars 1742, qui se trouve
consignée dans le règlement primitif, conservé aux archi¬
ves de la communauté.
Le nouvel établissement fonctionnait à la grande satis¬
faction de tous et pour le plus grand bien des pauvres;
202 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
mais il n’avait pas encore d’existence légale. 11 avait bien
été, comme nous l’avons dit, reconnu par les autorités de
la ville, mais cela ne suffisait pas. Au mois de mai 1757,
le roi, sur la requête de Mme Elisabeth de Sorbier du
Séran et de M. de Lansade, alors curé de Bergerac, auto¬
risa la fondation par Lettres 'patentes et permit la créa¬
tion d’un bureau chargé d’administrer le revenu des pau¬
vres.
La demande de ces premières Lettres patentes n’avait été
faite que pour une société laïque formée de Mmo du Séran
et de ses trois compagnes, vouées au service des pauvres ;
elles ne consacraient point l’existence de la communauté
religieuse qui, dans la pensée des fondateurs, devait se
développer. Aussi voyons-nous que d’autres lettres paten¬
tes, accordées au mois de janvier 1759, autorisèrent les
quatre servantes volontaires des pauvres à se constituer
en communauté religieuse, sous le titre de Dames de la
Chanté , et à s’agréger des sujets.
Après avoir vu cette œuvre consolidée, Mme du Séran
n’eut plus qu’un désir, celui de construire un oratoire où
elle pût épancher son âme et son cœur. Cette faveur lui
fut accordée. Elle obtint la permission d’édifier et d'an¬
nexer à sa maison une chapelle et d’y conserver le Saint-
Sacrement. La chapelle fut inaugurée le 2 janvier 1770 et
dédiée à Saint-Vincent-de-Paul. Quinze jours après, Mme
du Séran rendait son âme à Dieu avec les sentiments de
la plus grande piété ; cette chapelle fut le lieu de sa sépul¬
ture.
Telle fut l’origine du couvent de la Miséricorde. Il avait
déjà pris une extension considérable par le nombre des
religieuses, lorsque survint la Révolution de 1793. Il en
fut la victime comme tant d’autres. Chassées de leur mai¬
son, incarcérées, dépouillées de tous leurs biens, les reli-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 203
gieuses furent obligées de se retirer dans leurs familles.
Cependant, par une exception providentielle,, leur mai¬
son fut respectée ; sa propriété ne passa point entre des
mains étrangères, ce qui permit aux religieuses qui avaient
survécu à l’orage d’y rentrer aussitôt que le calme fut un
peu rétabli, et d’y reprendre l’exercice de leurs œuvres.
Après la Révolution, cette communauté se reconstitua
bien vite et, en peu d’années, le nombre des religieuses
fut considérablement augmenté. Aussi, pour multiplier le
bien qu’elles étaient disposées à faire, elles multiplièrent
leurs œuvres. Outre la visite des pauvres à domicile et
l'instruction des jeunes filles, elles eurent dans leur
maison une pharmacie pour tous les malades de la classe
indigente ; elles se chargèrent du soin des prisonniers et
de la direction du Bureau de bienfaisance.
Pour toutes ces œuvres, le local qu’elles avaient occupé
depuis leur origine se trouva bientôt insuffisant ; elles
durent chercher à se placer ailleurs. Elles portèrent leur
vue sur la belle maison qu’elles occupent aujourd’hui, et
qui appartenait à M. le docteur Latané. Elles traitèrent
avec lui, moyennant la cession de leur maison et d’une
propriété qui leur avait été léguée par MUo de Salignac de
Fénelon. L’acte de cet échange fut approuvé par ordon¬
nance royale du 31 décembre 1840.
Le nombre des sujets ayant toujours été en augmen¬
tant et se trouvant plus considérable que l’exigeaient les
œuvres qu’elles avaient à remplir, elles furent appelées
à faire des fondations qu’elles s'empressèrent d’accepter.
Ainsi elles établirent r
1° A Montpon, un pensionnat et un externat avec une
école gratuite et la visite des pauvres et des' malades à
domicile ;
2° A Belvès, une maison de Miséricorde pour la dis-
204
LES OBISINES CHRÉTIENNES
tribution des secours accordés par le Bureau de bienfai¬
sance, avec un pensionnat, un externat et une école
gratuite ;
3° A Latour-Blanche, un pensionnat et un externat ;
4° A Saint-Avit-Sénieur, un pensionnat, un externat et
une école gratuite ;
5° A Saint-Aulaye, une maison de Miséricorde, un pen¬
sionnat, un externat et une école gratuite.
En 1852, lors de la formation de la congrégation géné¬
rale de Sainte-Marthe, les sœurs de la Miséricorde de
Bergerac étaient au nombre de 29 sœurs de chœur, huit
sœurs converses, trois novices et une postulante, en tout
quarante-une, dispersées dans les diverses maisons
qu’elles avaient fondées. Elles se mirent toutes, par un acte
d’agrégation, à la disposition de leur évêque.
Déjà, quelques années auparavant, elles avaient fondé
un orphelinat où elles avaient réuni une trentaine de
petites filles pauvres et privées des secours qt de la sur¬
veillance de leurs parents.
Comme Te local où elles avaient cette fondation était
insalubre et trop exigu pour cette œuvre, elles achetèrent
un vaste terrain attenant au jardin de leur nouvelle mai¬
son et appartenant à M. Babut, médecin. L’acte d'acqui¬
sition de cet immeuble porte la date du l01' décembre 1854
et il fut approuvé par un décret impérial du 28 août 1855.
C’est sur cet emplacement qu’elles firent élever la belle
construction qu’on y voit aujourd’hui, et où elles trans¬
portèrent leur orphelinat. Là, elles ont trouvé l’avantage
de réunir à un local spacieux, sain et bien aéré, un beau
jardinet un vaste enclos qui sont une ressource pour
l’établissement.
Pendant qu’elles faisaient cette construction, la ville de
Bergerac proposa aux sœurs de la Miséricorde la direc-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 205
tion d’une Salle d'asile qui avait été fondée quelques an¬
nées auparavant, mais qui, confiée à des mains séculières,
ne fonctionnait que d’une manière peu satisfaisante. Le
conseil municipal vota dans ce but une allocation annuelle
de six cents francs.
Il y avait encore là un bien à faire, les Sœurs ne refusè¬
rent pas, et alors elles firent approprier une partie du local
en construction aux besoins d’une salle d’asile. C’est dans
ce même local qu’elles transportèrent leur école gratuite.
De sorte que là, se trouvent réunis, sous le même toit,
l’orphelinat, l’école gratuite et la salle d’asile. Il y avait
place pour une autre charitable industrie non moins pro¬
pre à propager le bien ; elle y fut ajoutée dans le courant
de l’année 1859. Un ouvroir vint compléter les œuvres de
charité que les sœurs de la Miséricorde devaient exercer
en faveur des petites filles de la classe indigente.
Telle fut et telle est encore la Miséricorde de Bergerac,
l’établissement de charité le plus complet que possède le
Périgord.
Hospice des vieillards au bourg de la Madeleine,
à Bergerac.
Un aperçu sur la fondation de la Miséricorde du bourg
de la Madeleine de Bergerac nous paraît utile avant d’en¬
trer dans les détails de la fondation de l’hospice des vieil¬
lards qu’elle dirige.
Nous devons dire d’abord, pour l'édification de nos lec¬
teurs, que nous trouvons ici une origine toute sacerdo¬
tale.
Il existait anciennement, dans les environs du faubourg
de la Madeleine, deux petites paroisses qui ont été suppri¬
mées, et dont les églises ont entièrement disparu, de sorte
qu’on n’en trouve aujourd’hui aucune trace ; le souvenir
seul s’en est conservé. C’étaient les paroisses de Saint-
Christophe et de Saint-Cernin-de- Gabanelle. L’église de
la première était située dans la plaine, entre le bas de la
côte de Monbazillac et la Madeleine ; celle de la seconde
était sur le bord de la Dordogne, à deux kilomètres envi¬
ron de la Madeleine.
En l’année 1692, M. Célier, curé de Saint-Cernin-de-
Gabanelle, légua en mourant à demoiselle Hélène Garri-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 207
gue, sa cousine, sa maison et tous ses biens, à la condi¬
tion qu’après la mort de cette parente, ils appartiendraient
aux pauvres et aux malades des trois paroisses de Saint-
Gernin, Saint-Christophe et la Madeleine , et que les reve¬
nus seraient consacrés à leur faire donner les secours qui
leur seraient nécessaires.
Par ses dispositions testamentaires, il voulait que les
biens légués tussent administrés par trois Allés recomman¬
dables par leurs vertus, qui se sentiraient portées à se
consacrer à Dieu par les œuvres de charité et de miséri¬
corde. Il voulait aussi que le point central de sa fondation
fût le chef-lieu de la paroisse de la Madeleine, et il dési¬
gnait pour l’accomplissement de son œuvre les demoi¬
selles Hélène de Ourson , Catherine Hivernerie et Hélène
Serveti.
Ces trois pieuses séculières commencèrent leur œuvre
immédiatement après la mort de la demoiselle Hélène
Garrigue, usufruitière des biens légués. Mais Hélène Ser¬
veti se retira quelque temps après dans sa famille, cédant
sa place à demoiselle Jeanne de Gommarque.
Le 13 septembre 1699 , le Roi, voulant gratiüer ces
demoiselles, en considération des soins qu’elles prenaient
des jeunes filles admises à leur petite.école, ouverte dès le
principe, et des services qu’elles rendaient aux pauvres,
leur fit don d’une terre située au bourg de la Madeleine
et qui servait de cimetière aux huguenots. C’est sur cet
immeuble que furent les premiers fondements du couvent
qui existe aujourd’hui.
Cette œuvre de miséricorde fut ainsi dirigée par de
pieuses et charitables séculières jusqu’à l'année 1747. A
cette époque, l’une d’elles, mademoiselle Molinier, origi¬
naire de la paroisse de la Madeleine, se sentant appelée à
une vie plus parfaite et voulant se consacrer plus spécia-
208
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
lement à Dieu, prononça, le 17 janvier 1747, les vœux de
chasteté perpétuelle et de stabilité au service des pauvres.
Les autres suivirent bientôt son exemple et, à dater de ce
jour, l’établissement fut érigé en communauté conservant
le nom de Miséricorde, et ayant pour première supérieure
la sœur Molinier.
A l’époque de la Révolution de 1793,1e nombre des reli¬
gieuses s’était augmenté ; mais, comme celles de tous les
établissements, elles furent expulsées de leur maison et
obligées d’aller demander un asile à leurs parents ou à
leurs amis. Tous les immeubles qu’elles possédaient furent
vendus, à l’exception de la maison qui seule échappa au
naufrage.
Lorsque la liberté fut rendue, toutes les anciennes reli¬
gieuses qui avaient survécu à la tourmente révolutionnaire
s’empressèrent de rentrer dans leur communauté, et de
reprendre leurs œuvres avec les modiques ressources que
pouvaient leur procurer leur industrie et la charité des
âmes amies des pauvres. Pour les augmenter, elles ouvri¬
rent une classe payante et, un peu plus tard, un pension¬
nat. Dès lors, leurs œuvres prirent de l’extension et le
nombre des religieuses s’accrut rapidement.
Nous arrivons à la fondation de V Hospice des vieillards.
Sœur Bruzac, de sainte mémoire , réorganisatrice et
première supérieure de la communauté après la grande
Révolution, eut la charitable pensée, en 1837, de recueillir,
quoique sans ressources , dans, un petit chai attenant à la
communauté, un vieillard dénué de tout et abandonné de
sa famille. Touché jusque dans le plus profond du cœur
de se voir l’objet de soins tendres et dévoués, le pauvre
vieux Saint-Jean (tel était son nom), en fut si reconnais¬
sant à Dieu et à sa bienfaitrice, que pendant tout le temps
qu’il vécut sous le toit béni de sa Providence, il n’y donna
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 209
que de parfaites consolations. Dès lors la bonne mère
Bruzac, comprenant que son œuvre était agréable à Dieu,
conçut le projet de l'agrandir ; mais Celui qui dispose de
tout ne lui en laissa pas le temps : il appela à lui cette
belle âme si mûre pour le Ciel.
Les œuvres de Dieu ne meurent pas, et celle-ci devait être
du nombre. La mère Micoulaud, qui succéda à la mère
Bruzac, avait su apprécier les vertus de sa supérieure, elle
sut aussi l’imiter, surtout dans la pratique des œuvres de
charité. En peu de temps, par son dévouement, bien
secondée, d’ailleurs, par ses religieuses qui allaient jusqu’à
aider les ouvriers, en leur portantle mortier et les pierres,
le petit chai fut converti en une salle plus vaste et plus
commode.
Bientôt quelques infirmes, quelques vieillards vinrent
solliciter le bonheur de reposer leur vieillesse languissante
et malheureuse dans ce pieux asile ; et des personnes
charitables, pressentant que cette œuvre de miséricorde
par excellence croîtrait comme le grain de senevé et
porterait desfruits abondants et du meilleur goût, voulurent
y participer, les unes par de faibles pensions annuelles
pour des vieillards de leur choix, d’autres par des dons
personnels et désintéressés.
Vers le commencement de l’année 1850, deux prêtres
bien connus par leur zèle et leur dévouement pour les
pauvres, MM. de Molènes, alors supérieur du Petit-Sémi¬
naire de Bergerac, et Balbacid, vicaire de Saint-Jacques,
voulant, eux aussi, fonder un établissement pour les
vieillards pauvres, et trouvant l’œuvre admirablement
commencée dans la Miséricorde du faubourg de la Made¬
leine, proposèrent à la supérieure d’unir leur œuvre à la
sienne et de mettre en commun les ressources dont de
part et d’autre on pouvait disposer. Par ce moyen, on
14
210
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
devait arriver à fonder un établissement sur de plus
vastes proportions et obtenir une plus grande somme de
bien. La proposition fut acceptée, et, d’un commun
accord, l’hospice des vieillards, définitivement fondé, fut
placé sous le patronage de Mgr George, évêque de Péri-
gueux. Des conventions en forme de traité furent arrêtées
entre les deux prêtres d’une part et le conseil de la com¬
munauté de l’autre, et furent approuvées par Mgr George
qui, voyant dans cette œuvre un grand bien à faire, et
appréciant qu’elle méritait de sa part, pour en faciliter le
développement, une attention toute particulière, daigna
la bénir et en accepter le patronage.
Ces conventions, dictées par Sa Grandeur elle-même,
portent la date du 1er août 1851. Nous les reproduisons :
« Monseigneur l’évêque de Périgueux approuve et encou-
» rage de toutes ses sympathies l’entreprise faite par les
» Sœurs de la Miséricorde du Bourg d’établir dans leurs
» appartements un refuge pour les vieillards et les infir-
» mes. Il soutiendra l’œuvre de tous ses efforts. Il
» approuve et encourage également tous ceux qui ont
» bien voulu concourir à l’œuvre, et qui viendront à son
» secours, spécialement MM. Balbacid et de Molènes, des
» soins qu’ils ont pris pour aider à la fondation.
» Afin de déterminer la marche à suivre dans cette fon-
» -dation ; afin que les Sœurs d’une part, et de l’autre
» MM. de Molènes et Balbacid puissent agir bien libre-
» ment dans l’intérêt de l’œuvre, voici quelques bases bien
» convenues :
» MM. Balbacid et de Molènes, par des quêtes, souscrip-
» tions ou dons personnels, feront approprier le local des-
» tiné à l’œuvre, aussi bien que leurs ressources le per-
» mettront; ce qu’ils ne pourront faire de suite, la Pro-
» vidence procurera plus tard les moyens de l’achever.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRICORD. 211
» Les Sœurs, de leur côté, restent parfaitement libres
» de faire compléter les réparations et l’ameublement de
» leurs propres fonds, ou au moyen de ceux qu’elles pour-
» ront se procurer.
» Le local et les bâtiments restent la propriété des
» sœurs avec les améliorations qu’on y a faites ou qu’on y
» fera, ainsi que le mobilier qu’on y déposera, à moins
» que les donateurs ne fissent des réserves expresses pour
» les objets mobiliers qu’ils prêteraient.
» Les Sœurs conservent entièrement l’administration de
» l’œuvre qui se fait chez elles et par elles ; elles s’aide-
» ront néanmoins des conseils des bienfaiteurs de l’œuvre
» et surtout de Monseigneur ou de ceux que Sa Grandeur
» leur désignerait pour la remplacer.
» Afin de donner une garantie à la charité de tous les
» bienfaiteurs, spécialement de ceux qui ont quêté pour
» l’œuvre, les Sœurs s’engagent, sur leur conscience, à
» faire tous leurs efforts pour la faire réussir ; elles s’en-
» gagent à recevoir tout vieillard ou infirme qui leur serait
» offert soit par la charité privée, soit par le bureau de
» bienfaisance, ou le conseil de l’hospice, moyennant une
» pension garantie de 150 francs pour chaque pauvre, se
» réservant toutefois de pouvoir s’informer préalablement
» si tel vieillard présenté n’offre pas des inconvénients
» moraux qui doivent empêcher son admission.
» De plus, si les ressources de l’œuvre n’ont pas encore
» permis de procurer les objets de literie et de première
» nécessité, les Sœurs seraient en droit d’exiger, avant
» l’admission d’un pauvre, un lit complet, quatre draps
» de lit, quatre chemises et quelques vêtements.
» Moyennant cela, les Sœurs se chargent de pourvoir à
)) tous les besoins des vieillards ou infirmes, en santé
» comme en maladie.
212
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» Enfin, comme l’oeuvre n’est qu’à son début, et qu’a-
» vant de rien statuer de bien fixe, il faut attendre les suc-
» cès et l’expérience, comme ces bases n’ont d’autre but
» que de garantir d’une part la générosité des bienfai-
» teurs, et d’autre part la liberté et les droits des Sœurs,
» il est convenu que ces bases pourront être changées
» mais seulement avec l’agrément de Sa Grandeur.
» Il est convenu enfin que les Sœurs, malgré tout, con-
» serveront le droit de renoncer entièrement à l’œuvre si
» elles le veulent. Mais, dans ce cas, comme elles profi-
» teraient des améliorations faites chez elles, des dépenses
» qu’elles auraient encouragées par l’espoir de l’œuvre
» qu’elles offraient, elles seraient tenues à des indemnités
» envers ceux qui auraient procuré les fonds. Les indem-
» nités seraient déterminées par Mgr l’évêque de Péri-
» gueux, et, dans toute hypothèse, elles ne pourraient pas
» dépasser la moitié des dépenses faites.
» En conséquence, pour pourvoir à l’hypothèse prévue,
» un compte exact sera tenu des dépenses faites pour
» l’œuvre par les divers bienfaiteurs.
» Convenu et réglé, à Bergerac, le 1er août 1851, entre
» MSr l’évêque et la supérieure de la communauté, auto-
» risée par son conseil, M. Balbacid et M. de Molènes,
» dont chacun a signé et retenu une copie.
» f Jean, évêque de Périgueux ; Balbacid,
» prêtre ; Molènes, prêtre chanoine ;
» Sœur Malbec, économe; Sœur Julie,
» supérieure ; Sœur Charbonnel, assis-
» tante. »
Telles furent les bases de la société formée entre les
sœurs de la Miséricorde et MM. de Molènes et Balbacid,
en faveur de l’œuvre des vieillards. Elles donnaient aux
sœurs, vraies fondatrices de l’établissement, deux auxi-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉR1CORD. 213
liaires qui devenaient leurs égaux dans l’admission des
pauvres et le gouvernement de l’œuvre. Ce fut peut-être
une faute. Deux autorités égales ne peuvent marcher
longtemps de front sans se heurter, sans se nuire au
détriment du bien qu’on veut faire. Mer George s’en
aperçut-il, et voulut-il y remédier? Toujours est-il que,
trois ans plus tard, le 8 juin 1853, sous le prétexte d’éta¬
blir la nouvelle fondation sur des bases plus durables, il
nomma une commission administrative, composée de trois
laïques : MM. Fauvel, Lacroix, Biran-Lagrèze, et de deux
prêtres, M. Macerouze, curé de Bergerac, et M. l’abbé
Balbacid, son vicaire (1). Il fit passer entre cette commis¬
sion et Mm0B Nicoulaud, supérieure, et Bost, assistante, un
traité qui réglait les droits et les devoirs des deux parties.
Ce traité, qui n’a pas moins de quinze articles, trop
long pour être rapporté ici, fut en vigueur jusqu’en 1864.
A cette époque, quelques difficultés étant survenues entre
M. l’abbé Balbacid et les religieuses chargées du service
des vieillards, ce traité fut annulé d’un commun accord
et avec l’autorisation de Monseigneur Dabert, évêque
actuel de Périgueux. Il était dit dans l’article XV... que
« s’il s’élevait quelque doute ou quelque contestation
» entre la communauté et la commission sur les disposi-
» tions ou l’exécution des conventions arrêtées, il était
» formellement convenu que Monseigneur l’évêque de
» Périgueux restait choisi par tous comme l’arbitre amiable
» et définitif, et qu’a lui appartiendrait de trancher tous
» les différends, ses décisions devant être acceptées de
» part et d’autre sans réserve et sans appel. »
(1) Nous ne trouvons plus ici M. l’abbé de Molènes. Il avait compris
que pour bien étreindre il ne fallait pas trop embrasser et qu’il se devait
tout entier à la direction du Petit-Séminaire.
214 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Monseigneur Dabert, avec ce tact administratif qui le
distingue, jugea nécessaire la séparation des deux auto¬
rités, et Sa Grandeur autorisa l’annulation du traité qui les
liait ensemble.
En vertu de l’autorisation de ce juge sans appel, désigné
par le traité lui-même , l’abbé Balbacid retira et plaça
dans un autre local tous les pauvres qu’il avait fait entrer
dans l’hospice des vieillards, et la supérieure garda tous
ceux qu’elle y avait admis de sa propre autorité. Il y eut
alors deux hospices des vieillards , celui de M. l’abbé
Balbacid et celui des Soeurs de la Miséricorde. Le bien
ne pouvait en être que plus grand,* les pauvres ne
pouvaient que s’en trouver mieux. Il en futainsi jusqu’en
1876. A cette époque, M l’abbé Balbacid, curé de Saint-
Nexant, ne pouvant plus s’occuper activement de son
œuvre, M. le maire de Bergerac, d’accord avec le conseil
municipal, lui retira les douze vieillards qu’il recevait de
la commune, moyennant une pension de deux cents francs
pour chacun, et les fit admettre avec la même subvention
à l’hospice des religieuses de la Madeleine. Ce fut la fin de
l’œuvre de M. l’abbé Balbacid, pour laquelle il avait
déployé tant de zèle et de charité, et qui enrichit d’un
beau fleuron sa couronne sacerdotale.
Dès ce moment aussi l’établissement des Sœurs prit une
grande extension. L’hospice des vieillards est leur pro¬
priété ; et, n’ayant plus à craindre de froisser les suscep¬
tibilités d’une commission administrative, elles le dirigent
comme elles l’entendent sous la haute surveillance de Mgr
l’évêque de Périgueux et le contrôle de la maison-mère,
et les choses n’en vont pas plus mal. Le petit grain de
senevé, semé à l’origine par une main habile et dans un
bon terrain, a germé sous le regard de Dieu, est devenu un
grand arbre dont les branches allongées peuvent abriter
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 215
80 à 100 vieillards et une quinzaine de pensionnaires vo¬
lontaires.
En parlant de pensionnaires volontaires, nous avons
voulu signaler à nos lecteurs « la Maison de retraite qui
» complète l’hospice des vieillards avec des appartements
» séparés, admirablement disposés pour l’air, la lumière
» et la solitude, où peuvent venir s’abriter les personnes
» des deux sexes qui veulent se recueillir dans la paix et
» se préparer à mourir dans une maison de Dieu ».
Et tout cela manquait d’un complément nécessaire,
d’une chapelle assez vaste pour contenir les quatre-vingts
personnes, vieillards ou pensionnaires qui habitent la
maison. Elle a été construite en ces dernières années, et,
le dimanche 13juin dernier, Mgr Dabert daignait en faire
la bénédiction et l’inaugurer en y célébrant les Saints-
Mystères. M. l’abbé Sagette, curé de la Madeleine, a écrit
dans notre Semaine religieuse (n° du 26 juin 1880) trois
belles pages sur la bénédiction de cette chapelle et l’hos¬
pice des vieillards, la gloire de sa paroisse et le bien légi¬
time orgueil du pasteur. Nous invitons nos lecteurs à les
relire.
Tels furent l’origine et les développements de cet hospice
des vieillards, le plus bel établissement de ce genre que
possède le Périgord. Allez le visiter, et vous direz : A
Domino factum est istud, et est mirabile in oculis nostris.
XXIII
Hôpital de Belvès (1).
Nous avons ici pour guide un Mémoire fait pour servir
aux Sœurs de Sainte-Marthe de l’hôpital de Belvès, qui
sollicitaient, en 1750, des Lettres patentes en faveur de cet
hôpital (2). Il commence ainsi :
« Il serait difficile de produire des titres de la fondation
» de l’hôpital de la ville de Belvès , puisqu’ils sont perdus
» sans doute par suite des révolutions et des guerres qui
» ont ravagé ce pays. On présume qu’un archevêque de
(i) Nous aurions voulu donner plus tôt cette Notioe sur un hôpital des
plus anciens du Périgord ; mais les documents nous faisaient défaut. Ceux
que nous avions reçu de l’évêché ne prenaient cet hôpital qu’en 1818, et
tout nous faisait pressentir une origine antérieure de plusieurs siècles. Il
a fallu donc chercher et faire chercher. Nous n’avons pas trouvé tout ce
que nous avions désiré, mais assez cependant pour étonner quelques habi¬
tants de Belvès, qui paraissent ne pas avoir grand souci des antiquités de
jeur ville. — L’histoire de la ville de Belvès et de son territoire, au double
point de vue politique et religieux, serait fort intéressante. Il se trouvera
peut-être quelqu’un pour l’écrire. Les documents ne manqueraient pas.
Nous appelons sur ce point l’attention de nos confrères de la Société
archéologique et historique du Périgord.
(2) Ce Mémoire est conservé aux archives de notre département. Il n’a
point de date, mais les faits qu’il rapporte le classent vers l’année 1750.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 217
» Bordeaux, seigneur suzerain de ladite ville et juridiction
» de Belvès qui renferme douze paroisses, en est le fonda-
» teur. Cette présomption vient d’un acte qui dit que
» Mgr de Sourdis, archevêque dudit Bordeaux, voulut,
» en 1634, présider à la nomination d’un syndic et qu’on
» lui rendra compte du temporel dudit hôpital. On assure
» avoir vu des actes bien anciens qui marquaient que les
» seigneurs Archevêques établissaient de leur autorité des
» sujets pour le desservir. »
On voit par cette conduite des Archevêques de Bordeaux
à l’égard de cet hôpital, qu’ils exerçaient un vrai patro¬
nage ; or, le droit de patronage ne s’acquérait que par une
fondation ou une dotation telle qu’elle équivalait à une
fondation. L’origine de cet hôpital ne nous paraît donc pas
douteuse ; elle provient de la charité des Archevêques de
Bordeaux. Mais quelle date lui donnerons-nous?
Nous lisons dans la Revue du pays Sarladais de
M. Yaussanges : « Belvès, jadis château très fort, apparte-
» nait à la maison d’Aymond ; puis devint la propriété des
» Archevêques de Bordeaux par Arnaud de Canteloup,
» qui en fit l’acquisition en 1307 et l’unit à la mense épis-
» copale. » — D’autre part, nous lisons dans le Diction¬
naire topographique de M. le vicomte A. de Gourgues, à
à l’article Belvès : « Le territoire de Belvès, vendu au xiv°
» siècle, par G. de Biron à Bertrand de Goth, archevêque
» de Bordeaux, formait alors une châtellenie composée de
» treize paroisses : Belvès, Fongalau, Larzac,Montplaisant,
» Orliac, Prats, Sagelac, Sainte-Foy, Saint-Marcory, Saint-
» Pardoux, Sales, Urval, Vielvic. »
Ges deux documents mettent les archevêques de Bor¬
deaux en la possession de la châtellenie de Belvès dès la
première année du xive siècle ; que l’acquisition ait été
faite par Bertrand de Goth, nommé archevêque en 1300,
218
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
et élu pape, sous le nom de Clément V, en 1305, ou par
son neveu, Arnaud de Canteloup, qui lui succéda sur le
siège archiépiscopal, ils purent y contribuer l’un et l’autre.
L’oncle put la préparer pendant son court épiscopat et ne
laisser au neveu que le soin de la confirmer.
Ces deux mêmes documents signalent l’existence, dès
ce même temps, à Belvès, d’une maison de Templiers et
d’un hôpital « qui reçut, dit la Revue du pays Sarladaist
dotation de l’archevêque au commencement du xive siè¬
cle (1 ' . »
Si déjà il existait un hôpital à Belvès, il devait avoir une
bien faible importance ; aussi l’archevêque acquéreur,
Bertrand de Goth ou Arnaud de Canteloup, s’empressa-t-
il, par la dotation dont il est parlé, de le mettre en rapport
avec les besoins de la ville et des paroisses qui composaient
la châtellenie de Belvès. L’Archevêque dut ne rien négli¬
ger pour la construction d’un local et pour lui assurer des
revenus qui garantissent pour le présent et l’avenir le bien-
être des pauvres et fissent bénir et estimer la présence du
nouveau seigneur. Du reste, les Archevêques de Bordeaux
paraissent avoir eu une grande prédilection pour leur
châtellenie de Belvès ; plusieurs y séjournèrent assez
longtemps, l’un d’eux même, Armand du Cassis, y mourut
en 1347 et eut sa sépulture dans l’église des Jacobins de
cette ville. Ils y avaient une habitation qui fut vendue
en 1612, par l’archevêque François de Sourdis à la famille
de Comarque.
(1) C’est sans doute par inadvertance que l’auteur, ou peut-être l’impri¬
meur de cette Revue, a écrit que la dotation avait été faite au « commence¬
ment du xme siècle ; il est peut probable qu’un archevêque de Bordeaux
dota l’hôpital de Belvès un siècle avant l’acquisition de Belvès. D’ailleurs,
l’auteur attribue l’acquisition de la châtellenie et la dotation à Arnaud de
Canteloup, dont l’épiscopat ne commença qu’en 1305.
219
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
L’hôpital dé Belvès dut rester uni à la mense archiépis¬
copale de Bordeaux jusqu’à l’ordonnance de Louis XIV,
en 1694. Nous voyons dans ce que nous avons dit que les
archevêques le faisaient administrer par un syndic qui
devait leur rendre compte du temporel, et diriger, pour
le service des pauvres, par des sujets nommés par eux,
probablement de pieuses et charitables séculières. Par
suite de la susdite ordonnance, l’hôpital fit retour à la
juridiction de Mgr l’évêque de Sarlat. Ce retour ne lui fut
pas avantageux. Privé, dès ce moment, de la dotation que
lui faisaient les archevêques de Bordeaux, ses revenus
restèrent presque nuis. Les personnes qui le desservaient
ne pouvaient nourrir les pauvres, en petit nombre, qui y
logeaient, qu’en faisant des quêtes journalières dans la
ville. « Du moins était-il tel en 1730, » dit l’auteur de
notre Mémoire. Pour remédier à cet état de misère, les
consuls et les habitants de Belvès voulurent en confier la
direction à des religieuses, et, dans ce but, ils présen¬
tèrent une requête à Mgr Le Blanc, évêque de Sarlat, le
suppliant de permettre la fondation d’une Communauté
de filles pour le service des pauvres de la ville et de la
juridiction de Belvès.
A cette époque, la demoiselle Barbe Bonfils de la
Moyssie, de l’une des meilleures familles de Belvès,
venait de quitter les Sœurs hospitalières de Sainte-Marthe
de l’hôpital de Bergerac. Mieux que toute autre, elle pou¬
vait remplir le double but indiqué dans la requête des
consuls ; aussi, Mgr Le Blanc, faisant droit à leur
demande, voulut-il bien la nommer directrice de l’hôpi¬
tal et supérieure de la nouvelle communauté, et lui
adjoindre pour compagne et pour aide dans le service
des pauvres, la demoiselle Teyssieu.
Dans l’ordonnance d’institution, Mgr Le Blanc prescri-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
320
vait aux consuls de faire incessamment les réparations
convenables pour loger les pauvres et les deux religieuses
directrices.
Les consuls avaient promis, dans leur supplique, de
faire ces réparations dont ils avaient évalué la dépense à
sept ou huit mille livres, s’obligeant à la payer. Mais pour
des motifs peu sérieux, l’exécution des promesses fut
retardée, et les réparations, plusieurs fois ajournées, le
furent enfin indéfiniment. Le bon vouloir des consuls
s’était traduit par une rente constituée au capital de
670 livres, rente dont les Sœurs, après trois ans d’attente,
n’avaient pas encore bénéficié.
Ce manquement aux promesses faites mettant la Sœur
Barbe de La Moyssie dans l’impossibilité de se loger et
de secourir les pauvres, elle quitta Belvès pour prendre la
direction de l’hôpital de Villefranche. Elle n’y resta pas
longtemps ; elle en sortit bientôt après, cédant aux conseils
de M. de Lasserre, archiprêtre de Moncabrier, que Mgr Le
Blanc lui avait donné pour supérieur. A peine fut-elle
rentrée à Belvès, où elle se retira dans sa maison pater¬
nelle, qu’elle fut fortement sollicitée de prendre la direc¬
tion de l’hôpital, qui consistait en deux chambres, l’une
sur l’autre, et en très mauvais état, sans qu’on y eût fait
la moindre réparation. Sa piété, sa charité pour les mem¬
bres souffrants de Jésus-Christ, son désir de faire une
œuvre agréable à Dieu, tout la pressait intérieurement
d’adhérer aux sollicitations qui lui étaient faites. Elle y
fut encouragée par un honorable habitant de Belvès, le
sieur de Sauret, homme de Dieu, puissant en œuvres et
en paroles. Ce fut lui qui la détermina à se vouer à cette
œuvre de charité. « Il la soutint, soit parla protection dont
» il l’honora pendant sa vie, soit par le don qu’il lui fit
» verbalement d’une maison, ou airial, qui était près du-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 221
» dit hôpital, et de 400 livres qu’il légua en 1739, » époque
sans doute de son décès. Ce même de Sauret disposa en
faveur de la Sœur de la Moyssie, M. de Meyrignac-Debort)
curé de Belvès, qui lui fut très utile par ses encourage¬
ments et ses sages conseils, « et plus tard par ses géné¬
rosités, qui lui valurent le titre de bienfaiteur des pau¬
vres. »
Ainsi qu’on le voit, la Sœur de la Moyssie est ici à la
tête d’une œuvre de régénération qu’elle entreprend avec
les seules ressources que son industrie pourra lui procu¬
rer. Mgr Le Blanc daigna lui donner pour auxiliaire la
Sœur de Vieussens, la Sœur Teyssieu, sa première com¬
pagne, n’ayant pu continuer son concours à l’œuvre.
Reprenons le récit de notre Mémoire :
« La Révolution et les tracasseries, toujours d’accord
» pour s'opposer à l’œuvre de Dieu, ne manquèrent pas de
p se présenter, pour renverser les charitables desseins de
» Sœur Barbe de la Moyssie ; mais bien loin de la rebuter,
» elles ne servirent qu’à l’encourager, et, pour suppléer à
» toutes les espérances dont on l 'avait vainement flattée,
» elle commença par donner 500 livres pour réparer l’hô-
» pital, qu’il fallut pour ainsi dire tout bouleverser. Elle
» décora la chapelle qu’elle munit des vases sacrés et des
» ornements nécessaires pour les Saints-Mystères ; elle
» mit en état l’airial que feu M. de Sauret lui avait légué
» et l’unit à l’hôpital ; elle acheta deux maisons avec deux
» petits jardins, joignant ledit hôpital, pour loger les
» Sœurs, et tout cela à ses frais et dépens. La Sœur de
» Vieussens lui fut d’un grand secours par son activité.
» On l’a vue servir de manœuvre aux maçons, c’est-à-dire
» leur porter la pierre et le mortier ; et si le temporel est
» aujourd’hui (vers 1750) en si bon état, c’est à ses Sœurs
» et à son économie qu’on le doit. En sorte que, tandis
222
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» que les Sœurs de presque tous les hôpitaux sont ordi-
» nairemeut entretenues aux dépens des pauvres, les
» Sœurs de Sainte-Marthe de Belvès sont logées, nourries
» et entretenues des revenus de la Sœur Barbe de la
» Moyssie et du peu que les autres y ont porté, le tout
» étant en commun parmi elles. »
Il arrivait souvent, au contraire, que les pauvres bénéfi¬
ciaient du superflu des Sœurs, provenautde leur économie
ou des privations qu’elles s’imposaient.
« Le fonds de l’hôpital, continue l’auteur du Mémoire ,
» n’étant que de six mille quelques cents livres, le revenu
» suffit à peine pour l’entretien de trois pauvres, et si l’hôpi-
» tal en a recueilli sept à huit pendant les mauvaises
» années, c'était du revenu de la Sœur de la Moyssie et
» de ses compagnes, qu'ils y étaient entretenus. »
Voilà bien les œuvres de Barbe de la Moyssie, de cette
femme vaillante et dévouée que la Providence avait suscitée
pour restaurer l’hôpital de Belvès, ou plutôt pour lui
rendre la vie qu’il semblait avoir perdue en perdant la
dotation que lui faisaient les Archevêques de Bordeaux.
Elle en avait pris la direction en 1730 et le gouvernait
depuis une vingtaine d’années, lorsque, voulant assurer
le bien des pauvres et l’avenir des religieuses qui s’étaient
groupées autour d’elle et la secondaient si bien dans son
œuvre, elle désira obtenir des Lettres patentes qui devaient
donner à l’hôpital et à la communauté religieuse une
existence légale. G’estdans ce but que fut rédigé le Mémoire
qui, jusqu’à ce moment, nous a servi de guide. En voici
les conclusions :
« Le fonds de la demoiselle Barbe de la Moyssie ou celui
» de ses compagnes est estimé douze mille livres, sans y
» comprendre le logement et les meubles. Elle souhaiterait
» obtenir des Let'res patentes pour établir une com-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DH PÉRIGORD. 223
» mùnauté des Filles de Sainte-Marthe dont les fonds et
» revenus présents et à venir, séparés de ceux des pauvres,
» seraient à la disposition des Sœurs qui n’en rendraient
» compte qu’à Mgr l’évêque de Sarlat ou à ses députés, et
» que le syndic de l’hôpital recevant le revenu des pauvres
» en rendrait compte aux administrateurs, en l’absence
» dudit seigneur évêque. Par là, le revenu serait distingué
» l’un de l’autre, et à mesure que les Sœurs se multi-
» plieraient, leur revenu augmentant, elles seraient tou-
•> jours en état de mieux secourir les pauvres, et en plus
» grand nombre.
» Ce qui oblige ladite demoiselle de la Moyssie à deman-
» der des Lettres patentes pour une communauté de Filles
» de Sainte-Marthe, c’est 1° que par le poids des imposi-
.» tious dont on l’accable, elle ne peut secourir les pau-
» vres que très médiocrement et en très petit nombre ;
» 2° parce que son revenu n’étant pas au pouvoir d’un
» syndic et des administrateurs, il sera plus exactement
» conservé, et ne sera pas exposéJt la dissipation, comme
» il n’arrive que trop souvent dans les petits endroits.
» Les Filles de Sainte-Marthe de Périgueux et de Ber-
» gerac sont exemptées de toutes sortes d’impositions et ne
» rendent compte de leur revenu qu’à Mgr de Périgueux
» ou à ses députés. Ainsi voudraient être celles de Belvès,
» et ne dépendre que de Mgr l’évêque de Sarlat ou de ses
» députés.
» Si l’on ne peut pas réussir à obtenir des Lettres
» patentes pour une communauté de Sainte-Marthe, on
» prie les personnes charitables qui voudront bien s’inté-
» resser pour les Sœurs de Belvès, de faire en sorte qu'elles
» soient déchargées de toutes sortes d’impositions.
» Si jamais hôpital n’a été nécessaire, celui de la ville
» de Belvès l’est absolument, puisqu’il est éloigné de tout
224
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» autre hôpital de trois ou quatre lieues, et que la ville et
» la juridiction de Belvès consistant en douze paroisses
» sont pour ainsi dire un pays misérable. »
Ces Lettres patentes furent-elles demandées et accor¬
dées V C’est probable ; bous n’avons aucun document qui
nous permette de l’affirmer. Quoiqu’il en soit, la Sœur de
la Moyssie poursuivit son œuvre avec le même zèle et le
même désintéressement, donnant également ses soins et
aux pauvres de l’hôpital et à ses Filles de Sainte-Marthe,
jusqu’au jour où Dieu l’appela à prendre au ciel la cou¬
ronne qu’elle avait si bien méritée. Elle mourut le
8 septembre 1761. L’hôpital et sa communauté de Sainte-
Marthe se partagèrent sa succession. Son nom devrait être
cher aux pauvres de l’hôpital. Nous ne pouvons croire
qu’ils l'ignorent complètement.
Nous avons pu recueillir les noms d’autres bienfaiteurs
de cet hôpital. Il nous est bien agréable de les inscrire ici
à la suite de celui de la Sœur Barbe de la Moyssie :
1° Le 26 avril 1723, Françoise Royneau, fille du couvent
de la Foi de Belvès, légua par testament la somme de
100 livres aux pauvres de l’hôpital de Belvès.
2° Le 8 novembre 1736, noble François de Comarque
légua par testament 300 livres à l’hôpital de Belvès.
3° Le 17 juin 1741, Jean Murat légua par testament un
capital de 400 livres en rente constituée.
4» Le 13 mars 1748, Jean Delabarde, sieur de Pechjonat,
ancien officier d’infanterie, habitant du lieu de Lagran-
gette, paroisse de Sainte-Foy, donna à M. Jean de Meyri-
gnac-Debort, docteur en théologie, curé dudit Belvès, et,
en cette qualité, syndic-né dudit hôpital, — hôtel-Dieu, —
la somme de 10 livres de revenu annuel, et en rente
constituée au capital de 200 livres.
5° Le 9 avril 1758, Catherine Cluzel , veuve de Jacques
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DD PÉRIGORD. 225
Dalbaii, institue pour son héritière universelle , en faveur
de l’hôpital, la demoiselle Barbe Bonfils de la Moyssie,
fille de Sainte-Marthe, à condition de faire dire pour la
somme de 15 livres des messes de Requiem pouf le repos
de son âme.
Ce n’est pas là sans doute la liste complète des bienfai¬
teurs de l’hôpital de Belvès ; nous aurions voulu pouvoir
la continuer jusqu’à nos jours pour l’édification des géné¬
rations à venir ; nous n’avons pas eu à notre disposition
les documents nécessaires.
Décédée, ainsi que nous l’avons dit, le 8 septembre 1761,
la Sœur Barbe de la Moyssie fut remplacée, comme direc¬
trice de l’hôpital et supérieure de la communauté de
Sainte-Marthe dont elle était la fondatrice, par la sœur
Marie de Yieussens, celle-là même que Mgr Le Blanc lui
avait donnée pour compagne et pour auxiliaire. Un acte
du 13 décembre 1763 nous donne les noms des religieuses
qui composaient alors la communauté : « Marie de Vieus-
» sens, supérieure ; Marie Galateau et Jeanne Issaftief »
Ce jour-là ces trois en recevaient une quatrième, Catherine
Joffre, « pour le service des pauvres, est -il dit ; » ce qui
fait supposer que celle-ci devant s’occuper spécialement
des pauvres, les autres s’employaient à la direction des
écoles qu’elles avaient ouvertes en faveur des jeunes filles
de la classe indigente.
Nos documents s’arrêtent ici et ne reprennent qu’en 1818.
Il y a lieu de supposer que ces mêmes religieuses de
Sainte-Marthe gardèrent la direction de l’hôpital jusqu’à
la grande Révolution, qu’elles en furent alors expulsées et
obligées de chercher un asile dans leurs familles. Furent-
elles victimes de l’orage révolutionnaire? Après le calme
rétabli, se trouvèrent-elles trop âgées ou trop infirmes ?
Nous ne croyons pas qu’aucune d’elles ait repris ses fonc-
15
226
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
tions à l’hôpital. La direction en fut confiée à Marguerite
Hugon, qui l'avait encore en 1818. A cette dernière époque,
sur sa demande motivée, la commission administrative,
comme lé constate une délibération du 3 juillet 1818, lui
retira l’administration de l’hôpital pour la confier à deux
religieuses hospitalières de l’hôpital de Bergerac. Cette
délibération porte :
« 1° L’administration intérieure de l’hôpital de Belvès est
» confiée aux sœurs Margaud et Laroche-Féline, religieu-
» ses hospitalières dépendantes de l’hôpital de Bergerac.
» 2° Pendant leur administration, elles seront nourries,
» éclairées, blanchies et soignées, en maladie comme en
» santé, aux frais de l’hôpital de Belvès. Elles recevront,
» en outre, pour leur entretien, chacune un traitement
» annuel de cent francs.
» 3° Il est voté, en outre, une somme de trente-six francs
» pour les frais de voyage des Sœurs hospitalières de Ber-
» gerac à Belvès.
» 4U Les mêmes conditions seront observées pour les
» religieuses qui succéderont aux Sœurs Margaud et
» Féline. »
C’est à ces conditions que les deux Sœurs dont il est
parlé dans cette délibération prirent possession du petit
hôpital de Belvès. Plus tard, le 20 novembre 1837, inter¬
vint un traité entre la commission administrative et la
mère supérieure de l’hôpital de Bergerac. Ce traité,
approuvé par le ministre de l’intérieur, le 11 mai 1840, ne
fait que reproduire un peu plus au long les dispositions
contenues dans la délibération de la commission ; il règle
quelques-uns des points principaux du service intérieur
de l’établissement ; il rétablit les droits et les charges des
religieuses, mais il ne déroge en rien d’essentiel aux con¬
ditions acceptées de part et d’autre dès le principe.
227
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
C’est sous l’empire de ce traité que l’hôpital de Belvès
a été dirigé jusqu’à ce jour. L’hôpital de Bergerac y a
toujours maintenu les sœurs qui y étaient nécessaires.
Mais, depuis le moment où toutes les communautés dio¬
césaines ont été réunies en une seule congrégation, l’hô¬
pital de Bergerac ne recevant plus de sujets pour les for¬
mer à la vie religieuse, et étant obligé lui-même de puiser
au noviciat général pour ses propres besoins, l’hôpital de
Belvès est tombé naturellement sous la direction de la
Congrégation générale de Sainte-Marthe du Périgord.
Belvès possède aussi une Miséricorde, autre établisse¬
ment de bienfaisance entièrement distinct de l’hôpital,
quoique dirigé par des religieuses de la même Congréga¬
tion de Sainte-Marthe.
Nous devons dire un mot de la fondation de cette Misé¬
ricorde, qui ne date que de 1841. Elle est l’œuvre de la
charité chrétienne unie à la charité sacerdotale.
En 1838, Mlle Serventie donna, par testament, une
somme de 18,000 francs pour fonder dans la ville de Bel¬
vès une maison de Miséricorde ; mais, après sa mort, ses
héritiers naturels attaquèrent son testament, et, par suite
d’un procès qu’ils gagnèrent contre la commune , le legs
pieux de 18,000 francs fut réduit à 13,000.
Trois ans plus tard, en 1841, le vénérable M. Cogniel,
curé de Belvès, achèta, sous-seing privé, la maison desti¬
née à recevoir la nouvelle communauté et fit appel à la
supérieure de la Miséricorde de Bergerac, la mère Dussou-
las, qui envoya trois religieuses de sa communauté et fit
passer sur leur tête par un acte public la maison acquise
par M. le curé. Et dès ce moment, l’œuvre était fondée.
Il n’y eut d'abord à cette Miséricorde que trois religieu¬
ses ; plus tard il y en eut jusqu’à cinq, en y comprenant
la sœur de service. Aujourd’hui, elles sont au nombre de
228 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
six. Elles dirigent un pensionnat, un externat et une école
gratuite, visitent à domicile les malades indigents et leur
portent les secours dont ils ont besoin. Elles sont, en outre,
chargées de la distribution hebdomadaire des fonds du
bureau de bienfaisance qui dépassent mille francs de
revenu en y comprenant le produit des quêtes du diman¬
che à l’église.
Ajoutons, en finissant cette Notice, deux noms à la liste
des bienfaiteurs des pauvres de Belvès.
Nous avons oublié de mentionner à la date du 21 février
1777 le nom du sieur Bonfils-Dumas, qui légua à l’hôpital
une rente constituée au capital de 250 livres et assura un
revenu annuel de 40 livres à la supérieure du même
hôpital.
Le deuxième nom que nous trouvons à la date du
1er août 1821 et que sans doute les habitants de Belvès n’ont
pas oublié, est celui de Marie Laporte, sœur de la Chanté
de Nevers. Voici les clauses de son testament olographe
enregistré à Sarlat le 2 mai 1822 :
« 1° Je donne et lègue à l’hospice de Villefranche quatre
» cents francs payables dans l’année de mon décès.
» 2° Je donne et lègue aux pauvres de la Miséricorde
» de Belvès la somme de cinq cents francs ; ils ne se
» donneront que quand il y aura une Miséricorde bien
» établie.
» 3» Je donne et lègue à l’église de l’hôpital de Belvès, la
» terre que je possède près de la tannerie du sieur Besse,
» au-delà des fontaines, à condition qu’il sera célébré, à
» perpétuité, dans ladite église, au commencement de
» chaque mois, une messe pour le repos de mon âme ou
» de mes parents. Je veux aussi que tous les ans, le jour
» de mon décès, il soit fait un service dans l’église de
» l’hôpital pour le repos de mon âme.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 229
» 4° Je nomme et institue pour mes héritiers universels
» les pauvres de l’hospice de Belvès, à la charge par eux
» de réciter tous les jours un Pater et un Ave pour le
» repos de mon âme, et je nomme pour mes exécuteurs
» testamentaires ma belle-sœur de Villefranche, la respec-
» table sœur Marianne, supérieure de l’hospice, et M. Ga-
» mot, curé de Belvès. »
Ce testament se passe de 'tout commentaire. Il fut, nous
n’en doutons pas, fidèlement exécuté.
Et telles sont les origines, on ne peut plus chrétiennes,
des établissements hospitaliers de Belvès ; et, néanmoins,
nous avons à noter, avec regret, mais sans étonnement,
que les exécuteurs de la nouvelle loi n’ont pas cru devoir
conserver au curé actuel de Belvès une place dans les
commissions administratives de l’hospice et du bureau de
bienfaisance.
XXIV
Hospice du Coderc, à Fouleix.
A un peu plus d’un kilomètre du chef-lieu de la paroisse
de Fouleix et dans un- site aussi agréable que pittoresque
se trouve placé l’hospice du Coderc , ainsi appelé du nom
du lieu de sa fondation. Il se compose d’une belle maison
et des bâtiments d’exploitation, d’un beau jardin et de
deux domaines qui entourent la maison et dont l’ensemble
ne forme avec elle qu’un seul enclos.
Le propriétaire de cet immeuble, M. Jean Malachie
Lafaux, n’ayant pas d’enfants, eut l’heureuse idée de faire
les pauvres ses héritiers et leur donna sa maison pour
asile et ses terres pour leur nourriture et leur entretien.
Nous lisons dans son testament du 17 mars 1842, retenu
par M° Gadaud, notaire à Saint-Mayme, canton de Yergt :
« Le restant de tous mes biens, meubles et immeubles,
» je veux et j’entends qu’ils soient destinés à faire un
» dépôt de mendicité dans lequel seront admis douze pau-
» vres des plus anciens habitants infirmes et des plus âgés
» des communes de Fouleix, Saint-Amand , Saint-Michel
» et Beauregard, étant domiciliés depuis au moins dix ans
» dans les communes ci-dessus désignées ; chacune des
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 231
>' dites communes fournira trois pauvres et aussitôt qu’il
» mourra un ou plusieurs pauvres de ceux qui auront été
» admis dans cet établissement , il sera remplacé par un
» autre de celle des dites communes où il était domicilié
» lors de son admission dans cet établissement ; bien
» entendu qu’il devra être le plus infirme et le plus âgé de
» la commune qu’il habitera.
» Je veux, par conséquent , que tous les revenus des'
» biens meubles et immeubles que je laisserai à l’époque
» de mon décès tournent pour toujours au soulagement
» des pauvres des communes ci-dessus désignées, et je
» recommande aux conseils municipaux des dites quatre
» communes de veiller à l’exécution des présentes, que
» j’institue mes légataires aux charges ci-dessus stipulées.
» Il sera prélevé chaque année, à perpétuité, une somme
» lie trente francs de messes pour le repos de mon âme
» et celle de mes parents prédécédés , et il devra être dit
» chaque année, à l’époque de mon décès, une messe de
» Requiem, le tout dans l’église de Fouleix et aux frais de
» l’établissement. »
Le généreux bienfaiteur étant décédé le 7 avril 1842, son
legs fut approuvé par ordonnance royale du 20 juillet 1845,
et dès lors cet établissement fut reconnu comme hospice
ayant une existence légale.
Il fallut pourvoir à l’administration et à la direction du
nouvel hospice. Le fondateur aurait pu imposer des con¬
ditions quant au choix du personnel religieux ou laïque ;
mais c’était chose si naturelle à cette époque qu’un hos¬
pice fût dirigé par des religieuses, qu’il ne put avoir la
pensée qu’un jour il pourrait en être autrement. Aujour¬
d’hui, l’expérience le rendrait plus prudent. Quant à la
commission administrative, un fondateur aussi chrétien,
aussi pieux que M. Malachie Lafaux ne pouvait pas pré-
232
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
voir que l’élément religieux et catholique pourrait en être
systématiquement exclu. Aussi ne fit-il aucune réserve à
ce sujet.
Cette commission qui devait représenter les quatre
paroisses intéressées à la prospérité de l’oeuvre , fut nom¬
mée par arrêté de M. le préfet, en date du 29 août 1845, et
installée le 24 septembre suivant. Elle se composait de
M. le maire de Fouleix, président ; de MM, Greletty, Louis
Bosviel, Barthélemy Labat, notaire ; Jules Yalicon, curé de
Fouleix ; Etienne Masson , curé de Yergt, et Jean Laveys-
sière, curé de Saint-Amand-de-Vergt. Dans la première
réunion furent nommés M. Masson, vice-président et
M. Labat, secrétaire.
La commission administrative ainsi organisée et instal¬
lée, son premier soin fut de pourvoir à la direction inté¬
rieure de l’établissement, et il fut convenu qu’elle serait
confiée à une congrégation religieuse. Le choix de tous
les membres se porta sur les Sœurs hospitalières du Bourg
de la Madeleine de Bergerac, dites Sœurs de la Miséri¬
corde. Un traité, en date du 19 novembre 1847, fut passé
entre la Supérieure de cette communauté et la commis¬
sion administrative ; il portait les clauses suivantes :
« Entre les membres de la commission administrative
» de l’hospice du Coderc, commune de Fouleix, canton de
« Vergt, arrondissement de Périgueux (Dordogne),
» Et la supérieure des Sœurs de la Miséricorde du fau-
» bourg de la Madeleine de Bergerac, agissant au nom de
sa communauté, a été arrêté et convenu ce qui suit :
» Art. l°r. — La supérieure de la communauté s’engage
» à faire desservir l’hospice du Coderc par deux religieuses
» et une sœur de service ; cette dernière ne devra faire
» partie de l’établissement que dès le moment de l’admis-
» sion des pauvres ;
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGOED. 233
» Art. 2. — Les sœurs seront logées, nourries, chauffées,
» éclairées, blanchies, meublées, aux frais de l’hospice
» qui leur fournira aussi tout le linge nécessaire, à l’ex-
>) ception du linge de corps. Elles recevront, en outre, une
» somme de cinquante francs pour chacune d’elles qui
» leur sera payée par la commission ;
» Art. 3. — Celle qui sera supérieure rendra compte,
» tous les trois mois, de toutes les recettes et dépenses
» qu’elle aura effectuées dans le courant du trimestre, à
» l’exception de la somme donnée pour frais d’entretien,
» de vestiaire et de linge de corps ;
» Art. 4. -- Le nombre des sœurs ne pourra être aug-
» menté ni diminué que par un commun accord entre
» la commission et la supérieure générale de la congréga-
» tion ; cependant, dans le cas d’urgence, tel que la
» maladie de l’une des sœurs, la supérieure pourra alors
» envoyer provisoirement une autre sœur pour donner
» les soins nécessaires ;
» Art. 5. — La sœur supérieure aura la surveillance sur
» tout ce qui se fera dans l’hospice ; elle sera chargée de
» toutes les clefs de la maison ; elle aura le droit de nom-
» mer et de renvoyer les domestiques dont le nombre, fixé
«provisoirement à une fille de service, pourra être aug-
» menté selon les besoins de la maison, et d’un commun
» accord entre la commission et la sœur supérieure ;
» Art. 6. — Lorsque l’âge ou les infirmités mettront une
» sœur hors d’état de continuer ses services, elle pourra
» être conservée dans l’hospice et y être nourrie, chauffée,
» blanchie, éclairée, etc., pourvu qu’elle compte quinze
» années de services dans la maison, à une ou plusieurs
» reprises ; mais elle ne percevra plus la somme allouée
» pour frais de vestiaire à celles qui sont en activité. — Les
» sœurs infirmes seront remplacées par d’autres sœurs
234 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» de la même congrégation, aux mêmes conditions que
» les premières ;
» Art. 7. — Si une des sœurs de l'hospice vient à
» décéder, elle sera enterrée aux frais de l’établissement
» et l’on fera célébrer, pour le repos de son âme, un service
» solennel et deux messes basses ;
» Art. 8. - Il sera dressé à l’entrée des sœurs un inven-
» taire du mobilier qui leur sera confié, et, chaque année,
» il sera procédé au renouvellement de cet inventaire;
» Art. 9 . — Les sœurs restent libres de tenir une école
» de filles, dont elles affecteront le produit au profit de
» l’établissement et de la manière qu’elles l’entendront.
» Cependant, dans le cas où les cinquante francs mention-
» nés à l’article 2 ne suffiraient pas à leurs besoins person-
» nels, elles pourraient prendre le complément sur le
» produit delaclasse ; l’une et l’autre de ces deux dispo-
» sitions est laissée à leur conscience. »
Ce traité accusait dans les deux parties contractantes
un même désir du bien, une estime et une confiance
réciproques. On ne pouvait établir sur de meilleures bases
le nouvel édifice.
Ce fut en vertu de ce traité que deux religieuses et une
sœur converse de la Miséricorde du faubourg de la' Made¬
leine de Bergerac prirent possession de l’hospice de
Fouleix. Toutefois, elles n’y reçurent les pauvres que
quatre ans plus tard, en 1851. Dès les premiers jours, elles
ouvrirent une classe payante et une classe gratuite pour
les jeunes filles indigentes, et ne tardèrent pas à se
concilier l’estime et l’affection de tous.
Grâce à leur sage économie et à un legs de cinq cents
francs fait par Mme de Lamarcaudie de St-Michel, la
commission administrative put, en peu d’années, faire
d'importantes réparations et dégrever l’hospice de plu-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 235
sieurs charges qui pesaient sur lui par suite du testament,
du fondateur. G’est ainsi qu’elle désintéressa les héritiers
naturels de M. Lafaux, et qu’elle acquitta des dettes ou
des legs pour une somme de 19,000 fr., sans être obligée
d’aliéner aucune partie des immeubles. Aujourd’hui
les revenus de cet hospice se composent du produit
de deux domaines d’une valeur vénable d’environ 45,000
francs et de 3,000 francs de rente sur l’Etat. Ce qui prouve
sa prospérité et qu’il peut largement remplir les obliga¬
tions, imposées par le fondateur, au sujet de la nourriture
et de l’entretien de douze pauvres.
Ces mêmes religieuses, devenues sœurs de Sainte-
Marthe par leur union à la congrégation générale de ce
nom, continuèrent à diriger cet hospice du Coderc, à la
grande satisfaction de tous, jusqu’en 1871. A cette dernière
époque, la supérieure générale, peut-être sans motifs
assez sérieux, crut devoir abandonner cet établissement
et rappela à la maison-mère les trois religieuses qui le
dirigeaient.
Pour les remplacer la commission administrative s’adres¬
sa à la communauté de 8te-Marie-de-Torfou qui envoya
les religieuses nécessaires pour continuer l’œuvre de
charité auprès des pauvres infirmes, d’après, les pieuses
intentions du fondateur. Un traité, le même qui avait eu
lieu pour les sœurs de Sainte-Marthe, fut passé le 29
octobre 1871, entre la commission et la supérieure générale
de Sa inte-Marie-de-Torfou.
Les nouvelles religieuses se livrèrent à leur emploi de
charité avec tout le zèle et tout le dévouement qu’on
pouvait désirer. Rien ne fut changé quant au bien-être
des pauvres, parce que le même esprit de Dieu animait
celles qui se disaient, comme leurs devancières, très-
humbles et très-honorées servantes des pauvres.
236 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
Ces religieuses ont dirigé pendant huit ans l’hospice du
Goderc et les écoles qui y sont annexées. Pendant ce
temps, deux sont mortes à l’œuvre. L’administration leur
a-t-elle tenu compte de leur abnégation , de leurs
souffrances?
En 1879, il fallut remplacer comme institutrice commu¬
nale la sœur qui venait de mourir, et le conseil municipal,
dans sa délibération du 14 décembre, vota en faveur
d’une institutrice laïque, et peu de mois après, la com¬
mission administrative, entièrement renouvelée dans le
sens laïque de la loi du 5 août 1879, vint enchérir sur la
décision municipale. Elle prit une délibération contre les
religieuses de l’hospice , leur enjoignant de céder leur
place à des infirmières laïques.
Elles avaient fait, sans observation aucune, le sacrifice de
l’école communale. Mais le sacrifice de leurs chers pauvres
pour lesquels elles auraient donné leur vie, ce sacri¬
fice, elles firent les instances les plus vives comme les plus
légitimes pour le conjurer. Tout fut inutile, elles durent
se retirer.
Ceci avait lieu au mois de mars 1880.
Aujourd'hui, deux séculières occupent l’hospice du Go¬
derc, l’une en qualité d’institutrice et l’autre en qualité
d’infirmière. Les pauvres s’en trouvent-ils mieux ? Nous
le demandons aux nouveaux administrateurs. Croient- ils
avoir amélioré le sort des pauvres ? Croient-ils remplir par
ce laïcisme les intentions du pieux et généreux fondateur ?
M. Malachie Lafaux avait fait, pendant sa vie, de sa mai¬
son du Goderc une maison patriarcale (le mot nous a été
donné) ; il voulut en faire après sa mort une maison reli¬
gieuse, l’asile de la prière et de la souffrance ; en un mot,
il voulut en faire un Hôtel-Dieu. Qu'est-elle aujourd’hui ?
Que sera-t-elle demain ?
XXV
Asile catholique de vieillards à Port-Ste-Foy.
Cet établissement hospitalier ne date que d’hier ; mais
il est venu à son heure, à l’heure que la Providence lui
avait marquée. Il est l’œuvre de la charité chrétienne, sti¬
mulée et dirigée par la charité sacerdotale.
Nous devons dire d’abord comment les voies lui avaient
été préparées.
La petite paroisse du Canet, située dans la plaine et sur
la rive droite de la Dordogne, en aval de la ville de Sainte-
Foy (Gironde), se composait autrefois des deux communes
du Canet et de Saint-Avit-du-Tizac, formant une popula¬
tion d’environ 550 habitants.
En face de la ville de Sainte-Foy et sur le coteau, on
voit l’église de Larouquette dont la population est à peine
de 500 âmes. Ces trois communes : Le Canet, Saint- Avit et
Larouquette, venaient aboutir à Port-Sainte-Foy dont elles
se partageaient la population par portions à peu près
égales.
Depuis 1858 , ces trois communes n’en forment qu’une
seule sous le nom de Port-Sainte- Foy ; elles forment,
238 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
néanmoins, encore deux paroisses : Port-Sainte-Foy et
Larouquette.
Cette partie du diocèse de Périgueux était , depuis bien
des années, fortement travaillée par le protestantisme qui
semblait gagner chaque jour du terrain et augmenter son
influence par les établissements qu’il fondait. Il fallait
opposer une digue au torrent envahisseur.
En 1851, M. l’abbé Mariaud, vicaire de Belvès, prêtre à
l’âme ardente, à la parole populaire et entraînante, au zèle
infatigable, et ne reculant devant aucune difficulté, fut
nommé curé du Canet et de Larouquette. En l’envoyant,
Mgr George lui avait dit : « Allez, soyez missionnaire de
» tout ce pays. »
Gomme le chef-lieu de la paroisse du Ganet n’avait
qu’une église en ruine, le nouveau curé fixa sa résidence
à Port- Sainte-Foy, sur la partie du territoire dépendant du
Ganet. Il y fit l'acquisition d’une grange qui lui servit
d’église en attendant, ce qui, grâce à son zèle, fut l’œuvre
de quelques années seulement, qu’il eût bâti la jolie petite
église gothique qui fait aujourd’hui le plus bel ornement
de cette localité.
Persuadé que le meilleur moyen d’arrêter les envahis¬
sements du protestantisme, était de s’emparer de la jeu¬
nesse, par une éducation solidement chrétienne, et comme
son zèle pouvait embrasser et conduire plusieurs œuvres
à la fois, dès son arrivée dans ce pays, M. l’abbé Mariaud
conçut le projet de fonder une petite communauté de reli¬
gieuses spécialement chargées de l’éducation des jeunes
filles. Dans ce but , il loua une maison , et, après l’avoir
appropriée et pourvue du mobilier nécessaire, il s’adressa
à la supérieure de la Miséricorde du Bourg de la Made¬
leine, à Bergerac, pour avoir deux sœurs de sa congréga¬
tion. Désirant seconder un zèle si louable, la supérieure
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 239
adhéra immédiatement à la demande qui lui était faite, et
envoya à Port-Sainte-Foy deux religieuses , qui y furent
installées le 2 novembre 1852. L’année suivante, une troi¬
sième fut jugée nécessaire et envoyée.
Quelles furent les bases et les garanties de cette fonda¬
tion ? Il y eut entre la supérieure de la Miséricorde et
M. l’abbé Mariaud un traité de confiance ; rien ne fut écrit.
Les Sœurs devaient trouver dans leur industrie et le pro¬
duit des classes ce qui leur serait nécessaire pour la nour¬
riture et l’entretien, et, si ces ressources étaient insuffi¬
santes , M. Mariaud devait y suppléer. Les deux parties
contractantes avaient élevé leur âme à Dieu et l’avaient
prié de bénir l’œuvre de sa droite ; cela leur suffisait.
Quatre ans plus tard, en 1856, M. Mariaud quittait Port-
Sainte-Foy et le diocèse de Périgueux ; la Providence
l’appelait ailleurs. Il entra dans l’Institut des Capucins.
Son successeur, M. l’abbé Cabanel, en prenant possession
de sa nouvelle paroisse , y trouvait les voies bien prépa¬
rées : une belle église et une communauté déjà florissante,
mais établie dans un local qui ne lui appartenait pas. Il
était réservé au nouveau curé de mettre ces religieuse s,
ces puissantes auxiliaires , à l’abri des inconvénients qui
résultent d’une maison à loyer. Il ne tarda pas à mettre la
main à l’œuvre et, en 1862, les Sœurs étaient installées
dans une nouvelle maison qui devenait leur propriété,
bâtie sur un plan très convenable et sur le restant du
terrain qui avait été acheté pour la construction de
l’église.
En 1871, M. l’abbé Cabanel fut nommé à la cure de
Saussignac, où il vient de mourir, trop tôt ravi à l’affection
de ses paroissiens, de ses confrères, et aux besoins du
diocèse. Il fut remplacé à Port-Sainte-Foy par M. l’abbé
Caminade, bien préparé pour continuer les œuvres de ses
240
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
deux prédécesseurs. Héritier de ces œuvres, il ne tarda
pas à s’apercevoir qui leur devait un complément, la fon¬
dation d’un Asile catholique ou hospice pour les vieil¬
lards.
Depuis longtemps, les personnes qui ont à cœur la gloire
de Dieu et le salut des âmes, appelaient de tous leurs
vœux cette fondation. Cette contrée, si riche en établis¬
sements hospitaliers protestants, n'avait pas un seul Asile
catholique. Les vieillards pauvres allaient, pour la plu¬
part, mourir dans l’apostasie, le prêtre n’ayant pas le
droit d’entrer dans les asiles protestants, pour y exercer
les fonctions de son ministère. Quel déchirement pour le
cœur paternel du prêtre, pour l’âme du pasteur i
Il fallait donc recueillir les vieillards catholiques,
pauvres et délaissés ; les loger, les nourrir, leur procurer
les consolations de la religion, les soustraire à toute
influence hostile à leur foi, leur ménager surtout une ûn
chrétienne et catholique. Telle était l’œuvre qui s’imposait
au zèle et à la piété de M. l’abbé Caminade. Il l’entreprit
avec confiance, comptant sur l’aide de Dieu qui ne lui fit
pas défaut. Dès que son projet fut connu, une vaste
maison, ayant cour et jardin, lui fut offerte. Il y appela
trois soeurs de Sainte-Marthe pour commencer et diriger
l’œuvre qu’il nommait avec raison : Œuvre de défense
et de •préservation de la foi catholique.
Pour seconder cette œuvre naissante, l’aider de ses
lumières, la protéger auprès des âmes généreuses, la
soutenir par ses offrandes, un Comité catholique , ayant
à sa tête les noms les plus honorables de la contrée, fut
spontanément organisé. Chaque membre de ce comité
se constitua quêteur pour recueillir des offrandes et des
souscriptions.
Cet asile catholique n’est en plein exercice que depuis
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 241
deux ans ; il abrite aujourd’hui vingt-quatre vieillards
catholiques; bientôt il pourra en contenir cinquante.
Ajoutons qu’il répond admirablement aux vœux de tous,
sous la direction intelligente et dévouée des sœurs de
Sainte-Marthe, et sous le haut patronage du Comité catho¬
lique qui lui continue tout son dévouement.
Nous croyons devoir faire connaître ici les membres de
ce Comité ; ils ne sont pas les fondateurs de l’œuvre , ils
ont aidé puissamment à la fonder ; la reconnaissance de
tous leur est due. C’étaient :
MM. de Labarde, président,
Thirion-Montauban, premier vice-président,
de Nathan, cons. gén. deuxième —
Le vicomte Jehan de Callières, 1er secrétaire,
Raoul Doussaültde Laprimaudière, 2m0 secrétaire;
Dumoulin, notaire à Port-Sainte-Foy, 3m0 secrétaire,
Guimberteau, 4“e secrétaire,
Villaud, médecin,
Le Curé de Port-Sainte-Foy, aumônier,
Faucher, banquier à Sainte-Foy,
Sauvariaud , négociant à Sainte-Foy,
Baby fils, négociant à Sainte-Foy,
Morange, au Fleix,
Le comte de Callières, père,
Lacoste, curé-doyen de Yélines, membre,
Les Curés du canton de Yélines, membres,
Laville, curé-doyen de Villefranche, membre,
Bouchereau , propriétaire à Port-Sainte-Foy,
De Josselin , — —
Siver, — —
Loubradou, — —
Rivière, à Saint-Antoine,
Eyraud du Pont, à Saint-Antoine,
L. Molinet, à Saint-Méard,
Léon Buisson, à Saint-Méard,
16
242 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
Louis Molinier, à Vélines,
Villaud, à Montazeau,
Jaubert, à Montazeau,
Rivière fils, à Saint- Antoine.
Ce Comité fonctionne toujours : on peut adresser à
chacun de ses membres les offrandes et les souscriptions.
Nous devons le dire en finissant : En publiant cette
notice, nous contrarions un peu les désirs de M. le curé
de Port-Ste-Foy. Il nous écrivait le 15 septembre dernier,
en réponse à notre demande de quelques renseignements :
« Monsieur et vénéré doyen,
» Je voulais vous adresser une petite notice sur l’origine
» de notre asile catholique de vieillards. J’eusse été tout
» heureux de répondre ainsi à votre gracieuse demande ;
» mais une origine trop récente, la modestie de nos bien-
» faiteurs qui n’a d’égale que leur générosité , des espé-
» rances non encore réalisées et aussi des détails par trop
» personnels , nous mettent dans l’obligation de cacher
» encore à la publicité ce que l’œil de Dieu a- bien voulu
» voir et bénir.
» Merci donc mille fois , monsieur et vénéré doyen , de
» la gracieuse attention que vous avez eue de vouloir
» signaler notre œuvre dans l’admirable récit que' vous
» faites des origines chrétiennes des établissements de
» bienfaisance du Périgord. »
Nos lecteurs nous saurons gré de n’avoir pas eu en trop
grand respect l'humilité et la modestie de notre cher con¬
frère. Si lui-même exigeait de nous une excuse , nous la
trouverions dans ces paroles de l’ange Raphaël à Tobie :
« Il y a de l’honneur à découvrir et à publier les œuvres
» de Dieu. »
XXVI
Hôpital de Sainte-Alvère.
La petite ville de Sainte-Alvère , chef- lieu de canton,
dans l’arrondissement de Bergerac , est redevable de son
hôpital à la charité généreuse de son digne curé, M. l’abbé
Eugène de Lachapelle.
Ce vénérable prêtre, dont les oeuvre^ dispensent de faire
l’éloge, ayant recueilli un riche patrimoine, voulut en con¬
sacrer une grande partie aux besoins des pauvres de sa
paroisse , et dans ce but il conçut la fondation d’un éta¬
blissement où pourraient être recueillis et soignés les
pauvres, malades ou infirmes, et dans lequel les petites
filles de la classe indigente recevraient gratuitement une
instruction convenable. Ayant donc acheté de M. Biran-
Archez, heureux de favoriser cette œuvre, un vaste ter¬
rain , à proximité de la ville, il y fit bâtir le gracieux et gran¬
diose édifice qu’on y admire aujourd’hui , bien approprié
à sa destination. La bénédiction et l’inauguration, avec la
consécration de la chapelle, en furent faites le 8 octo¬
bre 1868, par Mgr Dabert, l’éminent évêque de Périgueux.
Ce fut, ce jour-là, pour Sainte-Alvère, une de ces fêtes
qu’on ne trouve pas toujours dans la vie d’un homme et
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
qui ne sont jamais oubliées de ceux qui les ont vues. Elle
avait attiré un grand concours de prêtres et de fidèles de
tous les environs. Il est vrai que M. l’abbé de Lachapelle,
bien secondé par tous les habitants du lieu, n’avait rien
négligé pour donner à cette solennité toute la pompe et
l’éclat qu’elle méritait. C’était la fête, — nous lui consa¬
crerons ici le nom que, dans une allocution à la fois
ardente et émue, lui donna Sa Grandeur, — c’était la fête
de la charité pastorale , et chacun voulut contribuer à sa
splendeur (1).
Souvent Dieu nous donne , dès cette vie , du bien que
nous faisons une récompense anticipée sur celle du ciel ;
la récompense de M. l’abbé de Lachapelle fut alors, non
dans la distinction honorifique et bien méritée dont il fut
l’objet de la part de son évêque (2), mais bien dans les
indicibles jouissances de son cœur; celles-là venaient
du ciel et faisaient de ce jour le plus beau de sa vie sacer¬
dotale.
Peu de jours avant cette splendide solennité, trois reli¬
gieuses^ Sainte-Marthe de Périgueux avaient pris posses¬
sion de l’établissement, en vertu d’un acte du 25 juillet
précédent,- passé entre Mme la supérieure générale de
cette congrégation et M. l’abbé de Lachapelle. En voici les
clauses principales :
« Entre M. Eugène de Lachapelle, curé-doyen de Sainte-
» Alvère d’une part ; et dame Marie Gonthier du Soûlas,
» supérieure générale de la congrégation des sœurs de
(1) Le regret que nous eûmes alors de ne pouvoir répondre à l’invitation
de notre cher confrère est renouvelé et augmenté aujourd’hui que nous
incombe le devoir d’écrire cette notice.
(2) Ce jour-là , Monseigneur nomma, du haut de la chaire , M. l’abbé
de Lachapelle chanoine honoraire de la Cathédrale.
DES HÔPITAUX, HOSPiCES, ETC., DU PÉRIGORD. 245
» Sainte-Marthe de Périgueux, d’autre part, a été dit,
» arrêté et convenu ce qui suit :
» 1° M. de Lachapelle , voulant fonder dans le chef-lieu
» de la paroisse de Sainte-Alvère un établissement de
» bienfaisance, en faveur des pauvres, des malades et des
» petites filles de la classe indigente, a fait , dans ce but,
» l’acquisition d’un terrain sur lequel il a fait construire
» un édifice bien approprié à sa destination. '
» 2° Voulant donner à cet établissement une existence
«légale, pour en assurer l’avenir, M. de Lachapelle se
» propose d’en faire donation à la congrégation de Sainte-
« Marthe , et de soumettre cette donation à l’approbation
» du gouvernement.
» 3° En attendant, M. de Lachapelle, désirant commen-
» cer son œuvre sans retard, Mme du Soûlas lui a promis
» de lui envoyer, aux vacances prochaines, trois religieu-
» ses de son ordre , pour la classe et le soin des malades.
» 4° Mme du Soûlas s’est engagée, en outre, à augmen-
» ter le nombre des religieuses , lorsque les besoins de
» l’établissement l’exigeront.
» 5" M. de Lachapelle s’engage, de son côté, à donner
» annuellement une somme de quatre cents francs , pour
» frais de nourriture , de vestiaire et autres besoins , pour
» chacune des sœurs qui seront envoyées dans l’établisse-
» ment de Sainte-Alvère.
» 6 » De plus, sans en prendre l’engagement, il manifeste
» son intention, acceptée par Mme du Soûlas , de déposer
» entre les mains de la congrégation de Sainte- Marthe, le
» capital nécessaire pour créer un revenu suffisant et qui
» puisse remplacer le traitement qu’il assure aux sœurs,
» dans ce moment.
» 7° En attendant que M. de Lachapelle puisse doter
» l’établissement de Sainte-Marthe de quelques revenus,
246
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» il prend l’engagement de payer toutes les dépenses que
» pourront occasionner les pauvres ou les malades qu’il y
» fera entrer pour y être soignés : les sœurs tiendront un
» compte exact de ces dépenses, et ce compte sera acquitté
» tous les trois mois.
» 8° Les sœurs seront libres d’avoir une classe payante,
» sans'être obligées de rendre compte des produits de
» cette classe, non plus que de celui de l’enclos.
» 9° La maison sera livrée aux sœurs pourvue de tout le
» mobilier nécessaire, des ustensiles de ménage et de tout
» le gros linge. Un inventaire de ce mobilier sera dressé à
» leur prise de possession, et une copie sera déposée entre
» les mains de M. de Lachapelle.
» Sainte-Alvère le 25 juillet 1868 — signés E. de
» Lachapelle, curé" de Sainte-Alvère, sœur Anne Marie
» Gonthier du Soûlas, supérieure générale. »
Conformément au n° 2 de cet acte, le 8 septembre
suivant, M. l’abbé de Lachapelle fit la donation de la
maison et de ses dépendances par un acte public devant
M® Pierre-Justin Larobertie, notaire à Sainte-Alvère. En
voici les dispositions principales :
« Acomparu, M. E. de Lachapelle.curé-doyen de Sainte-
» Alvère où il demeure au chef-lieu, lequel a, par ces
» présentes, fait donation entre vifs et irrévocable, à la con-
» grégation religieuse, hospitalière et enseignante de
» l’ordre.de Sainte-Marthe de Périgueux, dont la Maison-
» Mère est approuvée par un décret impérial du 8 novem-
» bre 1852, d’un terrain [situé au lieu dit Le Sabatier ,
» commune de Sainte-Alvère , et dans lequel a été bâtie
» une maison, composée d’un sous-sol, d’un rez-de-chaus-
» sée et d’un premier étage .
» Cette donation est faite aux conditions suivantes :
247
DES HÔPITAUX, HOSPTCES, ETC., DU PÉRIGORD.
» 1° Ladite congrégation de Sainte-Marthe devra con-
» sacrer les immeubles qui font l’objet des présentes à
» rétablissement d’une maison de son ordre et dirigée
» d’après ses statuts et règlements.
» 2° Elle devra entretenir constamment dans cette
» maison un nombre suffisant de sœurs, qui seront char-
» gées d’instruire gratuitement les petites filles pauvres de
» la paroisse et de soigner les malades qui leur seront
» confiés, et ceux qui réclameront leurs soins, à leurs
» domiciles respectifs.
» 3° La direction de cette maison ne pourra, sous aucun
» prétexte, être ôtée aux dames religieuses de Sainte-
» Marthe ; toutefois si cette congrégation, par des circons-
» tances dépendantes ou indépendantes de sa volonté, ne
» pouvait ou ne voulait plus conserver la direction de cet
» établissement, Monseigneur l’évêque de Périgueux et de
» Sarlat aurait seul le droit d’y établir un autre ordre de
» religieuses hospitalières et enseignantes, dans le plus
» bref délai. »
Pour donner à cet acte toute sa valeur et à l’établisse¬
ment qu’il fondait une existence légale , il fallait l’appro¬
bation du gouvernement. Elle fut accordée par décret
impérial du 16 mai 1870.
Toutefois, M. l’abbé de Lachapelle ne voulut pas atten¬
dre cette approbation pour donner suite à l’intention
exprimée dans le traité, passé avec la supérieure générale,
de créer un capital dont le revenu suffirait aux besoins
des trois religieuses, et remplacerait le traitement provi¬
soire qu’il leur avait assuré. Dans ce but , le 25 mai 1869,
il versa entre les mains de la Mère du Soûlas , supérieure
générale de la congrégation, une première somme de vingt
mille francs, et, le 12 du mois d’août suivant, la somme
de dix mille francs , complétant le capital de trente mille
248 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
francs, dont le revenu doit être affecté par la Maison-Mère
de Sainte-Marthe, aux besoins des trois soeurs chargées de
la direction de l’hospice de Sainte-Alvère.
De ce moment, M. de Lachapelle se trouva déchargé de
toute obligation à l’égard du traitement des trois sœurs.
Ainsi l’avenir des religieuses est assuré , celui des pau¬
vres l’est aussi, nous n’en doutons pas, par les mesures de
prévoyance prises déjà par le généreux fondateur.
Et désormais , le vénérable doyen de Sainte-Alvère,
devant cette œuvre qui perpétuera sa mémoire bénie, peut
attendre avec confiance , dans une vieillesse honorée, que
le souverain Maître lui dise :« J’ai eu faim, et vous m’avez
» donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à
» boire ; j’étais sans logement et vous m'avez logé ; j’ai été
» nu et vous m’avez revêtu ; j’ai été malade et vous m’avez
» visité . Serviteur bon et fidèle , entrez dans la joie de
» votre Seigneur. »
XXVII
Hôpital de Vanxains.
La charité catholique ayant son foyer dans le cœur de
Jésus, ne se refroidit pas, ne s’épuise pas ; elle est et sera
toujours féconde. De nos jours , comme dans les temps
passés, personnifiée dans les âmes qu’elle inspire, elle va,
à l’exemple du divin Maître, instruisant le pauvre, soula¬
geant ses langueurs et ses infirmités , créant partout des
asiles pour y recueillir toutes les misères et toutes les
maladies. Sous son efficace influence, il n’est pas de loca¬
lité, un peu importante, qui ne veuille avoir son hospice,
pour y abriter ses indigents et les y soigner.
■ Nous avons, en Périgord, quelques établissements de ce
genre en préparation ; (il en est même qu’on peut consi¬
dérer comme déjà fondés, quoiqu’ils ne fonctionnent pas
encore.) Nous leur devons une place dans notre statisti¬
que. Leurs origines, pour être récentes , n’en sont pas
moins chrétiennes ; elles offrent même , plus rapprochées
de nous, un exemple plus efficace. Tel est Thospice de
Vanxains , dans le canton de Ribérac , dont nous allons
parler ; nos lecteurs en seront édifiés.
L’initiative de sa fondation est due à M. Romain Léo-
250
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
nardon, originaire de Vanxains , docteur en médecine,
décédé daus la Vendée , à Fontenay-le-Gomte , le 29 avril
1856. Par son testament olographe du 14 janvier 1854, ce
généreux chrétien , chargeait M. Baptiste Léonardon ,
notaire à Vanxains, son frère et son héritier, « d’employer
» la somme de dix mille francs, dans l’année de son décès,
» à acquérir dans le bourg de Vanxains une maison, ou
» d’en faire bâtir une destinée , à perpétuité , à une école
» de filles, dont la direction serait confiée à des religieuses ;
» faisant à cet effet à la commune de Vanxains tous dons
» et legs nécessaires. L’acquisition ou la construction sera
» faite de concert entre Baptiste et Placide Léonardon et
» Claire Léonardon, mes frères et sœur, au profit de ladite
» commune de Vanxains, sans, toutefois, que les adminis-
» trateurs de ladite commune puissent intervenir autre-
» ment que pour payer les frais que cette opération néces-
» sitera. »
Il ajoutait : « Je désire , avec prière à mes sœurs de se
» prêter à l’accomplissement de ce désir , sans l’exiger
» néanmoins, que cet établissement ait lieu sur leur pro-
» priété de Vanxains, longeant la rue de l’église au cime-
» tière. Je forme le vœu que cet établissement prenne, par
» les sacrifices de la commune et les libéralités des parti-
» culiers, assez d’extension, pour offrir, à la fois, du sou-
» lagement aux indigents malades de cette commune, et
» une éducation religieuse , catholique , apostolique et
» romaine, aux enfants du sexe féminin. »
Dans un second testament , en date du 2 mai 1854,
M. Romain Léonardon s’exprimait ainsi : « Je maintiens
» le legs que j’ai fait en faveur d’un établissement de reli-
» gieuses à Vanxains, et dont le testament est entre les
» mains de mon frère Placide, juge de paix à Ribérac. Je
» donne pour le même établissement et pour l’aider à
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 251
» s’entretenir, la moitié de la métairie que je possède au
» village de Ghez-Périer , dite commune de Yanxains, en
» maintenant pour ce présent legs toutes les conditions
» que j’ai établies dans le legs que j’ai fait en faveur dudit
» établissement, et dont le titre est entre les mains de
» mon frère de Ribérac.
» Je donne à mes trois sœurs la jouissance de ma moitié
» de la métairie de Chez-Périer , et dont l’autre moitié
v leur appartient, en les engageant de faire de leur moitié
» de métairie ce que je fais de celle qui est à moi, c’est-à-
» dire d’en disposer en faveur de l’établissement religieux
» dont il est question.
» Je veux aussi que mon dit frère Baptiste paye les
» droits d’enregistrement de tous les legs que j’ai faits
» ci-dessus et d’autre part. »
Tous ces legs étaient faits au profit de la commune, et
c’est la commune qui fut autorisée à les accepter après la
mort du généreux testateur.
M. Romain Léonardon mourut le 29 avril 1856 , à Fon-
tenay-le- Comte, et les exécuteurs testamentaires s’em¬
pressèrent de se conformer à ses dernières volontés. La
maison fut bâtie par eux, sans aucun concours de la com¬
mune, comme le premier testament les y autorisait, et
son emplacement fut pris sur la propriété des demoiselles
Léonardon. Lorsqu’elle fut en état de recevoir les religieu¬
ses, en novembre 1862, le conseil municipal, réuni sous
la présidence du maire, M. Léonardon, après avoir « cons-
» taté que les volontés de M. Romain Léonardon, bienfai-
» leur de son pays natal , avaient été réalisées par ses
» exécuteurs testamentaires, émit l’avis, à l’unanimité des
«membres présents, parmi lesquels M. Baptiste Léonar-
» don, frère du donateur, de confier la direction de l’école
» communale de filles de Yanxains , aux religieuses de
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
252
» Sainte-Marthe de Périgueux, et de mettre à leur disposi-
» tion le local construit par les exécuteurs testamentaires
» de M. Romain Léonardon. »
Cette délibération fut suivie d’un traité passé entre M.le
maire de Yanxains et Mmo du Soûlas, supérieure générale
de la congrégation de Sainte-Marthe, et trois religieuses
prirent la direction de l’école communale et furent instal¬
lées dans la maison nouvellement construite, qu’elles
occupent encore aujourd’hui, et dont le laïcisme ne peut
les priver.
Nous devons dire, cependant, que quelques difficultés
avaient semblé s’opposer à l’établissement immédiat des
religieuses. Dans le traité, dont nous venons de parler,
il avait été reconnu qu'une somme de mille francs était
nécessaire pour pourvoir aux besoins de trois religieuses
et d’une fille de service, et stipulé par Mme du Soûlas que,
si le produit de l’école et les autres ressources mises à sa
disposition ne s'élevaient pas à ce chiffre, elle pourrait
abandonner l’établissement et retirer ses religieuses. M.
le maire prenait bien l’engagememt, le cas échéant, de
combler le déficit, soit par un vote du conseil municipal,
soit par une souscription volontaire, soit par tout autre
moyen qui lui paraîtrait convenable, mais il n’y avait là
rien de bien positif, de bien rassurant pour l’avenir et la
stabilité de l’œuvre.
Le traité n’était qu’arrêté en principe et non encore
signé par les parties contractantes, lorsque, témoin de
certaines- hésitations, intervint M. Lavergne, alors curé
de Yanxains, aujourd’hui curé-archiprêtre de Nontron,
homme à trancher vite une difficulté lorsqu’il ne faut que
s’imposer un sacrifice. Pressé d’ouvrir un établissement qui
devait faire un grand bien dans sa paroisse, il se rendit
personnellement responsable de toutes les clauses et con-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉBIGOBD. 253
ditions du traité. Et lorsqu’il fallut pourvoir la maison du
mobilier nécessaire, laissé à la charge de la commune, il
n’hésita pas à démeubler une partie de son presbytère.
Ajoutons qu’on n’a pas oublié que, pendant son séjour à
Vanxains, les religieuses ont reçu de . lui, annuellement,
une généreuse subvention.
Rappelons que le désir de M. Romain Léonardon était
que l’établissement dont il se faisait le fondateur, prît
assez d’extension pour donner aux pauvres malades de la
commune des soins et un asile. Pour préparer la réalisa¬
tion de ce louable désir et avoir un petit hospice dans un
avenir plus ou moins éloigné, un échange eut lieu entre
la commune et les demoiselles Léonardon, sœurs de
M. Romain et ses co-propriétaires de la métairie de Chez-
Périer. La commune céda la moitié de cette métairie aux
demoiselles Léonardon, et celles-ci cédèrent à la com¬
mune leur maison de Vanxains avec son vaste jardin, le
tout attenant à la communauté nouvellement bâtie.
Quelques dons ont déjà été faits pour favoriser la fon¬
dation du petit hospice, mais ils sont encore insuffisants.
Ainsi madame Lataille, de Seneuil, paroisse de Vanxains,
a laissé dans ce but une somme de mille francs, dont le
revenu est, d’ailleurs, employé à secourir les indigents. —
Mlle Glaire Léonardon a laissé deux mille francs, sa sœur,
Mlle Suzette, et son frère, M. Placide Léonardon, juge de
paix et conseiller général de Ribérac, ont laissé chacun
en mourant cinq cents francs. Mais ces trois derniers legs
ne seront payés que lorsque l’hospice fonctionnera.
Nous avons eu raison de le dire, l’hospice de Vanxains
est fondé. Encore quelques efforts de la charité chrétienne
et il ouvrira ses portes aux malheureux. En attendant, les
dignes filles de Sainte-Marthe les visitent à domicile et
leur distribuent les ressources dont elles peuvent disposer.
254 LES ORIGINES CHRÉTIENNES ETC., DU PÉRIGORD.
Elles ont trouvé le moyen, grâce à des dons particuliers
qu’elles ont reçus, et à leur pieuse iudustrie, de créer et
d’entretenir une petite pharmacie gratuite pour les indi¬
gents, et de leur distribuer chaque année des objets de
première nécessité pour une valeur de deux cents francs.
Puissent ces lignes, tombant sous les yeux de quelque per¬
sonne généreuse, lui inspirer une bonne pensée en faveur
du petit hospice.
Yanxains possède aussi un bureau de bienfaisance,
dont les mêmes religieuses distribuent les revenus aux
pauvres, et qui a su conserver dans son administration le
curé de la paroisse.
XXVIII
Hospice d’Agonac.
C’est encore ici un hospice en préparation ; les fonde¬
ments en sont jetés, et il ne tardera pas à s’ouvrir aux
malheureux. 11 a pour fondatrice Mlle Amélie Bayle de
Pérignac, aujourd’hui sœur Marie-Elisabeth, du monas¬
tère de la Visitation, à Toulouse.
Mlle Amélie Bayle, douée d’une grande piété et d’une
rare vertu, se voyant seule après avoir perdu son père et
sa mère, voulut suivre l’attrait qu’elle éprouvait depuis
ses plus jeunes années pour la vie religieuse, et fit choix
du monastère de la Visitation de Toulouse. Avant d’y
prononcer ses vœux elle voulut régler ses affaires tempo¬
relles, et, désirant consacrer la maison paternelle qu’elle
possédait dans le bourg d’Agonac, à un établissement de
charité et de bienfaisance, elle en fit donation à la con¬
grégation de Sainte-Marthe de Périgueux, par un acte
authentique, passé le 19 décembre 1859, devant Me Lagrange
notaire à Périgueux.
Cet acte, qui fait connaître le but que se proposait la
pieuse fondatrice, porte en substance qu’elle donne :
« 1° Divers immeubles situés au chef-lieu de la com-
256 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» mune d’Agonac, consistant en une maison , autres bâti-
» ments en dépendant, avec cour et jardin, le tout contigu;
» 2° Tous les objets et effets mobiliers garnissant la
» maison donnée. »
Cette donation est faite aux conditions suivantes :
« 1® La communauté de Sainte-Marthe devra consacrer
» tous les immeubles qiii font l’objet des présentes, à
» l’établissement d’un couvent, avec une école sous la
» direction des dames religieuses de ladite communauté,
» d’après les règlements et les statuts qui la régissent.
» 2° Ladite communauté de Sainte-Marthe devra entre-
» tenir constamment dans ce couvent un nombre suffi-
» sant de Sœurs qui seront chargées d’instruire les petites
» filles de la commune et de la paroisse ; elles devront
» aussi, si cela leur est possible, porter des secours aux
» pauvres et aux malades indigents de ladite commune
» d’Agonac.
» La direction du couvent et de l’école à former ne
» pourra, sous aucun prétexte, être ôtée aux dames reli-
» gieuses de Sainte-Marthe, et, néanmoins, si cette con-
» grégation, par des circonstances dépendantes ou indé-
» pendantes de sa volonté, ne pouvait ou ne voulait plus
» conserver la direction dudit couvent, Mgr l’évêque de
» Périgueux aurait seul le droit d’y établir un autre ordre
» de religieuses hospitalières et enseignantes. »
Ce fut là une précaution bien prévoyante qui ne permet
pas d’introduire, de nos jours, le laïcisme dans cette fon¬
dation de la charité catholique.
Quoique l’acte de donation n’en parle pas, cependant
la fondatrice avait réservé pour elle, sa vie durant , et en
faveur de ses fermiers, la jouissance du chai , de l’écurie
et de la grange, le tout contigu et situé à l’extrémité de la
cour.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 257
Au don de ces immeubles, Mlle Bayle, voulant doter sa
fondation pour mieux en assurer l’avenir, ajouta une
somme de huit mille francs , dont le revenu devait venir
en aide aux religieuses chargées d’exécuter ses intentions,
et la somme de deux mille francs , pour approprier sa
maison paternelle à sa nouvelle destination.
Il fallut soumettre cette fondation à l’approbation du
gouvernement, et ce ne fut qü’après deux ans , toutes les
formalités étant, enfin, remplies, qu’on put l’obtenir. Le
décret d’approbation est du 4 juin 1862. Mais Mlle Bayle
n’avait pas voulu attendre le décret pour voir le commen¬
cement de son œuvre, et, dès la fin du mois d’octobre 1860,
trois religieuses furent envoyées à Agonac et s’installèrent
dans la maison paternelle de Mlle Bayle de Pérignac.
Depuis cette époque elles y exécutent les charitables
intentions de la pieuse fondatrice. Leur école, qui est
communale, est très fréquentée , et elles visitent à domi¬
cile les pauvres malades et leur distribuent les faibles
ressources que la charité privée et le bureau de bienfai¬
sance mettent à leur disposition.
Mlle Bayle, comprenant que son œuvre de charité pour
être complète devait pouvoir offrir un asile aux indigents,
malades ou infirmes , vient d’abandonner aux religieuses
les immeubles dont elle avait voulu se réserver la jouis¬
sance. Ils vont être utilisés pour un petit hospice. Déjà
quelques fonds sont recueillis dans ce but, notamment
une somme de trois mille francs, léguée par Mlle de Mon-
tagut, tante de la généreuse fondatrice. D’autres ressources
vont venir, et tout fait espérer que cet hospice sera bientôt
ouvert à l’indigence. On est d’autant plus fondé à l’espé¬
rer, que cette œuvre est confiée au zèle bien connu du
digne curé d’Agonac, M. l’abbé Gournil.
17
XXIX
Appendice au n° I.
Jusqu’à ce moment, 'nous n’avons donné les Origines
chrétiennes que des] établissements hospitaliers dirigés
par les Sœurs de la congrégation de Sainte-Marthe du
Périgord. La série en est épuisée, et l’on a pu remarquer
le zèle éclairé et charitable que ces vénérables Sœurs ap¬
portent à l’accomplissement de leurs devoirs envers les
pauvres confiés à leurs soins.
Pour bien faire ressortir tout le mérite de cette congré¬
gation, et le bien qu’elle fait dans le diocèse, nous voulons
nommer ici les autres établissements qu’elle a fondés
pour l’éducation des jeunes filles de toutes les classes de
la société. En dressant ce catalogue , nous ne nous éloi¬
gnerons pas trop de notre sujet, car, dans presque tous
ces établissements, il y a des Sœurs chargées spécialement
de visiter les pauvres à domicile et de leur porter, des soins
et des secours. De sorte que, si ces établissements ne sont
pas hospitaliers, ils sont du moins et toujours des établis¬
sements de bienfaisance .'${00.$, allons les nommer par rang
de fondation.
1° Latour-Blanche .—La fondation de cette communauté
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 259
l’une des plus importantes delà congrégation de Sainte-
Marthe, remonte à l’année 1842. Elle est due à la piété
généreuse d’une charitable veuve, Mme de Lacroix, riche
propriétaire de la paroisse, habitant au chef-lieu. Cette
dame, aussi distinguée par les qualités qui plaisent au
monde que par les vertus qui fixent le regard de Dieu, se
voyant, jeune encore, rendue à elle-même par la mort de
son mari, voulut renoncer aux douceurs et aux agréments
que pouvait lui procurer sa position sociale, pour se con¬
sacrer exclusivement à la pratique des œuvres de charité.
Dans ce but, elle eut la pieuse pensée de fonder dans sa
propre maison un établissement de religieuses dont la
mission serait de soulager les pauvres et les malades de la
localité, de leur porter, à domicile, les secours qui leur
seraient nécessaires, de donner aux petites filles de la
classe indigente une instruction chrétienne, et de se vouer
à l’éducation des jeunes personnes des classes aisées.
Mme. de Lacroix s’adressa, pour l’exécution de son
louable projet, à la supérieure de la Miséricorde de Ber¬
gerac, qui s’empressa, de son côté, de seconder un dessein
qui ne pouvait être que fécond en bons résultats.
Au mois d’octobre 1842, deux religieuses de la Miséri¬
corde, envoyées à Latour-Blanche, furent installées chez
Mme de Lacroix et y commencèrent l’œuvre avec le con¬
cours de la pieuse fondatrice, qui voulut bien s’adjoindre
à elles pour les aider dans tous leurs travaux, et vivre de
la même vie de sacrifice et de dévouement.
Aujourd’hui la communauté de Latour-Blanche dirige
un nombreux et brillant pensionnat, auquel sont adjoints
un externat payant et une classe gratuite, et les pauvres
et les malades sont visités et secourus.
2° Saint- Avit-Sénieur. — La fondation de cette com¬
munauté remonte à l’année 1843. Elle est l’œuvre de la
260 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
vénérable Mère du Soûlas, qui fut plus tard supérieure
générale de la congrégation de Sainte-Marthe, et qui alors
était supérieure de la Miséricorde de Bergerac. Originaire
de Saint-Avit, cette vénérable Sœur avait, [à un degré
supérieur, l’amour du clocher ; elle voulut se faire la
bienfaitrice de son pays natal. Dans ce but, dès 1837, elle
fit l’acquisition d’une maison située dans le bourg de
Saint-Avit, à peu de distance de l’église et assortie d’un
jardin et d’un vaste enclos. Elle ne recula devant aucun
sacrifice soit pour faire cette acquisition, soit pour appro¬
prier le local à sa destination et le pourvoir de l’ameu¬
blement nécessaire, soit, enfin, pour assurer aux reli¬
gieuses qui y seraient envoyées les ressources dont elles
auraient besoin.
Lorsque tout fut préparé, la Mère du Soûlas fit choix de
trois religieuses de sa communauté et les envoya à Saint-
Avit pour commencer l’œuvre de son affection. Elles furent
installées au mois de novembre 1843.
Aujourd’hui, les religieuses de Saint-Avit, réunies à la
congrégation de Sainte-Marthe, dirigent un pensionnat,
un externat et une classe gratuite, et l’une d’elles est char¬
gée de visiter les pauvres malades et de leur donner les
soins et les secours que réclame leur état.
.9° Cherval. — Cette communauté doit sa fondation au
zèle désintéressé deM. l’abbé Blois, curé de Cherval, qui,
depuis trente ans, recueille, pour le ciel, les fruits de
son œuvre. Voulant créer un établissement de religieuses
pour assurer une éducation chrétienne aux jeunes filles
de sa paroisse, il commença par louer une maison, qu’il
appropria à sa destination, et, l’ayant pourvue du mobilier
nécessaire, il y installa -trois religieuses de la congréga¬
tion de Marie-Thérèse de Bordeaux. Ceci avait lieu vers
1851.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 261
Les débuts furent heureux. Encouragé et concevant les
meilleures espérances, deux ans après le zélé fondateur
disposa tout pour acquérir la maison et assurer ainsi la
stabilité de son œuvre. Mais il comprit bientôt que des
religieuses d’une congrégation diocésaine lui offriraient
plus de garanties de succès et surtout de stabilité. Toutes
les précautions qu’exigeaient les convenances et la charité
chrétienne furent prises pour remercier la congrégation
de Marie-Thérèse, et les religieuses de Sainte-Marthe
furent invitées à continuer une œuvre si heureusement
commencée. Elles y furent installées au mois de novem¬
bre 1854.
Depuis cette époque elles y dirigent, à la grande satis¬
faction de tous, une classe payante et une classe gratuite,
visitent les pauvres et leur distribuent les aumônes que
leur économie et la charité chrétienne mettent à leur dis¬
position.
4° Piégut. — Ici la bienfaisance laïque, mais fortement
trempée au feu de la charité chrétienne et catholique, a
tout fait pour la fondation, les développements et la sta¬
bilité de l’œuvre.
En 1855, il se forma une commission composée du curé
et de quelques notables de la paroisse, parmi lesquels M.
le marquis de Malet et M. de Yerneilh, dans le but de fon¬
der un établissement de religieuses pour donner des
secours aux pauvres et aux malades, et élever chrétien¬
nement les petites filles, et spécialement celles de la classe
indigente.
La commission ainsi composée et ayant pour président
M. le marquis de Malet, on pouvait considérer l’œuvre
comme fondée ; elle l’était. Au mois de mai de l’année
suivante, 1856, trois religieuses de Sainte-Marthe étaient
envoyées à Piégut et s'installaient dans la maison qui leur
262
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
avait été préparée. Elles eurent dès le début, outre la visite
des pauvres et des malades, la direction d’une école gra¬
tuite et d’une salle d’asile. Quelques mois après elles
ouvrirent une classe payante, et, enfin, un peu plus tard,
un pensionnat. Et aujourd’hui, grâce àleurzèle intelligent,
dévoué et désintéressé, lesjeunes filles de la paroisse de
Pluviers -Piégut, sont élevées chrétiennement, et les pau¬
vres sont visités et secourus.
5° Ribérac. — En 1857, cette ville ne possédait point de
maison religieuse pour l’éducation des filles des classes
aisées. Il n’y avait qu’un pensionnat laïque. L’occasion se
présenta de le transformer en pensionnat religieux ; M.
le curé, alors M. l’abbé Dumoulin, fut heureux d’en profi¬
ter. Sur sa demande, deux religieuses de Sainte-Marthe
prirent laplace de l’institutrice laïque qui se retirait volon¬
tairement, et l’œuvre qu’il désirait depuis longtemps fut
fondée. Elle a prospéré, fécondée parles bénédictions de
Dieu et la charité chrétienne. C’est aujourd’hui un bril¬
lant pensionnat, avec un externat nombreux, auquel on
a joint l’école gratuite que dirigeaient les Sœurs de l’hôpi¬
tal.
6a Verteillac. — Depuis les premiers jours de novembre
1862, les religieuses de Sainte-Marthe dirigent à Yerteillac
une école payante, une école gratuite et une salle d’asile.
Elles y furent appelées par M. l’abbé Magnère, aujour¬
d’hui curé de Saint-Astier, et installées dans une maison
qu’une souscription et quelques dons volontaires lui
avaient permis d’acquérir à cette fin , Etablie sur des
bases solides, et recevant, à son origine, et les bénédictions
de Dieu et les bénédictions de tous les habitants de Ver¬
teillac, l’œuvre a prospéré. Les fruits qu’on en recueille
tous les jours ne permettent pas de regretter les sacrifices
qui ont été faits pour l’établir.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 263
7° Lalinde. — Au mois de novembre 1866, les reli¬
gieuses de Sainte-Marthe s’établirent à Lalinde sous les
plus heureux auspices ; on ne pouvait désirer rien de
mieux. Déjà la Maison-Mère avait reçu la somme de vingt
mille Francs, léguée par Mme veuve Raynal, née Gabrielle
Dartenset, à la condition de fonder à Lalinde une maison
» de son ordre, pour visiter les malades et élever chrétien-
» nement les petites filles de là classe indigente. » Et peu
de temps après leur installation, la Maison-Mère reçut
de M. et Mme Laval, par l’entremise deM. l’abbé de Saint-
Exupéry, vicaire général, la somme de trente-deux mille
francs, destinée, comme le legs de Mme Raynal, à fonder
à Lalinde une maison de Sainte-Marthe, pour élever les
petites filles pauvres, visiter et assister les malades indi¬
gents de la commune. Sur de telles bases l’établissement
fie pouvait que prospérer. Les Sœurs qui le dirigent rem¬
plissent bien les intentions des pieux fondateurs : Les
jeunes filles sont élevées chrétiennement, et les pauvres
malades sont visités et secourus.
8° Saint-Georges de Pêrigueux. — L’école de filles de
cette paroisse, fondée en 1867 par M. l’abbé Estignard, de
pieuse mémoire, fonctionna d’abord comme école libre,
devint bientôt école communale, titre qu’elle conserva
jusqu’en 1879. Elle est redevenue école libre, on sait com¬
ment ; elle n’en est pas moins prospère et n’en fait pas
moins de bien. La persécution n’atteint pas toujours son
but : il arrive souvent qu’en voulant détruire elle ne fait
que fortifier.
En outre de ces établissements, fondés dans diverses
paroisses du Périgord, la congrégation de Sainte-Marthe
dirige, à Pêrigueux, une salle d’asile et le Dépôt de men¬
dicité, et, à Bergerac, l’infirmerie et la lingerie du Petit-
Séminaire. Elle possède aussi deux établissements dans le
264 LES ORIGINES CHRÉTIENNES ETC., DD PÉRIGORD.
diocèse d’Agen , à Castillonnès et à Cahuzac : Nous
n’avons pas à nous en occuper ici.
Ainsi que nous l’avons dit, nous avons épuisé la série
des établissements hospitaliers dirigés par la congréga¬
tion de Sainte-Marthe du Périgord. Il nous reste à dire les
origines des établissements dirigés par des religieuses de
congrégations étrangères au Périgord, tels les hôpitaux de
Nontron, d’Excideuil, de Terrasson, de Montignac, d’Hau-
tefort, et l’hospice des vieillards de Périgueux. Puis vien¬
dront les notices de quelques Bureaux de bienfaisance,
dont les origines offrent un intérêt tout particulier, tels
que ceux de Garsac, dans le canton de Garlux, de Saint-
Martin de Ribérac, et autres. Et, alors, nous aurons achevé
la tâche qu’a bien voulu nous imposer une volonté tou¬
jours aimée et respectée.
XXX
Hôpital d’Hautefort (1).
I
L’acte de fondation de l’hôpital actuel d’Hautefort est
du 4 févriér 1669. Mais une tradition ancienne, confirmée
par des titres de 1470 , apprend qu’il y avait autrefois sur
le même emplacement un hôpital dédié à Saint-Jacques.
Le fondateur de l’hôpital actuel fut très-haut et puissant
seigneur messire Jacques François , marquis d’Hautefort ,
chevalier des Ordres du Roi , grand et premier écuyer de
la Reine, comte de Montignac, vicomte de Ségur , baron
(1) Nous devons à M. le comte Max once de Damas la communication
.des précieux documents qui nous ont servi à écrire cette notice. Nous lui
en exprimons ici notre vive reconnaissance, qui -sera partagée par tous nos
lecteurs.
Si nous donnons à cette notice une étendue que nous n’avons pu donner
aux autres, c’est que l’acte de fondation de cet hôpital peut être cité comme
type des actes de cette espèce. Il donne , en effet, l’idée la plus complète
de la manière dont on entendait autrefois l’établissement des maisons de
charité. C’est bien un hôpital qu’on veut fonder, mais c’est aussi, et avant
tout, une œuvre chrétienne et de miséricorde dont Dieu est le principe et
la fin. On y verra aussi avec édification la constante sollicitude de l’évêque
de Périgueux à l’endroit de l’hôpital dont on lui a confié la garde, les
visites régulières de ses vicaires généraux , leur zèle à faire observer ses
règlements et statuts de la fondation Nous avons lieu de croire que le
plaisir de cette lecture fera oublier la longueur de la notice.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
d’Ayxe , Thenon , etc. La construction de l’édifice , com¬
mencée en 1669 , fut continuée par Gil d’Hautefort , héri¬
tier du fondateur , et terminée par François-Marie d’Hau¬
tefort, vers l’an 1740. Mais quoique inachevé, l’hospice
fut occupé par les pauvres un an après la mort du fonda¬
teur, décédé à Paris le 3 octobre 1680.
Nous reproduisons ici l’acte de fondation et le règle¬
ment fait par le fondateur pour la direction intérieure et
extérieure de l’œuvre qu’il fondait. Nous ne ferons aucun
changement à ces deux pièces. Nous en respecterons
même le style et l’orthographe ; nous y ajouterons néan¬
moins la ponctuation, pour en rendre la lecture plus facile.
On ne saurait trouver rien de plus noble , de plus chré¬
tien, de plus édifiant.
« Par devant les notaires gardenottes du Roy au Chas-
tellet de Paris , soubznfs, fust présent haut et puissant sei¬
gneur messire Jacques François , marquis d’Hautefort,
Chevalier des Ordres du Roy , Grand et premier Ecuyer
de la Reine , compte de Montignac , Vicompte de Ségur ,
Baron d’Ayxe, Thenon , et demeurant à Paris , en l’hostel
des Escuries de la Reine , paroisse de Saint-Germain de
Lauxerois. Lequel voullant autant qu’il luy est possible
perpétuer après luy les actions de grâces qu’il doit à Dieu
pour tous les bienfaits qu’il en a reçus pendant sa vie , et
ne le pouvant mieux que par la bouche des pauvres qu’il
considère en cette rencontre comme ses enfens, a led;
seigneur marquis dit et déclaré qu’il entent fonder , à cet
esfet, par ces présentes, dans sa terre et marquizat d’Hau¬
tefort un hôpital des pauvres y enfermés au nombre de
trente trois, en l’honneur des trente trois années que notre
Seigneur Jésus christ a employées sur la terre à l’ouvrage
de nostre Rédemption.
» Pour cet esfet icelluy marquis dit que pour ce, au nom
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 267
et à la gloire du Père , du Fils et du Saint-Esprit , il sera
par luy ou par son héritier , institué par son testament,
bastit un hospital dans led; bourg et lieu d’Hautefort, en
forme de croix , dont l’esglise quy sera dédiée à la Très-
Sainte-Trinité en faira la principale partie comme l’appuy
et le soubstien de tout ce ouvrage.
» La branche du haut de la Croix sera une salle dédiée
au Père Eternel, où led ; seigneur marquis veut être donné
ÿetraitte à onze vieillards pauvres en l’honneur de ce divin
Père.
» La branche droite sera la salle du Yerbe Divin où on
establira onze jeunes garçons , en l’honneur de ce divin
Yerbe qui a bien vouleu se faire homme pour nostre
sailut.
» A la branch : gauche sera la salle du Saint-Esprit , où
l’on mettra onze femmes ou jeunes filles, en l’honneur de
ce adorable Esprit dont la vertu rendit la Vierge féconde
et fist qu’un Dieu devint nostre frère.
» Seront ainsi trente trois pauvres qui, en mémoire des
trente trois années de Jésus-Christ , seront instruits et
entretenus à perpétuité , pour rendre hommage au Père
Eternel et remercier sans cesse du merveilleux présent
qu’il lui a plust faire aux hommes en leur donnant son
Fils unique par le moyen du Saint-Esprit. Yoilla les sen¬
timents que ledit seigneur marquis souhaitte qu’on leur
inspire en leur enseignant avec soin la science de leur
sailut, et les conviant tous les jours à demander pour led;
seigneur marquis miséricorde à nostre Dieu.
» Comme led; seigneur marquis espère luy mesme faire
la despence du bastimout, il n’en ordonne point issy, si ce
n’est qu’en cas qu’il ne l’eust point faitte avant sa mort, il
veut qu’il soit pris sur les plus clairs deniers de tout son
bien la somme de vingt-cinq mille livres pour bastir et
268 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
meubler l’église et l’hospital qu’il désire fonder et dont il
faira à part les règlements.
» Pour l’entretien desd; trente-trois pauvres et des offi¬
ciers qui auront le gouvernement de ce hospital , icelluy
marquis donne aud ; hospital les dismes inféodées qui luy
appartiennent en total dans l’étendue de son marquizat,
dans ses terres de Thenon et de la Motte , les dismes en
quoy qu’elles puissent consister , soit bled, vin, Allasse et
laisnes , soit qu’elles lui appartiennent en total dans
l’étendue de son marquizat et sur les dits lieux en parti¬
culier , ou qu’elles soient divisibles avec les chapitres et
curés desd: terres et suivant que le seigneur marquis en
jouit aprésent etaccoustumé d’en jouir. Lesquelles dismes
toutefois led seigneur et les héritiers et successeurs
pourront rachepter pour la somme de trente-cinq à qua¬
rante mille livres : laquelle somme en cas dud ; rachapt,
led; seigneur d’Hautefort ou ses héritiers et successeurs
seront thenus de mettre en fons , de proche en proche,
dud ; hospital par les advis des directeurs d’icelluy , con¬
firmés et ratifiés par monsieur le premier président de
Paris , avec trois des principaux directeurs de l 'hospital
général de Paris.
» Outre lesd; dixmes , led ; seigneur marquis donne
encore aud ; hospital les domaines qui luy appartiennent
comme s’ensuit :
» La mestairie de Châpey et bois de Chantemerle de
Teillous ,
» Plus le grand bois de la Noallette,
» Plus les prairies à luy appartenant dans la rivière du
Fournial,
» Plus les biens de la Marrouynetarie ,
» Pliis le pred de Broussou et gueresne de Gabanier,
» Plus la mestairie de Neboulle , la mestairie de Lus-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 269
saud , la mestairie du Temple de Leau , la mestairie dé la
Pallud, la mestairie de Charveyx et autres mestairies aud;
lieu appelées Belletaud.
» Et pour empescher qu’à l’advenir les successeurs dud;
seigneur ne puissent diminuer le revenu cy dessu s, changer
l’ordre qu’il désire establir, il'supplie monsieur l’Evesque
de Périgueux, monsieur le premier président du parlement
et messieurs les directeurs de l’hospital général de Paris
de le prendre en leur protection , de le deffendre contre
qui que ce soit, et de faire en sorte que, au moins une fois
l’année , quelqu’un de leur corps ou autres personnes de
probité dont ils puissent estre assurés , se transportent
sur les lieux pour voir si tout le temporel est en bon estât
et y mettre ordre de conseil avec led ; sieur Evesque. Pour
cet esfet, icelluy marquis veut qu’il soit pris la somme de
deux cens livres sur ce qui luy sera deus par son fermier
ou recepveur d’Hautefort pour payer le voyage de celluy
qui voudra se donner la peine d’aller à Hautefort et d’y
séjourner, afin d’y faire executer pleinement la fondation
et les ordres establis pour la subsistance et gouvernement
temporel.
» Veut aussi led; seigneur que le sieur desputé soit
nourrit et logé au despens de l’hospital pendant un mois,
s’il lui plaist demeurer ce temps-là , et qu’à son despart,
lad ; somme de deux cens livres luy soit mise entre ses
mains pour en user comme bon luy semblera , selon son
besoin et selon sa charité pour l’hospital.
» Gomme aussi led; seigneur Marquis a suplié très-hum¬
blement le Roy qui luy a fait la grâce de luy accorder le
droit de committimus au requettes de lostel ou du palais
pour l’hospital d’Hautefort. Il prie mond; sieur le premier
président et messieurs les directeurs de l’hospital général
de Paris de prendre soin que cet hospital jouisse de ce
270
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
privilège pour toutes ses causes , aün de ne laisser point
sur les lieux en proye à lhotorité des seigneurs et de ses
autres parties.
» Déclare led; seigneur marquis qu'il y a tant d'expé¬
riences des malledictions que la pluspart des gentilshom¬
mes attirent sur leurs maisons , en refusant à l’Eglise et
aux pauvres ce qui leur appartient, qu’il supplie très ins-
temment ses héritiers successeurs et exécuteurs testamen¬
taires et leur ordonne, autant qu’il peut, de faire executer
soigneusement la présente fondation. Elle sera la cause
et source de leur malheur, s’ils manquent de s’acquitter
de leur debvoir , ou de leur bonne fortune dans le temps
et dans l’esternité , s’ils servent de pères aux pauvres et
s'ils accomplissent la volonté dud; seigneur marquis.
» Que si malgré les prières , ordres et les désirs dud ;
marquis , les seigneurs dud; Hautefort , ses héritiers ou
successeurs, refusent la subsistance aux pauvres dans les
termes de la présente fondation , led; seigneur d’Haute-
fort charge la conscience de tous ceux de son Chapitre
dud; lieu d’en advertir led; sieur Evesque de Périgueux
ou monsieur le premier president de Paris , et veut que,
pour en réparer la faute, les Seigneurs d’Hautefort payent
mille escus à l’hospital général de Paris pour lesquelles
les directeurs d’icelluy pourront faire saisir tous leurs
biens à ce qu’ils en soient payés.
» Et s’il arrive qu’une autre année lesd; Seigneurs
d’Hautefort fassent de mesme , icelluy seigneur marquis
d’Hautefort les condamne à la mesme peine pour leur
témoigner, qu’il veut absolument que la présente fondation
soit pleinement executée , en sa forme et en son fonds ,
pour la gloire de la Sainte-Trinité et pour le sallut de ses
terres du Périgord et du Limousin.
» Après que led; seigneur marquis aura une fois nommé
271
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
les six directeurs qui, avec led; seigneur évêque de Péri-
gueux et led; seigneur d’Hautefort , fairont le nombre de
huict, il renonce à tout pouvoir de nommer seul, et icelluy
seigneur les donne entièrement au bureau de son hospital,
pour la faire en son absence, lorsque quelque place vien¬
dra à vacquer par mort ou par desmition , laquelle
eslection se faira suivant la forme que led; seigneur pres¬
crit dans les estatuts suivant. Si led; seigneur estoit pré¬
sent ou ses successeurs , ils y auraient une voix , et, en
leur absence , quatre voix suffiront pour eslire un direc¬
teur, et, en la présence dud; seigneur , il en faudra cinq.
» Pour le spirituel , il est important que les esclésiasti-
ques du Bureau chargés de la direction temporelle ne se
meslent point du tout du spirituel , pour esviter divers
inconvénients que l’experience faict connoistre.
» Mais led; seigneur marquis d’Hautefort prie mond;
seigneur Esvesque de Périgueux de faire la grâce aud;
hospital de luy donner un directeur qui aura Soin de tout
le spirituel indépendemment du curé ou vicaire perpétuel
de la parroisse, avec pouvoir d’administrer tous les sacre¬
ments dans lestendue dud; hospital.
» Ce ecclésiastique aura sa chambre dans le quartier de
l’esconomie, prendra grand soin d’instruire les pauvres de
tous les points nécessaires à leur sallut, ne se meslera au¬
cunement du temporel que pour advertir les directeurs des
choses extérieures auxquelles ils peuvent mettre ordre.
» Il célébrera tous les jours la sainte messe, afin que
les pauvres l’entendent, il faira le catéchisme trois fois "la
semaine dans lesglise ou l’on exhortera tous les pères de
famille du lieu et des villages voisins d’envoyer leurs
enfens aprendre la doctrine chrestienne, et aura grand
soin que les mallades soient secourus spirituellement et
munis de tous les sacrements avant leur mort.
272
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» Led; seigneur marquis se réserve la nomination pen¬
dant sa vie, et aux directeurs dud; hospital après sa
mort, des prêtres pour la direction spirituelle dud; hos¬
pital.
RÈGLEMENTS POUR L’HOSPITAL D’HAUTEFORT :
Fin de cet hospital.
» Comme le seigneur marquis d’Hautefort n’a point
d’autre intention en fondant l’hospital d’Hautefort que de
procurer le sallut des pauvres, en les faisant instruire'des
choses de la religion catholique, apostolique, romaine et
en leur faisant apprendre quelque mestier dont ils puissent
gaigner leur vie, pour leur oster par ce moyen tout
prétexte de mandicité, il désire que le Bureau ait toujours
en vue cette fin et tienne la main à l’execution de ces
reglements.
« Quelles qualités doivent avoir ceux qui seront admis
dans ce hostel ?
» Il ne Donestre que pour enfens orphelins de l’un et
l’autre sexe qui seront au moins aagés de six ans pour
estre admis aud; hospital, et pour les mallades par aage,
par malladie ou par autre infirmité spirituelle ou corpo¬
relle réduits à la mandicité, orphelins de père et de mère
ou qui ne les ont qu’en estât de mandicité par faiblesse de
corps ou d’esprit.
» Ces sortes de pauvres doivent estre nés dans l’esten-
due des terres et dependences ou annexes dud; marqui-
zat d’Hautefort, en Périgord et Limouzin, en dépendant
ou habitant desd ; terres depuis trois ans, et autres de ses
terres sises dans d’autres provinces.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC. , DU PÉRIGORD. 273
» S’il se trouve trop peu d’orphelins on y pourra
admettre des enfens dont les pères ne peuvent gaigner
leur vie et qui par ce moyen sont dans l’actuelle mandi¬
cité, mais toujours nés dans lestendue des terres d’Hau-
tefort ou habittans depuis trois ans ; et le bureau sera
juge de leurs qualités.
» Les garçons, filles et autres enfens estant en aage et
en estât de gaigner leur vie et scachant quelque mestier
laisseront la place a d’autres, pour estre remplacés sui¬
vant l’advis desd; directeurs.
DU GOUVERNEMENT ET DIRECTION DE L’HOSPITAL QUANT AU DEHORS.
» Monsieur l’esvesque de Périgueux, le fondateur etleurs
successeurs en seront toujours les inspecteurs et les pre¬
miers directeurs, pour y faire observer et accomplir les
intentions que led; seigneur fondateur a eues en faisant
cet établissement , et, comme il n’a eust en veue que la
gloire de Dieu, l’instruction et le soulagement des pauvres
mandians de ses terres, il conjure ses successeurs d’avoir
les mesmes sentiments et de leur servir de pères, pour
attirer la bénédiction du ciel sur leurs maisons.
» Les successeurs dud; seigneur fondateur auront la
mesme place que luy tandis qu’ils voudront executer
entièrement ses intentions et servir de protecteur à cet
hospital.
» En leur absence, le doyen du chapitre d’Hautefort ou
quelqu’un des chanoines que les directeurs nommeront
pour estre de la direction, président au bureau ; un des
curés desd; terres sera le second directeur, le troisième sera
un officier du seigneur, autre que son juge qui ne pourra
jamais estre directeur pour plusieurs bonnes raisons,
» Il y aura trois autres directeurs, lesquels soit gen¬
tilshommes ou bourgeois tirés des bourgs et villages des
18
274
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
terres dépendantes du marquizat ou autres en Périgord ou
en Limouzin, pour lesquelles ia fondation est faitte, afin
que, avec ce nombre de huict compris monsieur l’Eves-
que de Périgueux et le seigneur fondateur ou ayant cause,
toutes choses seront gouvernées, et qu’il ne soit pas au
pouvoir d’une ou de deux personnes de depanser mal à
propos le bien de l’hospital, ny le donner à des gens qui
ne seront pas de la qualité requise.
» Les six directeurs seront nommés par le fondateur,
bien informé de leurs bonnes dispositions pour le service
des pauvres qui seront zélés, désintéressés, prudents et
actifs, et qu’ils puissent servir par pure charité, sans
aucune rétribution temporelle et sans devenir jamais à
charge aud; hospital.
» Ces six directeurs, nommés une fois, nommeront
ensuitte leurs successeurs en vertu du pouvoir a eux
donnés cy-dessus par led ; seigneur marquis d’Haute-
fort, qui a renoncé à la faculté de les nommer luymesme,
afin que la chose se fasse avec plus de bénédiction, de
connoissance et de liberté.
» Les directeurs nommés seront thenus de prester le
serment, par devant le premier juge du marquizat d’Hau-
tefort, de bien et charitablement servir en lad ; direction,
et de faire leur possible pour l’exécution des intentions
du fondateur. Ils serviront les pauvres pendant deux
années, et, cella faict, il leur sera loisible de se retirer et
de prier le bureau d’en nommer d’autres en leur place ;
bien entendu qu’ils ne le fairont pas tous à la fois, afin
qu’il y en demeure la moitié au moins pour instruire les
nouveaux.
Se réserve pareillement led; seigneur fondateur la
faculté de nommer pour la première fois les directeurs
pour le temporel, et, après, cette nomination, quand il y
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 275
aura vacance, appartiendra au bureau, et si led; seigneur
fondateur mouroit avant d’avoir faict la première nomi¬
nation, le pouvoir qu’il s’est réservé appartiendra à son
héritier ou, en cas de refus, après en avoir esté une fois
requis, à monsieur l’esvesque de Périgueux.
» Ceux qui auront assez de zèle pour désirer plus long¬
temps, mesme toujours, de rendre leur service aux pau¬
vres, seront continués avec joye, pourveus qu’ils travail¬
lent avec soin, car comme on leur donne la liberté de se
retirer, le bureau aussi l’aura toute entière d’exclure ceux
qui ne seront point assidus au service de l'hospital.
Yaccance par mort ou par démission arrivant, le bureau
s’assemblera pour eslire un directeur et l’eslection se fera
en cette sorte :
» Le premier jour on nommera toux ceux que chaqu’un
trouvera à propos pour remplir cette place, c’est à dire
que chasqu'un en nommera trois soit différents soit les
mesmes. Le secrétaire en tiendra registre. Entre toutes
ces différentes nominations le bureau pensera au choix
des plus dignes pour les réduire.
» Au jour du bureau, tous les directeurs assemblés
choisiront par billet un des trois qu’ils jugeront en leur
conscience le plus propre de la direction de l’hospital, et
celluy qui se trouvera plus des deux tiers des voix
demeurera eslu, c’est à dire de cinq voix quatre, et de
six cinq.
» S’il se rencontre néanmoins qu’estant cinq ou six
directeurs il se trouve trois voix d’un costé et deux de
l’autre, on faira les billets jusqu’à trois fois et si chas-
qu’un persévère, celluy qui aura plus de voix demeurera
directeur.
» Il y aura un recepveur de l’hospital qui servira pure¬
ment par charité et qui sera choisi parmi les directeurs
276
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
laïques ; il doit être solvable et fidelle. Il tiendra bon
registre de la recepte et ne payera quoy que ce soit que
sur un ordre du bureau, signé de deux directeurs et con-
trerollé par un troisième, qui tiendra le registre des déli¬
bérations dud ; bureau et qui servira de secrétaire.
» Les directeurs s’assembleront une fois la semmaine,
afin de pourvoir aux besoins de l’hospital et ordonner et
arrester les dépenses.
» Pendant la semmaine ceux qui se trouveront les plus
proches de l’hospital iront souvent le visiter, pour voir
comment tout s’y passse, donneront ordre par provision
a tout ce qui sera nécessaire et en rendent compte au
premier bureau quy résoudra ce qu’il trouvera plus à
propos.
» Les comptes de l’hospital seront rendus par le recep-
veur, ou en cette occasion le juge dud; seigneur et son
procureur d’office seront apeles pour présents et signer
les comptes dont les articles particuliers ne doivent rece¬
voir aucune difficulté, pourveus qu’il y ait des ordon¬
nances dans la forme que led; seigneur fondateur les a
marquées cy dessus.
» Pour la séance du bureau, elle sera ainsy disposée à
une table longue ; quand monsieur l’evesque de Eéri-
gueux la voudra honorer de sa personne il y prendra la
première place et s’assyera au bout de la table. Si led;
seigneur fondateur s’y trouve en mesme temps, il sera
assis a sa gauche ou led; seigneur fondateur présidera,
lorsque monsieur lesvesque n’y sera pas ; et en leurs
absences, personne n’occupera le bout que celluy qui
sera envoyé de la part de monsieur le premier- président
et messieurs les directeurs de l’hospital général de Paris
à qui le bureau deferera cet honneur.
» Le doyen ou chanoine eslu du Chapitre dud; seigneur
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., PU PÉRIGORD. 277
se mettra à la main droite de mesd; seigneur esveque et
president ; en son absence et de celle dud; seigneur, au
dessoubz de luy sera un curé ou autre ecclésiastique quy
sera directeur, et au dessoubz de celluy la sera l’un des
officiers dud; seigneur fondateur ou un agent de ses
affaires quy sera directeur, lequel cedera la place au juge
ou au procureur d’office dud; seigneur fondateur et se
mettra au dessoubz d’eux lorsqu’ils viendront au bureau.
De l’autre cotté seront assis vis à vis du doyen et de
suitte les gentilshommes ou bourgeois qui seront direc¬
teurs dud; hospital, suivant leur qualité et leur âge.
y Le secrétaire pourra néantmoins, pour sa commodité,
demeurer à l’autre bout de table pour voir, entendre et
escrire plus facilement.
» On commencera toujours le bureau par la prière veni
sancte spiritus, etc. On le finira par une antienne de la
Sainte-Vierge et ensuite le verset Domine salvum fac
regem, lesquelles prières seront toujours faittes par un
ecclésiastique, s’il s’y en trouve, et leur absence, par un
laïque.
» En suitte on lira les articles du registre, et en suitte
chasqu’un faira ses propositions verballes pour le bien
des pauvres et pour les besoins de l'hospital, que le
secrettaire aura soin de recueillir sur une feuille voilante
qui sera toujours reveue par celuy quy présidera, dont
après le registre sera chargé. »
« DU GOUVERNEMENT ET DIRECTION DE CET HOSPITAL
QUANT AU DEDANS.
»SuivANTla forme des bastiments que led; seigneur mar¬
quis d’Hautefort a resollue, il y aura trois salles quj auront
veue sur l’autel de l’esglise et d’où les pauvres entendront
278
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
la Ste messe et pourront mesme communier sans se mes-
ler, sans se parler.
» Les salles des hommes et des garçons auront une cour
commune ; celles des femmes et des filles auront une
cour toute séparée des autres.
» Les hommes et les garçons seront gouvernés par un
précepteur ou maistre d’escolle quj aura soin de les ins¬
truire et de les faire travailler.
» Les femmes et les filles auront une maistresse ou supé¬
rieure quj les instruira pareillement ; elle ou un des
pauvres qu’on choisira aura soin de faire faire la cuisine
pour tous les pauvres et pour tous les officiers de l’hos¬
pital.
» Il y aura un portier.
» Et sur tous les officiers domestiques il y aura un
esconosme quj aura le soin general de la despense et de
faire faire a un chascun son devoir pour le service des
pauvres.
» S’il ne se trouve point d 'Ecclesiastique dans le lieu
d’Hautefort quj veuille charitablement prendre le soin du
spirituel de l’hospital, on y en estahlira un avec lordre de
monsieur l’esvêque de Périgueux pour l’instruction desd;
pauvres, leur dire la Ste messe et leur administrer les
saints sacrements.
» La nourriture des pauvres sera réglée suivant la
manière ordinaire de ceux du pays.
» On faira travailler tous ceux qui pourront, pour leur
apprendre à gaigner leur vie, et les deux tiers de leur
gain iront au profit de l’hospital et l’autre tiers leur
demeurera pour les exciter a bien faire.
» Le reste des reglements, le debvoir de chasque offi¬
cier et la conduite de la journée des pauvres se pourra
faire suivant l’expérience des directeurs et les besoins des
DES HÔPITAUX, HOSPIGES, ETC., DU PÉRIGORD. 279
pauvres qu’on remarquera dans la suitte en ce qui touche
leur instruction et la bonne conduite de l’hospital.
» Et, au moyen de ce que dessus, les officiers et les
directeurs fairont leurs efforts pour empescher qu’il n’y
ai point de mendiants dans le bourg d’Hautefort ny aux
environs.
» Les directeurs fairont un reglement pour la journée,
tant pour le temps des prières que pour celluy du travail,
et pour le temps des repas et du repos.
» La fondation cy-dessus et conditions dicelle seront
faittes sauf a augmenter cy après durant la vie ou après la
mort dud; seigneur marquis d’Hautefort, qui en sera
représenté perpétuellement le fondateur.
» Le roy sera très humblement suplié d’accorder les
lettres pour la confirmation de ce que dessus.
» Promest led; seigneur dexecuter et faire executer le
contenu en ces présentes, à quoy il oblige tous ses biens
présents et advenir,
» Laissant, en outre, tout pouvoir a la direction dud; hos¬
pital de faire les statuts et reglements quj trouveront à
propos et qui seront communiqués aux directeurs de
l’hospital general de Paris, pour en avoir leurs senti¬
ments.
» Et pour, si besoin est, faire insinuer, publier et enre¬
gistrer le présent contrat de fondation partout ou besoin
sera, led; seigneur marquis a fait et constitué son procu¬
reur le porteur des présentes, luy en donnant pouvoir, et
d’en requérir tous actes necessaires obligent etc, renon¬
çant etc. Faict et passé à Paris en lestude Le Roy le jeune,
un desd; notaires soubsignés , l’an mille six cens
soixante neuf le quatrième de febvrier après midy. La
minute des présentes demeure aud; Le Roy noto. »
280
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
II
On le voit, nous avons ici une fondation faite sur les
bases les plus solides, un hôpital largement doté et au
mieux organisé en vue du bien-être des pauvres qui se
trouvaient dans toute l’étendue du marquisat d’Hautefort.
On ne sait ce qu’on doit le plus admirer dans le noble
fondateur : sa foi, sa piété, sa générosité, son exquise
prudence. Rien n’a été négligé ; tout a été prévu et pour
le temporel et pour le spirituel. On voit aussi que les
habitudes de bienfaisance, jamais interrompues dans le
noble château d’Hautefort et qui s’y continuent si bien
de nos jours, ont leur origine bien loin dans les siècles
passés.
Ansi que nous l'avons dit, la construction de cet hôpital
fut commencée par le fondateur lui-même en 1669. Il ne
le destinait d’abord à recevoir que trente-trois pauvres,
pour honorer les trente-trois années de la vie de Jésus-
Christ sur la terre; mais, ayant ensuite, par acte du
28 août 1678, augmenté de cinquante mille livres la dota¬
tion déjà faite, il porta le nombre des pauvres à soixante-
six, en l’honneur des soixante-six années que l’on croit
pieusement que la vierge Marie a vécu sur la terre ; enfin,
il l’augmenta encore pour l’élever au nombre des années
que lui-même vivrait, voulant enrichir de la bénédiction
d’un pauvre, chacune des années de sa vie, ce qui aurait
porté le nombre des pauvres à soixante-neuf. Mais les
revenus de l’hôpital n’ayant jamais suffi pour la nourri¬
ture de tant de personnes, on s’en tint toujours au nom¬
bre de trente-trois, suivant la première pensée du fon¬
dateur.
Ce fut en 1681 que l’hôpital commença à jouir de ses
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGOIID. 281
revenus et à recevoir quelques pauvres. Dès le principe,
un économe fut chargé de veiller sur tout le personnel de
la maison, de tenir la comptabilité et de faire travailler
ceux des pauvres qui en étaient capables. Six ans plus
tard, en 1687, on choisit pour gouverner la maison et
prendre soin des pauvres des Filles dévotes qu'on appela
gouvernantes. Elles recevaient par an 60 livres pour leur
entretien, et 850 livres tous les trois mois, pour la nour¬
riture et l'entretien des pauvres. L’hôpital fut ainsi admi¬
nistré jusqu’en 1748.
L’acte de fondation porte que le Marquis Seigneur
d’Hautefort priait instamment le seigneur évêque de Péri-
gueux de donner à l’hôpital un chapelain qui eût soin de
tout le spirituel indépendamment du curé de la paroisse.
Mais par son codicile il changea cette disposition et char¬
gea, ce qui paraissait tout naturel, de l’administration
spirituelle de l’hôpital la communauté de prêtres que, par
acte du 19 janvier 1656, il avait établie pour la chapelle de
son "château, et qui, dans plusieurs actes postérieurs
prend le nom de chapitre, et dont les prêtres qui en font
partie prennent le titre de chanoines. Elle se composait
de quatre prêtres, d’un régent, d’un chantre, de deux
enfants de chœur et de deux serviteurs à gages. Elle avait
pour sa mense et son entretien la jouissance des priorés
de Naillac et de Mureau qui produisaient annuellement
770 livres et du domaine de Goursac qui produisait 250
livres, et d’une rente de 600 livres, au capital de 12,000
livres, que le seigneur Marquis d’Hautefort s’était engagé
à lui servir annuellement.
Deux membres de cette Communauté ou Chapitre, les
chanoines Villemur et Mercier, furent désignés en 1686
par le vicaire général Pierre Moreau , visiteur, pour faire
tour à tour le service de l’hôpital, en se conformant aux
282
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
règlements faits par le fondateur. Il est dit qu’ils rece¬
vaient pour leurs honoraires 300 livres.
Nous avons vu que le pieux et prudent fondateur avait
mis l’hôpital « sous la protection et direction de l’Evêque
de Périgueux. » En homologuant l'acte de fondation,
l’évêque, alors Mgr Guillaume Le Boux, s'était réservé
pour lui et ses successeurs à perpétuité l’entière juridic¬
tion, et ils l’exercèrent dans toute sa plénitude jusqu’en
1789. On peut voir à ce sujet dans le registre coté B, aux
archives de l’hôpital, les procès-verbaux des visites offi¬
cielles faites par le sieur Pierre Moreau, vicaire général
de Mgr Guillaume Le Boux. Sur les requêtes du sieur
Desauzières, promoteur du diocèse, ou son ayant cause
le visiteur règle jusque dans les plus petits détails tout ce
qui concerne l’administration tant spirituelle que tempo¬
relle, le nombre et la nourriture des pauvres; juge les
différends élevés entre les chapelains et le curé de la
paroisse, rappelle ses obligations à l’héritier du fondateur ;
en un mot, ordonne tout ce qui est nécessaire pour
le bien être de l’établissement.
Nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici en toute
leur étendue ces divers procès-verbaux qui nous démon¬
trent si bien la sollicitude toujours persévérante de nos
évêques pour les pauvres. Toutefois, nous croyons utile
d’en donner quelques extraits, sous forme d’analyse aussi
succincte que possible.
III
Ire VISITE FAITE LE 2 AVRIL 1665.
«Aujourd’hui deuxiesme apvril mille six cent quatre
» vingt cinq, au matin, nous Pierre Moreau, prestre de
» l’Oratoire, chanoine en l’église cathédrale de Périgueux,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 283
» et vicaire général de Monseigneur l’illustrissime et
» reverendissime évêque dud ; Périgueux, Messire Guil-
» laume Le Boux, conseiller ordinaire du Roy en ses con-
» seils, assisté etaccompagné du sieur Desauzières, prestre
» et promoteur dud; diocèze, et de nostre secrettaire,
» nous sommes transportés au lieu d’Hautefort, pour y
« faire nostre visitte de la communauté des prestres secul-
» liers et hospital dud; Hautefort, suivant l’ordonnance
» dud; seigneur Evesque, leue et publiée, où besoin a
» esté, du vingt cinquiesme mars dernier ; ou estant
» arrivés, nous aurions mis pied à terre aud; hospital
» d’Hautefort, où le sieur de Laforge, doyen de lad;
«communauté, nous aurait receux dans son apparte-
'» ment. »
Après ce préambule, le vicaire général visiteur, sur l’ob¬
servation qui lui est faite par le promoteur, constate que
dans sa visite du 15 janvier 1676, dont nous regrettons de
n’avoir pas le procès-verbal, il avait réglé pour chacun
» des prêtres qui composaient la communauté 120 livres
» pour leur entretien, à prendre sur les revenus dont elle
«jouissait alors, et qu’il restait encore de ces revenus la
» somme de 1450 livres pour fournir à la nourriture des dix
» personnes dont elle se composait. » Il constate ensuite
que les conditions d’existence de cette communauté, con¬
signées dans l’acte de sa fondation n’étaient plus ou
qu’imparfaitement observées. Elle avait été successive¬
ment dépouillée des priorés de Naillac et de Mureau, et le
domaine de Goursat ne donnait plus que la moitié de son
revenu présumé. Le visiteur fait pressentir la dissolution
de cette communauté. Vient ensuite la visite de la cha¬
pelle du château, et l’énumération de tous les objets
nécessaires au culte, linges, ornements et vases sacrés.
Parmi ces objets,nous remarquons sur l’autel « une croix
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» d’argent de la hauteur d’un pied sur laquelle il y a un
» petit crucifix d’argent, avec deux chandeliers aussi
«d’argent, et un petit coffre où sont des reliques de
» saint Eloy ; et dans la sacristie, «un calice d’argent avec
» sa patène de vermeil doré, un autre petit calice d’argent
» avec sa patène d’argent, un coffre de grosse menuiserie
» dans lequel il y a un petit hassin d’argent servant au
» lavabo, sur lequel il y a un escusson des armes de la
» Flotte, et deux petites burettes d’argent fort cassées, aux
» mêmes armes. » (1)
Sur l’observation du sieur Desauzières, promoteur, le
vicaire général réclame « les belles reliques que feu mon-
» sieur le Marquis d’Hautefort avait données à lad; cha-
» pelle du chasteau, lorsque le même visiteur en fit la
» bénédiction. » Le prêtre de Yillemur, interpellé au sujet
de ces reliques, « dict quelles ont été resserrées dans un
« cabinet dans le chasteau, dont le sieur de la Claustre,
» trésaurier général dud; seigneur d’Hautefort, a les
» clefs. » Le visiteur « ordonne que le seigneur marquis
» d’Hautefort, sera prié et exhorté de remettre lesd; reli-
» ques, pour être mises et posées, pour plus grande seu-
» retté, dans un armoire qui est dans lad; chapelle, au
» costé de l’évangile, qui à cette fin sera fermée à deux
» clefs. »
Vient ensuite la visite de l’hôpital ou le visiteur cons¬
tate « dans diverses salles » la présence de vingt-deux
pauvres, dont dix hommes et douze femmes. Il ordonne
(t) La seigneurie de la Flotte était dans la famille d’Hautefort dès avant
1599. — Elle y était encore en 1683. Gilles, marquis d’Hautefort, après
son frère aîné, le fondateur de l’hôpital, s’inscrivait haron de Thenon et
de la Flotte. II était né en 1612. Il pouvait être le donateur de ce hassin
et de ees burettes.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, EfC., DU PÉRIGORD. 285
en leur faveur l’achat d’objets de première nécessité, tels
que linge et vêtements.
La visite intérieure achevée, le visiteur est conduit dans
le jardin où il constate la nécessité « d'y faire faire un puits
» de mesme que dans les deux cours du costé du jardin, et
» pour cela d’achepter un petit morceaux de terre joignant
» led; jardin, qui peust valloir au plus cinquante ou
» soixante livres ; dans lequel morceaux de terre joignant
» led; jardin il y a une fontaine où l’on pourrait faire
» comme un espèce de petit bassin pour le service dud;
» hospital , les pauvres ayant beaucoup souffert jusques
» issy pour la dizette de l’eau, manque d’avoir faict faire
» led; puits et faict led; bassin ou lavoir, n’y ayant
» aucune eau dans led; hospital. » Et il en ordonne
l’exécution. Il ordonne aussi « de faire faire une clos-
» ture de muraille autour dud; jardin pour empescher
» les pauvres d’en sortir, et les autres gens d’y en-
» trer. »
Le sieur Desauzières, promoteur « remontre ensuite
» au vicaire général visiteur que, dans la construction
» dud; hospital , il reste à faire d’icelluy plusieurs édifices
» suivant les plants et devis représentés quj, consistent ,
» entre autres choses, au portique parentier à la première
» salle ; achever le pré-estage d’icelle , et faire entière-
» meut le second avec la charpente, les vouttes et le pavé
» des trois salles , trois arcades , et monter le Rotond avec
« un dosme dessus ; faire le portique regardant au midy
» n’y en ayant de commencé que huict à dix pieds de
» haut ; faire un autre portique du costé du levant, achever
» les lieux communs ; faire tous les planchers, croisées et
» portes de tous les bastiments quj restent à faire ; vittrer;
» faire les degrés ou escalliers pour monter dans les apar-
» tements hauts ; achever les quatre pavillions dangles, et
286 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» meubler led; hospital des meubles nécessaires et tels
» quils sont convenables à un hospital pour le nombre de
» trente trois pauvres et leurs serventes, et les ornements
» nécessaires pour le service de la chapelle dud; hospital
» suivant la fondation et lesd; plants et devis. Ce que led;
» promoteur requiert estre ordonné, et le seigneur Marquis
«d’Hautefort, herittier dud; feu Seigneur fondateur,
» obligé à ce faire.... Que conformément au codicille dud;
» feu Seigneur d’Hautefort, led; Seigneur son frère et
» herittier soit obligé de mettre en renthes la somme de
» cinquante mille livres avec celle de onze mille deux
» cent cinquante livres d’interests escheux depuis la mort
» dud; Seigneur jusques a ce jour . »
» Faisant droit à la requête du Promoteur, le vicaire
» général visiteur ordonne que le Seigneur Marquis
» d’Hautefort sera sollicité, a la diligence dud; promo-
» teur de vouloir incessamment et conformément à la
» fondation et au testament du feu Seigneur Marquis
» d’Hautefort, faire continuer et achever le logement des
» pauvres et chapelle dud; hospital, suivant le devis quj
» en a esté faict.... pour que les pauvres y soient com-
» modement receus et logés, suivant l’intention dud; feu
» seigneur fondateur et qu’il faira achepter tous les meu-
» blés nécessaires pour le service desd; pauvres comme
» aussi tous les ornements nécessaires à la chapelle dud;
» hospital, suivant l’intention dud; feu seigneur fonda-
» teur. Et, pour que rien n’y manque, sur la somme de
» onze mille deux cens cinquante livres d’interests echeus
» depuis la mort dud; feu seigneur fondateur jusqu’à ce
» jour, de la somme de cinquante mille livres que led;
» feu seigneur d’Hautefort légua par son codicille aud;
» hospital, il en sera pris la somme de quatre mille cinq
>: cens livres, pour augmenter lesd; ameublements pour
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRTGOBD. 287
» les pauvres et pour les ornements de la chapelle dud;
» hospital. »
Le Promoteur fait encore observer « que le feu seigneur
» d’Hautefort avait promis et s’estoit obligé par les con-
» trats de fondation de bastir et de meubler une maison
» pour les ecclésiastiques, » chargés du service de l’hopi-
» tal, « et de leur donner un enclos ou jardin à la place
» de la maison et jardin qu’il leur avoit d’abord affectés,
» mais que depuis il avoit jugé que les deux pavillons
» qui joignent le grand bastiment de l’hospital qui regarde
» du costé de Cbassein, seroient suffisants et fort com-
»modes pour loger les chapellains de l’hospital, en faisant
» la communication des deux pavillons. »
Le vicaire général visiteur approuve cette nouvelle
disposition, et « ordonne de faire led; enclos ou jardin et
» d’augmenter les meubles que led; seigneur d’Hautefort
» est obligé de fournir auxd; prestre conformément au
» testament ou codicille du feu seigneur marquis d’Hau-
» tefort son frère... Les frais en seront pris « sur les inté-
» rests escheus de la susd; somme de cinquante mille
» livres que led; seigneur marquis d’Hautefort est prié de
» mettre incessamment en renthes, suivant l’intention dud;
» feu seigneur son frère. Elle devra être mise ez mains du
» recepveur dud; hospital.’»
Et considérant « que les mestairies données par led; feu
» seigneur aud; hospital sont beaucoup détériorées et
» desgarnies des bestiaux et semences nécessaires... sur
» le requis du Promoteur, le vicaire général, visiteur or-
» donne qu’il y sera remédié.
» Le procès-verbal est signé : « Pierre Moreau, vicaire
» général, Desauzières, promoteur, Villemur, prestre, pré-
>•> sent, Pommaud, prestre et curé, présent, Bonnet, se-
» crettaire.»
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
IV
Visite du 23 juin 1687.
« Cejourd’hui vingtroisième juin mille six cens quatre-
» vingts sept, du matin, Nous Pierre Moreau, piestre de
» l’Oratoire et vicaire général de Monseigr Lesvesque de
» Périgueux, sommes partis de la ville de Périgueux,
» accompagnés de Me Gabriel Desauzières, prestre pro-
» moteur du diocèse dud; Périgueux , et de notre
» secrettaire, et nous sommes rendus au lieu d’Hau-
» tefort, et dans le chasteau dud; lieu, pour, suivant le
» requis dud; promoteur et indition par nous faitte à ce
» dit jour, faire procès-verbail de l’estât de la commu-
» nauté des prestres et autres ecclésiastiques establis ou
» à establir dans la chapelle dud; chasteau d’Hautefort,
» de l’estât de lad; chapelle, de celluy de l’hospital, des
» pauvres quj y sont ensemble, pour faire rendre compte
» aux directeurs, recepveur et éconosme dud; hospital et
» autrement procéder ainsy qu’il apar.tiendra; ou estant
» arrivés et nous estant rendus dans led; hospital le vingt
» quatre dud; mois de juin, jour de St-Jean-Baptiste, led;
» promoteur nous auroit requis de vouloir faire procès-
» verbail de Pestât de la chapelle provisionnaire dud;
» hospital et des ornements d’icelle ; ce que nous lui
» aurions accordé. »
Vient, « après l’adoration du St-Sacrement et la messe
» célébrée par led; Sr Promoteur,» la visite officielle de la
chapelle et l’énumération des divers objets nécessaires au
culte.
Invité ensuite par le Promoteur à visiter l’intérieur de
l’hôpital, le vicaire général est conduit par le sieur Dubos,
se disant directeur des pauvres et des enfants, « dans une
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 289
» salle basse y ayant une cheminée à chasqun bout
» d’icelle et cinq grandes croisées, trois du costé du jar-
» din dud; hospital et deux du costé d’une bassecour, où
» nous avons trouvé douze petits châlits, estant un chas-
» qun d'iceux garnis des paillasses, matelas, linseuls et
» couvertes blanches de layne, et les tours de lit de sarge
» verte, que le Sr du Bos nous a dit estre la salle où se
» retirent les pauvres femmes et filles dud; hospital, estant
» au nombre de seize ; lesquelles pauvres ayant fait
» assembler nous aurions remarqué estre habilhées asez
» honestement ; les noms desquelles, ce requérant led;
» promoteur, nous aurions fait rédiger par escript, avec
» leur âge et le lieu de leur naissance et le temps qu’il y a
» quelles sont dans led; hospital. »
» Ce fait, estant monté dans la salle qui est au-dessus
» de la précédente, de mesme grandeur et estandue, et
» dans icelle quinze châlits garnis de mesme que les pré-
» cédans. Led; Dubos nous ayant dit qu’il y avoit dans
» led; hospital trante trois châlits en tout, desquels il n’y
» en avoit que trante de garnis, et que les quinze quj
» estoient dans lad; salle haute estoient occupés par les
» pauvres hommes dud; hospital, et que, comme il y avoit
» des pauvres qui estoient petits et jeunes, il faisoit cou-
» cher lesd; petits et jeunes pauvres de deux en deux ;
» les trois lits garnis au-delà de vingt-sept servant aux
» pauvres estoient ocupés par les personnes qui servent
» les pauvres dud; hospital, nous avons fait acte etprocès-
» verbal et ordonné, ce requérant led; promoteur, qu’à la
» diligence dud; directeur les trois châlits restants seront
» garnis de mesme manière que les autres pour estre
» occupés par trente trois pauvres , conformément à la
» première fondation dud; feu seigneur marquis d’Haute-
» fort, et qu’il sera pareilhement pourveu de lits nécessai-
19
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» res et autres ameublements pour le service d’iceux qui
«seront employés à secourir et servir les pauvres dud;
» hospital, sauf sur la plus ample fondation, parties ouyes,
» estre ordonné ce qu’il appartiendra ; ayant aussi fait
» transcrire et mettre, ce requérant led; promoteur, les
» noms des pauvres qui accupent lad; salle haute. »
Après cela, sur la requête du promoteur, le vicaire
général visiteur ordonne que « les sieurs Dubos et Fraisses
» chargés de l’esconomie et direction dud; hospital et des
» pauvres qui y sont luj représenteront incessamment les
» comptes et estats de leurs receptes et aministration, pour
» iceux veux, ezaminés et espurés, led; promoteur ouy,
» estre ordonné ce qu’il appartiendra.
« Ensuite dequoÿ led; promoteur ayant dit et remontré
» aud; vicaire general qu’il y a plusieurs depanses innu-
» t.iles dans l’esconomie et conduite dud; hospital, y ayant
» été mis et introduit un esconome soubz des gages con-
» sidérables avec un recepveur, que l’un et l’autre ont
» leurs femmes et familles dans led; hospital , qui sont
» des gages considérables qui en absorbent les revenus et
» qui fait que les pauvres en souffrent ; requérant led;
» promoteur d’y voulloir aporter le remede nécessêre , en
» retranchant lesd; recepveur et esconome, leur femme et
» famille, et y establissant seulement un recepveur des
» revenus dud; hospital soubz tel gages qu’il lui plaira
» ordonner et des filles pour gouverner les pauvres d’icel-
» luj ; » le vicaire général, « après en avoir communiqué
» à Monsr le compte d’Hautefort, ordonne que le nommé
» Villotte sera estably recepveur dud; hospital sur le pié
» de cinquante escus seulement , en ce 'qu’il sera tenu de
» rendre compte de ses recepte et depanse de six mois en
» six mois aux directeurs dud; hospital. » Et ordonne
également que« les demoiselles de Laribarderie et Démon-
LES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., BU PÉHIGORB. 291
» sériés serons priées de venir incessament prendre le
» soint et la conduite des pauvres dud; hospital, avec une
» servante qui servira soubz elles ; et a ce esfait quj leur
» sera remis tous les meubles et ustanciles destinés et
» servant à l’usage desd; pauvres , dont il sera tait invan-
> taire; que pour leur entretien , nourriture et aliments
desd; pauvres et desd; filles, il leur sera fourny de trois
» en trois mois et par avance par led; recepveur la somme
» de huit cent cinquante livres, de laquelle et de leur ami-
» nistration, elles seront tenues de rendre compte de trois
» mois en trois mois, en presence du sr de Laverdane pre-
» mier chapelein de la communauté séculière d’Hautefort,
» du sr de la Claustre, sénéchal du Marquizat dud; Haute-
» fort , et de François de Saint-Leger , nommés et choisis
» pour directeurs.
Eestait à organiser le service médical : Ce point ne pou¬
vait échapper à la sollicitude du promoteur et du Vicaire
général. — Il y aura pour ce service un médecin et un
chirurgien ; « Ils visiteront le plus souvent qu'il leur sera
» possible les pauvres dud; hospital et les assisteront de
» leur conseil et secours dans leurs maladies ordinaires
» et quj pouront survenir ; auxquels pour recognoissance
» et rétribution de leurs paines sera donné par le recep_
> veur annuellement, scavoir aud; sr médecin vingt qua-
» tre livres, et aud; chirurgien dix huit livres, sans en ce
» comprendre les remedes et médicaments qu’il convien-
» dra, lesquels seront fournis suivant les ordonnances
» dud; s^ médecin et sur les billets des directeurs. »
Se préoccupant ensuite de l’état des bâtiments, le Vicaire
général ordonne que « ces batiments et esglize dud; hos-
» pital seront incessament achevés, et que le sr Fraisses,
» architette, sera sollissité et pressé d’exécuter le prisfait
» quil luj a esté fait se faisant achever de bastir et cou-
292 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
■> vrir led; hospital conformément au contrac fait et passé
» avecluy.»
Vient ensuite la -visite de la chapelle du château, pour
en régler et assurer le service, la communauté de prêtres
se trouvant dissoute par le fait de la désunion des béné¬
fices de Saint-Agnian et de Saint-Martial et des prieurés
de Mureau et de Nailhac. A cette fin, sur le requis du
Promoteur, le Vicaire général « ordonne que les sieurs de
» Laverdanne, Saint-Léger et Faure, chapelains, nommés
» par led; Seigneur Marquis, desserviront tant lad; cha-
» pelle du chasteau que celle dud; hospital et les pauvres
» d’icelluy auxquels ils administreront les sacrements et
» cathechiseront dans le Marquizat d’Hautefort, conformé-
» ment aux pieuses intentions dud; feu Seigneur Marquis
» d’Hautefort et autrement suivant le reglement qui en
» sera fait » par le Vicaire général.
« Et pour le dédommagement que le curé de Saint-
» Agnian d’Hautefort pouroit prétendre à cause desd; cha-
» pelles et de ladministration des sacrements dans led;
» hospital, ensemble pour les prétentions qu’il dizoit avoir
» sur les dimes inféodées , dont led ; hospital jouist
» danslad ; paroisse de Saint-Agnian, outre les menus
» et vertes dimes et nouvellains s’il y en a, il lui sera
» délivré tous les ans à la récolté sur lesd ; dimes inféodées
» de l’hospital six charges de bled tierce, moyennant
» quoy led ; curé de Saint-Agnian demeurera dédommagé
» desd ; prétentions. Et pour ne troubler le service de lad;
» paroisse, sur ce ouy led ; promoteur, nous ordonnons
» que lesd ; chapellains ne pouront en esté, les festes et
» dimanches, dire leur messe dans lad; chapelle du chas-
» teau qu’à six ou neuf heures du matin, et, en hiver,
» à sept ou dix heures.
» Et affinque lesd; chapellains puissent mieux s’acquit-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 293
» ter de leurs obligations et servir lesd ; pauvres par
» laministration de sacrements et instructions familbères
» estant soubz un môme toit , nous ordonnons que led;
» Seigneur Marquis d’Hautefort sera prié de faire mettre
» en estât les deux pavilbons qui regardent du costé de
» Cbassein et par luy destinés pour le logement desd;
» chapellains, et iceux meubler suivant l’intantion dud;
» feu Seigneur Marquis , pour qu’ils puissent y loger du
» premier jour ; et faire le jardin et icelluy enclore de
» murailhe, suivant le dessein joignant lesd; pavilhons et
» le jardin des pauvres. »
Nous croyons utile, pour bien faire apprécier la position
financière de cet hôpital, à la date de cette visite, de
reproduire textuellement la dernière page de ce procès-
verbal. Elle fait , d’ailleurs , mieux ressortir la souveraine
autorité qu’avait sur cet hôpital l’évêque de Périgueux, et
que le Marquis d’Hautefort, héritier du fondateur, ne
cherchait point à lui contester.
« Et dautant que par nostre dernier procès-verbal de
» vizitte du quatrième apvril mil six cent quatre-vingt-
» cinq, il restoit deub à la recepte dud; hospital deux mille
» neuf cent cinquante livres d’une part, et cinq cent qua-
» rante livres d’autre , et que les revenus escheux du des-
» puis de l’année mil six cent quatre vingts quatre, quatre
» vingt cinq et mille six cent quatre vingts six montant à
» la somme de quatre mille neuf cens cinquante neuf
» livres, dix sols , et les intérêts de cinquante mille livres
» léguets par feu Monsr le Marquis d’Hautefort, pour deux
» ans, deux mois et vingt jours , escheux depuis le quatre
» apvril mille six cent quatre vingt cinq jusques au vingt-
» quatre juin mille six cent quatre-vingts-sept, quj reve-
» nant à la somme de cinq mille quatre cent quatre-vingt-
» neuf livres quinze sols, le tout faisant ensemble la
294
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» somme de treize mille neuf cent quarante six livres cinq
» sols six deniers. Nous ordonnons que Sur lad; somme il
» sera payé au sr Fraisses architètte la somme de quatre
» cent livres, au sr Le Bost cent livres, au sr Delorne, cy
» devant esconome, trois cent livres, au sr Jouffrot, appo-
» ticaire pour ses services et fournitures passées cinquante
» livres, au nommé Yitour Broussilhou, pauvre de la
» paroisse de Saint-Agnian, la somme de trente livres, à
» Jean Laborie, pauvre estropié , vingt livres. Et pour le
» surplus de lad; somme de treize mille neuf cent qua-
» rante six livres , cinq sols , six deniers , les directeurs
» nouvellement nommés et le recep veur dud; hospital en
» procureront le payement pour en estre employée, en
» fons la somme de cinq mille livres, et le surplus sera
» employé pour la nourriture et entretien des pauvres à
» lavenir, et pour payer ce qui peut estre deub de leur
» entretien et nourriture passée depuis led; jour quatrième
» apvril mille six cent quatre vingt cinq , dont ils feront
» estât et rendront compte dans trois mois, comme aussy
» des arrérages des rentes constituées et cedées par Mon-
» sieur le Marquis d’Hautefort aud; hospital , par contrac
» du vingt-quatre décembre dernier ; pour ce qui se trou-
» vera en avoir esté payé tenir lieu d’acquit aud; seigneur
» Marquis d’Hautefort, dont les médiocres et non commo-
» des seront changées s’il y eschet et autrement ainsy qu’il
» sera par nous jugé a propos dans led; temps de trois
» mois , dans lequel lesd; directeurs et recepveur feront
» leurs diligences contre les particuliers sur qui lesd;
» rentes sont ceddées.
» Pour ce qui concerne les intérest des douze mille livres
» donnés à la Communauté des Chapellains d’Hautefort,
» que nous avons trouvé monter depuis le quatrième
» apvril mille six cent quatre vingt cinq jusques aud;
295
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD.
» jour vingt quatre du présent mois, à la somme de mille
» trois cent soixante et six livres, treize sols quatre deniers,
» nous ordonnons qu’il en sera donné au sieur Yillemur,
» prestre, y compris cent cinquante livres qu’il a desja
» reçues, la sommé de quatre cents livres, sans en ce
» comprendre les six cents livres qu’il devoit recepvoir de
» M. de La Forge, en conséquence de nostre procès-ver-
» bail dud; jour quatrième apvril mille six cent quatre
» vingt cinq sur les deux mille quatre cent livres ordonnés
> estre délivrés aud; sieur de La Forge.
» Comme aussi ordonnons que sur les mille trois cent
» soixante et six livres treize sols quatre deniers, il en sera
» payé aud; sieur de La Forge, Borderie et autres qui ont
» servy lad; chapelle du chasteau d’Hautefort et fait l’obit
» la somme de quatre cent livres (1), et pour les cinq cents
» soixante et six livres treize sols quatre deniers restants
» desd; intérêts, déduction faite J de qurante livres pour
» les droits dud; promoteur, tant de la présente visitte que
» precedente , et vingt six livres treize sols quatre deniers
» pour le secrettaire pour les mesmes droits, ordonnons
» que le recepveur en procurera le payement pour, ce fait,
» estre par nous pourveu à la destination de cinquante
» livres restants ainsy quil appartiendra.
» Et nous ayant été represanté-que le nommé N. de la
» paroisse de Saint-Agnian d’Hautefort est réduit a une
» grande nécessité, et attendut qu’il vaque une place dans
» l’hospital pour le recevoir , ordonnons quil luy sera
» donné par le recepveur dud; hospital la somme de dix
» livres qui luy seront donnés et distribués en pain,
» comme aussy quil sera donné a Pierre Mandeyx quj
(1) Par son testament du 21 juin 1667, le Seigneur Marquis d’Hautefort
avait légué, à perpétuité, une rente annuelle de cent livres pour un service
annuel et une messe basse tous les samedis, dans la chapelle du château.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» sest rompu et brizé la jambe depuis deux jours, la
» somme de quinze livres par led; recepveur.
» Dont et de tout ceque dessus nous avons fait acte et
» dressé le présent procès-verbal pour servir en temps et
» lieu ce que de raison. » Ont signé ; Moreau, vicaire
général, gratis pour mon particulier en faveur des pau¬
vres, Desauzières promoteur, Martin , curé de Montignac,
présent, Dufraisses, présent, La Claustre, présent , Saint-
Leger, présent, Bonnet, présent, Mertier secrettaire.
V
TROISIÈME VISITE FAITE LE 6 JUILLET 1690.
« Ce jourd’buy sixième juillet mil six cent quatre vingt
» dix, après midy, nous Pierre Moreau, prestre de l’Ora-
» toire, cbonoine en lesglise cathédrale de Périgueux, et
» vicaire général de Monseig1' l’illustrissime et révéren-
» dissime esvesque dud; Périgueux, messire Guilhaume
» Le Boux, conseiller du Roy en ses conseils et son prédi-
» cateur ordinaire ; assisté et accompagné du V Rossi-
» gnol , prestre , prins en la plasse du sr Desauzières,
» promoteur dud; diocèse , et de nostre scerettaire ,
» nous nous sommes rendus au lieu d’Hautefort pour
» faire nostre visitte de la communauté des prêtres secul-
» liers, chapellains de la chapelle du chasteau d’Hautefort
» et de l’hospital dud; lieu. Ou estant arrivés, led; sr Ros-
» signol, en lad; qualité de promoteur, nous a requis de
» voulloir ordonner que ce que nous avions cy-devant
» ordonné dans nos procès verbaux de visitte des deux
» apvril mil six cent quatre vingt cinq, et vingt trois juin
» mille sis cent quatre vingt sept, seroient exécuté en ce
» qui n’a pas encore esté fait, comme aussi que nos
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 297
» reglements portés par lesd; procès verbaux de nos deux
» dernières visittes seroient ponctuellement et exacte-
» ment observés sans aucune innovation ny changement,
» tant à l’esgard du service de la chapelle du chasteau que
» de ceux de l’hospital dud; Hautefort que pour le giju-
» vernement des pauvres, leur nourriture, entretien et
» service spirituel. »
Ce préambule est comme le sommaire de toute la visite ;
il en dit bien clairement le but.
La première visite est pour la chapelle du château ; le
vicaire général y est reçu avec le cérémonial ordinaire
« par les sieurs de Laverdane, de Labatut et Saint-Léger,
» prestres et chapellains de lad; chapelle du chasteau et
» de l’hospital dud; lieu. » Il constate que ce qu’il avait
ordonné dans les précédentes visites n’a « été exécuté
« qu’en partie. » Il avait ordonné qu’il « serait em-
» ployé jusques à la somme de huit cents livres pour
» ayder à achepter les ornements necessaires aux deux
» chapelles du chasteau et de l’hospital ; il n’a esté acquis
» de nouveau qu’un calice, un ciboire et un soleil quj
» se met dessus le ciboire. » Il « ordonne de nouveau
» qu’à la diligence desd; chapellains l’on faira achepter
» des deniers restant de lad; somme de huit cents livres,
» un missel, un rithuel, des aubes, des surplis, napes,
» serviettes, corporaux et purificatoires, deux chapes,
» l’une, noire pour le service des morts, et l’autre de coul-
» leur pour l’exposition du Saint-Sacrement. »
« Et pour qu’à l’advenir tout ce qui pourra estre néces-
» saire pour la célébration et entretien du service divin,
» tant pour le luminaire qu'autre chose, ne manque pas,
» après que led; seigneur d’Hautefort aura meublé
» comm’il doit lesd; chapelles conformément à l'intention
» dud; feu seigneur fondateur, son frère, » le vicaire
298 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
»> général visiteur ordonne qu’annuellement la somme de
cent livres « sera mise ez mains du sr de Laverdane ,
» premier chapellain, pour les employer utilement à l’en-
» tretien des sachristies desd; deux chapelles, et que led;
» seignenr Marquis d’Hautefort sera très humblement
» suplié de voulloir assigner un fonds fixe et séparé pour
» faire le revenu de lad; somme de cent livres, si cela n’a
» desja esté faict, de laquelle somme de cent livres led;
» srde Laverdane faira un estât de mise et recepte pour
» en rendre compte tous les ans » au vicaire général dans
» ses visites.
Il est mentionné ensuite dans le procès-verbal, que le
vicaire général, faisant la visite de l’hôpital, « a trouvé que
» le sieur Fraisses, architette, faisait travailler à l’entière
» perfection des bastiments, que trois salles estoient desjà
» voûtées, et qu’il faisait avancer la rotonde soubz laquelle
» doit estre l’autel ; mais comme ces trois salles sont
» encore embarrassées de matériaux, les pauvres ne peu-
» vent y loger : ils sont toujours dans les salles provisoi-
» res, au nombre de trente trois, conformément à la fon-
» dation. »
Une grave contestation avait surgi entre les curés de
Thenon et St-Agnan et le syndic de l’hôpital ; il était du
devoir du vicaire général visiteur de pacifier en détermi¬
nant les droits de chacun. Nous copions le procès-
verbal.
« Ce faict, led; promoteur nous a dict et remonstré
» qu’il avoit esté adverti qu’il estoit né une grande con-
» teste entre les s13 curés de St-Agnan et de Thenon avec
» le scindic de l’hospital, au subjet des menues et vertes
» dixmes que lesd; sieurs curés ont |droit de prendre sur
» la moitié des dixmes inphéodées de leurs paroisses et
» qui ont esté données aud; hospital par le feu seigneur
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 299
» Marquis d’Hautefort. Nous, après avoir bien examiné
» les raisons de part et d’autre , et ayant esgard à la
» remonstrance que le sr curé de Thenon nous a faitte
» que par la transaction passée à Paris entre le seigneur
» Marquis d’Haufefort et M.. François de Beauregard, son
» frère, sur sa procuration, le trois septembre mille huit
» cent quatre vingt huict, ressue par Bechet et Desnots,
» nottaires au Chastellet, il ne luy aurait esté donné que
» cinq charges de bled à train de dixme avec les menues
» et vertes dixmes qui pouvoit estre dans la moitié desd;
» dixmes imphéodées, qu’on luy avoit faict valloir pour
» quelque chose de considérable pour toutes ses préten-
» tions, cependant qu’il n’en tiroit presque rien par l’opi-
» niâtreté des habitants, offrant de remettre lad ; moitié
» en luy en donnant quelque récompense, Nous, de son
» consentement et de celluy des directeurs de l’hospital
» d’Hautefort, pouresviter à l’advenir toute sorte de conteste
» entre led; sr curé et le scindic dud; hospital, nous avons
» réglé et ordonné qu’à l’advenir et de cette ''présente
» année, il sera délivré à train de dixme par les dixmiers
» à chaque récolté, autres deux charges de bled, outre les
» cinq charges portées par la transaction du trois septem-
» bre mille six cent quatre vingt huit, en ce que désor-
» mais led; sieur curé et led; hospital jouiront et partage-
» ront par moitié toutes les dixmes de la paroisse à
» l’exception des chanvres et des lins [qui appartiendront
» aud; sr curé ; moyennant quoy led; sieur curé et les
» directeurs dud; hospital ont promis et se sont obligés de
» passer une transaction confirmatrice du présent regle-
» ment pour Tauthoriser d’autant plus et le rendre estable
» à l’advenir. En foy de quoy ils ont signé notre présent
» procès-verbal. Ainsi signé Beauregard curé de Thenon,
» Laverdane directeur et Laclaustre.
300
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» Et à l’esgard du sieur curé de St-Aignan, nous avons
» dict et ordonné qu'il aura, pour menues et vertes dix-
» mes, les chanvres, les lins, les laisnes, les petits poits,
» garraubes, gesses, nentilles et autres petits drageons,
» bleds noirs, bleds d’Espaigne, millet, panis ; et pour les
» baillarges meslés aux petits poits et garraubes, quand il
» y aura beaucoup plus de petits poits et garraubes que
» de baillarges, en sorte qu’on n’en liera point les gerbes,
» cella sera sensé alors estre menues dixmes, et toutes
» fois et quentes qu’il y aura suffisamment de baillarge
» pour qu'on en fasse des gerbes, alors ces gerbes de
» baillarge et petits poits seront sensés grosses dixmes et
» se partageront par moitié comme les autres gros bleds ;
» n’y ayant que les sud; menus grains quj soient entière-
» ment aud; curé, à la réserve toutefois de ce quj pourra
» croistre dans le jardin de l’hospital et des sra chapel-
» lains qui seront exemps de toute sorte de dixmes vers
» led; sr curé, attendu la récompense qui luy a esté don-
» née par nostre procès-verbail du vingt trois juin mille
» six cent quatre vingt sept. »
Après cet arrangement fait à la satisfaction des parties,
le vicaire général est appelé à régler ce que nous appelle¬
rions aujourd’hui l’enseignement primaire. « Le sieur
» promoteur et une partie des principaux habitants de ce
» lieu d’Hautefort » lui « ont représenté qu’un des plus
» grands biens qui se puisse faire en ce lieu et plus con-
» forme aux instentions du feu Seigr d’Hautefort fonda-
» teur de l’hospital, estoit d’establir un bon regent dans
» ce lieu pour l’instruction du grand nombre d’enfans
» qu’il y a et dans le voisinage. Et qu’on y auroit desja
» cydevant estably divers regents quj auroient quitté pour
» n’y avoir put subsister avec les cinquante escus qu’on
> leur donnoit, sans aucune rétribution de la part des
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 301
» enfans. » Le vicaire général visiteur « de l’advis et du
» consentement des Srs directeurs dud; hospital quj luy
» ont dict qu’estant suffisemment dottés on pourroit, sans
» toucher à la nourriture et entretien des pauvres quj sont
» fondés, ajoutter cinquante livres par an auxd; cinquante
» escus, ordonne qu’a ladvenir il sera payé cinquante
» livres par quartier, quj est deux cens livres par an, a
» celluy qui sera aprouvé pour faire lesd; escolles, à con-
» dition toutefois qu’il nexigera rien des enfants du mar-
» quizat pour les enseigner. »
Voilà bien la gratuité de l’enseignement primaire, mais
ici sans augmenter les charges des contribuables.
« Le sieur de La Forge curé de Saint-Aignan, estant en
» procès avec ses paroissiens, auprès du Séneschal de
» Périgueux, pour raison du payement des diximes », et
dont l’issue pourrait être nuisible aux intérêts des pauvres
de l’hôpital, le vicaire général « ordonne au scindic dud;
» hôpital d’intervenir au procès en leur faveur, et faute
» par luy de le faire attendu qu’il y est intéressé comme
» estant de la paroisse, le Promoteur faira son interven-
» tion à sa place pour le bien des pauvres dud; hospital. »
Puis il est procédé à l’examen des comptes des « s" Ber-
» trangeas, Dufraysses et Villoste qui ont été scindics
» dud; hospital les uns après les autres jusques a présent,
» et de la sœur Robert, en présence du directeur de l’hos-
» pital. » Ces divers comptes sont approuvés.
C’est pour la première fois que nous apparaît cette
sœur Robert comme gouvernante de l’hôpital. Elle avait
dû succéder aux demoiselles Laribarderie et Demonseries,
et recevoir sa nomination de MM. les directeurs. A quel
ordre de religieuses appartenait-elle ? Nous l’ignorons ;
peut-être à aucun. Elle pouvait s’être vouée d’elle-même,
sous un costume particulier, au service de Dieu dans la
302
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
personne des pauvres. Quoi qu’il en soit, « ayant congneut
» par les comptes de lad; sœur Robert sa bonne conduite
» et esconomie pour le gouvernement des pauvres de cet
» hospital et sur les intentions de Monsr le Marquis d’Hau-
» tefort pour le perpétuel dans cët employ, de son consen-
» tement et de l’advis et agrément de messieurs les direc-
» teurs dud; hospital, » le Vicaire général visiteur « l’es-
» tablit pour toujours à ladvenir gouvernante et supé-
» rieure des pauvres dud; hospital, avec pouvoir de pren-
» dre pour son secours tel nombre de filles ou de ser-
» vantes qu’elle et led; srS directeurs jugeront nécessaires
» pour le service desd; pauvres. »
Et pour rendre plus facile la tâche imposée à la sœur
Robert, quelques changements sont faits au régime inté¬
rieur de l’hôpital. « Nous ordonnons, dit le Vicaire géné-
» ral. que désormais les dixmes inphéodées de St-Aignan,
» de Thenon et La Motte ne seront plus affermées qu’en
» espèce de bled et de vin, que le sr de Lafayolle, scindic,
» aura soin de faire conduire dans les grenier et cave dud;
» hospital. Et lorsque lesd; dixmes ne suffiront pas ou en
» bled ou en vin pour la nourriture desd; pauvres, led;
» sr scindic aura soin d’en prendre, au temps de la récolte
» des bleds et des vendanges, jusqu’à la concurrence qui
» sera jugée nécessaire par elle (la sœur Robert) et par
» lesd; directeurs pour qu’il y ait une provision suffisante,
» pour l’année, de bled et de vin pour la nourriture. Et
» quand lesd; dixmes seront plus que suffisentes pour la
» provision d’une année, lad; sœur Robert les gardera
» pour l’année suivante et en disposera par l’ordre et de
» ladvis de messieurs les directeurs. Led; Sr scindic aura
» aussi soing de faire faire la provision, à temps, du bois
» quj sera nécessaire pour le chauffage dud; hospital.
» Moyennant quoy nous avons réduit à quatre cent
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGOBD. 303
» livres par quartier les huict cent cinquante que nous
» avons ordonné par nostre précédent procès verbail luy
» estre remis de trois mois en trois mois pour fournir à
» l’entretien et nourriture desd; pauvres et des personnes
» destinées à leur service, laquelle somme de quatre cent
» livres luy sera payée en deux ou trois payements à chas-
» que quartier, à la fin desquels trois mois elle sera
» thenue d’en rendre compte auxd; Sra directeurs comme
» elle l’a faictjcy devant desd; huict cent cinquante livres...
» Nous la dispensons et déchargeons à chasque quartier
» de rendre compte de quinze livres, quj est soixante
» livres par an qu’elle pourra reserver pour son entretien
» et pour remplir les petites oubliances qu’elle pourroit
» faire pendant Tannée dans les estats de la despense. »
En achevant sa visite, le vicaire général tient « à con-
» Armer et authoriser ce qu’il y a desjà dict et statué dans
» ses précédentes visites pour la célébration du service
» divin et pour le secours spirituel des pauvres de l’hos-
» pital. Nous recommandons expressément, dit-il, aux
» s” de Laverdane, de Labatut et Saint-Leger de s’apli-
» quer a catéchiser et instruire les pauvres, et faire aussj
» des catéchismes, les uns après les autres, dans la cha-
» pelle du, chasteau et dans les paroisses de ce marquizat,
» conformément aux pieuses intentions du feu seigr Mar-
» quis d’Hautefort, en prenant garde de ne pas détourner
» les parroissiens d’assister à leur messe parroissialle ou
» en disant les leurs publiquement à la mesme heure,
» mais de suivre exactement ce que nous avons réglé la
» dessus par le procès verbail de nostre dernière visitte.
» Et comme nous avons desdommagé le sr curé de St-
» Aignan par ce que nous luy avons adjugé par notre pre-
» cedent procès verbail, des prétentions qu’il pouvoit
» avoir droit sur la chapelle de lhospital, pour l’adminis-
304
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» tration des sacrements dans icelle chapelle, et encore
» sur les droits qu’il pouvoit aussj prétendre sur la cha-
» pelle de ce chasteau d’Hautefort ou lesd; chapellains
» sont establis pour la servir, nous disons comme cy
» devant que led; sr curé n’aura aucune part aux fonda-
» tions quj y sont faittes et quj se pourront faire à lad-
» venir dans lesd; chapelles, et qu’il n’y pourra prétendre
» droit que d'y faire l’office le jour de la feste des patrons
» desd; chapelles, auquel jour les offrandes quj se fairont
» dans la chapelle du chasteau seulement luy appartien-
» dront. »
Enfin, après avoir ordonné le remboursement de quel¬
ques avances que le sr de Villemur, cy devant chapellain
d’Hautefort « avoit faites pour l’entretien de la commu-
» nauté des prêtres avant sa dissolution, » le vicaire
général a clos son procès-verbal « en présence de Mes-
» sieurs les chapellains et Messieurs les directteurs et du
» scindic de l’hospital qui ont signé avec lui et le promo-
» teur. »
Ainsi signé à l’original des présentes : « Rossignol,
» prestr e,, pour le promoteur, Laverdane, directeur, sans
» approuver l'article de la contestation , de la paroisse de
» St-Aignan et le curé d'icelle, Lahatut, présent, Laclaus-
» tre, directeur, sans approuver larticle de la contestation
» des dixmes entre le sr curé de cette paroisse et lapar-
» roisse et aux réservations necessaires, Lafayolle, scindic
» dud; hospital, aux susd; réservations, Villemur, pres-
» tre, présent, P. Moreau, vicaire général et moy Bonnet
» secrétaire. »
VI
Telles furent la fondation et les premières années de
l’hôpital d’Hautefort, vaste et sublime conception delà
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 305
part du fondateur , affermie et perfectionnée sous l’action
de l’autorité épiscopale , comme le constatent les procès-
verbaux que nous venons de rapporter.
On ne doit pas s’étonner de l’autorité absolue dont le
vicaire général visiteur use au nom de son évêque. Les
pauvres appartiennent à l’Eglise ; ils forment, comme nous
l’avons dit ailleurs , son précieux trésor. A l’Eglise donc
le devoir et le droit de les gouverner dans les asiles que
leur crée la charité chrétienne. On comprenait cela aux
temps anciens. Le marquis d’Hautefort l’avait ainsi com¬
pris ; aussi , loin de vouloir soustraire les pauvres de son
hôpital à l’autorité de son évêque, il invoque cette autorité
en leur faveur : « Si malgré ses prières, ordres et désirs,
» est-il dit dans l’acte de fondation , les seigneurs dudit
» Hautefort, ses héritiers ou successeurs, refusent la sub-
» sistance aux pauvres dans ' les termes de la présente
» fondation , il charge la conscience de tous ceux de son
» chapitre dudit lieu d’en avertir led; sgr Esvesque de
» Périgueux. » Et l’évêque en agissant , dans ses visites,
comme il le faisait par son délégué , remplissait à la fois
un devoir et répondait dignement à la confiance du pieux
fondateur.
Réprenons notre récit.
Nous avons laissé la chapelle de l’hôpical en état de
construction ; elle ne fut achevée et livrée au culte qu’en
1717. La bénédiction en fut faite par le Sr Cheyroux , l’un
des chapelains, à cette fin délégué.
A la date de 1748 , époque où toutes les constructions
prescrites par le seigneur fondateur de l’hôpital venaient
d’être achevées depuis quelques années seulement , nous
avons un arrêté de compte portant quittance finale déli¬
vrée à M. le marquis Emmanuel d’Hautefort, par les
directeurs de l’hôpital. Nous ne pouvons entrer dans les
20
306
LES ORIGUNES CHRÉTIENNES
détails de ce compte , mais cette quittance Anale nous
prouve que les intentions du fondateur avaient été üdèle-
ment remplies, par ses successeurs au marquisat d’Haute-
fort. Au bas de l’arrêté de compte se trouvent les signa¬
tures de : « Emmanuel d’Hautefort ; Pierre Reynaud ,
» directeur et scindic de l’hôpital ; Henri Abriat, directeur;
» François Gaultier, directeur ; François Martin, directeur;
» Déguillen Lagondie , avocat , auditeur aud; arrêté de
» compte. »
Nous avons vu qu’en 1687 , on avait établi des Filles
dévotes appelées Sœurs gouvernantes , ou simplement
gouvernantes , pour diriger l’hôpital et soigner les pauvres,
et que , dans la dernière visite du vicaire général , l’une
d’elles , la sœur Robert , avait reçu le titre de « gouver¬
nante et de supérieure des pauvres de l’hôpital. » Mais
celles qui lui succédèrent n’héritèrent point de son zèle
pour les intérêts de l’hôpital et le soin des pauvres. Les
directeurs durent s’en préoccuper et les remplacer par les
Sœurs de la Charité de Nevers. Nous lisons dans un Narré
de la substance du titre de fondation , fait pour une con¬
sultation : « En 1748 , comme ont saperçut que les Sœurs
» gouvernantes qui se regardoient souvent comme étran-
» gères audit hôpital, avoient très peu de soin des pauvres
» et de l’arrangement nécessaire, il fut passé un concordat
» public avec la générale de la communauté de la Charité
» de Nevers, où elle s’obligeait de fournir audit hôpital
» deux Sœurs gouvernantes nourries dans ledit hôpital et
» payées pour l’entretien. Les choses sont dans cet état
» actuel. » En vertu de ce concordat , la Sœur Thècle
Martel, de Montignac, prit possession de l’hôpital le 2 jan¬
vier de la même année.
De cette époque jusqu’à la grande Révolution, les sœurs
de Nevers ne cessèrent point de diriger cet hôpital et avec
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 307
tant de zèle et de sage économie , qu’à la date du Narré
déjà cité , on avait pu augmenter le nombre des pauvres
d’un tiers en sus du nombre fixé par la fondation.
Outre les chapelains que nous avons déjà cités, les
archives de l’hôpital nous donnent , jusqu’en 1789, les
noms de MM. Souffron, de Tourtoirac ; Jean Abriat ; sr du
Cheyroux, du Temple; Jean de Moncins, d’Hautefort;
Léonard Desmont, curé de Cubas ; Jean Souffron ; de Pra-
gelier ; Reynaud, prieur de Saint-Aignan et de Maumont ;
Jean Durand; Denys Pommeau ; François Reynaud, aussi
prieur de Saint-Aignan.
Tel fut Tétât spirituel et temporel jusqu’à la Révolution.
A cette époque, « en vertu d’une loi qui méconnaissait
» tons les principes de l’équité , la nation s’empara avec
» sa main usurpatrice de la propriété et de la subsistance
» des pauvres , auxquels cet hôpital donnait asile , sous
» prétexte qu’il était national , dans le temps qu’il n’était
» rien moins que particulier, fait en faveur d’une classe
» sacrée — les pauvres — et par un homme ou ses repré-
» sentants qui jouissaient alors de la plénitude de leurs
» droits. »
VII
Après la tourmente révolutionnaire , l’hôpital continua
d’être considéré comme relevant directement de l’autorité
civile. Il paraît que ce ne fut qu’en Tan VII de la Répu¬
blique (1798), qu’on reconstitua une administration légale,
qui, sauf les modifications apportées par les règlements
successifs, a persévéré jusqu’à nos jours.
La nation s’étant emparée de plusieurs sommes d’argent
303
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
appartenant à l’hôpital , plusieurs particuliers ayant
amorti les rentes qu’ils devaient à l’établissement , avec
du papier monnaie , d’une valeur à peu près nulle, et
l’argent ayant considérablement diminué de valeur , il en
résulte que l’hôpital , dont les revenus sont aujourd’hui
d’à peu près cinq mille francs , est beaucoup moins
riche qu’autrefois ; aussi le nombre des pauvres a-t-il été
réduit à vingt.
A cette époque , deux des trois sœurs de Nevers qui
administraient l’hôpital, la supérieure et la sœur Thérèse,
durent abandonner l’asile des pauvres. La troisième, la
sœur Férignac, s’étant sécularisée en quittant l’habit reli¬
gieux , put y continuer sa mission auprès des pauvres,
jusqu’au 8 vendémiaire an IX (1800). Mais en sé séculari¬
sant, elle avait cessé d’être sœur de charité ; aussi fut-elle
destituée pour cause de mauvaise administration et de
dureté envers les pauvres. l,a sœur Thérèse, que les admi¬
nistrateurs demandèrent eux-mêmes , la remplaça et prit
possession, le 1er frimaire an IX, avec la sœur Yilotte.
Depuis cette époque les Sœurs de Nevers n’ont point
cessé de diriger l’hôpital d’Hautefort.
Lorsque le culte catholique fut rétabli en France ,
M. Pommeau, qui avait survécu à la tourmente révolution¬
naire, reprit son service à l’hôpital en qualité de chape¬
lain. Il y mourut. Après lui il ne paraît pas y en avoir eu
d’autre en titre jusqu’en 1817. Seulement , un des anciens
chapelains, que l’on croit être M. Dubreuil, curé de Cher-
veix, y vint tant qu’il vécut dire la messe le lundi. Les
archives ne font même pas mention de ces deux prêtres,
et tout porte à croire qu’ils ne recevaient aucune rétribu¬
tion fixe et que le service se faisait peu régulièrement. On
croirait même qu’en 1813 tout culte aurait été interdit
dans la chapelle de l’hôpital. La commission administra-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 309
tive dut s’en préoccuper ; voici ce que nous lisons dans
sa délibération du 2 mai 1813 :
« Vu la Lettre pastorale de Mgr l’évêque d’Angoulême ;
» Considérant que les bâtiments de l’hospice étant
» beaucoup trop éloignés de l’église paroissiale, pour que
» les Révérendes Mères qui dirigent cette maison , ainsi
» que les vieillards et infirmes qui y sont admis, puissent,
» même les dimanches et les jours de fêtes conservées,
» assister aux offices divins , il est du devoir de la com-
» mission d’user de tous les moyens en son pouvoir pour
» procurer à ces âmes pieuses et charitables , tous les
» secours spirituels qu’elles ont droit d’attendre d’un
» gouvernement qui s’est déclaré le protecteur de la reli-
» gion catholique. Par ces raisons la commission arrête :
» Que le Seigneur évêque d’Angoulême sera très ins-
» tamment prié de solliciter de sa majesté impériale et
» royale, la permission de faire dire la messe dans l’église
» de l’hospice d’Hautefort , tous les jours de l’année , par
» un prêtre approuvé par lui, — de chanter vêpres les
» dimanches et fêtes conservées ; — de donner la bénédic-
» tîon du Très-Saint-Sacrement : le jour de la Trinité, fête
» patronale de la maison ; — les deux dimanches qui sui-
» vent les fêtes de saint Jean et de sainte Marthe ; — les
» trois jours du carnaval ; — de faire une procession le
» dimanche de l’Octave de la Fête-Dieu , et de donner la
» bénédiction pendant toute la semaine , suivant l’usage
» constamment observé jusqu’à ce jour.
» La commission arrête encore que le Seigneur évêque
» sera également prié de vouloir bien autoriser l'aumônier
» de l’hospice à administrer les sacrements dans l’intérieur
» de la maison , sous la surveillance du curé de Saint-
» Aignan, qui réglera également les heures auxquelles les
» offices devront être célébrés. »
310 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Malgré cette supplique, d’un impérialisme outré, qu'on
excuse néanmoins, la commission s'adressant à un évêque
constitutionnel qui faisait tout remonter à l’autorité civile,
il ne paraît pas qu’il y ait eu aucun changement dans le
service religieux de l’hôpital jusqu’en 1817. Nous avons
line délibération du 20 juillet de cette année ainsi conçue :
« Les administrateurs , considérant combien il serait
» avantageux, tant pour le temporel que pour le spirituel,
» qu’il y eût un aumônier audit hospice, afin d’établir un
» pensionnat de demoiselles, ce qui procurerait de grandes
» ressources aux pauvres, ont nommé, sur la présentation
» de M. Larouverade, l’un des membres, et curé de Saint-
» Aignan, M. Eustacbe-Olivier Sédano , prêtre espagnol,
» venant de Rhodez , aumônier dudit hospice , et lui ont
» alloué 150 francs de traitement , avec la nourriture, le
» logement dans la maison , le chauffage , l’éclairage et le
» blanchissage. »
M. Sédano ayant cessé ses fonctions quelques années
après , les sœurs et les pauvres valides allèrent pendant
quelque temps , les dimanches et les fêtes , aux ofüces de
la paroisse. Cet état de choses ne pouvait durer , on pria
M. Kinard, curé de Nailhac, de faire le service de l’hôpi¬
tal ; il le lit jusqu’au mois d’avril 1821. A cette époque,
M. Courbais, son successeur à Naillac , fut aussi son suc¬
cesseur à l’hospice. Il fut lui-même remplacé , en 1838,
par M. Lespinasse, vicaire de Saint-Aignan, qui reçut delà
commission le même traitement que son prédécesseur.
Aujourd’hui, le service de l’hôpital est fait par M. le curé-
doyen de Saint-Aignan et son vicaire.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 31i
VIII
Nous devons mentionner ici quelques legs qui ont été
faits en ces derniers temps à cet hôpital, et que nous trou¬
vons consignés dans le registre des délibérations de la
commission administrative :
1» Rente constituée de cinquante francs, léguée par
M. Bernard Mérilhou , aux termes de son testament du
15 septembre 1830 ; acceptée par la commission adminis¬
trative, le 10 juillet 1838. Présents à la délibération:
MM. Malafayde, adjoint, présidant en l’absence du maire;
Reynaud-Lescure ; Gauthier du Buisson ; le baron de
Damas ; Larouverade, curé.
2° Legs de 3,000 francs de Mme la baronne de Damas,
née d’Hautefort. « Le président de la commission donne
» connaissance de l’extrait du testament olographe , en
» date du 28 juillet 1844, enregistré à Paris, le 20 septem-
» bre 1847, de Mme Sigismonde-Charlotte-Laure d’Haute-
» fort , épouse de M. A.nge-Hyacinthe-Maxence , baron de
» Damas , par lequel elle lègue à l’hospice d'Hautefort la
» somme de 3,000 francs , pour y fonder un lit , dont ses
» successeurs auront la nomination.
» Considérant que ce legs est avantageux à l’hospice ;
» que la condition qui y est stipulée n'est nullement
» nuisible ;
» Que ce legs rappelle les bienfaits de Mme la baronne
» de Damas à l’hospice, sa sollicitude pour les pauvres ;
» Que ce souvenir doit se perpétuer (il remonte à la
» création de l’hôpital , qui a été fondé et doté par les
» auteurs de Mme la baronne de Damas) ;
» La commission est unanimement d’avis 1° que le legs
» dont il s’agit soit accepté ; 2° que les sentiments de
312 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» reconnaissance dont sont animés les administrateurs
» pour Mme la baronne de Damas , soient exprimés en
» même temps que leurs regrets pour la perte qu’ont faite
» les pauvres, qui étaient constamment l’objet de la solli-
» citude de Mme la baronne de Damas. »
Entre autres bienfaits, dont la reconnaissance est expri¬
mée à la généreuse baronne , elle avait, en 1836, annexé à
l’hôpital une salle d’asile. Elle avait cru , en faisant cette
fondation en faveur des petits enfants , ne pas pouvoir
mieux marquer le jour de la première communion de
l’une de ses filles, et en consacrer le pieux souvenir.
3° Fondation d’un lit pour un pauvre infirme à l’hospice
par M. Courbais, curé de Nailhac.
« Le 7 mars 1851 , la commission administrative réunie
» et autorisée par le préfet, a définitivement accepté de
» M. Courbais , curé de Nailhac , un don de 3,000 francs,
» aux conditions suivantes : Aussitôt que la somme entière
» aura été versée, M. le curé aura le droit de placer, à son
» choix , un pauvre infirme à l’hospice ; et si lui-même
» n’occupe point le lit qu’il fonde , lui seul nommera, sa
» vie durant, le pauvre qui occupera ce lit.
» De plus, la commission a témoigné sa reconnaissance
» à M. le curé de Nailhac, non-seulement pour le présent
» don , mais encore pour les services qu’il a rendus à
» fhospice d’Hautefort, lorsqu’il en a été l’aumônier, pen-
» dant plus de vingt ans, et encore depuis.
» La commission a, de plus, déclaré que si jamais
» M. Courbais voulait occuper le lit qu’il fonde , il serait
& logé séparément et traité avec tous les égards dus à son
» caractère.
» Signé : le baron de Damas, Barailler, maire ; Vergnol,
curé ; Magueur , propriétaire ; Malafayde , juge de paix, b
En terminant cette notice un peu longue , — nous
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., OU PÉRIGORD. 313
n’avons pas su être court , — rappelons que les Sœurs de
la Charité chrétienne de Nevers prirent la direction de
l’hôpital d’Hautefort en Tannée 1748. Elles le dirigent
encore. Elles y ont annexé un pensionnat , un externat,
une classe gratuite , l’école communale de filles et une
salle d’asile fondée , comme nous l’avons dit, par Mme la
baronne de Damas. Les meilleurs rapports existent entre
les religieuses et la commission administrative ; et il serait
« bien difficile qu’il en fût autrement , nous écrivait
» naguère un des membres de cette commission ; nous
» n’avons jamais que des éloges à faire à notre excellente
» mère supérieure, Mme Adélaïde Laurent , qui adminis-
» tre si bien toute sa maison qu’elle trouve moyen de
» nous présenter toujours, aux comptes de fin d’année, de
» petites économies qui augmentent ensuite le bien-être
» de nos pauvres. »
Ajoutons, ce qui n’étonnera personne, que M. l’abbé
Yergnol, curé de la paroisse, et M. le comte de Damas, le
digne successeur du fondateur de l’hôpital, sont membres
de la commission administrative. La loi du 5 août 1879 a
été impuissante à exercer ici ses rigueurs.
XXXI
Hospice de Bourrou.
Deux nobles cœurs unis, deux âmes profondément
chrétiennes, Jean-Julien de Cosson-de-La-Sudrie , et Eli¬
sabeth-Louise de Leybardie, en rentrant sur la terre de
leurs aïeux , après les orages de là Révolution et de l’Em¬
pire , furent touchés des misères que ces orages y avaient
accumulées. Ils cherchèrent à les soulager par le travail
qu’ils offraient à tous et par l’enseignement des bonnes
méthodes agricoles. Mais toutes les misères ne pouvant
être secourues par le travail , les généreux bienfaiteurs
résolurent de créer près d’eux une maison hospitalière
pour les vieillards et les infirmes indigents. Ce projet,
soumis à l’éventualité d’un héritage qu’ils étaient en droit
d’attendre , ne put avoir un commencement d’exécution
qu’en 1833. Mais déjà , en 1830 , la mort avait brisé les
liens qui unissaient ces deux cœurs si bien faits l’un pour
l’autije. Madame de Cosson était allée recevoir la récom¬
pense réservée aux miséricordieux. Cette femme d’élite,
qui nous rappelle la femme torte de l’Ecriture, remplie de
compassion et de charité pour les pauvres, eût voulu venir
en aide à tout ce qui souffrait ; mais les soins que récla-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DD PÉRIGORD. 315
mait sa nombreuse famille ne lui permettaient pas de
s’occuper des pauvres comme elle le désirait ; aussi appe¬
lait-elle de tous ses vœux le jour où pourrait avoir lieu la
fondation projetée et tant désirée. Cette fondation, elle ne
la vit que du haut du ciel ; elle s’était hâtée de combler
sa mesure de mérites , et Dieu s’était hâté de l’appeler à
lui.
En 1832, M. François-Joseph de Gosson-de-La-Sudrie,
ancien colonel des armées du Roi Louis XYI, laissait en
mourant toute sa fortune à son neveu Jean-Julien de
Cosson, qu’il avait adopté après avoir perdu lui-méme
tous ses enfants , et lui recommandait de s’occuper, à son
intention , des pauvres de Bourrou , que ses malheurs lui
avaient fait un peu oublier. En effet , peu de temps après
son retour de l’émigration , frappé dans ses plus chères
affections par la mort de sa femme et de ses enfants, il
avait abandonné La Sudrie, berceau de sa famille, et s’était
retiré à Périgueux , croyant y trouver dans la société de
quelques amis un soulagement ou du moins une distrac¬
tion à sa douleur. Mais, à son lit de mort, après s’être
préparé avec toute la ferveur d’une âme profondément
chrétienne à paraître devant son Dieu, il voulut laisser un
dernier souvenir aux pauvres de sa paroisse. Il ne pouvait
mieux faire que de confier leurs intérêts à M. Julien de
Gosson, son neveu et son héritier , qui l’entourait avec un
dévouement tout filial des soins les plus tendres.
Pour répondre au désir si louable de son oncle, qu’il
savait avoir été aussi le désir de sa bien-aimée et charita¬
ble compagne, la première pensée de M. Julien de Gosson
fut de faire en faveur des pauvres la fondation depuis
longtemps projetée. C’était d’ailleurs le seul moyen de leur
assurer des secours à perpétuité. Il s’empressa donc d’ac¬
quérir , pour la somme de 3,000 francs , un vaste enclos,
316
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
attenant à l’église de Bourrou, et y fit bâtir une maison et
les dépendances nécessaires , pouvant recevoir commodé¬
ment trois religieuses et quelques pauvres.
Le but que se proposait le charitable fondateur était que
les trois ou quatre religieuses, constituées en Miséricorde ,
pussent porter des soins et des secours à domicile aux
pauvres malades, en recueillir quelques-uns dans leur
maison, et donner en même temps l’instruction chrétienne
aux jeunes filles de la paroisse. La fondation était faite
pour les paroisses de Bourrou, de Grun et de Villamblard.
La maison construite, il fallut se pourvoir du personnel
religieux qui devait la gouverner. Les différentes commu¬
nautés auxquelles M. Julien de Cosson s’adressa , ne
purent accepter cette fondation , trouvant les ressources
offertes peu en rapport avec les charges imposées. Il fallut
s’arrêter devant cette difficulté et ajourner, non saps un
vif regret et de la part du fondateur et de la part des pau¬
vres, l’œuvre tant désirée de tous. En attendant, l’immeu¬
ble servit de presbytère à la paroisse qui en était privée.
Et il en fut ainsi pendant dix années.
Après ces dix années , bien longues au cœur de M. de
Gosson, la Providence , dont les desseins sont toujours
adorables , apporta au pieux fondateur les ressources
nécessaires au complément de son œuvre , mais en lui
imposant le plus douloureux des sacrifices. Parce qu’il
était agréable à Dieu , il était nécessaire que la tentation
l’éprouvât.
M. de Cosson avait eu de son mariage avec Elisabeth-
Louise de Leybardie huit enfants, dontil n’avait pu en con¬
server que trois , deux filles et un fils. Dieu lui demanda
le sacrifice de ce fils. Le cœur du père en fut brisé , mais
le cœur du chrétien se trouva Soumis et résigné à la
volonté de Dieu. Il pleura , mais comme pleure celui qui
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 317
a l’espérance. Dieu lui avait donné ce fils , il savait que
Dieu le lui rendrait.
M. Joseph-Léonce de Gosson mourut sous les yeux de
son père, entre les larmes et les prières de ses deux dignes
sœurs, le 13 juin 1846. Il n’était âgé que de 26 ans. En
mourant, il emportait au ciel, pour sa couronne éternelle,
l’héritage de vertu qu’il avait recueilli de son père et de
sa mère et qu’avaient augmenté et embelli les pieux
exemples de ses deux sœurs ; de sa fortune personnelle,
héritage maternel, il en laissait la majeure partie pour
compléter l’œuvre de la fondation en faveur des pauvres.
Ayant compris que Dieu ne lui avait pas préparé sur la
terre de demeure permanente, de bonne heure il avait
écrit ses dispositions, mais il les avait tenues secrètes ; le
curé de la paroisse, M. l’abbé Dumonteil, de pieuse mé¬
moire, en avait eu seul la confidence. Après la mort du
digne fils d’un tel père et d’une telle mère, on sut qu’il
laissait pour l’œuvre de l’hôpital une rente de 2,000 fr.,
constituée au capital de 60,000 fr.
Il n’y avait plus à hésiter, le moment était favorable-
M. de Gosson, accablé de douleur, mais heureux des
intentions de son fils, fit appel à tout son courage pour
les remplir. Dieu lui tendit la main.
Le 28 mars 1850, il fit en l’étude de Me Gaillard, notaire
à Périgueux, un acte public de fondation en faveur de
la Congrégation des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.
Nous en reproduisons les principales clauses :
« A comparu M. Jean-Juiien de Cosson, propriétaire,
domicilié à La Sudrie, commune de Bourrou, canton
» de Vergt, arrondissement de Périgueux (Dordogne).
» Lequel, voulant fonder à perpétuité un établissement
» de bienfaisance pour ladite commune de Bourrou, a
318
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» déclaré, pour atteindre, ce but, faire par ses présentes
» donation entre vifs et irrévocable,
» En faveur de la Congrégation des Pilles de la Charité
» de Saint-Vincent-de-Paul, maison chef-lieu à Paris, rue
» du Bac, n« 140, des objets suivants, savoir : »
A la suite vient : 1° l’énumération de tous les immeu¬
bles que M. de Cosson avait fait bâtir, avec leurs dépen¬
dances, pour la fondation projetée, — la maison étant
pourvue du mobilier nécessaire soit pour les religieuses,
soit pour les pauvres, soit enfin pour les classes ; —
2° l’énumération de diverses rentes sur particuliers ou sur
l’État, formant ensemble un revenu annuel de 1,793 fr.
A ce chiffre, M. de Cosson ajoutait la somme « de
» quatre mille cent quarante francs, payable un an plus
» tard, à Périgueux, en l’étude du notaire, pour être im-
» médiatement convertie en rente sur l’Etat au profit de
» ladite maison de charité de Bourrou. »
« A la garantie du paiement de cette somme « le dona-
» teur soumettait à l’hypothèque spéciale sa métairie de
» Mérigalt, commune et canton de Villamblard, arrondis-
» sement de Bergerac, consistant en bâtiments divers,
» terres labourables, prés, bois, vignes , bruyères et
« friches. »
On voit par cette dernière clause que M. de Cosson
tenait à ce qu’on ne pût pas se méprendre sur ses inten-.
tions, et qu’il voulait avant tout asseoir sur des bases soli¬
des sa fondation hospitalière.
La présente donation était faite, en outre, sous les con¬
ditions suivantes :
« 1“ Les frais du présent acte et ceux d’acceptation de
» ladite donation seront acquittés en entier par le fonda¬
teur qui s’y est engagé.
» 2° Les immeubles donnés seront convertis à perpétuité
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 319
» en une maison de Miséricorde, dirigée par les filles de
» la Charité de Saint-Vincent-de-Paul, pour le soulage-
» ment des pauvres et des malades, spécialement de la '
» commune de Bourrou.
» 3° Les rentes et le capital, donné pour être converti en
» rente sur l’État, serviront perpétuellement à l’existence
» de ladite maison de charité de Bourrou sans pouvoir en
» être détournés sous pas un prétexte ni motif.
» 4o Ladite Congrégation devra constamment entretenir,
» dans ladite maison de charité de Bourrou, trois filles de
» son ordre pour y exercer les fonctions de leur institution..
» 5° La destination de ladite maison et des revenus qui
» y sont et seront affectés ne pourra jamais être changée.
5° Tous les ans et à perpétuité, le treize juin, ladite
» Congrégation reste expressément chargée de faire célé—
» brer, dans l’église de Bourrou, un service pour le repos
» de l’âme de M. Joseph-Léonce de Cosson, fils du dona-
» teur. »
Au mois de juin suivant, cette donation avec ses clauses
et conditions fut acceptée par la Congrégation, dûment
autorisée par l’autorité compétente, et, le 22 juillet de la
même année 1850, Monseigneur George, d’apostolique et
sainte mémoire, voulut bien, donnant à la cérémonie la
plus grande solennité, installer lui-même les nouvelles
servantes des pauvres, qui furent : sœur Saint-Vincent
Merle, avec le titre de supérieure, supérieure aujourd’hui
de la Miséricorde, à Sarlat ; sœur Marie Chicaneau, supé¬
rieure aujourd’hui de la maison d’Arras, et sœur Joseph
Rouchy, décédée en Chine, victime de son zèle.
Voilà la. fondation de l’hospice de Bourrou ; on ne sau¬
rait désirer ^une origine plus chrétienne. Dès le principe
et jusqu’au jour où des ressources suffisantes furent mises
à leur disposition, les sœurs ne furent employées qu’à une
320
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
école gratuite en faveur des pauvres petites filles de Bour-
rou et de quelques paroisses environnantes, et à la visite
des pauvres malades, auxquels elles apportaient les
aumônes et les médicaments qu’une ingénieuse industrie
savait leur procurer.
Le charitable fondateur, M. Julien de Cosson, eut la
consolation de jouir de son œuvre pendant les douze der¬
nières années de sa vie et d’apprécier la valeur des fruits
qu’elle portait. Dieu l’appela à recevoir sa récompense, le
11 mars 1861. Par son testament olographe, il laissait, en
faveur de son œuvre de prédilection et pqur la compléter,
une somme de 20,000 francs, qui, avec les dons de sa
digne fille, Mlle Edmonde de Cosson, a permis de donner
à l’établissement toute son extension et d’atteindre enfin
le but primitivement proposé. Nous lisons dans ce testa¬
ment :
« Je donne ces vingt mille francs à l’établissement afin
» qu'il puisse recevoir quelques malades, ce qui nécessi-
» tera une augmentation de logement. Mme la supérieure,
» qui a déjà apporté tant d’améliorations sans cesser de
» multiplier, pendant deux années de disette, les secours
» de toute espèce, dans la commune de Bourrou et celles
» qui l’entourent, Mme la supérieure, dis-je, saura mieux
» que personne ce qu’il conviendra de faire.
» Je désire que deux lits soient destinés aux malades,
» infirmes ou orphelins de la commune de Villamblard,
» deux pour celle de Bourrou et un pour Grun. Le choix
» sera laissé à MM. les curés de ces différentes communes
» et à Mme la supérieure. Mais les malades ou infirmes ne
» pourront être reçus que s’ils habitent depuis sept ans
» l’une de ces communes. Toutefois, les sœurs ne rece-
» vront personne avant que tous les frais de contrôle
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 321
» soient entièrement payés, l’établissement disposé et meu-
» blé à cet effet.
» Les épileptiques ne pourront être reçus non plus que
» les scrofuleux, ces malades nécessitant des soins parti-
» culiers qui ne peuvent être donnés que dans de grands
» hôpitaux.
» Je charge, en outre, mon héritier de payer chaque
» année une rente obituaire et perpétuelle de soixante
» francs, que j’établis en faveur du prêtre qui desservira
» la paroisse de Bourrou, afin qu’il dise annuellement cin-
» quante messes pour le repos de mon âme, de celles des
» bons parents et bienfaiteurs qui m’ont précédé, de mes
» enfants, petits-enfants et de mon gendre.
» Pour sûreté de paiement de cette rente, j’hypothèque
» spécialement mon pré de réserve appelé Lafonbourna,
» situé au nord, immédiatement au-dessous de la pièce
» d’eau de ce nom...
» Cette rente représente un capital de douze cents
» francs. »>
Telles furent les dernières dispositions du généreux
fondateur de l’hospice de Bourrou: Immédiatement après
son décès, on mit la main à l’œuvre, et néanmoins (rien
ne nous explique ce retard), ce ne fut que treize ans plus
tard, en 1874, que le local, approprié et agrandi, permit
de recevoir des malades dont le nombre s’est presque tou¬
jours élevé à huit.
Il suit de l’acte de fondation que les religieuses sont
propriétaires du local et de ses dépendances ; elles ne
sont soumises à aucune commission administrative, et
n’ont à rendre compte qu’à leur conscience et à Dieu.
Seulement, pour l’admission des pauvres à l’hospice,
elles doivent consulter le curé de la paroisse. L’établisse¬
ment' est à la fois hospice, ouvroir, salle d’asile, école
21
322 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
gratuite et pensionnat. Ses revenus ordinaires sont de
2,871 fr., dont 500 francs doivent être donnés aux pau¬
vres à domicile. Les saintes Filles de la Charité, au nom¬
bre de quatre, le dirigent à la grande satisfaction de tous.
Les ressources se multiplient dans leurs mains ; on se
demande et l’on s’explique dilflcilement comment, avec
peu, elles peuvent donner beaucoup. C’est le secret de
Dieu, dont elles sont la Providence auprès des malheu¬
reux.
Hôpital de Nontron
Nous devons à M. Ribault de Laugardière une partie
des documents qui vont nous permettre de dire les ori¬
gines et les développements de cet hôpital. Nous les pre¬
nons dans ses intéressantes Notes historiques sur le Non-
tronnais.
Ces Notes nous citent d’abord un rapport du 29 décem¬
bre 1771, fait par M. Michel de Mazerat, juge sénéchal de
Nontron et président de l’administration de l’hôpital. Nous
y lisons : « L’hôpital de Nontron remonte à une époque
» trop ancienne pour laisser découvrir l’origine et la forme
» certaine de son établissement. Il n’y a dans ses archives
» aucun titre qui puisse en faire juger. Les actes les plus
» anciens qu’on y découvre apprennent qu’autrefois c’était
» une aumônerie dont un prêtre était seul titulaire et ad-
» ministrateur. Il recevait des pauvres malades dans sa
» maison appelée Hôtel-Dieu .»
D’après M. de Laugardière, cette aumônerie, origine de
l’hôpital de Nontron, « aurait été fondée, du ix° au x° siè¬
cle, par « l’abbé du monastère de Charroux dont dépen-
» dait la châtellenie de Nontron avec son couvent de Bé-
324
' LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» nédictins, fondé en 805 par le comte Roger, neveu de
» Charlemagne, détruit par les Normands en 846 et réédi-
» fié en 1051 . » Elle dut être une annexe de ce couvent,
comme cela se voyait dans tous les monastères. Quoi
qu’il en soit, notre but est déjà atteint ; il nous est permis
,de saluer encore ici une origine due à la charité chrétienne
et monastique.
« Cette aumônerie, dit encore M. de Laugardière,- et sa
» chapelle dédiée à saint Sébastien, furent construites au-
» dessus du Moustier de Saint-Sauveur, sur le côté nord,
» de la place de la Cahue, servant alors de cimetière. Une
» halle, sous laquelle se tenaient les foires et marchés, y
» fut annexée et existait encore en 1822, époque où elle
» disparut avec l’aumônerie pour servir d’emplacement à
» la construction de l’hôtel-de-ville.»
I/aumônerie, ou Hôtel-Dieu, ii’avait à son origine qu’un
revenu fort modique ; « il consistait dans les rentes de
» deux tènements, l’un appelé de Lapeyre et du Formigier,
» en la paroisse de Saint-Martin-le-Peint, et l’autre, de
» l’aumônerie, près la ville de Nontron. » Ce revenu était
augmenté des droits que l’aumônerie percevait sur la halle
dont nous avons parlé. Nous lisons dans les Notes histo¬
riques : « Yoici ce que nous avons trouvé à ce sujet dans
» les pièces de l’hôtel- de-ville : « D’après une note dressée
» en 1724, ladite aumônerie possédait divers titres de ren-
» tes, divers terrains et une halle au blé. Ledit hôpital, est-
» il dit dans cette note, jouit de temps immémorial d’un
» droit de minage et palonnage du mesurage des blés qui
» se portent sous la halle de Nontron, et d'un droit d’un
» sol de chaque l’un des marchands qui étalent leurs mar-
» chandises sous la halle, à la charge dudit hospice d’en-
» tretenir la halle. » Ces droits étaient affermés pour le
prix annuel de 50 livres.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 325
A ce revenu venait encore s’ajouter « ce qu’on a cou-
» tume de percevoir des personnes qui font sonner la clo-
» che (sans doute aux baptêmes, mariages et enterre-
» ments), la quête et l’offrande qu’on tait le Jeudi-Saint. »
« On trouve, en effet, ajoute M. de Laugardière, on
» trouve ce droit de péage constaté dans l’acte de conces-
» sion qu’en fit la vicomtesse de Limoges en faveur d’Elie
» de Monhiac, en 1342, et dans un procès-verbal fait par
» le juge de Nontron, le 11 août 1729.
» L’aumônerie possédait encore certains terrains et
» quelques rentes dont la plus ancienne fut consentie par
» Elie Yassand, aumônier, à Guillaume de Monfayo, par
» contrat fait à Nontron, et daté du jour des Saints-Inno-
» cents, 1456. » .
Parmi les autres aumôniers ou directeurs de cette au¬
mônerie ou Hôtel-Dieu, M. de Laugardière a retrouvé et
conservé « les noms de MM. Louis de Puyzillou, en 1533,
» doyen en même temps de Limoges ; Dauphin Maillard,
» en 1561 ; Lazare Agard, prêtre, en 1654.»
Ces aumôniers furent, vers la fin du xvu° siècle, rem¬
placés par des sœurs de charité de l’ordre de Sainte- Mar¬
the, détachées sans doute de l’hôpital général de Péri-
gueux. Ainsi, la sœur Souquet est mentionnée dans un
acte de 1713, et, dans un autre acte de 1776, sœur Marcil-
laud de Bussac est qualifiée de supérieure ; ces religieuses
de Ste-Marthe dirigeaient encore en 1793 l’hôpital de
Nontron. Nous verrons comment elles en furent chassées
par les révolutionnaires de cette époque.
Cependant les bâtiments de l’aumônerie étaient loin de
suffire aux besoins d’une population qui augmentait de
jour en jour. Le 25 avril 1773, Mgr Duplessis d’Argentré,
évêque de Limoges, autorisa la translation de l’hospice
sur l’emplacement d,e la chapelle de St-Roch, établie dans
LES ORIGINES CHRÉTIENNES.
le cimetière St-Mathurin, près de la chapelle Notre-Dame-
des-Clercs, à l’est et hors des murs de la ville. En vertu
de cette autorisation, homologuée par arrêt du Parlement
de Bordeaux du 22 mai 1773, M. Jean-Baptiste-Michel de
Mazerat, juge sénéchal deNontron et président de l’admi¬
nistration de l’hospice, fit construire les bâtiments actuels.
Commencés en 1774, ils furent achevés en 1782. Les pau¬
vres, avec tout le matériel de l’aumônerie, y furent trans¬
portés et leur bien-être en fut considérablement amélioré.
Que devinrent alors les bâtiments de l’aumônerie, de cet
Hôtel-Dieu primitif ? Nous l’ignorons. Quant à la chapelle
St-Sébastien, qui y était annexée, elle avait été interdite
dès le 8 mars 1775 par Mgr Duplessis d’Argentré, avec
permission de l’employer aux usages profanes : « Vu son
» très-mauvais état et que, depuis nombre d’années, on
» avait cessé d’y célébrer le service divin.»
Fondée du ixe au x® siècle , ainsi que nous l’avons dit,
par la charité chrétienne et monastique , l’aumônerie de
Nontron ne cessa point d’être l’objet des sollicitudes de
la charité chrétienne qui , à toutes les époques, apporta à
ses développements le concours de dons généreux. Les
noms de quelques bienfaiteurs nous ont été conservés ; il
nous est agréable de les rappeler à la reconnaissance des
pauvres de Nontron.
« 1» En 1252 et le jour de la lune après l’exaltation de la
» Sainte-Croix , Guillaume de Magnac , chevalier de Non-
» tron , légua à l’aumônerie de cette ville un lit complet
» et douze deniers de rente.
» 2° En 1333 et le cinq des kalendes de mai, Adhémard
» Seguin , seigneur de Saint-Pardoux-Larivière , légua à
» chaque pauvre un pain d’un denier , ou un denier en
» argent.
» 3° Le 26 mai 1505 , Dauphin Pastoureau légua à
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 327
» l 'obmônie de Nontron et à la réparation d’icelle dix
» livres tournois.
» 4° Par acte de 1630 et 1654, messire Thibaud de
» Labrousse , seigneur d’Atis donna à l’bospice la somme
» de trois mille livres.
» 5° En 1664, demoiselle Suzanne d’Eyquen, épouse de
» noble François Maulmont, légua soixante livres à em-
» •ployer en achat de meubles.
» 6° En 1670, Léonard de Labrousse, sieur de Lanouaille,
» légua centimes.
» 7° En 1678 , Jeanne de Labrousse , femme de Joseph
» de Mazerat, légua dix livres.
» 8° En 1734, Jean Duport, sieur de Ladoue , légua cin-
» quante livres.
» 9° En 1753, Jeanne Eyriaud, veuve Touvenelle , légua
» cinquante livres.
» 10o En 1776-1781, M° Etienne Maistre , légua la moitié
)> à provenir delà vente de sa maison et dépendances pour
» être employée à la continuation et perfection des bâtï-
» ments de l’hospice.
» 11° En 1786, Mlle de La Ramière, légua mille livres. »
Ainsi que nous l’avons dit, lorsque la grande révolution
éclata sur la France , les sœurs de Sainte-Marthe avaient
encore la direction de l’hôpital de Nontron ; elles en furent
chassées par les révolutionnaires , et obligées de se réfu¬
gier dans leurs familles. Et le soin des pauvres fut confié
à des laïques, d’abord à une demoiselle Souquet et ensuite
à Mlle Forien. Enfin, à la mort de cette dernière , l’admi¬
nistration de l’hospice, par une délibération du 25 décem¬
bre 1825, appela à sa direction les sœurs de la charité de
Nevers. Elle autorisa M. le maire , alors M. Moreau de
Montcheuil , à en faire la demande par la lettre suivante
328 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
adressée à Mme la supérieure générale de cette congréga¬
tion :
« Madame , la commission administrative de l’hospice
» de Nj^tron, connaissant depuis longtemps les avantages
» que présente pour les pauvres votre institution, particu-
» lièrement depuis qu’elle est sous votre direction , me
» charge de vous demander, Madame, s’il vous serait pos-
» sible de nous envoyer trois religieuses , à qui l’on con-
» fierait la direction de l’hospice de cette ville, lequel dans
» ce moment-ci ne peut disposer que d’un revenu de
» 2,700 francs, mais qui pourra par la suite monter à 3,000
» francs. Et il faudrait qu’avec cela ces dames pussent
» pourvoir , non-seulement à leur propre entretien , mais
» encore à celui de huit à dix pauvres , et généralement à
» tout ce qui est nécessaire à l’hospice ; car, je dois vous
» prévenir que la commune se trouvant extrêmement obé-
» rée, ne pourra pas de longtemps venir au secours de cet
» établissement. C’est pourquoi ma demande, avec d’aussi
» modiques revenus, pourra vous paraître indiscrète, mais
» elle trouve son excuse dans les motifs et dans la con-
» fiance que nous avons que vos dames, par leur charité
» et leur zèle, savent suppléer à l’insuffisance des moyens
» en se faisant aider par les personnes pieuses et charita-
» blés. » Suivent les signatures de M. le maire et des
membres delà commission administrative : MM. Gouvrat,
Desvergnes, Lapouge, notaire ; Monfange, docteur méde¬
cin ; Boyer, Laroche, Excousseau.
Cette lettre, qui témoigne des avantages, même au point
de vue purement matériel, qu’il y a pour les établisse¬
ments hospitaliers d’être dirigés par des religieuses vouées
à Dieu et aux pauvres, il nous est agréable de la mettre
sous les yeux des membres de la commission actuelle de
l’hospice de Nontron. Si la fantaisie les prenait de vou-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 329
loir laïciser le personnel dirigeant, on pourrait leur dire :
« Consultez vos anciens, ils vous instruiront. »
La supérieure générale fit droit à la demande de M. [le
maire et promit d’envoyer trois religieuses de son Institut.
Il y eut un traité passé entre Mgr Millaux, êvêque de Nevers;
soeur Ursule Bastit, supérieure générale ; M. l’abbé Groult,
vicaire-général, d’une part, et Mgr de Lostangês, évêque
de Périgueux, M. le préfet de la Dordogne, les membres
de la commission de l’hospice, d’autre part. Ce traité por¬
tait que s’il venait à se former un jour à l’hospice un pen¬
sionnat et des classes payantes, le boni serait pour l’éta¬
blissement. Les trois religieuses furent installées le 16 du
mois d’août 1827. Elles ouvrirent immédiatement une
classe gratuite pour les jeunes filles pauvres, et, un an
après, en 1828, voulant augmenter les revenus de l’hos¬
pice, du consentement de la commission administrative,
elles établirent un externat payant dans une partie du
local qui n’était pas nécessaire à l’hospice et qui, au
moyen de quelques réparations, permit d’isoler autant que
possible les élèves du contact des pauvres et des malades.
Mais la création de ces deux écoles nécessita la présence
d’une quatrième sœur. La commission administrative en
fit la demande par sa délibération du 26 octobre 1829.
Elle fut facilement accordée, et bientôt on put apprécier
l’efficacité de cette mesure. Deux sœurs étant spéciale¬
ment employées à la direction des deux classes, les élèves
reçurent des soins plus assidus, une instruction plus
complète, et leur nombre, progressivement augmenté,
permit de recevoir à l’hospice quelques malades de plus.
Grâce au produit de cette école, à la sage administration
des religieuses et à la confiance qu’elles inspiraient, les
revenus de l’hospice, depuis qu’elles en avaient pris la
direction, s’étaient élevés de 2,700 à 3,262 francs. Cet état
330 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
prospère est constaté dans un rapport du mois d’août 1831,
adressé par la commission administrative à M. le préfet
de la Dordogne. Et c’est à ce moment, le croirait-on ? que
les sœurs durent quitter l’hospice, dont l’administration
fut confiée de nouveau à des laïques. M. le préfet vit de
graves inconvénients à l’existence d’une école de filles
dans les bâtiments de l’hospice. Il les signala par une lettre
du 3 août 1831 à la commission administrative, et celle-ci
trop pressée d’obtempérer aux désirs de M. le préfet, con¬
sentit à la suppression des deux écoles. Dès lors, deux
sœurs suffisaient pour la direction de l’hospice et le soin
des pauvres malades. Mais la règle des Sœurs de Nevers
porte qu’elles ne pourront être moins de trois dans un
établissement ; la commission espéra obtenir une excep¬
tion de faveur. Elle la demanda, mais ne l’obtint pas ; et
les quatre sœurs furent rappelées à la maison-mère.
La commission administrative, se jugeant elle-même,
terminait ainsi le rapport dont nous avons parlé : « La
» commission ne terminera pas ce rapport sans dire que
» les sœurs de Nevers ont de beaucoup amélioré la direc-
» tion et la tenue de l’hôpital. Elle doit en même temps
» ajouter que les enfants dont l’instruction leur a été
» confiée ont toujours reçu d’elles les soins les plus atten-
» tifs et les plus éclairés. »
Le laïcisme introduit de nouveau dans l’hôpital de Non-
tron n’y apporta pas un surcroît de revenus ni l’amélio¬
ration de l’état des pauvres et des malades. On ne tarda
pas à s’apercevoir que, pour les œuvres de miséricorde et
de dévouement, on ne remplace pas la sœur de charité.
On se repentit d’avoir laissé partir les sœurs de Nevers, et
l'on se promit de les rappeler.
Déjà, par une lettre du 23 janvier 1834, répondant à une
délibération de la commission du 19 du même mois,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 331
M. le préfet, non plus celui qui avait « trouvé de graves
» inconvénients à ce qu’une école de filles fût installée
» dans une dépendance de l’hôpital, » disait à M. le sous-
préfet de Nontron « que la commission administrative ne
» saurait mieux faire que de rappeler les trois religieuses
» de Nevers, auxquelles on laisserait la faculté de tenir
» école. »
Encouragée par ce conseil de M. le préfet, la commis¬
sion, réunie en séance le 6 février suivant, « décidait à
» l’unanimité que M. le préfet serait prié de faire les
» démarches nécessaires, tant auprès de Mgr l’évèque
» de Périgueux qu’auprès de la supérieure générale de la
» congrégation de Nevers, pour obtenir trois religieuses
» destinées à administrer intérieurement l’hospice de
» cette ville. Elle émet également le vœu que toutes
» démarches soient faites pour obtenir les trois religieuses
» que l’établissement a eu le bonheur de posséder, et
» notamment Mme la supérieure Ussel, à laquelle l’admi-
» nistration se plaît à accorder le plus éclatant témoi-
» gnage de son estime et de sa reconnaissance. »
Les trois sœurs furent promises, et l’on envoya comme
supérieure sœur Mélanie Garthellier. Un nouveau traité,
peu différent du premier, fut passé avec la congrégation
et signé par sœur Emilienne Pelras, supérieure générale,
sœur Elisabeth de Montjournal, secrétaire, et sœur Marie
Charmasson, maîtresse des novices, d’une part, et d’autre
part par Mgr de Lostanges, M. le préfet de la Dordogne
et les membres de la commission administrative.
Réinstallées, les sœurs de Nevers ne quittèrent plus
l’hôpital de Nontron.
En 1834, les membres de la commission, considérant
que les revenus fort restreints de l’hospice ne permet¬
taient pas de donner aux pauvres tous les secours dési-
332
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
râbles, crurent trouver des ressources dans l'adjonction à
l’hospice d’un pensionnat et d’un externat, et demandè¬
rent l’envoi de religieuses aptes à diriger l’œuvre qu’ils se
proposaient. Ils ne furent pas déçus dans leurs espé¬
rances; le pensionnat et l’externat augmentèrent les
revenus de l’hospice.
Plus tard, de 1855 à 1879, des acquisitions successives
ont permis d’annexer à l’hôpital un vaste enclos dans
lequel, avec les démolitions de l’ancienne église et des
maisons dont l’emplacement était nécessaire pour asseoir
l’édifice religieux, on a construit un vaste local, unique¬
ment destiné aux élèves du pensionnat et de l’externat.
Il est complet ; l’air y est pur, de vastes jardins le sépa¬
rent du bâtiment occupé par les pauvres, et en font, dans
ce site, une des belles et florissantes maisons de la con¬
grégation. A part les revenus de l’hospice, bien améliorés
sans doute depuis quelques années par des donations, on
a maintenant les produits du pensionnat et de l’externat.
L’état prospère de l’hôpital dépend de la prospérité de cet
établissement, qui ne lui apporte pas moins de 11,000 fr.
Grâce à cet appoint annuel, les revenus des pauvres s’élè¬
vent à 14,000 fr. Et tout cela est l’œuvre des religieuses
de Nevers ; les pauvres et tous les habitants de Nontron
doivent avoir appris à les bénir.
Il nous reste à dire un mot des bienfaiteurs de cet
hôpital. La liste en est longue', elle ne le sera jamais trop.
Elle se divise en deux périodes. La première commence
en 1252 et se poursuit jusqu’en 1808, et la seconde part de
cette dernière date et arrive jusqu’à nos jours.
Nous avons donné les noms de la première période
jusqu’en 1781. La seconde forme un tableau d’honneur
commencé par les sœurs de Nevers en 1826, et que l’on
voit dans une des salles de l’hôpital. Nous avons plusieurs
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 333
fois exprimé le désir de voir un semblable tableau
dans tous nos établissements hospitaliers. Sa vue
rappelle la reconnaissance au pauvre et, au riche, la bien¬
faisance. Et c’est pour inspirer ces deux mômes senti¬
ments au pauvre et au riche qui liront ces pages que nous
publions ici le tableau d’honneur de l’hôpital de Nontron :
« La famille de Montcheuil est signalée comme une des
» premières bienfaitrices de l’hospice sans autres détails.
» En 1808, Pierre Tamagnon donna 5,000 fr. — En 1828,
» sœur Constance-Peyrignac, 50 fr. — En 1830, Jean Fau-
» connet, 250 fr. — En 1830, Groihier Desbrousses, Julien,
» avocatet ancien représentant du peuple, le prix de l’étude
» d’avoué de son oncle. — En 1831, Derivailles, 3,000 fr.
» —En 1831, Lapeyronnie, ancien curé de St-Estèphe,
» 1,000 fr. — En 1834, Thamagnon de Jumillières (1)
» donna une vaste métairie qui fut vendue et les fonds en
» provenant placés sur l’Etat. — En 1850, Lapouge, ex-
» notaire, 2,400 fr. — En 1850, Dussolier , député,
» 300 fr. — En 1850, Groihier, ex-receveur des finances,
» 500fr. — En 1851, Maurice, ancien préfet de la Dor-
» dogne, 500 fr. — En 1852, Richard, pharmacien...
» — En 1852 , du Reclus , propriétaire à Mareuil ,
» 1,000 fr. — En 1852, Faveyrat (Madeleine), 500 fr.
» — En 1852, Janet Lasfond, avocat, 2,000 fr. — En
» 1852, Mme Groihier (Joseph), 2,500 fr. — En 1852,
» Mme Groihier, mère, 500 fr. — En 1852, Mme Groihier,
» née Laboureau, 300 fr. — En 1852, de Saint-Martial,
» 500 fr. — En 1860, de Lanoue, 1,500 fr. — En 1865,
» Mme veuve Boyer, 300 fr. — En 1865, Mme veuve
(1) Ce nom ne figure pas sur ce tableau, sans doute par suite d’un oubli.
Nous croyons de voir l’y placer, l’ayant trouvé dans les notes que l'hôpital
nous a fournies.
334 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
» Lapouge, 500 fr. — En 1867, Mme Achard, 300 fr. — En
n 1868, Mme veuve Lapeyronnie, 6,000 fr. — En 1868,
» Mme veuve de Liberthie Gervais, 2,000 fr. — En 1870,
» Yergnon Agard, 100 fr. — En 1871, Mlle Esther Des-
» vergne, 500 fr. — De 1874 à 1878, Mme veuve Foureau de
» Bussac donna chaque année 500 fr. — En 1878, Dusso-
» lier (Thomas), ancien député, 400 fr. — En 1878, Javer-
» zac, président du tribunal civil, 500 fr. — En 1879,
» Mme Foureau de Bussac, 500 fr. — En 1879, Mme Fou-
» reau de Bussac, 30,000 fr. »
Tel est le tableau, vrai tableau d'honneur, de l’hôpital
de Nontron. D’autres noms viendront s’y placer, car, de
même qu’il y aura toujours des pauvres, il y aura tou¬
jours des bienfaiteurs. C’est dans l’ordre de la Provi¬
dence.
Ajoutons, en finissant, que l’hôpital de Nontron dessert
les cantons de Nontron, Bussière-Badil, Saint-Pardoux-
Larivière et Champagnac-de-Bélair.
Ajoutons encore que M. Lavergne, le digne archiprêtre
de Nontron, si dévoué à tous les intérêts de ses paroissiens,
ne fait point partie de la commission administrative. Il a
été également exclu de la commission du Bureau de Bien¬
faisance.
XXXIII
Hôpital de Terrasson.
I. — L’existence d’un hôpital à Terrasson remonte au
vi6 siècle. Nous en trouvons l’origine dans le Xenodochium,
que le roi Gontran, en reconnaissance [d’une guérison
obtenue par les prières de saint Sour, annexa au monas¬
tère qu’il fit bâtir pour son bienfaiteur et ses disciples.
C’était l’annexion obligée de tout monastère, dans laquelle
on recevait les pauvres et les voyageurs.
Les rois , lorsqu’ils reconnaissent un bienfait , ne peu¬
vent le faire qu’en rois : avec grandeur et magnificence.
.L’asile des moines et celui des pauvres furent bâtis aux
frais de Gontran , et ce prince leur créa des revenus
immenses , et les pourvut de tout ce qui était nécessaire
au bien-être et à l’accroissement des disciples de son
libérateur.
Nous avons donné les détails de ces deux fondations
dans La vie de saint Sour, ermite et ior abbé de Terras¬
son ; nous n’avons pas à y revenir.
Saint Sour en organisant , sous le rocher qui porte
encore son nom, la société de ses disciples , n’avait pu, à
son grand regret, ajouter à leurs cellules l’asile du pauvre
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
et du voyageur ; aussi, en acceptant avec une extrême joie
les riches offrandes du roi Gontran, voulut-il que le
Xenodochium fût bâti avant le monastère. Gontran con¬
sentit aux désirs du charitable cénobite , en se réservant,
toutefois , de donner à ce premier édifice des proportions
telles, qu’il pût être en même temps l’asile du pauvre et
du voyageur, et la demeure provisoire des religieux. Il
exigea aussi que le Saint en prît lui-même la direction.
Telle fut l’origine aussi illustre que vénérable de l’hôpi¬
tal deTerrasson. Saint Sour, nous ne pouvons en douter,
avait bâti son Xenodochium. sur l’emplacement même que
notre hôpital occupait encore en 1793 , et que nous avons
vu formant le groupe de maisons placées à gauche de la
Chapelle-de-Secours et démolies , il n’y a que quelques
années, pour l’établissement d’une route et la construction
de la grande et belle maison qu'on y voit aujourd’hui (1).
De larges fondations qu’on y a découvertes , le voisinage
de l’église Saint-Julien, bâtie par saint Sour, et qui fut le
lieu de sa sépulture, et le nom de Cœnobium employé dans
plusieurs actes pour désigner cet hôpital , ne permettent
aucun doute à ce sujet. Les moines cessèrent de l’occuper
après l’achèvement du monastère, mais leurs vertus y
laissèrent des souvenirs qui ne périrent pas , et le local,
devenu exclusivement l’asile des pauvres, conserva le nom
que lui avait donné la qualité de ses premiers hôtes : il
s’appela indistinctement hôpital ou couvent , Hospitium ,
Oœnobium. La peinture y avait tracé le fait traditionnel
de sa fondation, à la fois monastique et royale ; on voyait,
dans une des salles, saint Sour en habit de moine guéris¬
sant un malade.
Ce même fait traditionnel a été , en ce dernier temps.
(1) La maison de M. le docteur Feytaud.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 337
heureusement reproduit sur une des magnifiques verrières
qui décorent les grandioses fenêtres de notre église
paroissiale. Dans un premier tableau on voit saint Sour
méditant dans sa grotte ; dans un deuxième , le roi Gon-
tran est à ses pieds demandant et obtenant sa guérison ;
et dans un troisième , Goniran dépose aux pieds du soli¬
taire, son bienfaiteur, les statues d’or qu’il a trouvées et
qu’il destine à faire les frais de la construction de l’hôpi¬
tal et du monastère ; et, pour que rien ne manque à la
reproduction de ce fait traditionnel , dans le haut de ce
dernier tableau deux colombes partent pour aller choisir
l’emplacement de la double construction.
II. — Ce Cœnobiam ou hospice fut jusqu’en 1793, l’asile
des pauvres. Sans doute , pendant ces longs siècles , il
avait subi bien des transformations , souffert bien des
désastres, et déjà depuis longtemps il avait été spolié d’une
partie de ses revenus qui, dans le principe, étaient immen¬
ses ; mais, du moins, ‘les pauvres possédaient encore quel¬
ques débris de l’antique Xenodochium de saint Sour.
Lorsque arriva la tourmente révolutionnaire, l’œuvre de
spoliation fut consommée ; les pauvres furent chassés du
local que leur avait légué la munificence royale, unie à la
charité monastique et jetés dans la rue. Peu de temps
après, ils furent recueillis dans la demeure des curés de
Saint-Julien. Nous aurons lieu d’en parler.
Les bâtiments de Thôpital et sa chapelle dédiée à saint
Roch furent vendus, pour la modique somme de 2,430 fr.,
à Pierre Larfeuil et Martin Lavaux , de Terrasson. Martial
Chabrelie, négociant , se rendit acquéreur , moyennant la
somme de 5,500 francs, d’un pré avec le rivage attenant,
appelé Labarre , et Nicolas Chalard eut pour 5Q0 francs
une terre située au lieu de Barbel. Ces objets qui sont
22
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
aujourd’hui d’une valeur considérable appartenaient de
temps immémorial aux pauvres de l’hospice (1).
Outre la perte de ces immeubles, vendus au profit de la
nation , en vertu de la loi du 19 mars 1793 , les pauvres
furent aussi spoliés , en vertu de la même loi , de rentes
constituées sur des biens particuliers , pour un capital de
21,132 francs, qui furent versés dans la caisse du rece¬
veur des domaines , comme en font foi les registres de
cette époque.
Quelques immeubles de peu de valeur furent oubliés et
échappèrent au pillage révolutionnaire : Un bois châtai¬
gnier, appelé Le Bos-des-Rins , une friche , appelée à La
Chassette , une vieille vigne, appelée à La Combe-de-Ma-
ntere.une grèze, nommée à Malemort, « où sont trois châ¬
taigniers, » un morceau de terre, appelé au Montani-des-
Escures , plusieurs autres morceaux de friche et brous¬
saille , au même lieu. L’hôpital possédait encore ces
immeubles au 31 décembre 1811 , comme le constate un
bail de ferme , de cette date , consenti par la commission
administrative en faveur de Jean Delmas, du Mas, moyen¬
nant la somme de seize francs , payable en deux pactes
égaux : à la saint Jean et à la Noël.
La Révolution sembla vouloir se repentir de ses méfaits
envers les pauvres. Les lois des 16 vendémiaire et 20 ven¬
tôse, an Y, en conservant les hospices civils dans la jouis¬
sance de leurs propriétés , ordonnèrent le remplacement
de leurs biens vendus ainsi que des rentes et des rede-
(I) Cette pièee de terre, dite de Barbel, provenait , sans nul doute, de
la Maladrerie ou Léproserie dont nous avons, en la vie de saint Sour,
page 300 , raconté l’existence en ce lieu. Lors de la suppression de cet
établissement, devenu inutile par suite de la disparition de la lèpre, les
biens qui en dépendaient durent faire retour à l’hôpital, en vertu de l’édit
de mars 1693, et delà déclaration du 24 août 1693, de Louis XIV.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉIUGORD. 339
vances de quelque nature qu’elles fussent , dont ils jouis¬
saient sur des domaines nationaux vendus , ou sur des
immeubles appartenant à des particuliers, qui s’en étaient
libérés en versant le capital au trésor public. L’hôpital de
Terrasson, d'après ce que nous venons de dire , se trou¬
vait dans ce cas. La commission administrative en fut
avertie par une lettre de M. Rivet , préfet de la Dordogne,
en date du 6 ventôse , an IX, et invitée à produire les
pièces nécessaires pour profiter du bénéfice de la loi.
Les pièces demandées par M. le préfet furent produites,
et, pour compenser l’hôpital des immeubles vendus à son
préjudice, on lui attribua un corps de bien, appelé Lagran-
gerie, dans la commune de Rouffignac , canton de Monti-
gnac. Un sieur de I.amberterie en était fermier. Il y eut
des poursuites judiciaires pour l’obliger h payer le prix
de ferme. En 1828, il devait, en y comprenant les frais de
poursuite, 2,382 francs. Il se fit une transaction ; deux
sœurs du fermier , Suzanne et Marthe de Lamberterie,
offrirent de payer la moitié pour leur frère devenu insol¬
vable, si l’on voulait faire remise de l’autre moitié. L’offre
fut acceptée , comme le constate une délibération de la
commission administrative du 15 janvier 1828. Plus tard
cette propriété fut vendue et le prix en fut placé en rente
sur l’Etat.
III. — Jusqu’à ce moment nous n’avons rien dit du
fonctionnement de notre hôpital ni de son administration.
Fondé au vie siècle, par saint Sour et le roi Gontran, saint
Sour et ses disciples en furent les premiers administra¬
teurs ; le soin des pauvres et des malades qui y étaient
admis devait être confié à celui des moines qui avait le
titre et remplissait l’emploi d’hôtelier. Par la suite des
temps, et lorsque les disciples de saint Sour se furent éta-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
blis dans le monastère bâti sur le penchant de la colline,
au lieu qui porte encore le nom de MoustiereX à.' Abbaye,
et dont la magnifique église, nouvellement restaurée, sert
d’église paroissiale depuis 1789, l’hôpital eut une existence
séparée mais toujours dépendante du monastère , et la
direction en fut confiée à de pieux laïques , nommés par
l’Abbé, qui n’avait pas renoncé à son droit de patron. Les
noms de ces administrateurs ne nous ont pas été conser¬
vés, nous n’avons même pas de document qui nous parle
de rhôpital de Terrasson , depuis sa fondation jusqu’au
xme siècle. Il en est fait mention dans un testament,
daté du mois de septembre 1260, d’Hélène, veuve du che¬
valier Yiguier, testament trouvé en 1771 par Leydet ,
dans la cassette des archives du château du Fraysse. Il
est dit qu’Hélène Yiguier veut que, le jour de sa mort, il
soit distribué à chaque pauvre de cet hôpital une ration
de pain et de vin.
Nous trouvons dans ce même testament la preuve de
l’existence, à Terrasson, d’une maladrerie ou hôpital pour
les lépreux. Hélène Yiguier veut que le jour de sa mort,
il soit aussi donné aux lépreux de cet établissement, à
chacun une ration de pain et de vin.
Depuis cette époque jusqu’à la grande Révolution , nos
archives gardent le silence sur notre hôpital. Pendant
cette période , le soin des pauvres fut-il confié à de pieux
et charitables laïques ouà des religieuses? Nous l’ignorons.
Nous savons seulement que , lorsque éclata la tourmente
révolutionnaire, une religieuse, originaire de Terrasson, la
sœur Elisabeth Delbos-Lacoste, dirigeait l’hôpital. Elle le
dirigeait encore en 1814. Elle mourut à l’hôpital le 2 mai de
cette dernière année, âgée de 76 ans. Elle avait une sœur,
Anne Delbos-Lacoste , peut-être son aide dans le soin des
pauvres, et qui mourut quatre jours après elle, âgée de 74
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRICORD. 341
ans. Elles furent remplacées dans la direction de l’hôpital
par Mme Marie-Thérèse Roux , ancienne religieuse de
Notre-Dame de Sarlat. Elle recevait pour tout traitement
150 francs ; mais elle avait des revenus propres qui lui
permettaient de suppléer à l’in suffisance de ce traitement
et de pouvoir encore faire des avances , lorsque les reve¬
nus de l’hôpital ne suffisaient pas aux besoins des pau¬
vres et des malades. Par délibération du 18 février 1818,
la commission administrative « reconnaît qii’il est dû à.
» cette directrice , pour avances faites ou pour son traite-
» ment annuel non payé, la somme de 1,310 francs, qu’elle
» s’engage à lui payer au fur et à mesure des recouvre-
» ments , et aussi promptement que les circonstances et
«les besoins journaliers pourront le permettre... Cette
» décision n’étant provoquée que par. la plus stricte jus-
» tice , la commission se plait à y joindre l’expression de
» sa vive reconnaissance envers Mme Roux, pour le noble
» désintéressement qu’elle a mis jusqu’à ce jour ians
» l’exercice des pieuses fonctions dont elle est chargée.
» La commission regrette en même temps de ne pouvoir
» lui offrir des témoignages plus sensibles de son estime
» et de sa juste gratitude pour son zèle et son dévoue-
» ment envers les pauvres. »
Dans la séance du mois de juin suivant, la commission
administrative, rappelant qu’il est dû la somme de 1,310
francs à Mme Roux, « rend encore hommage au généreux
» désintéressement avec lequel elle a bien voulu, dans des
» circonstances difficiles, suppléer par ses ressources par-
» ticulières au déficit de celles de l’établissement confié à
» ses soins. »
Mme Roux dut, en septembre 1821, renoncer à la direc¬
tion de l’hôpital, un mal incurable, qui devait la conduire
au tombeau , ne lui permettant plus de s’occuper de cette
342 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
œuvre. Elle mourut le 7 mars de l’année suivante, n’étant
âgée que de 46 ans , au château de Fraysse , où elle avait
reçu une généreuse hospitalité. Sa retraite de l’hôpital
favorisa les pieux desseins de celle qui devait lui succéder.
IV. — L’orage révolutionnaire de 1793, en expulsant de
leur couvent les religieuses de Notre-Dame de Sarlat, avait
ramené à Terrasson, dans le sein de sa famille, la sœur
Marie de Limoges, femme du plus grand mérite, aussi
distinguée par ses vertus que par son intelligence et ses
aptitudes à instruire la jeunesse. A peine fut-elle dans sa
famille, qu’elle ouvrit une école où elle appela toutes les
jeunes filles de la ville. Elle ne se contenta point de cette
école ; ne pouvant, après l’orage révolutionnaire, rentrer
dans son couvent de Sarlat, elle essaya de le reproduire à
Terrasson. Elle eut bientôt une et deux novices, et la mai¬
son où elle faisait son école prit le nom de Couvent
qu’elle porte encore aujourd’hui (1). Elle sollicita de
Mgr l’évêque d’Angoulême l’autorisation de se constituer
en communauté. Nous avons une des lettres qu’elle lui
écrivit à ce sujet. Nous la reproduisons : « Monseigneur,
» veuillez permettre à la vieille suppliante d’implorer
» encore Votre Grandeur, pour obtenir ce petit établisse-
» ment religieux, pour lequel les habitants de Terrasson
» ont l’honneur de vous offrir leurs vœux. Nous en fai-
» sons au ciel depuis longtemps, afin de voir sortir de
» vos mains cette maison si nécessaire ici à la vertu.
» Accordez-nous, Monseigneur, de la créer, de prononcer
» le nom qu’elle doit porter, la manière de s’y sanctifier,
» d’y recevoir des sujets, d’y perpétuer l'instruction chré-
» tienne et les soins des pauvres de l’hospice. Tout nous
(!) C’est lu dernière maison à droite de la rue de Sarlat, longeant le
chemin de Labarétie, et formant une dépendance de la maison Passemard,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., EU PÉRIGORD. 343
» sera d’autant plus sacré, que tout y sera votre ouvrage.
» Nous nous féliciterons d’être nées de votre zèle ; vos
» bienfaits seront àjamais gravés dans, nos cœurs. Là, seul
» avec le divin Zélateur des âmes, vous y serez l’objet
» éternel de nos actions de grâces. C’est, Monseigneur, ce
» que je me plais à goûter d’avance, et l’esprit que je
» veux laisser à celles qui m’aideront à finir ma longue
» carrière. Heureuse ! si en la terminant, je puis présenter
» au Souverain-Juge cette œuvre de votre charité pour
» mon pays’. J'en ferai le présage de son infinie miséri-
» corde. Rien ne saurait être plus senti que notre juste
» reconnaissance et le respect profond avec lequel j’ai
» l’honneur d’être de Votre Grandeur, Monseigneur, la
» très humble et très obéissante servante. — Marie
» Limoges, religieuse de Notre-Dame. »
L'autorisation sollicitée par cette lettre dût être accor¬
dée, et Marie Limoges, pour mieux atteindre son but,
demanda à prendre la direction de l’hôpital, afin d’établir
dans la maison des pauvres son école et sa communauté
naissante. En septembre 1821, elle adressa à la commis¬
sion administrative une requête ainsi motivée :
« Je, soussignée, ayant fait à la commission adminis-
» trative de l’hospice et à l’administration de cette ville la
» demande de me concéder à perpétuité les bâtiments
» occupés par l’hospice de cette commune, et de m’en
» accorder la jouissance tout le temps que la communauté
» que je veux fonder existera.
» Je m’engage en considération de cette concession,
» 1° De faire réparer à mes frais et dépens, sans aucune
«répétition, tous les appartements qui tombent déjà en
» ruine, afin de placer le plus convenablement possible
» les pauvres malades, et en même temps pour disposer
344
ORIGINES CHRÉTIENNES
» les salles que je destine à l’instruction publique, et à
» pourvoir aussi continuellement à leur entretien ;
» 2° De faire soigner les pauvres malades, sans que
» l’administration soit obligée à me donner aucune récom-
» pense ni salaire pour tous les soins que je leur prodi-
» guerai ;
» 3° D’ouvrir une école gratis aux pauvres indigents
» dont le nombre sera fixé par l’administration ;
» 4° Enfin, et dans le cas où l’établissement projeté
» vînt à échouer, soit parce qu’il n’y aurait plus de sujets
» pour le maintenir, soit parce que les engagements pris
» ne fussent pas remplis, soit enfin parce que des causes
» imprévues l’empêcheraient de se soutenir, dans tous
» ces cas, l’administration rentrerait en possession de
» tous les bâtiments cédés, de plein droit, sans aucune
» indemnité. »
La maison que Mme Limoges voulait réparer pour y
placer les pauvres dépendait de l’hôpital et n’était séparée
des grands bâtiments que par une rue très étroite, appelée
la Rue-Basse. C’est aujourd’hui la maison Treillard. Une
passerelle en bois jetée sur la rue réunissait les deux
maisons.
La commission administrative accepta la demande de
Mme Limoges, comme il est constaté par la délibération
suivante :
« Considérant combien il est avantageux pour les
» enfants de la commune de faciliter Mme Limoges dans
» l’exécution du projet qu’elle a d’organiser et de rendre
» stable l’établissement auquel elle s’est vouée depuis
» longtemps ;
» Considérant plus particulièrement que les sacrifices
» généreux que cette respectable Dame veut faire dans
» l’intérêt de l’hospice sont très avantageux, puisque,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRTGOBD. 345
» en les acceptant, l’administration n’aura plus qu’à four-
» nir ce qui sera nécessaire pour tout ce qui est relatif à la
» nourriture et au traitement des pauvres malades, et qu’à
» l’avenir, n’ayant rien à payer pour la nourriture et le
» salaire de la directrice, l’administration économisera
» des fonds qui seront employés au rétablissement du
» mobilier qui, dans ce moment, est dans le plus grand
» délabrement ;
» Considérant, enfin, que le bien public et particulier en
» résultera sous plusieurs rapports d’après les proposi-
» tions émises ;
» La Commission administrative délibère ce qui suit :
» Art. 1er. Tous les engagements souscrits par Mme Limo-
» ges, religieuse de Notre-Dame de Sarlat, sont et demeu-
» rent acceptés par la Commission administrative de l’hos-
» pice ;
« Art. 2. En faveur de ces engagements, la Commission
» est d’avis de lui concéder à fperpétuité ou pour tout le
» temps que la communauté qu’elle veut former durera,
» la jouissance de tous les bâtiments de l’hospice, en ce
» que les pauvres qui doivent y être admis, selon le vœu
» du fondateur, y seront placés le plus convenablement
» possible. »
En vertu de cette concession, MmefLimoges prit la
direction de l’hôpital au mois de septembre 1821.
Placée dans ce nouveau local, plus spacieux, son école
prospéra pendant quelques années ; il n’en fut pas de
même de la communauté religieuse, qu’elle avait
voulu fonder ; les premières novices répondirent mal à
ses intentions et au soin qu’elle leur prodiguait. Mal
secondée, et l’âge lui prescrivant lé repos, elle dut renon¬
cer à ses pieux projets. Elle abandonna la direction de
l’hôpital, qui fut confiée à deux laïques que Mm° Limoges
346
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
avait avec elle en qualité de novices. La vénérable reli¬
gieuse mourut le 8 juillet 1831, âgée de 86 ans, laissant
après elle des souvenirs de sainteté qui vivent encore.
Par délibération du 10 mars 1833, sur un rapport des
médecins de Lamaze et Buisson, déclarant malsaine et
pas assez spacieuse la maison dans laquelle on avait relé¬
gué les pauvres, pour faire place à l’école et à la commu¬
nauté naissante de M”“ Limoges, la Commission ordonna
que les pauvres seraient réintégrés dans leur ancienne
maison. Les médecins disaient que, depuis dix ou onze
ans, ils sollicitaient cette mesure, et que le respect dû à
Mm° Limoges en avait seul retardé l’exécution.
Mais cette exécution fut encore retardée par une discus¬
sion élevée entre la Commission administrative et l’admi¬
nistration municipale, au sujet de la propriété du local
dans lequel on voulait réintégrer les pauvres. Le maire,
alors M. Antoine Limoges, voulut revendiquer ce local
comme propriété communale et y transférer la mairie, la
justice de paix et les prisons. L’administration de l’hôpital
fit valoir ses droits à l’encontre des prétentions de M. le
maire. La délibération du 7 août 1833 est un mémoire
fort remarquable à tous les points (1) ; il réfute de la
manière la plus logique et la plus péremptoire les motifs
allégués par M. le Maire qui, en réclamant la propriété de
l’immeuble, voulait aussi faire entrer dans la caisse
communale une somme de 1,800 fr., indemnité de la ces¬
sion à l’Etat d’une parcelle du jardin pour l’emplacement
d’une route (le quai). Nous regrettons que la longueur de
ce mémoire ne nous permette pas de le reproduire ici ;
nos lecteurs en seraient édifiés. Il eut pour résultat de
faire porter la question en litige devant le conseil de pré-
(1) Œuvre d’un des membres de la Commission, M. Denoix jeune,
notaire.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 347
fecture qui se déclara incompétent. M. le maire se désista
de ses prétentions et Hes pauvres furent enfin réintégrés
dans le local qu’ils occupaient avant 1822.
V. — Ainsi que nous l’avons dit, après Mme Limoges, la
direction de l’tiôpital et le soin des pauvres furent confiés
à deux jeunes novices de la vénérable religieuse. Inspi¬
raient-elles une grande confiance à la Commission admi¬
nistrative ? Les mesures qui furent prises permettraient
d’en douter. Une délibération du 5 mars 1833 réglant les
séances de la Commission à deux'par mois, le deuxième
et le quatrième dimanche, prescrit que : « chaque membre,
» à son tour, aura pendant un mois la surveillance de
» l’hospice et de tout ce qui se rattache à l’intérêt de l’éta-
» blissement et au bien-être des pauvres, et devra, à la fin
» du mois, rendre compte à la Commission. » Dans la
même séance, il est arrêté « qu’on fera un inventaire
» exact du mobilier de l’hospice. » On le voit, la confiance
n’y était pas. Et cependant rien ne fut changé à cette di¬
rection laïque jusqu’en 1840.
Nous devons mentionner ici un fait bien mémorable
pour Terrasson et pour l’histoire religieuse du diocèse de
Périgueux, et qui se lie tout naturellement à notre sujet :
La fondation à Terrasson de la Congrégation des Filles
du Sauveur et de la Sainte-Vierge. Nous avons raconté
ailleurs ses origines et ses développements (1). Nous n’a¬
vons pas à y revenir.
(1) Voip La vie de la Mère Angélique Lacoste , p. 63 et suivantes. Voip
aussi , dans l’église de Terrasson, le vitrail reproduisant les principaux
faits de ces origines : 1° L’arrivée à Terrasson des trois premières novices,
conduites par la Mère Marie-de-Jésus ; — 2° L’approbation des statuts de
la nouvelle Congrégation par Mgr de Lostange, évêque de Périgueux j —
3° La profession, dans l’église de Terrasson, des quatre premières religieu¬
ses de la Congrégation; — 4° Le Sauveur et la Sainle-Vierge bénissant
les premières religieuses de la Congrégation et leurs premières élèves, et
leur disant : Croissez et multipliez-vous !
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Les trois premières novices, conduites parla fondatrice,
la Mère Marie-de-Jésus, arrivèrent à Terrasson le 15 février
1834. Dès le jour suivant, la Communauté fut organisée et
put commencer son œuvre. Il y eut un pensionnat assez
nombreux et deux classes externes, dont Tune gratuite
pour les petites filles des pauvres (1).
Et c’est ainsi que commencent ia communauté et le pen¬
sionnat de Terrasson, aujourd’hui si florissants l’un et
l’autre, la gloire et l’ornement de la petite ville (2).
Nous sommes à l’année 1839 ; la communauté avait six
ans d’existence, et l’on avait pu apprécier chez elle tous
les éléments voulus pdur la bonne direction de l’hôpital.
La Commission administrative en fit la proposition qui
fut acceptée. 11 y eut, le 26 décembre 1839, un traité entre
la Commission administrative et la Supérieure de la Com¬
munauté, alors, comme aujourd’hui, la Mère Marie La¬
coste. Il stipulait que deux religieuses de la communauté
du Sauveur seraient chargées du service intérieur de l’hô¬
pital, à la charge par la Commission administrative de
payer, chaque année, pour la nourriture et le vestiaire de
chaque sœur, une somme de 215 francs. Les autres clau¬
ses du traité sont conformes aux clauses des traités que
nous avons rapportés dans les notices des autres hôpitaux.
Il fut approuvé, par le ministre de l’inférieur, le il mai
(1) Dès la première année, une subvention annuelle de 300 francs fut
allouée à la supérieure do la Communauté, par le conseil municipal,
comme indemnité de la classe gratuite. La majeure partie de cette subven¬
tion revenait tous les ans aux petites filles de cette .classe, en vêtements et
en fournitures de livres et de papiers. En ces dei nières années la subven¬
tion a été supprimée : mais la Communauté n’en continue pas moins son
œuvre envers les pauvres ; 80 petites filles fréquentent aujourd’hui son
école gratuite.
(2) La communauté se compose aujourd’hui de 40 religieuses, et le
nombre de ses élèves, internes ou externes, dépasse 400.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 349
1840, et les deux religieuses entrèrent immédiatement en
fonction. Depuis cette époque , deux sœurs hospitalières,
détachées de la Communauté du Sauveur, ont dirigé notre
hôpital, et les pauvres n’ont point cessé de les bénir des
soins maternels qu’elles leur ont toujours prodigués.
Nous arrivons à une grave question qui surgit au sujet
des bâtiments de notre hôpital ; il fallut deux ans pour la
résoudre, de 1850 à 1852. Nous avons vu que ces bâtiments,
en 1833, avaient excité les convoitises de l’administration
municipale. Elle avait voulu en faire l’emplacement d’un
vaste édifice, où elle aurait eu à la fois la caserne de gen¬
darmerie, l’hôtel-de-ville et les prisons. Ces mêmes con¬
voitises se réveillèrent plus fortes , plus exigeantes que
jamais , en l’année 1850. Toutefois , les édiles de la com¬
mune ne voulurent point, comme en 1833, revendiquer la
propriété de l’immeuble des pauvres ; ils se bornèrent à
vouloir se l’approprier au moyen d’un échange. Une mai¬
son avec jardin attenant, située dans la Rue-Haute, était
en vente. On la disait convenable pour un l'hôpital. L’ad¬
ministration municipale en fit l’acquisition, sous la
réserve que l’administration de l’hôpital l’accepterait en
échange de l’immeuble, objet des convoitises munici¬
pales. Il y eut vive discussion, lutte ardente entre les deux
administrations, et, au sein de l’administration de l’hôpi¬
tal, entre les divers membres qui la composaient. Nous
nous abstenons de longs détails ; ceux qui voudront s’édi¬
fier sur ces discussions et le déplorable échange qui eut
lieu, n’ont qu’à lire les diverses délibérations de la Com¬
mission administrative de l’hôpital, de 1850 à 1852.
L’échange proposé était, à tous les points de vue, une
mauvaise opération, contraire aux intérêts et au bien-être
des pauvres. Sans doute, les bâtiments qui les abritaient,
ancienne demeure, comme nous l’avons dit, des curés de
350
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Saint- Julien, tombaient en ruine et il était urgent de les
en retirer ; mais la maison proposée était aussi une ruine,
une 'vieille. masure, ne remplissant pas les conditions
voulues pour un hôpital. Soumise à l’examen d’un maître-
maçon et d’un maître-charpentier de la ville, puis à l’exa¬
men d’un architecte, nommé par l’autorité préfectorale,
il fut reconnu : « qu’elle manquait de solidité dans la
» charpente et dans les murs, et que, dans son ensemble,
» elle ne pouvait, même avec de grands frais, être appro-
» priée convenablement à un hôpital. » Tels furent aussi
l’appréciation et le jugement de M. le préfet de la Dor¬
dogne et de M. le sous-préfet de Sarlat.
Que devait faire alors la Commission administrative?
Que devait faire l’administration municipale, elle-même ?
Renoncer à une opération déclarée nuisible au bien-être
des pauvres, et s’entendre l’une et l’autre pour construire
un hôpital, sur un plan donné, qui pût recevoir les pauvres
de la commune et ceux du canton. La proposition en était
faite et la possibilité en était démontrée. Mais l’adminis¬
tration municipale poursuivit l’exécution de son projet, et
la Commission administrative, subissant une influence
que nous nous abstenons de nommer et de qualifier,
donna son adhésion à l’échange proposé. (Délibération
du lorjuin 1851.)
Quelques jours après, cette Commission dut se démettre
par suite du blâme qui lui fut infligé par le Conseil muni¬
cipal, de mal gérer les intérêts des pauvres. Le 19 juillet
suivant, une nouvelle Commission était nommée par
arrêté de M. le préfet, et installée le 27 du même mois,
ayant pour ordonnateur M. Nicolas Dubois, que nous
avons vu à l’œuvre, homme de bien dont on n’a pas ou¬
blié le dévouement à tous les intérêts des pauvres.
Le premier acte de cette nouvelle administration, char
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 351
gée de faire mieux que la précédente, fut de protester
contre l’échange qu’elle ne pouvait que blâmer, et « d’en
» renvoyer la responsabilité à ceux qui, pouvant et devant
» l’empêcher, ne l’avaient point fait. » Le contrat qui
consacrait cette lourde faute administrative fut passé le
25 mars 1852.
Pour faire accepter cette opération, peu populaire, on
avait mis en avant et prôné bien haut le besoin de cons¬
truire une caserne de gendarmerie, une mairie et une jus¬
tice de paix, le décret approbatif de M. le ministre en fai¬
sait même mention ; mais, l’échange conclu, ces beaux
projets furent abandonnés. De l’emplacement de l’hôpital
démoli et de son jardin, on fit simplement une place
publique qui prit le nom significatif de : Place de l’Hôpi¬
tal , auquel il y a peu de temps, comme pour effacer le
souvenir d’une mauvaise opération, on a substitué le nom
de : Place de la Mairie.
VI. — Les pauvres n’étaient pas encore installés dans
leur nouvelle demeure, qu’on avait eu à constater son
insuffisance et l’urgente nécessité de construire un local
convenable. Le sous-préfet de Sarlat, le même qui avait
affirmé devant le Conseil municipal et la Commission
administrative, réunis sous sa présidence, qu’il ne don¬
nerait jamais son approbation à l’échange projeté, mais
qui n’avait point persévéré dans ses bonnes dispositions,
ayant demandé par lettre officielle si, « conformément à
» l’article 3 de la loi du 7 août 1851, sur les hospices et
» hôpitaux , l’hôpital de Terrasson pouvait être désigné
» pour recevoir les malades et les infirmes indigents des
«communes, privées d’établissements hospitaliers», il
lui fut répondu :
« Après mûr examen de la question, la Commission
» administrative ne peut qu’exprimer le regret de n’avoir
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» pas été secondée dans son projet de construction d’un
» hôpital propre à recevoir convenablement, non-seule-
» ment les malades indigents de la commune de Terras-
» son, mais encore ceux des communes de tout le canton.
» Elle regrette que l’échange des bâtiments de l’hospice
» de Terrasson récemment fait et qu’elle a été obligée de
» subir, n’ait mis à sa disposition qu’un local malsain et
» insuffisant, même pour recevoir les malades indigents
» de la commune.
» Elle émet le vœu de voir l’administration supérieure
» prendre l’initiative auprès du Conseil municipal et de
» la Commission administrative de l’hospice, pour la
» construction d’un hôpital, afin que, dans un temps peu
» éloigné, les dispositions si bienveillantes de l’article 3
» de la loi précitée puissent recevoir leur effet dans toute
» l’étendue du canton. » (Séance du 22 juillet 1852.)
Le 20 septembre de la même année, les pauvres prirent
possession de leur nouvelle demeure, qu’ils occupent
encore aujourd’hui. Ce qui fait trente années de malaise
pour les pauvres, et, pour la population, trente années
à craindre que ces vieux bâtiments délabrés n’englou¬
tissent sous leurs décombres tout le personnel de l’hô¬
pital. Pendant cette période, la construction d’un local
convenable, devenue de plus en plus urgente, a été
souvent mise à l’ordre du jour des délibérations du
Conseil municipal et de la Commission administrative, et
toujours adopté en principe, mais l’exécution se fait
encore attendre. Cependant cette construction, de néces¬
saire qu’elle a toujours été, est devenue obligatoire par
les dons considérables qui ont été faits pendant ces dix
dernières années. Mais on n’a jamais pu s’accorder sur le
choix de l’emplacement. On s’est bientôt accordé, lorsqu’il
a fallu en trouver un pour la construction d’une école
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DD PÉRIGORD. 353
communale. L’emplacement choisi eût été très convenable
pour un hôpital ; mais ne faut -il pas qu’une école com¬
munale prime tout 1
VII. —Nous terminerons cette Notice, que nous aurions
voulu faire plus courte, en donnant la liste des bienfai¬
teurs de notre hôpital. Les noms qui nous ont été con¬
servés sont pris de tous les degrés de l'échelle sociale.
Les riches et les moins fortunés y trouveront un encou¬
ragement à se constituer les bienfaiteurs des pauvres.
Au vie siècle, le roi Gontran, fondateur de l’hôpital. —
Il le dota de revenus considérables.
En septembre 1260, Hélène, veuve du chevalier Viguier.
— Elle ordonne par son testament que, le jour de sa
mort, il soit donné à chaque pauvre de l’hôpital une ration
de pain et, de vin.
Mlle Elisabeth Jayle. — Par son testament mystique du
14 janvier 1817, elle lègue à l’hôpital 50 fr.
M. Paul Labrousse-Dubreuil. — Par contrat du 28 août
1818, il constitue, en faveur de l’hôpital, une rente per¬
pétuelle au capital de 1,450 fr., donnant un revenu
de 4 0/0.
Mme Elisabeth Ghosait, veuve de M. Larivière. — Par
son testament mystique du 12 décembre 1819, elle lègue
à l’hôpital 200 fr.
Mme Jeanne Lalande, veuve Ghabrelie. — Par son tes
tament du 20 janvier 1826, elle donne à l’hôpital 100 fr.
M. Beauregard, ancien notaire. — Par son testament
du lor août 1834, il constitue, en faveur de l'hôpital de
Terrasson, une rente annuelle et perpétuelle de 10 fr.
Mme Elisabeth Grémoux, veuve Limoges. — Par son
testament du 23 décembre 1834, elle fait à l’hôpital un
legs de 100 fr.
23
354
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Mlle Anne Tréliard de Lachapelle. — Elle donne, par
son testament olographe du 13 mai 1835 , aux pauvres de
l’hôpital 100 fr.
M. Elie-Paul Labrousse-Dubreuil, prêtre, ancien curé de
Saint-Geniès. — Il donna, par son testament du 2 novem¬
bre 1835, à l’hôpital de Terrasson 1,200 fr.
Mme Mayaudon, épouse de M. Pierre Beune. — Par son
testament du 7 septembre 1835, elle donne à l’hôpital
200 fr.
M. Guillaume Beauregard-Labonnelie (1). — Par son
testament du 10 janvier 1836, il lègue à l’hôpital 600 fr.
M. Bois.set-Chapelle-Mimeau, de Saint-Cernin, canton
de Lubersac (Corrèze). — Par son testament du 17 avril
1859, il lègue à l’hôpital de Terrasson 600 fr.
M. Pierre Beuhe. — Par son testament du 22 août 1849,
il lègue à l’hôpital 1° une rente annuelle et perpétuelle
de 32 fr., exempte de toute retenue, au capital de 800 fr.;
2° une somme de 150 fr., une fois payée.
Mme Geneviève-Eugénie Lanoix, épouse de M. Guil¬
laume Verneuil-Damarzid. — Par son testament olographe
du 20 avril 1850, elle donne à l’hôpital la somme de
500 fr.
M. Jean-Jacques, comte de Saint-Exupéry. — Par son
testament du 20 juin 1850, il cède à l’hôpital de Terrasson
une rente annuelle et perpétuelle de 80 fr., au capital de
2,000 fr.
M. Etienne Frangne , ancien huissier à Ayen (Corrèze).
— Par son testament du 17 juin 1851 , il lègue à l’hôpital
de Terrasson une rente annuelle de 50 fr.
(I) Il mourut & Périgueux, le 10 avril 1840, étant maire de Terrasson.
Il prit énergiquement l’initiative et usa de toute son autorité pour que la
direction de l’hôpital et le soin des pauvres fussent confiés aux religieuses
de la communauté du Sauveur.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DD PÉRIGORD. 355
M. Marchand-Déchamps. — Il fait, le 15 août 1852, à
l’hôpital un don manuel de 400 fr.
M. Jean Delord.— Il lègue à l’hôpital, par son testament
verbal du 15 janvier 1854, la somme de 2,000 fr.
M. Martial Chose, de La Chapelle-Mouret. — Par son
testament du 19 novembre 1854, il lègue à l’hôpital 200 fr.
M. François Mayaudon-Preyssac. — Par son testament
du 29 juin 1855, il donne à l’hôpital 100 fr.
Mme veuve de Limoges, née de Maleville.— Elle donne,
de son vivant , le 16 février 1856 , aux pauvres de l’hôpital
1,200 fr.
M. Jérôme Jayle-Roufflac, ancien percepteur. — Par
son testament mystique du 26 avril 1856, il lègue à l’hôpi¬
tal 1,500 fr.
M. Martin Jayle-Lacroix, frère du précédent. — Par son
testament mystique du 26 avril 1856, il lègue à l’hôpital
1,000 fr.
M. Jean-Jacques-Gabriel de Bouquier, de La Tallerie.—
Par son testament du 21 mars 1860, il lègue à l’hôpital de
Terrasson 4,000 fr., à la charge d'une messe par an, à
perpétuité, pour lui-même.
Mlle Françoise-Zénobie Bouquier, de Terrasson. — Par
son testament olographe du 20 juillet 1860,- elle transmet
à l’hôpital une rente annuelle de 20fr.,au capital de
500 fr.
Mme Ducrû, née de Bouquier, de Bordeaux. — Par son
testament du 27 juillet 1863, elle donne à l’hôpital de
Terrasson 10,000 fr. pour que les habitants de Terrasson
n’ oublient pas le nom de Bouquier.
M. Marcelin Denoix , de Terrasson , consul à Palma. —
Par son testament olographe du 14 février 1866, il donne
à l’hôpital 3,000 fr.
M. le docteur Jean-Louis Arnal , de Terrasson, médecin
356
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
à Paris. — Par son testament du 23 juillet 1871, il lègue,
pour la construction d’un hôpital à Terrasson 30,000 fr.
Mme Marie-Louise-Elina Lefebvre, veuve de M. le doc¬
teur Jean-Louis Arnal. — Par son testament du 25 juin 1872,
elle, lègue, pour aider à la construction de l’hôpital,
20,000 fr. La Commission administrative , en acceptant ce
' double legs, exprime le vœu que l’édifice à construire
porte, à son frontispice, la dénomination de : Hospice Ar-
nal-Lefebvre.
Antoine Mallet, pauvre de l’hôpital.— Par son testament
du 9 octobre 1873, il donne à l’hôpital tout ce qu’il possé¬
dera à son décès ; il possédait 360 fr.
Mme Marie Démoulin, épouse de M. Emile Dufour. —
Par son testament du 6 décembre 1874, elle constitue en fa¬
veur de l’hôpital un legs de 20,000 fr.
Jeanne Delord, indigente de l’hôpital. — Elle donne à
l’hôpital, par acte du 24 décembre 1876, 250 fr. et quatre
draps de lit.
Marie Bousquet, de Bouillac, infirme de l’hôpital.— Par
acte du 4 août 1879, elle donne à l’hôpital des immeubles
d’une valeur de 2,000 fr. un lit et du linge.
Françoise Jaf, de Grèzes. — Admise à l’hôpital, elle lui
donne par acte du 11 juin 1880 une maison et une pièce
de terre d’une valeur de sept à huit cents francs.
La Compagnie générale d’assurances sur la Vie. — Sur la
demande de son directeur, M. Philippe de Bosredon, elle
a versé pendant trois ans, 300 fr. chaque année, dans la
caisse du receveur de l’hôpital.
Tels furent les bienfaiteurs de nos pauvres.
Gette liste, quoique longue, n’est certainement pas com¬
plète. Comme on a dû le remarquer, il y deux grandes
lacunes dans les documents que nous avons pu recueillir.
Du vie siècle à 1260, et de cette dernière date à 1793, nous
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 357
ne savons rien de notre hôpital. Pendant ces deux pério¬
des, nous n’en doutons pas, il ne fut pas oublié de la cha¬
rité chrétienne , toujours féconde en bonnes œuvres.
N’avons-nous pas constaté qu’il avait de nombreuses ren¬
tes et des immeubles considérables, dont il fut spolié par
la Révolution? D’où lui venaient-ils? Sans nul doute de la
charité chrétienne. Nous connaissons les bienfaits , nous
ignorons les bienfaiteurs. Ils sont connus de Celui qui ne
laisse pas sans récompense le verre d’eau froide donné au
pauvre en son Nom.
A la liste que nous publions aujourd’hui d’autres noms
viendront s’ajouter , d’une année à l’autre , alors surtout
qu’un local convenable dira qu’il y a un hôpital à Ter-
rasson.
Tel fut et tel est notre hôpital. Ajoutons en finissant non
pour nous en plaindre , mais pour constater un résultat
de la loi du 5 août 1879, que le curé de la paroisse ne fait
plus partie de la Commission administrative, depuis la
promulgation de cette loi.
XXXIV
Hôpital de Montignac (1).
Plusieurs documents du xme siècle constatent, dès cette
époque, à Montignac, l’existence d’un hôpital dont les
constructions comprenaient un bâtiment hospitalier
(domus hospitalis) et une chapelle (ecclesia). Ces cons¬
tructions avaient été élevées sur un terrain que Renaud II
de Pons et sa femme Marguerite, seigneur et dame de
Montignac, et, probablement, fondateurs de l’hôpital,
donnèrent à Dieu, à la bienheureuse Marie et à la maison
hospitalière. Cette donation eut lieu vers 1191 , avant le
départ de Renaud pour la première croisade. Parmi les
témoins de l’acte, nous voyons les noms de Pierre de Losse,
Armand et Jean de Gourdon, celui-ci prêtre.
L’hôpital, bâti sur ce terrain, fonctionnait en 1210. A
cette date, les frères Adémar, Guy, Barthélemy et Aymeric
(1) Les documents qui vont nous servir à composer cette Notice , nous
les devons à l'obligeance de M. Th. Sorbier, qui a bien voulu mettre à
notie disposition plusieurs pièces de son Recueil de documents inédits
elatifs à t hôpital de Montignac, qu’il se propose de publier.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 359
La Tour, « donnaient à Dieu , à la bienheureuse Marie et
» à l’établissement de l’hôpital, tout ce qu’ils avaient au
» moulin de Gromirac. » Vers cette même époque, et en
usant de la même formule, Jean et Pétronille Seguin don¬
naient une vigne, et Etienne Mauran cent deniers au
même hôpital de Montignac.
Vers la fin du xiv“ siècle ou le commencement du xv°,
on construit pour l’hôpital, au Barry du Chef du Pont , sur
le territoire de la paroisse de Saint-Georges de Brenac,
une nouvelle maison hospitalière et une nouvelle cha¬
pelle, qui viennent, vraisemblablement , occuper l’empla¬
cement des édifices primitifs , ruinés ou devenus insuffi¬
sants. Cette maison et cette chapelle témoignent encore
de l’importance de l’établissement à l’époque de leur
construction.
L’hôpital dut sans doute sa nouvelle installation à la
famille qui possédait alors la châtellenie de Montignac,
en même temps que le comté de Périgord. Ces grands sei¬
gneurs d’autrefois, contre lesquels on a tant crié, n’étaient
pas toujours les ennemis du 'peuple. Ils s’entendaient à
soulager les misères , aussi bien que s’entendent à les
créer nos parvenus d’hier.
Viennent les troubles religieux du xvi0 siècle. L’hôpital
de Montignac est pillé et ses titres lui sont enlevés, vrai¬
semblablement dans l’émeute provoquée dans cette ville,
en 1560, contre les établissements religieux, par le ministre
Richard. L’hôpital, demeuré sans ressources , le service
hospitalier est nécessairement interrompu. La maison des
pauvres ne sert plus qu’à offrir un gîte momentané aux
nécessiteux sans abri. Des possessions privées s’interpo¬
sent entre elle et la chapelle et l’enserrent de toutes parts,
et la chapelle est affectée au service paroissial de Saint-
360
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Georges-de-Brenac , en conservant son ancienne dénomi¬
nation d’église ou chapelle de Saint-Jean-de-l’Hôpital.
Cependant, la charité des fidèles tend à reconstituer
des ressources à l’hôpital. Il est rare qu’un habitant nota¬
ble de la ville teste sans faire un legs au profit des pau¬
vres. Mais ces legs sont peu considérables : ils n’avaient
encore produit, en 1660, qu’un revenu de 300 livres , avec
lequel on ne pouvait se permettre qu’une faible assistance
médicale et pharmaceutique à domicile. Il fallut plus d’un
siècle pour que l’hôpital pût se relever de la désastreuse
invasion des Huguenots, et reprendre son fonctionnement
naturel.
La situation fut sensiblement améliorée en 1663, par
suite des libéralités d'une pieuse et charitable fille de
Montignac, damoiselle Anne de Moyssard, fille de Jean de
Moyssard, sieur du Deffey. Réunissant dans son cœur, à un
degré éminent, l’amour de Dieu et l’amour du prochain, elle
souffrait de savoir les pauvres, malades ou infirmes, privés
des secours de l’hôpital parce qu’il n’y avait pas une per¬
sonne dévouée qui voulût les y recueillir et se consacrer
à leur service. Elle essaya d’y remédier, et, par « acte du
» 15 décembre 1663, passé dans la maison de M» Pierre
» Martin, prêtre et curé de la paroisse Saint-Pierre, retenu
» par Scavignac, notaire royal, elle donne par donation
» entre vifs et à jamais irrévocable, tous et ung chasqu’un
» de ses biens , tant meubles que immeubles , présents et
» advenir, droictz, noms et actions quelconques , à Dieu
» en la personne de M° Pierre Martin, curé susdit, et habi-
» tant la susdite présente ville, présent, stipulant et accep-
» tant soubz le bon plaisir de Dieu, et ce pour faire fonds
» et revenu certain pour la subsistance et entrettien de
» deux filles espitallières, quy se dédieront au service
» desdits pauvres quy se trouveront en la dicte présente
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 361
» ville el paroisse, à l’instard , forme et manière des filles
» hospitalières de la ville de Périgueux ; lesquelles deux
» filles prendront leurs vivres, vestemans , chaufage et
« autres choses nécessaires pour leur entretien et subsis-
» tance, du revenu desdictz biens donnés, ce qu’elle laisse
» à leur disposition , bonne foy et conscience. Et le sur-
» plus, s’il y en a, sera par elles fidèlement employé à
» l’entretien de la dicte Congrégation , comme à se loger,
» meubler ou entretenir une autre fille hospitalière, ou
» une servante, et tout ainsy que les deux susdites le juge-
» ront à propos , sans que les directeurs de l’hospital ny
» autres puissent prendre connaisance del’employ dudit
«revenu, ny faire rendre aucun compte aux dites filles
» hospitalières, sinon seulement de veiller à la conserva-
» tion du fonds et empescher qu’il ne soit dissipé, perdu
» ou alliéné. »
On le voit, le but d’Anne de Moyssard est de former
pour l’hôpital de Montignac une communauté de filles
hospitalières qui se consacreront au service des pauvres,
« à l’instard , forme et manière des filles hospitalières de
» la .ville de Périgueux. » Et voulant en poser immédiate¬
ment les bases, elle déclare se consacrer elle-même à
cette œuvre charitable, et, par le même acte, elle s’adjoint
« damoiselle Marie Dugros, fille de Jean Dugros, sieur de
«la Cabane, habitant au repaire noble de la Mauretie,
» en la paroisse de Cublac, Bas-Limousin , bien propre '
» au sèrvice des pauvres comme l’ayant pratiqué déjà
» longtemps. »
Dans le même acte , tout est admirablement prévu pour
donner une bonne direction à l’hôpital, assurer le bien-
être des pauvres et l’existence de la Congrégation hospi¬
talière, qui aura toujours pour directeur le curé de Saint-
pierre-de-Montignac. La fondatrice, Anne de Moyssard, se
362 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
réserve le droit de « choisir elle-même toutes les autres
» filles qu’elle jugera propres pour son dessein, » et qui
voudront se consacrer à son œuvre. Après son décès, le
choix des membres et de la supérieure de la congrégation
sera fait par la Supérieure de THôtel-Dieu de Périgueux.
Mais si le nombre des Hospitalières de Montignac s’élevait
à quatre ou cinq, elles pourraient elles-mêmes se recruter
et choisir leur supérieure. Et comme Anne de Moyssard
avait en grande confiance et estime Marie Dugros, elle
désire que la préférence lui soit toujours donnée pour le
gouvernement de la congrégation et la direction de l’hôpi¬
tal. Si, après son décès et le décès de Marie Dugros, il ne
se trouvait personne pour les remplacer et continuer leur
œuvre auprès des pauvres, dans ce cas, l’acte de donation
dispose « que lesdicts biens et revenus donnés seront
» employés au profit et utilité desdicts pauvres de Monti-
» gnac, jusqu’à ce qu’il s’en offrira d’autres pour le susdict
» emploi et service desdicts pauvres ; désirant néan-
» moingts que, en cas qu’il s’en trouve de parantes des-
» dictes deux damoiselles de Moyssard et Dugros, elles
» soyent prefférées à toutes autres, si elles sont jugées
» propres et cappables par les sieurs directeurs de l’hô-
» pital. »
Quant au gouvernement de l’hôpital, « seront obligées,
» lesdictes filles, en quel nombre qu’elles soyent, de choi-
» sir et nommer un sindiq de piété et de capassité, de trois
» en trois ans, sans le consentement duquel elles nepour-
» ront faire aucung affaire de conséquence. Et fauste par
» elles d’en nommer » l’acte de donation reconnaît pour
syndics perpétuels le curé de Saint-Pierre de Montignac
et le Prieur de Brenac.
C’est ainsi qu’Anne de Moyssard organisa pour l'hôpital
un service hospitalier, qui fut en fonction peu de jours
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 363
après l’acte de donation dont nous venons de parler. Mais
des incidents, que nous passons sous silence, parce qu’ils
nous éloigneraient trop de notre sujet et n’auraient qu’un
médiocre intérêt pour notre lecteur, vinrent, cinq ans
après, en 1668 , suspendre ce service hospitalier, qui ne
fut repris et définitivement installé qu’en 1693, toujours
sous la direction d’Anne de Moyssard , qui mourut dans
l’établissement, au mois de novembre de l’année 1710.
Un document nous permet de constater que, vers 1740,
par suite de la fondation d’Anne de Moyssard et de dons
de moindre importance qu’il avait reçus, l’hôpital de
Montignac se trouvait en possession d'un capital de 17,000
livres, dont le revenu était affecté aux besoins de quelques
pauvres , malades ou infirmes , recueillis dans l’établisse¬
ment, et à l’entretien des hospitalières qui les soignaient.
C’était la continuation de l’œuvre d’Anne de Moyssard.
II
Nous ne sortirons pas de notre sujet en racontant ici
l’origine et les développements d’une Miséricorde à Mon¬
tignac. Sa fondation , œuvre de Joseph de Lescosse , curé
et archiprêtre de Saint-Pierre de Montignac , date du
24 mars 1744.
L’hôpital fonctionnait ; mais il restait bien des misères
à soulager au dehors. Le vénérable de Lescosse devait les
connaître mieux que tout autre , étant curé de Montignac
depuis plus de quarante ans ; mieux que tout autre aussi,
il pouvait apprécier les remèdes qui leur convenaient. Il
jugea qu’il fallait un établissement de charité, ayant pour
objet de soigner à domicile les pauvres malades qui ne
pouvaient être admis à l'hôpital , et d’instruire gratuite-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
364
ment les jeunes filles des pauvres. La fondation d’une
Miséricorde atteignait ce double but ; ce fut à cette fonda¬
tion que s’arrêta la pensée du charitable curé. C’était, au
déclin de sa vie , ajouter un beau fleuron à sa couronne
sacerdotale.
Rien de plus louable que le motif qui le faisait agir. Il
est mentionné dans l’acte de fondation du 24 mars 1744 :
« Voyant qu’il avait plu à la divine Providence de lui
» fournir le moyen de faire quelques épargnes sur les
» revenus de son bénéfice-cure , il reconnaissait qu’il n’y
» avait rien de plus juste et de plus raisonnable que de
» rendre à Dieu ce qui venait de sa divine bonté. »
A cet effet, ayant réuni les principaux habitants de la
ville , il leur communique son projet , déjà approuvé par
Monseigneur de Machec'o de Prémeaux * évêque de Péri-
gueux, «lesquels, après avoir mûrement réfléchi sur le
» grand bien que procurerait cette œuvre de piété , don-
» nent, par acte du 19 août 1742, plein pouvoir à Elie
» Tardif, sieur de Laborderie, marguiller ou syndic fabri-
» cien de l’église paroissiale de Saint-Pierre , d’accepter,
» pour et au nom des pauvres dudit lieu et paroisse de
» Saint-Pierre, ladite fondation et donation. »
L’acte constitutif de cette fondation fut passé le 24 mars
1744, « en la maison presbitérale de la ville et paroisse
» Saint-Pierre de Montignac, pardevant Desmond, notaire
» royal. » Il est dit que « Messire Joseph de Lescosse,
» prêtre et docteur en théologie, archiprêtre et curé de la
» ville et paroisse de Saint-Pierre , y demeurant, aurait
» depuis longtemps résolu de faire une fondation à per-
» pétuité, pour être employée en œuvres de piété, soit
» pour les bouillons et autres besoins et soulagement des
» pauvres malades de ladite ville et faubourg de Monti-
» gnac et paroisse de Saint-Pierre , soit pour l’établisse-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 365
» ment d’éeoles de charité et gratuites, pour enseigner et
» instruire dans la religion chrétienne les pauvres filles
» de la même ville et faubourg et paroisse Saint-Pierre,
» dont la commission serait donnée en tout par Nos Sei-
» gneurs lee Evêques de Périgueux , à tel nombre de filles
» pieuses et charitables qu’il leur plairait choisir, nommer
» et proposer. »
En conséquence « voulant aujourd’huy entièrement
» affectuer son pieux dessein , pour cet effet procédant de
» son gré et libre volonté , et parce que bien Jui a plu et
» plait et pour l’exécution des causes et raisons cydessus
» marquées, et sous le bon plaisir de mondit Seigneur
» Macheco de Premeaux, évêque de Périgueux, ledit sieur
» Joseph de Lescosse par ces présentes , donne par don-
» nation pure et simple et à jamais irrévocable , et en
» meilleure forme que faire se peut , sous le titre de Fon-
» dation perpétuelle en faveur des pauvres malades et
» l’établissement des écoles chrétiennes de charité et gra-
» tuites pour les filles pauvres de ladite ville et faubourg
» de Montignac, paroisse de Saint-Pierre..., une sienne
» maison, fond et sol d’icelle, aysines et jardin contigu et
» attenant , audit sieur de Lescosse appartenant en pro-
» priété, seize et située dans ladite ville de Montignac...
» Plus la somme de trois cent nonante-neuf livres, dix-sept
» sols, six deniers de revenu annuel en rente constituée et
» seconde, dhues au sieur de Lescosse par plusieurs par-
» ticuliers et établies en différentes parties ;... Le sieur
« Tardif, ici présant, audit nom de sindic fabricien,...
» pour les pauvres stipulant et acceptant de ladite fon-
» dation et donation. »
L’acte de cette fondation, approuvé et homologué le
25 mars 1745 par Mgr Jean -Chrétien de Macheco de Pre¬
meaux, évêque de Périgueux, ne fut homologué et rendu
306
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
exécutoire par arrêt du Parlement de .Bordeaux que le
7 janvier 1751. Pourquoi ce retard? Nous l’ignorons. Mais
ce ne fut qu’à cette dernière date que la fondation Les-
cosse se trouva organisée et commença à fonctionner sous
la dénomination de Miséricorde ou de Maison de charité
pour les bouillons des pauvres, et sous la direction de deux
sœurs de Sainte-Marthe de Périgueux , envoyées sans nul
doute par Mgr de Macheco de Premeaux. Malgré ce retard
bien indépendant de sa volonté et qu’il dut déplorer, le
vénérable fondateur , arrivé à une extrême vieillesse , put
jouir deux ans encore de son œuvre si. charitable. Il mou¬
rut à Montignac, le 23 mars 1753, âgé de 92 ans , plein de
jours et de mérites , accompagné devant Dieu par l’amour
et la reconnaissance des pauvres.
III
Ainsi qu’on vient de le voir, la fondation de cette Misé¬
ricorde était uniquement pour les pauvres de la paroisse
de Saint-Pierre, à l’exception de ceux de la paroisse de
Saint-Georges , qui avaient pour eux l’hôpital. La sage
administration de la Miséricorde et les services qu’elle
rendait la firent bientôt apprécier et l’on ne tarda pas à
désirer qu’une fusion entre les deux établissements permît
de faire participer tous les nécessiteux de la ville aux
bienfaits de la fondation de Lescosse. Elle fut hâtée par
un don de 6,000 francs que deux notables de la paroisse
de Saint-Georges , Pierre de Bouilhac , abbé commanda-
taire de l’abbaye de Souillac, et son frère, premier méde¬
cin du Dauphin , voulaient faire à l’hôpital , en laissant
espérer de plus amples libéralités au profit des pauvres
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 367
de leur ville natale. On y vit pour l’hôpital la possibilité
de recevoir les malades indigents de la paroisse de Saint-
Pierre. Une assemblée des principaux habitants des deux
paroisses eut lieu le 18 octobre 1759 , avec l’autorisation
de M. Aubert de Tourny , intendant de Bordeaux. Après
mûre délibération , ils dressèrent « un acte de cohsente-
» ment à l’union de la Maison de Charité, fondée en la
» paroisse de Saint-Pierre, à l’hôpital, anciennement établi
» en la paroisse de Saint-Georges, à l’effet de rendre les
» pauvres des deux dites paroisses participants aux secours
» que lesdites deux maisons peuvent leur donner à pro-
» portion de leurs revenus. »
Le lendemain du jour de cette délibération, les deux
frères de Bouilhac firent leur don promis de 6,000 francs,
en faveur de l’hôpital. Déjà leurs charitables intentions,
bien connues de tous, avaient, l’année précédente, en 1758,
déterminé l’aliénation de la vieille maison de l’hôpital et
le transfert de celui-ci dans un local plus spacieux , situé
aussi au Barry-du-Ghef-du-Pont, et acquis de l’institut de
Sainte-Claire par la ville et les paroisses de la juridiction
de Montignac. C’est l’hôpital actuel.
Mais il fallait à cet hôpital une existence légale ; il ne
L’avait pas ; il fallait qu’il fût confirmé par des Lettres
patentes du Roi et autorisé à recevoir les dons qui lui
seraient faits. Elles furent demandées par Mgr de Montes-
quiou Puylebon, évêque de Sarlat, et accordées dans le
mois de novembre 1762.
En voici quelques extraits qui ne déplairont pas à nos
lecteurs :
« Louis, par la grâce de Dieu, Roy de France et de
» Navarre , à tous présents et à venir , salut. Notre ami et
» féal le sieur Henry-Jacques de Montesquiou de Puylebon,
» notre conseiller en nos conseils, évêque de Sarlat, nous
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» a très-humblement fait représenter que dans le temps
» des troubles et des guerres dont la province de Guienne
» fut longtemps travaillée , les établissements de piété se
» trouvant particulièrement exposés aux ravages, l’hôpital
» anciennement établi dans la paroisse de Saint-Georges
» de Brenac, de la ville de Montignac , dans la partie de
» ladite ville qui est de son diocèse, fut entièrement pillé,
» et l’enlèvement de"ses titres lui aurait fait perdre la plus
» grande partie de ses biens , en sorte qu'il ne lui serait
» resté qu'un fonds de 17,000 francs, et les habitants se
» seraient trouvés privés d’un secours qui leur est néces-
» saire pour leurs pauvres et qui s’étendait sur nos trou-
» pes, dans leur fréquent passage par la province du Péri-
» gord ; que le sieur de Bouilhac , premier médecin de
» notre très-cher fils , le Dauphin de France , et le sieur
» de Bouilhac , son frère , abbé de Souillac , mus de piété
» et de commisération pour leurs compatriotes , désirant
» relever par leurs soins et leurs libéralités un établisse-
» ment aussi utile, en auraient augmenté la dotation, par
» acte du 18 octobre 1759, d’une somme de 6,000 francs, à
» laquelle ils sont bien résolus de ne pas se borner ; espé-
» rant aussi que leur exemple sera suivi aussitôt que ledit
» hôpital aura été confirmé du sceau de notre autorité ;
» qu’il y a même tout lieu d’espérer que , suivant le vœu
» des habitants de la paroisse de Saint-Pierre dudit Mon-
» tignac, dans la partie de la ville située de l’autre côté de
« la rivière , diocèse, de Périgueux, les obstacles qui ont
» été apportés à l’exécution d’une délibération du 18 octo-
» bre 1759 et à l’union d’une autre fondation nouvelle-
» ment faite dans la paroisse de Saint-Pierre, pour le
» bouillon des pauvres malades, ne subsisteront pas long-
» temps, et qu’étant levés , les pauvres des deux paroisses
» de ladite ville jouiront en commun et réciproquement,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 369
» dans ledit hôpital situé dans ladite paroisse de Saint-
» Georges, de l'effet des deux donations, à quoy pourra
» beaucoup contribuer la construction du pont projeté
» pour la libre communication dans les deux parties de la
» ville, aujourd’hui séparées par la rivière.
» L’exposant, convaincu des grands avantages que les
» pauvres retireront de l’accroissement dudit hôpital, si,
» en le confirmant, nous voulons bien permettre aux admi-
» nistrateurs dudit hôpital de recevoir et accepter tous
» dons et legs en argent, jusqu'à concurrence de 60,000
» francs..., Nous aurait très-humblement fait supplier de
» lui accorder nos Lettres-patentes sur ce nécessaires.
» A ces causes, désirant favoriser les pieuses intentions
» dudit sieur évêque de Sarlat, de l’avis de notre Conseil,
» qui a vu l’acte de donation desdits sieurs de Bouillac,
» du 18 octobre 1759, et de notre grâce spéciale, pleine
» puissance et autorité royale, nous avons approuvé,
» loué, confirmé et autorisé, et par ces présentes, signées
» de notre main, approuvons, louons, confirmons et au-
» torisons l’ancien établissement d’un hôpital dans la
» paroisse de Saint-Georges-de-Brenac, dans la ville de
» Montignac. Voulons que ledit hôpital soit à perpétuité
» sous notre sauvegarde et protection, et sous celle des
» roys nos successeurs . pour être, ledit hôpital, sous
» la juridiction de l’évêque diocésain, et les biens et
» revenus d’iceluy régis et administrés par les adminis-
» trateurs de droit, lesquels choisiront, à la pluralité des
» voix, ce qu’ils désireront associer à leur administra-
» tion, qui tous, d’un commun accord, établiront dans
» ledit hôpital les personnes nécessaires pour le service
» des pauvres.
» Et pour donner au sieur de Bouillac, médecin, et au
» sieur de Bouillac, abbé de Souillac, son frère, des mar-
24 1
370
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» ques de la satisfaction qui nous reste de leur charité
» envers les pauvres et du zèle qui les porte à ajouter à
» la fondation de 6,900 fr. qu’ils ont déjà faite en faveur
» dudit établissement, une nouvelle libéralité après l’ob-
» tention de nos Lettres-patentes , nous les avons nommés
» et nommons par ces présentes administrateurs perpé-
» tuels dudit hôpital, pour, après avoir prêté le serment
» requis et accoutumé, concourir avec les autres admi-
» nistrateurs à la régie, gouvernement et administration
» dudit hôpital, et voulons que l’aîné de leurs descen-
» dants, ou héritiers, portant le nom et armes, soit admi-
» nistrateur-né dudit hôpital. Et de nos mêmes grâce,
» pouvoir et autorité nous avons validé et validons tous
» dons, donations, legs, fondations et acquisitions faits
» jusqu’à ce jour au profit dudit hôpital ; permettons aux
» administrateurs de recevoir et accepter pour et au nom
» dudit hôpital tous dons et legs en argent, jusqu’à con-
» currence de 60,000 fr. ; pour lesdits dons et legs en
» argent et deniers comptants, être employés par les
» administrateurs, dans le temps et délay d’une année, en
» acquisition de rentes et effets permis par notre édit du
» mois d’août 1749, à peine de nullité desdits dons et
» legs ; défendons sous les mêmes peines, aux adminis-
» trateurs dudit hôpital, de recevoir des donations ou legs
» en argent au-delà de ladite somme principale de 60,000
» francs.... N’entendons néanmoins, comprendre dans
» ladite somme de 60,000 francs, les deniers provenant de
» quêtes et aumônes manuelles pour les besoins journa-
» liers et la subsistance des pauvres....
» Donné à Fontainebleau, au mois de novembre, l’an
■/ de grâce 1762. »
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 371
IV
Après ces Lettres-patentes, rien ne pouvait plus retar¬
der l’accord des deux paroisses en faveur des intérêts de
leurs pauvres. Le traité pour l’union de la Miséricorde à
l'hôpital fut passé, sous forme de règlement, le 24 février
1763, « entre les soussignés Pierre de Bouillac, prêtre,
» abbé de Souillac ; François Mazelier, archiprêtre et curé
» de la paroisse de Saint-Pierre, diocèse de Périgueux ;
» Martin Pomarel, prêtre, curé de la paroisse de Saint-
» Georges-de-Brenaç, diocèse de Sarlat ; Jean Dujarry de
» Lagarde, juge de la juridiction de Montignac, tous
» administrateurs de la Maison de Charité établie dans la
» paroisse de Saint-Pierre et de l’hôpital de la paroisse de
» Saint-Georges. » Nous allons en donner la substance.
Il vise dans son préambule : 1° La fondation faite par
le vénérable M. de Lescosse, curé de la paroisse de Saint-
Pierre ; — 2° les Lettres-patentes du Roi, obtenues « aux
» fins d'approuver et de confirmer l’ancien établissement
» d’un hôpital dans la paroisse de Saint-Georges-de-
» Brenac ; — 3° L’acte de délibération des principaux
» habitants desdites deux paroisses de Saint-Pierre et de
» Saint-Georges, portant consentement à l’union de la
» Maison de Charité à l’hôpital ; — 4«-Une requête pré-
» sentée par les principaux habitants de la] paroisse de
» Saint-Pierre à Msr l’Evêque de Périgueux, aux fins de
» demander l’union de ladite Maison de Charité audit
» hôpital; — 5° Une requête présentée aux mêmes fins à
» MBr l'Evêque de Sarlat par les principaux habitants de
» la paroisse de Saint-Georges. »
Viennent ensuite les clauses et conditions longuement
exposées en douze articles :
372
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
1° Tous les fonds déjà donnés et ceux qui seront donnés
par la suite à l’hôpital et à la Maison de Charité seront
communs par égales portions aux pauvres des deux
paroisses, « lesquels auront droit d’être admis à l’hôpital
» à proportion de ses revenus et facultés, et aux bouil-
» Ions qui seront faits et distribués par la Maison de
» Charité, à proportion aussi de ses revenus et facultés. »
2° « Les filles de la paroisse de Saint-Georges-de-Bre-
» nac seront admises comme les filles de la paroisse de
> Saint-Pierre aux écoles qui se font en la Maison de
» Charité. »
3° Il y aura pour l’hôpital et pour la Maison de Charité
un seul Bureau d’administration, composé de quatre
membres, pris deux dans chaque paroisse, et choisis par
les deux curés et le juge de la juridiction, qui seront de
droit et à perpétuité administrateurs des deux établisse¬
ments. « Seront également administrateurs-nés de l’hôpi-
» tal et de la Maison de Charité MM. de Bouillac et après
» eux l’aîné de leur maison portant nom et armes. » Les
deux curés de Saint-Pierre et de Saint-Georges prendront
alternativement la présidence du Bureau.
4° « Les sœurs de la Miséricorde et celles qui leur suc-
» céderont dans l’établissement ne dépendront que de
» Mgr l’Evêque de Périgueux et du sieur archiprêtre curé
» de Saint-Pierre, soit pour la réception et changement,
« soit pour la direction et gouvernement tant du spirituel
» que du temporel, aux réserves toutefois des revenus
» affectés aux bouillons des pauvres sur lesquels le Bureau
» aura droit d’inspection et d’administration. — Il nom-
» mera aussi deux sindics, l’un pour l’hôpital et l’autre
» pour la Maison de Charité, ou un seul pour les deux,
» lequel ou lesquels rendront leur compte tous les six
» mois au Bureau et n’exerceront que pendant l’espace de
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 373
» trois ans, après lesquels il sera nommé de nouveaux
» sindics. »
5° « Les pauvres malades ne seront admis à l’hôpital et
» ne recevront du bouillon de la Maison de Charité que
» sur un billet signé de l’un des deux curés et contre-
» signé du juge de la juridiction. »
6» « Les présentes conventions seront communiquées à
» M. le marquis d’Hautefort, chevalier des ordres du Roy
» et seigneur de la ville et comté de Montignac, et il sera
» prié d’accorder sa protection audit hôpital et Maison de
» Charité. »
« Le sindic dudit Chapitre de Saint-Georges sera chargé
» de faire toutes poursuites, diligences et frais nécessaires
» pour faire homologuer les présentes conventions et
» règlements par Mgr l’Evêque de Sarlat, et par Nossei-
» gneurs de la Souveraine Cour du Parlement de Bar¬
il deaux. »
» Et ont signé Bouillac, abbé de Souillac ; Mazelier,
» archiprêtre de Montignac ; Pomarel, prieur de Brenac ;
» Dujarry de Lagarde, juge. »
Ce traité fut approuvé le 1er mars 1763 par Mgr de
Macheco de Prémeaux, évêque de Périgueux, le 19 mars
1763 par Mgr Henry- Jacques de Montesquiou, baron,
évêque et seigneur de Sarlat, le 18 mars de la même année
par le seigneur marquis Emmanuel d’Hautefort, et homo¬
logué et enregistré par la Cour du Parlement de Bordeaux,
en même temps que les Lettres-Patentes du Roi, le
9 mars 1763, sur la requête présentée par les deux frères,
l’abbé et le docteur de Bouillac.
Le traité étant ainsi revêtu de toutes les formalités
légales, l’OEuvre d’union qu’il consacrait commença à
fonctionner en faveur des pauvres des deux paroisses, et
à la satisfaction de tous, le premier jour de janvier de
374
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
l’année suivante 1764. Les libéralités que les deux frères
de Bouillac avaient fait pressentir et dont il est parlé dans
les Lettres-Patentes du Roi, ne se firent pas attendre.
Dès le 3 juin 1765, l’abbé de Souillac faisait à l'hôpital un
nouveau don de 11,000 fr., et, huit ans plus tard, il se
montrait encore plus généreux par son testament mys¬
tique du 2 octobre 1773. Nous y lisons :
« Je donne et lègue à l’Hôtel-Dieu de la présente ville
» de Montignac trois titres de rentes à 4 0/0 sur le Clergé
» de France, au capital l’un de 7,500 fr., l’autre de 8,000 fr.
» et le troisième de 15,000 fr. — Je donne et lègue encore
» audit Hôtel-Dieu tous les billets suivants... (suit l’énu-
» mération des billets donnés, formant ensemble un capi-
» tal de 19,659 fr.) — Je donne et lègue encore audit
» Hôtel-Dieu le moulin de Bleufond, avec tous les fonds
» qui en dépendent. — Je donne et lègue audit Hôtel-Dieu
» toutes mes hardes servant à ma personne, tous mes
» meubles meublants, linge de maison, cuivre, étain, or
» et argent qui se trouveront m’appartenir au temps de
» mon décès, ensemble ce qui me sera dû alors du revenu
» de mon abbaye, et en revenus desdits contrats sur le
» clergé, et en outre ce qui me sera dû par d’autres billets
» que ceux ci-dessus spécifiés. »
A la suite de ces legs, nous ne devons pas oublier de le
menti'onner, le testateur, « malade de corps, mais néan-
» moins par la miséricorde de Dieu, sain d’esprit »,
ajoutait :
« Je déclare enfin que c’est pour la décharge de ma
» conscience que j’ai fait tous les susdits légats, parce
» qu’ils proviennent de' réserves que j’ai faites de mes
» revenus ecclésiastiques : ne les ayant réservés que pour
» procurer aux pauvres un plus grand patrimoine, à qui
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 375
» je les aurais distribués dans le temps, si je n’avais eu
» en vue de leur procurer un secours plus durable. »
Les libéralités de MM. de Bouillac et quelques libéra¬
lités antérieures et ultérieures, parmi lesquelles nous
aimons à citer un don de 3,000 fr. fait le lor novembre
1767 par M. Jean Martel de Chambort, ancien capitaine
de grenadiers au régiment de Gondé, chevalier de Saint-
Louis, et un don également de 3,000 fr. de la sœur
Hubert, supérieure de l’établissement, avaient élevé les
revenus de l’hôpital, à la veille de la Révolution, à
5,478 fr., consacrés à l’entretien de vingt-trois malades
ou infirmes, de trois sœurs hospitalières, fournies depuis
1765 par la congrégation des Sœurs de Saint-Vincent-de-
Paul, et d’un aumônier. Et, cependant, en l’année 1781,
comme le constate une note de M. Pomarel, prieur de
Brenac, insérée dans le registre des naissances, de grandes
réparations avaient été faites aux bâtiments de l’hôpital.
Nous lisons dans cette note : ,
« Cette année (1781), nous avons formé dans l'hôpital
» les deux grandes salles pour les pauvres avec vitres et
» lits. Nous avons allongé le corps de logis d’environ
» vingt à vingt-cinq pieds pour former la chapelle. Nous
» avons fait l’escalier neuf et toutes les autres réparations
» qui en sont l’accompagnement. — Nous avons de plus
» fait l’escalier de l’appartement des sœurs jusqu’au gre-
» nier, avec les canaux dessus pour prendre les eaux, et
» l’allongement de la charpente qui les couvre. Cette répa-
» ration a coûté fort cher. Et enfin, par la permission de
» Mgr Joseph-Anne-Luc de Ponte d’Albaret, j’ai fait la
» bénédiction de la chapelle, ainsi que celle du cimetière
» des Sœurs sous le cloître , le 3 janvier 1782. »
Qu’était cette sœur Hubert, bienfaitrice de l’hôpital,
dont la personnalité s’impose encore à la reconnaissance
376
LES ORIGINES. CHRÉTIENNES
des pauvres ? Nous la trouvons supérieure de 1773 à 1776.
Le fut-elle avant et après ces époques? Nous l’ignorons.
Nous ignorons également le nom de sa famille et les lieux
de sa naissance et de sa mort. Son nom seul de religieuse
nous a été conservé, et c’est avec un sentiment de pieuse
estime que nous l’accueillons dans cette notice. Les
3,000 fr. dont elle gratifia l’hôpital en 1775 furent placés
en rente sur le Clergé de France.
Quant à la Miséricorde, les ressources que lui avaient
assurées son fondateur, l’archiprêtre de Lescosse, demeu¬
rèrent à peu près les mêmes jusqu’en 1789. Le décret du
2 novembre de cette année eut pour effet de suspendre le
service de la rente de 2,660 fr. que l'hôpital avait sur le
Clergé de France, et le décret du 23 messidor an II attri¬
bua à l’Etat les biens de cet établissement et ceux de la
Miséricorde. L’Etat vendit les biens de la Miséricorde, et,
pour prouver qu’une révolution ne peut être jamais favo¬
rable aux pauvres, il supprima le service particulier de
cette maison. Il continua, il est vrai, à l’hôpital, des
secours aux pauvres, mais dans la proportion des res¬
sources antérieures aux fondations des frères de Bouillac.
En exécution de la loi du 16 vendémiaire an VII, resti¬
tuant aux hôpitaux et hospices la jouissance de leurs
biens et rentes, et ordonnant que leurs biens vendusJeur
seraient remplacés en biens nationaux de même produit,
l’hôpital de Montignac récupéra peu à peu la plus grande
partie de son ancienne fortune, et, après une interruption
d’une dizaine d’années, les Sœurs de Saint-Vincent-de-
Paul, que la Révolution en avait bannies, y revinrent
reprendre leur service hospitalier auprès d’un personnel
nombreux de malades et d’infirmes.
Au produit des restitutions de l’Etat vint aussi peu à
peu, de 1807 à 1875, s’ajouter le produit des libéralités
DES HÔPITAUX, -HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 377
de quelques personnes charitables de la ville. Nous cite¬
rons :
Mlle de Rastignac pour une rente au capital de 6,000 fr.;
— Mlle Roux de Langlade pour des immeubles d’une
valeur d’environ 15,000 fr.; — MM. les curés Larue et
Foucaud pour la somme de 6,000 fr.; — Mme Sorbier,
religieuse de Fontevrault, pour la somme de 1,000 fr.; —
Mme Lalande Sorbier pour la somme de 2,000 fr.
V
En 1852, une ère nouvelle s’ouvrit pour 'l’hôpital de
Montignac. Quelques difficultés survinrent entre les reli¬
gieuses qui le dirigeaient et la commission administrative.
L’accord n’ayant pu se faire, les religieuses durent quitter
l’hôpital, rappelées à Paris par la maison-mère. Leur
départ laissa le soin des pauvres à un service laïque bien
peu satisfaisant. On ne tarda pas à regretter les soins
éclairés et maternels des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.
Le laïcisme n’étant pas alors, aux yeux des gouvernants,
le nec plus ultra d’une bonne administration, on se hâta
d’appeler d’autres religieuses à la direction de l’hôpital,
et l’on s’adressa à la congrégation des Sœurs hospitalières
de Nevers. Une délibération de la commission adminis¬
trative, en date du 19 juin 1828, appelle « heureux le
» moment où ces religieuses donnèrent l’assurance bien
» positive de-se charger de l’hôpital. » Le laïcisme, peu
satisfaisant, comme nous l’avons dit, pesait sur la cons¬
cience de la commission administrative, qui avait à se
reprocher de n’avoir pas su conserver les sœurs de Saint-
Vincent-de-Paul ; elle était heureuse de s’en décharger
par l’admission des Sœurs de Nevers.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
378
Le traité qui fut passé avec la supérieure générale,
approuvé par Mgr de Lostanges, évêque de Périgueux;
et par le Ministre de l’intérieur, stipulait que « la supé-
» rieure et les sœurs nécessaires à la direction de l’hôpital
» seraient nourries, chauffées, éclairées, blanchies, four-
» nies de linge de cuisine, de table et de lit aux frais de
» la commission ; qu’elles seraient soignées en cas de
» maladie, et, en cas de mort, enterrées aux frais de
» l’hospice, et qu’en outre chacune recevrait annuelle-
» ment une somme de 150 francs, dont la supérieure
» seule donnerait quittance. » Outre le mérite 'supérieur
des religieuses, comment trouver, à ces conditions, à ce
modique prix, des infirmières laïques ?
L'article 11 réservait pour les religieuses la liberté
d’annexer à l’hôpital « un pensionnat et un externat, ou
» classe payante, dont le produit net serait attribué aux
besoins des pauvres de l’établissement. Ce produit est
arrivé à former annuellement un supplément de ressour¬
ces de 4,000 francs. Mais la classe payante, qui était
devenue école communale congréganiste, ayant été laïci¬
sée en 1881, les revenus des pauvres ont diminué de
1,500 francs. L’administration municipale, qui a provoqué
cette mesure inique, doit s’applaudir de son œuvre.
L’hôpital de Montignac est un des plus riches du Péri¬
gord. En mesure déjà de pourvoir à l’entretien de vingt-
huit à trente infirmes ou malades, il a été gratifié, en 1879,
par M. Jean-Baptiste Mérilhou, d’un legs dont l’émolu¬
ment net sera probablement de 110,000 francs. Les pau¬
vres béniront la mémoire de ce généreux bienfaiteur.
Nous avons encore à dire un mot sur la Miséricorde,
supprimée par le décret du 23 messidor an II. Par suite
de sa suppression et de la, vente de ses immeubles, le ser¬
vice des pauvres malades à domicile avait dû être aban-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 379
donné. Il fut rétabli en 1845, par l’organisation, à cet effet,
d’une société de Dames de charité, dont le curé de la
paroisse était président. En 1865, le Premier-Président
Sorbier compléta cette organisation en faisant, par une
rente annuelle de 600 francs, les frais d’une sœur de
Nevers pour diriger l’OEuvre, qui reprit alors son ancienne
dénomination de Miséricorde et fut, en 1877, reconnue
d’utilité publique.
Cette Miséricorde [a eu, comme l’hôpital, ses bienfai¬
teurs que nous ne devons pas oublier. Nous citerons tout
particulièrement les familles Sorbier, Foucaud et Requier,
Mms Sorbier, née Mérilhou, lui a légué un capital de
8,000 francs. — Elle a reçu 6,000 francs de Mm° Berbesson,
née Foucaud, sœur du curé, bienfaiteur de l’hôpital. —
Et M. Requier, intendant général, et son frère, conseiller
honoraire à la Cour de Cassation, lui servent annuelle¬
ment un secours régulier de 400 francs.
Avant de clore cette Notice, nous voulons citer les noms ‘
connus, mais peu nombreux, des supérieures qui ont
dirigé l’hôpital de Montignac ; il est bon de les conserver
au souvenir et à la reconnaissance des amis des pauvres.
La sœur Vertuols, supérieure en 1760, et la sœur Guitard,
en 1789, sont, avec Anne de Moyssard et la sœur Hubert,
les seules connues pour la période antérieure à 1789.
Mais pour la période suivante, il en est une dont le nom
est devenu presque légendaire et qu’on ne nous pardon¬
nerait pas dépasser sous silence : c’est la Mère Joséphine
•* Barré, que les pauvres et tous les habitants de Montignac
ont su aimer, respecter et vénérer pendant cinquante ans
qu’elle a vécu avec eux et pour eux. Elle était entrée à
l’hôpital en qualité de supérieure avec les premières sœurs
de Nevers, en 1828, et, après avoir dépensé une longue et
laborieuse vie « au service du prochain », elle y mourut le
380
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
2 février 1880, âgée de 91 ans, laissant avec elle l’odeur
des vertus qui font les saints.
En célébrant ses obsèques, le digne doyen de Monti-
gnac, M. l’abbé Mas, dans une allocution toute tirée de
son cœur, rappelait avec une émotion qui avait son écho
dans toutes les âmes, l’ensemble de la vie de cette véné¬
rée supérieure (1). Nous lui empruntons quelques traits
qui feront plaisir à nos lecteurs et seront un gracieux
couronnement de cette Notice.
« La vénérable Joséphine Barré naquit à Nevers, en
» 1789, d’une famille honorable et éminente par ses ver-
» tus, qui lui transmit avec son sang les principes de reli—
» gion et de vertu que ses ancêtres lui avaient légués.
» Elle profita si heureusement des soins que ses parents
» donnèrent à son éducation chrétienne, qu’elle fut jugée
» digne, à un âge encore bien tendre, d’être admise au
» banquet eucharistique, à la première communion. Ce
» fut au milieu des ténèbres de la nuit, à la lueur de
» quelques flambeaux, dans une chambre soigneusement
» fermée, qu’un vénérable prêtre donna à cette pieuse
» enfant le pain de vie. Les temps étaient alors si mauvais
» que pour pratiquer les devoirs sacrés de la religion, il
» fallait se cacher dans les maisons privées, comme les
» premiers chrétiens se cachaient dans les catacombes de
» Rome . A partir de cet heureux jour, elle ne pensa
» plus qu’à quitter un monde où elle aurait pu paraître
» avec avantage et à se consacrer pour toujours à celui
» qui faisait désormais toute sa joie, tout son bonheur. »
A peine âgée de 17 ans, elle fut admise au noviciat de
la grande communauté de Nevers, « et, moins de deux
» ans après, elle faisait cette profession religieuse qui la
(I) Voir la Semaine religieuse, numéro du 21 février 1881.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 381
» dévouait à Dieu par les vœux de pauvreté, de chasteté
» et d’obéissance.
» Elle n’avait pas encore vingt ans, que, trouvant en
* elle la maturité qu’on ne rencontre guère à cet âge, ses
» supérieures l’envoyèrent loin de son pays, loin de sa
» famille, à Tulle, pour diriger le pensionnat de cette
» ville. Sur ce premier théâtre de son activité, les facultés
» de son esprit et les qualités ,de son cœur se révélèrent,
» en quelques années, avec un tel éclat, qu'on la choisit
» pour venir à Montignac relever l’hôpital de cette ville et
» y fonder un pensionnat que les besoins de la population
» réclamaient impérieusement.
» Vous avez entendu raconter, mes frères, dans quel
» affligeant état se trouvait, à son arrivée, la maison des
» pauvres de Montignac. Pour vous en donner une idée,
» si vous l’ignorez, qu’il me suffise de’vous dire qu’on n’y
» était pas même à l’abri des intempéries de l’air, ni des
» eaux qui tombaient du ciel. Notrejeune supérieure ne se
» décourage point... Dieu lui inspire de faire un appel aux
» cœurs riches et généreux : et partout où elle frappe, les
» portes lui sont ouvertes ; partout on l’accueille avec
» bienveillance. Son air noble et modeste, ses manières
» pleines de grâce, son amour pour les pauvres gagnent
» tous les cœurs, et l’argent, lui arrive de toutes parts, et
» la maison" des pauvres est réparée.
» Que vous dirai-je du pensionnat qu’elle avait pour
» mission de fonder? » Lorsque le moment fut venu, « elle
» mit la main à cette œuvre avec l’ardeur qu’elle mettait à
» tout ce qu’elle entreprenait... En peu d’années, le pen-
» sionnat de Montignac était nombreux et se distinguait
» par ses bonnes et fortes études.
» Voilà, chers habitants de cette paroisse, ce que nous
» devons à la vénérable Joséphine Barré. Elle a formé à
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» la science et à la vertu presque toutes les mères de
» famille, toutes les maîtresses de maison qui ont vécu de
» son temps ; et s’il y a parmi nous de la piété, — et il y
» en a beaucoup, — femmes chrétiennes, c’est à cette
» vénérable Mère que nous le devons. Pourrions-nous
» oublier un si grand bienfait?...
» N’oubliez pas non plus, vous pauvres de la contrée,
» l’intérêt qu’elle vous portait, les peines qu'elle s’est don-
» nées pour améliorer votre sort, pour adoucir vos souf-
» frances...
» Mais vous ne lui devez pas seulement, mes chers frè-
» res, ces biens temporels et passagers. Elle vous a offert,
» pendant 52 ans que vous avez eu le bonheur de la pos-
» séder au milieu de vous, l’exemple de toutes les vertus.
» Quelle foi que la sienne ! Elle égalait par la fermeté et
» la délicatesse celle des premiers siècles. Quelle bonté 1
» quelle charité ! Nul ne lui découvrait ses besoins tempo-
» rels ou spirituels sans trouver auprès, d’elle secours et
» consolation...
» Mais je n’en finirais pas si je voulais seulement ébau-
» cher le portrait de cette vie si riche de qualités et de
» vertus. Je dois cependant vous révéler encore combien
» sa mort a été sainte- aux yeux de la foi, et par consé-
» quent précieuse devant 13ieu. Pendant sa vie, notre
» chère et digne Mère redoutait les jugements de Dieu :
» c’est le propre des saints. Mais .à mesure que la mort
» approchait, l’amour prenait le dessus, la confiance et
» la paix entraient dans son âme, et les terreurs se dissi-
» paient. A l’heure solennelle de la mort, le Séigneur se
» montre comme un Dieu plein de tendresse et de miséri-
» corde pour les justes qui ont craint sa justice et observé
» ses lois sacrées. Alors tout change dans l’âme des mou-
» rants ; la confiance succède à la frayeur ; l’on voit cette
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRTGOBD. 383
» âme, prête à rompre ses liens, hâter par ses vœux le
» moment de s’unir à Celui qu’elle avait pris pour son
» unique partage. C’est le consolant spectacle que nous a
» donné la vénérable Mère Barré. »
Inutile de dire que toute la ville assistait aux funérail¬
les de cette sainte religieuse, tous plus portés à l’invoquer
qu’à prier pour elle.
Ajoutons qu’elle est dignement remplacée par la Mère
Josèphe Talon.
Et maintenant si, en terminant cette Notice, nous vou¬
lons résumer en quelques mots tout ce que nous avons
dit de cet hôpital, il est manifeste qu'à son origine, dans
ses développements, dans sa richesse même, — car il est
riche, — il est l'œuvre de la charité chrétienne, unie à la
charité sacerdotale. Et cependant le digne représentant de
cette charité, le vénérable M. Mas, a été exclu de son
administration. L’équité et le bon sens en gémissent.
Hôpital d’Excideuil.
I. — Nous avons peu de documents sur l’hôpital d’Exci¬
deuil ; aussi ne nous est-il pas possible de donner la date
certaine de son origine, et le nom de son fondateur nous
est-il également inconnu. Nous voyons bien que dans les
premières années du xvii6 siècle on construit dans cette
ville un hôpital par ordre d’Isabeau de Beauville de Lau-
rens, comtesse douairière d’Escarts, dame d’Excideuil et
de Beauville, ordre exprimé dans son testament du
27 janvier 1605 ; mais il ressort des termes mêmes dont
elle se sert qu’avant cette- époque un hôpital avait existé
à Excideuil. Nous avons de ce testament l’extrait qui suit :
La comtesse fait d’abord des legs aux pauvres et à
douze jeunes filles d'Excideuil et de Beauville ; elle dit :
« Je veux aussi que chascun jour et fête de Notre-Dame-
» de-Cbandeleure et à jamais, il soit baillé et distribué
» aux pauvres du dit lieu d’Exideuilh, en petits pains,
» trois charges de bled mesture, par aulmosne pie et
» publique, et que à mesme jour il soit-aussi dosné et
» distribué en la mesme sorte aux pauvres de la ville et
» juridiction de Beauville deux charges de mesme bled
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 385
» mesture ; et de plus que ung an après mon déceds, il
» soit baillé par mondit héritier à douze filles orphelines,
» six du dit lieu d’Excideuilh, et les autres six dudit Beau-
» ville, et à chascune d’elles la somme de 30 livres tour-
» noîs pour les marier. »
Venant ensuite à l’hôpital, elle s’exprime ainsi :
« Je veux aussi que l’hospital d’Excideuilh soit fait
» rebasti par mondit héritier sus-nommé et à ses dépens,
» y comprenant tout ce qu’il peut avoir été légué par
» autres personnes, et ce dans quatre ans après mon dit
» décès ; auquel hospital je fonde quinze sestiers de bled
» mesture pour servir à la nourriture des pauvres qui se
» retireront à icelluy ; lesquels quinze sestiers de bled
» mesture je veux qu’ils soient paiés et prins annuelle-
» ment et perpétuellement sur le revenu de ma terre et
» seigneurie d’Excideuilh. »
Ne ressort-il pas, ainsi que nous l’avons dit, des termes
de ce testament, qu’un hôpital avait existé à Excideuil
avant ce legs généreux d’Isabeau de Beauville ? Ces mots :
soit faict et rebasti indiquent une reconstruction et non
une construction première. En disant : Je veux que l'hos-
pital d’Excideuil soit rebasti, la comtesse exprime que
l’existence d’un hôpital antérieur était de notoriété publi¬
que. Dans le cas contraire, elle aurait dit : Je veux qu’un
hospital soit basti à Excideuil.
Mais à qu’elle époque l’origine de cet hôpital antérieur
à la fondation faite par Isabeau de Beauville ? Les docu¬
ments nous faisant défaut, nous ne pouvons nous baser
que sur d^s présomptions plus ou moins probables.
On peut supposer qu’ayant été fondé dans le XIV0 ou le
XVe siècle, il fut victime des guerres qui, pendant le XVI*
siècle, déchirèrent le Périgord et le Bas-Limousin. On
sait que les Huguenots portaient principalement sur les
25
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
établissements religieux leur rage de destruction. A la
date de son testament, Isabeau de Beauville n’était que
depuis quelques années héritière de la seigneurie d’Exci-
deuil, qu’Henri IV, n’étant encore que roi de Navarre, avait
détachée de la dépendance des vicomtes de Limoges pour
la vendre à la maison d’Escars. Elle put se croire appelée
par la Providence à réparer les ruines que les sectaires
avaient faites, et elle ordonna de rebâtir l’hôpital d’Exci-
deuil.
Mais, quoique Isabeau de Beauville n’ait pas été la pre¬
mière fondatrice d’un hôpital à Excideuil, elle n’a pas
moins de mérite devant Dieu, et les amis de l’humanité
souffrante n’en doivent pas moins bénir sa mémoire. Les
dispositions de son testament sont 'une preuve de sa
grande sollicitude pour les indigents de sa double sei¬
gneurie. Les habitants d’Excideuil aimeront à lui conser¬
ver une place d’honneur, la première, sur la liste des
bienfaiteurs de leur hôpital.
Il est à présumer que l’héritier d’Isabeau de Beauville
ne tarda pas à mettre la main à l’œuvre, et que l’hôpital
était déjà bâti en l’année 1613, lorsque la seigneurie d’Ex¬
cideuil sortit de la maison d’Escars pour devenir la pro¬
priété du prince de Ghalais et, par ce dernier, la propriété
de la famille des Talleyrand-Périgord. Depuis cette épo¬
que jusqu’en 1770, nous manquons de documents. Nous
ne savons même pas quelle fut l’administration intérieure
de cet hôpital. Il est probable — nous ne 1’afürinons pas
— que le soin des pauvres fut confié à des hospitalières
laïques. Cependant, — et nous pouvons affirmer ceci, —
la charité chrétienne ne l’oublia pas pendant cette période
jusqu’à l’époque de la grande Révolution. Nous avons pu
recueillir les noms de quelques bienfaiteurs qui témoi-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DÛ PÉRIGORD. 387
gnent en faveur d’une bonne tenue de Fhôpital. Nous
pouvons citer :
En 1727, le comte de Talleyrand, duc de Périgord, pour-
une rente perpétuelle de 1,000 fr.;
En 1736, Leymarie Laboneygeas, d’Excideuil, pour une
rente perpétuelle de 48 fr.;
En 1740, Grand, d’Excideuil, pour une rente perpétuelle
de 84 fr.;
En 1755, Lafon Desvergnes, d’Excideuil, pour une
rente perpétuelle de 4 fr.;
En 1756, Durand Dauberoche, d’Excideuil, pour une
rente perpétuelle de 40 fr.;
En 1758, Dubreuil Lafarerie, d’Excideuil, pour une
rente perpétuelle de 46 fr.;
En 1767, Audebert Lapinsonnie, de Lapinsonnie, pour
une rente perpétuelle de 24 fr.;
En 1774, Nicolas Lacoste, de la Forge-de-Fayolle, pour
une rente perpétuelle de 80 fr.;
En 1781, Méredieu, de Périgueux, pour une rente per¬
pétuelle de 89 fr.;
En 1781, Jean Gourdou, d’Excideuil, pour une rente
perpétuelle de 110 fr.
C’était déjà un revenu de 1,516 francs ajouté aux
« quinze sestiers de bled mesture, » que la fondatrice,
Isabeau de Beauville, avait assurés à l’hôpital, « annuel-
» lemeni et perpétuellement sur sa terre et seigneurie
» d’Excideuil. » Ces revenus furent augmentés, en 1770,
de ceux de la communauté de Sainte-Glaire. Ces religieu¬
ses ayant été supprimées, leurs biens furent déclarés de
mainmorte et les revenus réunis à ceux de l’hôpital, par
arrêt, en date du 21 août 1770, du parlement de Bordeaux.
Mais que devint l’hôpital d’Excideuil, h l’époque désas¬
treuse de 1793 ? A défaut de documents certains, sachant
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
ce qui se fit ailleurs, nous pouvons bien donner comme
très probable que les mains spoliatrices de la Révolution
ne respectèrent pas ici plus qu’ailleurs l’habitation et le
domaine des pauvres. Si le service des malades et des
pauvres infirmes y fut supprimé, pendant quelques années,
nous voyons qu’il y était repris et que l’hôpital fonction¬
nait dès l’année 1800. En cette année il reçoit de Blon¬
deau d’Auberoche, de Périgueux, une rente perpétuelle
de 40 francs. Et nous pouvons reprendre à cette année la
liste de ses bienfaiteurs. Nous citerons :
En 1800, ce Blondeau d’Auberoche, de Périgueux, pour
une rente de 40 francs ;
En.1817, Antoine Lagrange, des Maisons, pour une
rente perpétuelle de 100 fr ;
En 1818, Léonard Foucaud, pour une renie perpétuelle
de 80 francs ;
En 1829, Alphonse Saint-Aubin-Rebeyre, d’Excideuil,
pour un capital de 4,000 francs ;
En 1832, comte Maxence de Mallet, de Saint-Médard,
pour une rente perpétuelle de 68 francs ;
En 1840, veuve Tarrade, de Sarrazac, pour une rente
perpétuelle de 50 francs ;
En 1843, Marie Bounet, de Saint-Pantaly, pour un capi¬
tal de 200 francs ;
En 1852, Lacombe, épouse Pressac, de Saint-Raphaël,
pour un capital de 3,000 francs ;
En 1853, Jean-Baptiste Débotas, d’Excideuil, pour un
capital de 300 francs ;
En 1861, Marie Lacbaume, du château de Mayac, pour
un capital de 300 francs, pour lits de la salle des hommes ;
En 1860, Mme Labrousse, d’Excideuil, pour un capital
de 400 francs ;
DES HÔPITAUX, HOSPICES,' ETC., DU PÉRIGORD. 389
En 1860, M. Chavoix, notaire, d’Excideuil, pour un
capital de 500 francs ;
En 1861, M. Arthur de Mallet, de Périgueux, pour un
capital' de 5,000 francs ;
En 1865, M. Antoine Gay, de la Judie, pour un capital
comptant de 35,000 francs, et un capital de 110,000 francs,
payable après le décès de deux légataires ;
En 1868, Mme Marie Darfeuille, d’Excideuil, pour un
capital de 50 francs ;
En 1873, Mme Rigaud, d’Excideuil, pour un capital
de 700 francs ;
En 1876, M. Jean-Baptiste Labrousse , d’Excideuil, pour
un capital de 1,000 francs ;
En 1877, Mme veuve Lafforest, d’Excideuil, pour un
capital de 300 francs.
En 1877, M. Dumas, de Paris, pour un capital de 500 fr.
En 1878, M. Zacharie Raynaud, d’Excideuil, pour un
capital de 300 francs.
II. — Ces nombreuses offrandes faites à diverses épo¬
ques jusqu’en 1878, et d’autres en linge et objets mobi¬
liers, dont nous ne parlons pas, prouvent en quelle estime
était l’hôpital d’Excideuil, et la confiance qu’inspirait son
administration.
Ce ne fut qu’en 1838 que sa direction intérieure fut
confiée aux religieuses de la Charité et de l’instruction
chrétienne de Nevers, aux conditions et clauses que cette
congrégation impose, lorsqu’elle se charge de la direction
d’un hôpital. La demande en fut faite par l’envoi d’une
délibération de la commission administrative de l'hôpital ;
et le 5 mars 1838, la supérieure et le conseil de cette
congrégation, ayant pris connaissance de cette délibéra¬
tion et étant autorisés par le supérieur général, MBr l’évê-
390
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
que de Nevers, acceptèrent la direction de l’hôpital.
Néanmoins le traité, qui liait les parties, ne fut signé que
le 5 avril 1841 par la commission administrative, et que
le .21 mai suivant parla supérieure générale et son conseil.
Il reçut l’approbation du ministre de l’intérieur le 31 juil¬
let de la même année.
On n’envoya d’abord que trois sœurs ; elles suffisaient,
et les -revenus de l’hôpital n’en permettaient que trois.
Peu à peu, et selon les nécessités des œuvres entreprises,
d’autres vinrent s’adjoindre aux premières ; elles sont
aujourd’hui au nombre de huit.
En 1851, la sœur Dorothée Veillerot, cédant aux ins¬
tances qui lui étaient faites et pressée elle-même du désir
de faire le bien par l’éducation chrétienne des jeunes
filles, annexa à l’hôpital, mais dans un local entièrement
indépendant, une école gratuite pour les enfants des
familles indigentes ou peu aisées, et un pensionnat avec
externat pour les enfants des familles aisées. C’était com¬
prendre toutes les classes de la société pour donner à
toutes le bienfait de l’éducation chrétienne. En peu d’an¬
nées le pensionnat fut très florissant et, en 1870, l’école
gratuite fut érigée en école* communale.
Les sœurs de Nevers ont donc aujourd’hui sous leur
.direction, à Excideuil, une école communale, une salle
d’asile, un pensionnat et l’hôpital. Elles occupent l’ancien
couvent des Cordeliers.
Nous avons nommé la salle d’asile. Fondée en 1856,
elle a eu, comme l’hôpital, ses bienfaiteurs ; nous pou¬
vons citer en l’année même de sa fondation :
M. le comte Talleyrand-Périgord, de Paris, pour un
capital de 1,000 francs ;
M. le comte Maxence de Damas d’Hautefort, pour un
capital de 500 francs ;
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 391
M. le marquis de Mallet, de Paris, pour un capital de
200 francs ;
Mm® Cavaillon, d’Excideuil, pour un capital de 50 fr. ;
Mlle Marie de Yenancourt, d’Excideuil, pour un capital
de 200 francs ;
M. Théodore Debrégeas-Laurenie, d’Excideuil, pour un
capital de 2,000 francs, aün de perpétuer le souvenir de
sa mère.
Ces bienfaiteurs, ayant fait leur offrande généreuse en
l’aDnée même de la fondation de la salle d’asile, doivent
être considérés et honorés comme les fondateurs de cet
établissement. La charité chrétienne n’oublie jamais ce
qui peut contribuer au bien-être des classes indigentes
et ouvrières. C’était, mû par cette charité que, dès l’an¬
née 1853, M. Jean-Baptiste Labrousse, alors ordonnateur
de l’hôpital, avait pris l’initiative de cette fondation. Il lui
fallut trois ans pour vaincre les obstacles et aplanir
toutes les difficultés. Mais, enfin, le succès couronna sa
persévérance. On doit le comprendre au nombre des
fondateurs de cette œuvre si admirable et si utile. Nous
le trouvons, d’ailleurs, pour une somme de 1,000 francs
sur le catalogue des bienfaiteurs de l’hôpital.
C’est à cet homme de bien, successivement juge de paix
et maire d'Excideuil, qu’est due l’initiative de toutes les
améliorations faites à l’hôpital pendant les quarante ans
qu’il en fut presque l’unique administrateur. Ses collè¬
gues de la commission, ayant en lui toute confiance,
le laissaient faire et il faisait le bien. La reconnaissance a
voulu que son portrait fût placé dans le salon de l’hôpital.
III. — Avant de clore cette notice, nous devons saluer
avec une respectueuse estime la mémoire vénérée d’une
sainte religieuse, qui fut pendant 25 ans employée à
392 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
l’hôpital d’Excideuil. Elle y a marqué son passage par
trop de vertus, par trop d’amour des pauvres, pour
qu’elle puisse être jamais oubliée : c’est la sœur Alexan¬
drie Junière. Elle appartenait par sa famille au diocèse
de Périgueux. Née à Issigeac, au mois de juin 1820, elle
était la digne sœur de l’éminent vicaire-général, dont la
modestie voudrait faire oublier le mérite, et qui, sous
l’épiscopat de trois évêques, ayant pris une part active à
l’administration du diocèse, a su n’avoir parmi ses con¬
frères que des amis.
La sœur Alexandrine fut envoyée à l’hôpital d'Excideuil
en 1838 ; elle y mourut le 3 avril 1869, aimée et vénérée
de tous, emportant au ciel une surabondante mesure de
mérites. On l’appelait la Sœur des Pauvres ; et son zèle,
toujours fervent pour tous leurs intérêts, justifiait bien ce
nom, qui est son plus bel éloge et résume toute sa vie.
Nous renvoyons ceux de nos lecteurs qui voudraient con¬
naître les détails de cette vie, si bien remplie devant Dieu
et devant les hommes, à l’intéressante notice que lui con¬
sacra M. l’abbé Poumeau, alors vicaire d’Excideuil et au¬
mônier de l’hôpital, et aujourd’hui curé-doyen de Mussi-
dan. La sainte religieuse ne pouvait avoir un meilleur
panégyriste.
En finissant, constatons avec regret que le digne curé-
doyen d’Excideuil, M. l’abbé Dardé, a été exclu de l’ad¬
ministration d'un hôpital, qui doit tout à la charité chré¬
tienne.
XXXVI
Hôpital Sainte-Marthe et Hôpital-général
à Périgueux.
En parlant, au premier chapitre de ce volume, des
origines de la congrégation de Sainte-Marthe, nous avons
constaté qu’elle prit naissance dans l’hôpital appelé Hotel-
Dieu, dont la direction fut confiée aux pieuses filles qui
les premières s’engagèrent par vœux, sous le vocable de
Sœurs-de-Sainte-Marthe, à soigner les pauvres et les
malades. C’était en 1643.
Par la suite et^peu de temps après, l’asile hospitalier
s’appela indistinctement Hôtel-Dieu et hôpital de Sainte-
Marthe. Il ne tarda pas à prendre une grande importance
par l’adjonction qui lui fut faite de cinq autres petits
hôpitaux que possédait Périgueux.
Il existe aux archives départementales un dépôt de
mille à douze cents pièces, fort intéressantes, concernant
cet hôpital. « Elles proviennent des familles Dupuy de
» Montferrier et Gay de Lambertie, qui ont eu pendant
» longtemps deux de leurs membres syndicts dudit hôpi-
» tal au xvn6 et au xvm« siècles. Elles se composent de
» titres de propriété, de rentes, de dépenses, de procédi*-
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» res, de mémoires à consulter, de requêtes au grand con-
» seil du roi, de lettres-patentes, de correspondances avec
» les avocats et procureurs. Dans une requête, le syndict
» rappelle que le grand Condé fit don à l’hôpital deSainte-
» Marthe de Périgueux de 15,000 livres pour la fondation
» de 12 lits en faveur des pauvres. »
Nous ne pouvons qu’indiquer ici ce précieux dépôt,
regrettant de ne pas donner une courte analyse de cha¬
que pièce. Le cadre nécessairement restreint de cette
notice ne nous le permet pas. Il y aurait là toute une his¬
toire à écrire ; nous en laissons la tâche à un autre en lui
indiquant les matériaux.
En même temps que cet Hôtel-Dieu ou Hôpital de Sainte-
Marthe, où l’on ne recevait que les indigents malades, il
existait à Périgueux l’Hôpital-général, appelé aussi Manu¬
facture , où tous les pauvres, non malades, étaient reçus,
instruits, moralisés et occupés à des travaux manuels.
Nous en avons aussi dit un mot au premier chapitre de
ce volume. Il était situé sur l’emplacement de l’hôpital
actuel, et la direction en était confiée à une ancienne reli¬
gieuse de la Charité. Il reçut son existence légale en 1665,
par une Déclaration du roi, que nous allons reproduire
ici. Ce précieux document, que nos lecteurs sauront
apprécier, est, à lui seul, toute l’histoire de cet Hôpital-
général, et fait bien ressortir la paternelle sollicitude de
nos rois pour les pauvres, au double point de vue de leur
bien-être matériel et de leur bien-être spirituel.
DÉCLARATION DU ROY
PORTANT ESTABLISSEMENT D’üN HOSPITAL GÉNÉRAL A PÉRIGUEUX.
« Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de
Navarre, à tous présents et advenir ; Salut.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 395
» C’est avec une grande satisfaction que nous avons
accordé à quelques villes de notre province de Guienne,
nos lettres-patentes en forme de Déclaration, pour établir
des Hospitaux-généraux et y eslever les pauvres dans la
crainte de Dieu, et faire parmi nos sujets de bons artisans,
de bons citoyens et de bons chrétiens : et que nous avons
départy notre protection, en faveur de ces ouvrages de
piété, et par ce moyen excité la charité et le zèle de plu¬
sieurs personnes de qualité et de mérite ; ecclésiastiques,
nobles et autres dans notre province de Périgord, à con¬
tribuer et à l’establissement d’un Hospital-général dans la
ville de Périgueux ou faux-bourg d’icelle ; et à disposer
les moyens nécessaires pour parfaire cet ouvrage, lequel
ne pouvant subsister n’y estre asseuré sans l’appuy de
notre authorité, et s’il n’estait favorisé de nos grâces, et
de pareils privilèges, à ceux que nous avons accordés aux
autres Hospitaux-généraux establis dans quelques villes
de notre dite province de Guienne, et dans le ressort de
de nostre Parlemen de Bourdeaux; nous avons d’autant
mieux reçu les très-humbles supplications qui nous ont
esté faites par les Directeurs nommez pour l’administra¬
tion dudit Hospital-général, quenous avons reconnu, que
c’est un moyen d’oster l’oysivité, d’où procèdent quantité
de désordres qui se commettent dans ledit pays de Péri¬
gord.
» A ces causes ; de l’advis de nostre conseil qui a veu
le consentement du sieur evesque de Périgueux, ensemble
les autres actes consernant l’establissemen dudit Hospital-
général, et de notre certaine science, pleine puissance, et
authorité Royalle, Nous avons par ces présentes signées de
notre main, dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons,
statuons et ordonnons : Voulons et nous plaist qu’il soit
establi un Hospital-général dans les lieux et fonds donnez
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
pour servir audit establissemen près la ville de Périgueux,
pour y eslever les pauvres en la crainte de Dieu et leur
faire apprendre des mestiers ; duquel nous voulons estre
Protecteur et Conservateur.
» Voulons, que l’administration, gouvernemen, et juri¬
diction dudit Hospital, tant pour l’instruction, nourriture,
entretien, et correction des pauvres enfermez ; que pour
le soing des Manufactures, des ouvrages, et généralemen
de tout ce qui concernera le bien dudit Hospital-général ;
soit entièremen confié à douze notables Bourgeois, choisis
et esleus de tous les corps et compagnies de ladite ville :
conformemen à ce qui ce pratique pour la direction de
l’ancien Hospital des malades dans ladite ville. Et pour
obvier aux contestations qui pourraient naître, pour rai¬
son des rangs et séances, ordonnons, que si aucunes en
survienent, elles seront réglées par le sort.
» Voulons, que la charge des directeurs dudit Hospital-
général dure quatre années sans que pendant ledit temps
ils puissent être changez, sinon en cas de mort, absence
ou autre empeschemen légitime, d’aucun d’iceux : auquel
cas, il en sera subrogé d’autres nouveaux en leur lieu et
place, et néanmoins, afin que dans la succession des per¬
sonnes, qui entreront dans ladite administration, il y ait
toujours quelqu’un qui soit informé de l’estât dudit Hospi¬
tal, et qui puisse instruire ceux qui seront esleux de nou¬
veau, qu’il en soit nommé six, de deux en deux ans, après
lesdites premières quatre années ; voulons que la nomi¬
nation en soit faite le premier jour du mois de may ; pour
entrer en charge le premier de juin suivant ; auxquelles
assemblées du Bureau pourra et aura droit de se trouver
toutes fois et q uantes qüe bon lui semblera, le sieur
evesque de Périgueux, et ses successeurs audit evesché,
et y avoir la prescéance.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 397
Donnons pouvoir auxdits administrateurs et directeurs
de faire des règlements de police et statuts non contraires
au contenu des présentes, pour le gouvernement et direc¬
tion dudit Hospital-général, tant au-dedans d'icelluy qu’au
dehors et es lieux en dépendans ; soit pour l’establis-
sement, subsistance et direction des pauvres ; ou pour
empescher la mendicité, publique et secrette, et la conti¬
nuation de leurs désordres : A ces fins pourront appeler
tel nombre de personnes du corps de la ville qu’ils juge¬
ront à propos.
Gomme aussi pour le bien, et avantage des pauvres,
lesdits administrateurs pourront nommer scindic, un
receveur, un secrétaire et un économe choisis entre tous
les habitants de ladite ville, de quelque condition qu’ils
puissent être : Ensemble un avocat, un médecin, un pro¬
cureur, un chirurgien ou plusieurs, qui auront droit de
représenter audit Bureau les choses qui regarderont les
fonctions de leurs charges seulemen ; destituables à
volonté. Et seront lesdits status et reglemens, gardez et
observez, par tous ceux qu’il appartiendra.
» Octroyons auxdits administrateurs dudit Hospital pen¬
dant le temps qu’ils seront dans cet employ, exemption
de toutes tutelles, curatelles, garde aux portes, et généra¬
lement de toutes charges publiques de quelques qualité
qu’elles soient quoyque non exprimées ou spécifiées.
Faisons inhibition et défenses à toute sorte de person¬
nes, de quelle qualité et condition qu’elles puissent estre
de faire aucune questes dans les églises ou dans les mai¬
sons pour les pauvres, sinon par la permission des admi¬
nistrateurs dudit Hospital-général. Dans lesquelles des-
fenses n’entendons comprendre les questes ordinai¬
res pour l’hospital des malades, pour les prisonniers, ny
celles des religieux mendians.
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» Ordonnons que tous les pauvres, valides et invalides,
de quelque aage, qualité et sexe qu’ils soient de ladite
ville de Périgueux, faux-bourgs, banlieue et juridiction
d’icelle, spécialement les orphelins, les aveugles et les
extropiez, demeureront à l’advenir renfermez dans ledit
Hospital, pour être employez au travail dont ils seront
capables.
» Faisons inhibition et desfenses à toute sorte de per¬
sonnes de mandier dans ladite ville, faux-bourgs, ban¬
lieue et juridiction d'icelle, à peine contre les contreve-
nans du carcan ou du pillori.
» Défendons à toutes personnes, de quelque qualité et
condition qu’elles soyent, de donner l’aumosne manuele-
ment aux vagabonds, mendians dans les rues, églises et
maisons sous quelque prétexte que ce puisse être, et à
tous propriétaires ou locataires des maisons' dans ladite
ville, faux-bourgs, banlieue et villages dépendans de la
juridiction dudit Périgueux, de donner retraite auxdits
vagabonds dans leurs logis ny les y recevoir à coucher,
sous quelque prétexte et cause que ce soit : à peine de
quatre livres d’amende, payable sans déport, en vertu des
présentes, applicables au profit dudit Hospital-général.
» Donnons et attribuons auxdits administrateurs, et à
leurs successeurs, droit de tenir Bureau en la forme
accoutumée, dans l’ancien hospital dudit Périgueux, et
en iceluy exercer tout pouvoir, authorité, direction et
administration, connaissance, juridiction, police, correc¬
tion et chastimens, sur tous les pauvres, renfermez et
mendians, etmesme de les pouvoir faire mettre en prison,
au carcan, et autre peine par forme de chastimen et cor¬
rection sans autre forme Dy figure de procès. Et pour cet
effet leur permettons d’avoir dans ledit Hospital-général des
prisons, un poteau et un carcan, à la charge néanmoins,
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 399
que si les pauvres méritent peine inflictive, lesdits admi¬
nistrateurs seront tenus de les envoyer par devers les
juges auxquels la connaissance en appartient.
» Permettons auxdits administrateurs et directeurs dudit
Hospital-général d’établir des Archers en tel nombre
qu’ils jugeront necessaire pour vacquer au renfermement
desPauvres, si mieux ils n’aiment se servir des officiers et
sergens de la Maison de ville : avec pouvoir d’en mettre
aux portes de ladite ville pour recevoir les pauvres pas-
sans et renvoyer les vagabonds, sans faire neanmoins
aucuns exploits de justice, ny sans qu’ils puissent pré¬
tendre aucune chose des pauvres, ny les favoriser ou
maltraiter en façon quelconque.
» Défandons à toute sorte de personnes, de quelle qua¬
lité qu’elles puissent estre, de molester, injurier ou mal¬
traiter lesdits archers ou commis dudit Bureau, qui seront
employez pour prendre, conduire, renvoyer, renfermer et
accompagner les pauvres, à peine d’estre emprisonnez sur
le champ, et d’estre procédé contre eux criminellement, à
la requeste du syndic dudit Hospital-général, et aux pau¬
vres de faire aucune résistance sous peine d’esire punis
ainsi que lesdits administrateurs adviseront.
» Voulons qu’il soit fait visite de trois mois en trois
mois par les maire et consuls, ou par les directeurs dudit
Hospital, dans les lieux de ladite ville et desdits faux-
bourgs de Périgueux, où lesdits vagabons ont accoutumé
de se retirer et loger. Voulons que les lits, paillasses,
matelats et couvertures, dans lesquels lesdits vagabonds
auront couché plus d’une nuit, soient enlevés et apliqués
au profit dudit Hospital-général, sans espérance de répé¬
tition.
» Voulons que tous nos officiers de judicature et de
finances, ensemble les advocats, procureurs, greffiers,
400
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
commis, huissiers, sergens, notaire?, que tous autres offi¬
ciers qui seront reçus dans ladite ville de Périgueux, lors
de leur réception ou installation en leurs offices, donnent
audit Hospital-général quelques sommes modiques, sui¬
vant la taxe qui en sera faite par les compagnies de nos
officiers, chacun en ce qui les regardera, eu égard à la
qualité, faculté desdits officiers. Faisons très expresse
inhibition et deffenses aux greffiers des justices de ladite
ville de délivrer aucunes matricules, ou actes de récep¬
tion, ou installation, que la quittance du revenu dudit
Hospital-général ne leur soit mise entre les mains, à peine
d’en répondre en leur propre et privé nom.
» Defandons aux maire et consuls de ladite ville d’ac¬
corder aucunes lettres de nouveaux habitants d’icelle, ny
permettre à aucuns marchands, pâtissiers, boulangers,
cordonniers, seruriers et autres gens de mestiers, de quel¬
que qualité qu’ils puissent estre, de lever boutique, met¬
tre enseigne et bannières, qu’ils n’ayent payé au préalable
audit Hospital quelque somme modique suivant la taxe
qui en sera faite par lesdits maire et consuls.
» Déclarons appartenir audit hospital les meubles qui
y auront été portés par les pauvres qui y décéderont et
qui y auront esté gaignés par eux, à l’exclusion de leurs
héritiers, suivant l’inventaire qui en sera fait aux dili¬
gences desdits administrateurs, dans le temps de l’entrée
desdits pauvres audit Hospital-général, et de leur décès
ou de leur transport en cas de maladie, dans l’hospital de
Ste-Marthe dudit Périgueux, suivant le concordat d’entre
lesdits hospitaux ; lesquels meubles, le decez desdits pau¬
vres arrivan dans l’un desdits hospitaux, seront censez
propres audit hospital général.
» Gomme aussi permettons de faire faire et fabriquer
dans l’estendue dudit Hospital-général toute sorte de
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DD PÉRIGORD. 401
manufactures, et de les faire vendre et débiter sans payer
aucun droit de visite à ceux qui les visiteront.
« Yodlons que tous dons, légats, institutions d’héritiers
en faveur des pauvres en général, par contracts, testa¬
ments et autres dispositions, adjudications d’amendes
aux pauvres en termes généraux, quoyque les dispositions
précèdent les présentes, et toutes celles qui se trouveront
cy-après, soient et appartiennent audit Hospital-général ;
lesquelles à cet effet pourront estre revendiquées par les-
dits administrateurs, dans l’estendue de la juridiction de
ladite sénéchaussée dudit Périgueux, auquel Hospital, en
tant que besoin serait, nous en avons fait don par ces
présentes.
» Déclarons exempt et déchargeons ledit Hospital-gé¬
néral et les lieux qui y seront en après unis pour quelque
cause que ce soit, de tous les logements, passage et con¬
tributions de gens de guerre ; et serviront ces présentes
de sauvegarde particulière avec deffenses très-expresses
aux officiers, commissaires et conducteurs de troupes et
soldats d’y loger, et aux échevins scindics et autres d’y
délivrer aucuns billets de logemen, taxes, aydes et contri¬
butions. Enjoignons aux gouverneurs de nos provinces,
villes et chasteaux, nos lieutenants-généraux, échevins,
consuls et autres officiers, d’y tenir la main ; et afin que
personne n’en prétende cause d’ignorance, seront mis aux
portes des maisons, fermes et métairies dudit Hospital les
panonceaux de armes, contenant les sauvegardes et exemp¬
tions cy-dessus.
» Ne voulons que les fermiers . dudit Hospital-général
ou métayers, faisant valoir le bien des pauvres, soient
taxez au rolles des contributions, tant ordinaires qu’ex¬
traordinaires pour raison des domaines et revenus dudit
Hospital-général, mais seulement pour leurs biens parti-
402 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
culiers pour lesquels ils seront raisonnablement taxés par
les esleus.
» Accordons en faveur dudit Hospital-général le quart
des amendes et restitutions qui nous seront adjugées pour
crimes et délits : à ces fins ordonnons que tous actes pour
les affaires des pauvres de l’Hospital-général seront expé¬
diez gratuitement, sans aucun salaire ni droit pour les
juges, greffiers, notaires, et autres officiers de justice, et
que les sentences, jugements, testaments, donations, con¬
trats et traitez, dont lesdits greffiers, notaires ou autres
seront chargez, et auxquels les pauvres auront intérêt)
soient délivrez par extrait et gratuitement aux directeurs
dudit Hospital-général.
» Permettons ausdits directeurs et administrateurs d’es-
tablir troncs, bassins, grandes et petites boêtes, dans les
églises, lieux publics, bureaux, boutiques des marchands,
et en toutes occasions et lieux où la charité peut être
excitée, comme ez baptêmes, mariages et convoits, ser¬
vices funèbres et autres semblables.
• » Gomme aussi permettons ausdits administrateurs de
faire faire toutes questes dans la ville, campagne, bourgs,
villages et autres lieux dépendant de la juridiction de la
sénéchaussée de ladite ville en faveur des pauvres dudit
Hospital.
» Ordonnons que les aumosnes qu’on a accoustumée de
distribuer ez enterrements des morts et autres convoits, et
honneurs funèbres dans ladite ville et lesdits faux-bourgs,
seront délivrées au receveur dudit Hospital-général.
» Donnons et unissons audit Hospital-général tous autres
hospitaux, maladreries, léprosies, hospices, lieux, mai¬
sons, fonds, droits et revenus, cy-devant donnez pour les
pauvres dans l’estandue de ladite sénéchaussée de Péri-
gueux, qui se trouveront divertis à autres usages qu’à
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 403
ceux de leur fondation, et toutes les aumosnes générales
et particulières dont il constera par fondation, ou pocession
légitime, le revenu des confréries esteintes ou qui s’es-
teindront à l’advenir, en satisfaisans, sur les lieux, par
les administrateurs, aux charges des fondations à pro¬
portion du revenu d’icelles, et en recevant s’il y échoit
les pauvres desdits lieux, et logean dans un lieu séparé
les lépreux ou pourvoyant autremen à leurs nécessitez,
n’entendànt donner lesdits lieux destinez aux lépreux
qu’en cas qu’ils fussent abandonnez ou inhabitez.
» Etdésiran gratifier les pauvres dudit Hospital -général,
voulons que ceux qui auront enseigné et travaillé en qua¬
lité de Maistres pendant dix ans, dans ledit Hospital-géné¬
ral sous le congé et certificat des administrateurs d’iceluy,
puissent, après ledit temps, jouir des privilèges des autres
Maistres et habitans de nostre dite ville de Périgueux tout
ainsi que s’ils avaient obtenu des lettres des Magistrats
ordinaires de ladite ville .
» Approuvons et authorisons la correspondance entre les
directeurs de l’ancien hospital des malades dans ladite
ville de Périgueux, suivant leur concordat, avec les direc¬
teurs de l’Hospital-général, sans mélangé neanmoins ny
confusion de leurs revenus ; en sorte que les pauvres
renfermez de l’un et l’autre sexe venans à estre malades
de maladies formées, soient reçus et traités audit ancien
hospital de Sainte-Marthe, comme les autres malades,
jusques à entière convalescence, et après reconduits dans
ledit Hospital-général. A ces fins sera tenu registre des
malades qui y seront em voyez et d’où ils ne pourront estre
congédiez sans qu’au préalable lesdits directeurs du
Bureau des pauvres de l’Hospital-général soient advertis
de leur convalescence pour estre par eux pourveu à les
remettre dans l’Hospital-général.
404 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
N’entendons que ledit Hospital-général soit chargé de
faire alaicter ny nourrir les enfans exposez, attendu que
dans l’ancien hospital de Sainte-Marthe cette charité est
exercée. Enjoignons aux magistrats de la police et sei¬
gneurs justiciers d’y pourvoir suivant nos ordonnances,
et mesme de procurer à ce que justice soit faite contre les
expositeurs. Voulons néanmoins que lesdits enfans expo¬
sez estant en âge pour être instruits et capables de quel¬
que travail puissent estre receus dans ledit Hospital-géné¬
ral comme les autres mendians.
» Si donnons en mendemen à nos amez et féaux les gens
tenan nostre cour de Parlemen de Guienne et Chambre
des contes de Paris, cour des Aydes de Guienne, Prési-
dens et trésorier-généraux de France à Bourdeaux, Prési¬
diaux, Baillits, Sénéchaux et tous autres nos justitiers, et
officiers qu’il appartiendra, que ces présentes ils facent
lire, publier et enregistrer, icelles exécuter, garder et obser¬
ver, selon leur forme et teneur, cessant et faisant cesser
tous troubles et empeschemen, ou contraire, car tel est
nostre plaisir : nonobstant ordonnances quelconques dif¬
férences, reglements et lettres à ce contraire, auxquelles
et aux dérogations d’icelles, nous avons pour ce regard
seulemen dérogé et dérogeons par les présentes, et aûn
qu’elles soient fermes et stables à toujours nous y avons
fait mettre notre sceau, sauf en autres choses nostre droit
et celuy d'autruy en toutes.
» Donné a Paris au mois d’avril l’an de grâce mil six
cent soixante cinq et de notre règne le vingt deux. Signé
Louis, et plus bas : Par le Roy Phelippaux, •et à coté
Séguier, visa pour servir aux lettres-patentes d’establis-
semen d’un Hospital-général en la ville de Périgueux. »
Cette Déclaration, qui est une vraie démonstration de
ce qu’était un hôpital général, et des privilèges et faveurs
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 405
dont il jouissait, fut enregistrée au Parlement -4e Bor¬
deaux et rendue exécutoire par arrêt du trois juin mil six
cent soixante-cinq.
Nous l’avons déjà ait, cet Hôpital-général était dirigé
par une religieuse - dite de la Charité, aidée de quelques
séculières à titre de servantes. Mais il y avait à l’Hôtel-
Dieu un nombre plus que suffisant de religieuses de Ste-
Marthe pour soigner les pauvres malades. Leur surabon¬
dance et leur bonne administration de cet établissement
inspirèrent aux autorités de la ville la pensée de leur con¬
fier aussi la direction de l’Hôpital-général. Elles y entrè¬
rent en 1701, et le dirigèrent, en se conformant aux sages
prescriptions de la Déclaration du roi, jusqu’à la grande
Révolution. A cette époque désastreuse, surtout pour les
pauvres, l’Hôtel-Dieu fut supprimé, et les malades qui s’y
trouvaient furent transportés à l’Hôpital-général, qui cessa
d’être Manufacture et devint, ce qu’il est encore aujour¬
d’hui, hôpital et hospice. Les religieuses de Sainte-Marthe
y restèrent employées aux soins des pauvres et des
malades. Elles en furent chassées en 1794, et y furent
rappelées en 1800 par les autorités de Périgueux. Elles en
sortirent de nouveau en 1835, pour faire place aux Sœurs
de la Charité de Nevers, qui n’ont point cessé de le diri¬
ger depuis cette époque.
Les bienfaiteurs n’ont pas manqué à cet hôpital. Leurs
noms sont religieusement conservés et forment un tableau
d’honneur, placé dans la chapelle. Nous les en détachons
pour les reproduire ici ; ils invitent à l’imitation la géné¬
ration actuelle et la génération à venir.
L’hôpital recevait :
De Mlle Lacharmie, de Périgueux, par testament du
l01 juillet 1827, la somme de 3,000 fr., acceptée par déli¬
bération de la commission administrative du 19 mai 1833 ;
406
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
De M. le comte Duclusel, de Périgueux, par testament
du 3 mai 1833, la somme de 500 fr., acceptée par délibé¬
ration du 29 décembre 1833 ;
De M. Cosson de Lassudrie, un don manuel de
500 fr., accepté par délibération du 16 mars 1834 ;
De Mlle Forestier, née Desvaulx, un don manuel de
250 fr., accepté par délibération du 3 juin 1837 ;
De Mme de Labaume Forsac, de Toulouse, native de
Périgueux, veuve de Touchebœuf-Beaumont, par testa¬
ment du 18 mars 1835, la somme de 1,000 fr., . acceptée
par délibération du 29 mai 1841 ;
De Mlle Lucrèce Dubois, par testament du 1er mai 1830,
la somme de 200 fr., acceptée par délibération du
10 juin 1842 ;
D’un anonyme, un don manuel de 2,000 fr., accepté
par délibération du 27 septembre 1842 ;
De M. Eymard (François), de Périgueux, par testament
du 26 novembre 1831, la somme de 4,000 fr., acceptée par
délibération du 3 juillet 1842 ;
De Mlle Daussel, de Périgueux, par testament du
9 mai 1843, la somme de 1,000 fr., à charge de 20 messes
par an, acceptée par délibération du 21 mai 1843 ;
De Mme Villechanoux (Anne), par testament du 27 sep¬
tembre 1835, la somme de 200 fr., acceptée par délibéra¬
tion du 22 avril 1841 ;
De Mme Jeanne Pazaigne, de Périgueux, par testament
du 25 avril 1843, la somme de 8,000 fr., acceptée par déli¬
bération du 25 janvier 1850 ;
De M. Charles de Feletz, de Paris, par testament du
25 novembre 1847, la somme de 3,000 fr., acceptée par
délibération du 25 mars 1850 ;
De Mlle Marguerite Petit, de Verteillac, par testament
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 407
du 3 décembre 1848, la somme de 8,000 fr., acceptée par
délibération du 14 novembre 1869 ;
De M. Frédéric Maurice, de Genève (Suisse), par testa¬
ment du 1er janvier 1834, la somme de 500 fr., acceptée
par délibération du 24 juillet 1851 ;
De Mlle Boury de la Terrade, de Château-l'Evêque, par
testament du 9 février 1846, la somme de 150 fr., acceptée
par délibération du 2 novembre 1851 ;
De la famille Dupont, de Périgueux, par don manuel
du 23 juillet 1852, la somme de 5,700 fr., acceptée par
délibération du 23 juillet 1852 ;
De Mgr George, évêque de Périgueux, la somme de
10,000 fr., acceptée par délibération du 29 avril 1852 ;
De Mme de Vigneras, de Périgueux, par testament du
15 septembre 1851, la somme de 31,545 fr., à charge de
trois messes par mois, acceptée par délibération du
30 décembre 1852 ;
D’un anonyme, de Périgueux, la somme de 8,000 fr.,
acceptée par délibération du 30 décembre 1852 ;
De M. Thomas Préat, de Saint-Meyme-de-Périgord, par
testament du 27 septembre 1853, la somme de 600 fr.,
acceptée par délibération du 9 janvier 1854 ;
De M. Joseph Sauveroche, de Périgueux, par-testament
du 9 octobre 1852, la somme de 600 fr., acceptée par déli¬
bération du 2 octobre 1855 ;
De Mme Ricoux, de Périgueux, par testament du
21 mai 1853, la somme de 300 fr., acceptée par délibéra¬
tion de juin 1856 ;
De M. Chanard Lachaume, de Périgueux, par testament
du 3 octobre 1851, la somme de 2,000 fr.', acceptée par
délibération du 1“ mars 1856 ;
De M. Ghazal, curé de Saint-Bonnet (Corrèze), la somme
de 97 fr. , acceptée par délibération de juin 1856 ;
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
D’un anonyme, de Périgueux, la somme de 26,000 fr.,
pour la chapelle, acceptée par délibération de.... ;
De Mme de Monteil, de Périgueux, par testament du
30 juin 1853, la somme de 2,000 fr., à charge de deux
messes annuelles, acceptée par délibération du ,1er août
1857;
De Mme Jeanne Yidal, de Périgueux, la somme de
2,000 fr.;
De Mme Sophie Vidal, de Périgueux, la somme de
600 fr.;
De M. Benoît de Laubresset, de Périgueux, par testa¬
ment du 1er mai 1856, la somme de 2,000 fr., acceptée par
délibération du 18 octobre 1858 ;
De Mme de Sanzillon, de Périgueux, la somme de
12,000 fr., acceptée par délibération du 3 septembre 1856;
De Mme Laborie, née de Sanzillon, la somme dé
10,000 fr., acceptée par délibération du 16 septem¬
bre 1859 ;
De M. Pierre Gourtey, de Périgueux, la somme de
6,000 fr.;
De M. Parrot Lagarenne, de Périgueux, la somme de
300 fr.;
De M. Georges Goursat, de Périgueux, la somme de
500 fr., par testament du 6 juillet 1860 ;
De M. le comte de Malet, de Périgueux, par don manuel
du 1er juillet’1858, la somme de 10,000 fr.;
De M. Magne (Pierre), de Périgueux, par don manuel
du 3 novembre 1860, la somme de 500 fr.;
De Mme veuve Georges Goursat, de Périgueux, par tes¬
tament du 1er octobre 1861, la somme de 500 fr.;
D’un anonyme, de Périgueux, par don manuel du
21 avril 1863, la somme de 500 fr.;
De M. le baron du Cluzeau de Glérant, par testament
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., PU PÉRIGORD. 409
du 25 janvier 1865, la somme de 200 fr., acceptée par déli¬
bération du 31 octobre 1865 ;
De Mme veuve François Golômbet, de Périgueux, par
testament du 18 février 1865, la somme de 200 fr., accep¬
tée par délibération du 2 novembre 1865 ;
De Mlle Ducoux-Lapeyrière, de Périgueux, par testa¬
ment de février 1865, la somme de 200 fr.;
De Mme veuve Oriol, de Périgueux, par testament du
12 juin 1865, la somme de 1,000 fr., acceptée par délibé¬
ration du 15 octobre 1866 ;
De Mlle Hélène du Pavillon, de Périgueux, par testa¬
ment du 20 février 1866, la somme de 200 fr., acceptée
par délibération du 25 septembre 1866 ;
De M. Bayle de Lagrange, de Périgueux, par testament
du 20 octobre 1868, la somme de 20,000 fr.;
De Mme la comtesse de Barde, de Périgueux, par testa¬
ment du 26 octobre 1868, la somme de 500 fr. ;
De Mme Pierre Magne, de Périgueux, par don manuel
du 26 octobre 1868, la somme de 500 fr.;
De Mlle Lovelie de Fraigneau, de périgueux, par testa¬
ment du 23 décembre 1868, la somme de 500 fr.;
L De M. le marquis de Mallet, de Périgueux, par don
manuel du 5 juin 1869, la somme de 10,000 fr.;
De M. Joseph Favarey, de Périgueux, par testament du
2 novembre 1869, la somme de 5,000 fr.;
De M. Adrien de Crémoux, par testament du 2 décem¬
bre 1871, la somme de 2,000 fr.;
De M. Amédée Dussault, de Périgueux, par testament
du 2 décembre 1871, la somme de 8,000 fr.;
De M. l’abbé Delteilh, curé de la cathédrale, par testa¬
ment du 25 mai 1872, la somme de 500 fr.;
De M. le baron de Gamanson, de Périgueux, par testa¬
ment du 6 août 1872, la somme de 500 fr.;
410 LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD.
De M. Pierre Canler, de Périgueux, par don du 6 août
1872, la somme de 300 fr.;
De Mme veuve de Gamanson, de Périgueux, par testa¬
ment du 22 septembre 1875, la somme de 250,000 fr.;
De Mme veuve Hanin, de Périgueux, par don du 22 sep¬
tembre 1875, la somme de 15,000 fr.;
De M. Sicaire Lapeyre, de Périgueux, par testament
du 22 septembre 1875, la somme de 1,000 fr.;
De M. Alexis Lapeyre, de Périgueux, par don du
18 février 1878, la somme de 300 fr.;
De Mme veuve Martineau, de Périgueux, par testament
du 14 mai 1878, la somme de 300 fr.;
De M. Pierre Magne, de Périgueux, ancien ministre,
par don du 26 juin 1879, la somme de 5,000 fr.;
De M. Durand (Etienne), de Périgueux, par don du
24 avril 1877, la somme de 4,400 fr.;
De Mme veuve Chanard-Lachaume, de Périgueux, par
don du 30 janvier 1877, la somme de 1,000 fr.;
De M. Auguste Saint-Martin, de Bergerac, par testament
du 29 février 1876, la somme de 500 fr.
Là finit le tableau d’honneur appendu dans l'intérieur
de la chapelle de l’hôpital. Les sommes énumérées' for¬
ment un total de 493,644 fr.
Mais cette liste des bienfaiteurs, quoique longue, doit
être très incomplète. Elle ne remonte qu’à l’année 1827.
Avant cette époque, nous n’en doutons pas, l’hôpital avait
eu de nombreux bienfaiteurs. Des recherches dans les
registres antérieurs feraient facilement découvrir leurs
noms, et alors le tableau serait complet. Ce travail s’im¬
pose au zèle des administrateurs, qui doivent donner aux
pauvres l'exemple de la reconnaissance.
XXXVII
Hospice de Vieillards à Périgueux,
DIRIGÉ PAR LES PETITES-SCEURS-DES-PAUVRES.
Si la main de Dieu apparaît dans la fondation de toutes
les familles religieuses, on peut dire qu’elle se montre visi¬
ble jusqu’à l’évidence dans la fondation de l’Institut des
Petites-Sœurs-des-Pauvres. Tout moyen humain est ici
soigneusement écarté. On veut faire l’œuvre de Dieu, et
l’on s’abandonne à Dieu, laissant à sa Providence le soin
de créer et de conserver son œuvre.
L’œuvre des Petites-Sœurs commençait en 1840, à Saint-
Servan, dans le diocèse de Rennes. Elle avait pour fon¬
dateur un jeune vicaire de la paroisse, M. l’abbé Le
Pailleur. Quelles ressources avait-il ? Il ne s’en était pas
préoccupé. Mais il était vivement pressé par la charité de
Jésus-Christ et le désir de secourir les pauvres vieillards
et de les sauver. Il se sentait l’instrument de Dieu, et il
agissait en cette qualité, ne se doutant pas qu’il fondait
un Institut qui s’étendrait sur toute la France et nous
pouvons dire sur le monde entier,
412 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Nous n’avons pas à faire ici l’histoire de cette étonnante
fondation et de ses merveilleux développements ; ceux
qui voudront la connaître, la trouveront dans une petite
brochure ayant pour titre : Histoire des Petites-S œurs-
des-Pauvres, extraite de l’ouvrage de M. Léon Aubineau :
Les serviteurs de Dieu ; brochure du plus saisissant inté¬
rêt, que nous devons à l’obligeance de nos Petites-Sœurs
de Périgueux.
Commencée en 1840, ayant à sa base, comme première
assise de tout l’édifice, deux jeunes ouvrières, deux
enfants, dont l’aînée n’avait pas dix-huit ans et la plus
jeune en avait à peine seize, la petite œuvre est devenue
une des plps imposantes et des plus puissantes manifesta¬
tions de la charité dans notre siècle.
L’auteur de la brochure dont nous avons parlé écrivait
en juin 1879 : « Près de trois mille Petites-Sœurs ont
» embrassé l’Institut de M. l’abbé Le Pailleur, et vivent
» selon l’esprit qu’il leur a inspiré. Elles occupent en
» France et à l’étranger cent soixante-seize maisons. Elles
» soignent et nourrissent plus de dix-neuf mille pauvres
» vieillards. Les merveilles des premiers jours se sont
» renouvelées de toutes parts. Le petit noyau planté, il y
» a trente-neuf ans, par une main sacerdotale, a pris,
» dans l’abnégation et l’humilité, une germination admi-
» rable ; il est devenu un grand arbre, ses rameaux s’éten-
» dent au loin ; ils ne couvrent pas seulement la France
» et une partie de l’Europe, ils s’étendent sur l’Afrique et
» sur l’Amérique. Beaucoup d’âmes se reposent à leur
» ombre et y chantent, comme dans un asile béni, leur
» dernier cantique d’actions de grâces dans la paix et dans
» l’amour de Dieu. »
Quelle belle couronne pour M. l’abbé Le Pailleur, for¬
mée de tous ces vieillards auxquels son Institut assure le
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRTGOBD. 413
bien-être des dernières années et, à la fin, l’inappréciable
bienfait d’une mort chrétienne I Quelle couronne pour les
Petites-Sœurs employées à les soigner et à les préparer
pour le ciel !
Ce fut en 1868 que les Petites-Sœurs-des-Pauvres s’éta¬
blirent à Périgueux. Elles y furent appelées par Mm« de
Gosselin dont les œuvres de bienfaisance, assez connues,
dispensent de faire' l’éloge. Cette généreuse et fervente
chrétienne, ayant pu apprécier à Paris et ailleurs le bien
que font les Petites-Sœurs aux vieillards dans les hospices
qu’elles dirigent, nourrissait depuis longtemps dans son
cœur le désir de les établir à Périgueux. Dès l’année 1865,
elle l’avait manifesté à M. l’abbé Le Pailleur et en avait
obtenu la promesse de la fondation pour un temps indé¬
terminé. La mort de M. de Bousquet, de Montanceix, vint
hâter l’accomplissement de ce désir dans le cœur de Mm*
de Gosselin ; la pieuse fille se sentit pressée d’offrir à Dieu
cette bonne œuvre pour le repos de l’âme de celui qu'elle
pleurait. Elle y fut encouragée et secondée par M. de
Bousquet, son frère, et par ses deux fils MM. Alix et Léon
de Gosselin, attirés vers les pauvres, à l’exemple de leur
pieuse mère, par les sentiments les plus charitables.
Toutefois, Mme de Gosselin ne voulut rien commencer
sans prendre conseil et recevoir, pour elle et son œuvre,
la bénédiction de Mgr l’évêque de Périgueux. Sa Gran¬
deur, comprenant tous les avantages que les pauvres de
sa ville épiscopale retireraient de la fondation qui lui
était proposée, bénit avec reconnaissance la généreuse
fondatrice et confia l’exécution de son noble projet à son
éminent vicaire -général, M. l’abbé de Saint-Exupéry, et
à M. l’abbé Estignard, curé de Saint-Georges. Celui-ci
prêcha pour sa paroisse, — on ne pouvait que l’en féli¬
citer, — et l’emplacement pour construire le nouvel hos-
414 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
pice fut choisi à l’extrémité du faubourg des Barris.
C’était, du reste, le quartier pauvre de la ville ; on y vit
un titre qui donnait droit à la préférence. Mme de Gosse¬
lin y fit, au nom de l’institut des Petites-Sœurs-des-Pau-
vres, l’acquisition d’une maison et d’un jardin, et un
architecte fut chargé de dresser immédiatement le plan
d’un vaste édifice.
Comme il y avait, de la part de la fondatrice, urgence
de voir fonctionner son œuvre; et urgence de la part des
besoins des pauvres, on n’exécuta d’abord qu’une partie
du plan, cette partie devant suffire pour abriter provisoi¬
rement quelques religieuses et quelques vieillards. Dès le
commencement de l’année 1868, les Petites-Sœurs, au
nombre de quatre, purent y être installées et y recevoir
immédiatement une dizaine de vieillards. Avec les pau¬
vres arrivèrent les dons de la charité : linge, couvertures,
meubles et les objets de première nécessité. De tous côtés
on promit des dessertes ; des religieuses donnèrent l’âne,
et un voiturier la petite charrette, objets indispensables
pour les quêtes à domicile. De pauvres gens apportèrent
quelques ustensiles de ménage, qui une marmite, qui
une chaise, qui un soufflet, un balai, de la chandelle.
Les chères Petites-Sœurs étaient vivement émues en
voyant les soins maternels de la Providence qui pour¬
voyait ainsi à leurs moindres besoins.
La fondation avait été placée sous le patronage de
Notre-Dame-de-Toutes-Grâces, et la Sainte-Vierge mon¬
tra bien, par l’effusion de grâces spirituelles et tempo¬
relles, qu’elle avait pris d’une manière spéciale sous sa
puissante protection ce nouvel asile des membres souf¬
frants de son Fils. Saint Joseph, .le protecteur de tout
l’Institut, ne montra pas moins qu’il l’était aussi de la
nouvelle fondation. Aussi, dès le commencement du mois
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 415
de mars, les traits de la Providence se multiplièrent. En
témoignage de leur reconnaissance, les Petites-Sœurs
étaient désireuses de faire célébrer dignement à leurs bons
vieux la fête de leur saint Pourvoyeur. Saint Joseph lui-
même fut chargé d’y pourvoir, et il s’en acquitta largement.
La chapelle provisoire fut munie des objets les plus
nécessaires ; la sainte messe y fut célébrée, et les bons
vieux, au nombre de 29, y assistèrent en habits de fête,
présents de la charité.
Au dîner, il y eut grand régal : les bienfaiteurs n’avaient
rien épargné. La joie était complète dans cet asile nais¬
sant. Chacun louait et bénissait Dieu, rendant mille
actions de grâces à saint "Joseph de ses nombreux bien¬
faits, de tous bien appréciés.
Quelques jours après cette fête, il y eut encore grande
joie parmi les hôtes de ce bienheureux asile ; Mgr l’évê¬
que y fit sa première visite. Les vieillards, revêtus de leurs
plus beaux habits, l’attendaient, rangés en ordre, près du
portail, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre.
Ils le reçurent avec une grande joie, qu’ils exprimaient
en frappant des mains et par les acclamations de : Vive
Monseigneur 1 vive notre bon évêque ! Sa Grandeur les
bénit avec effusion, leur témoignant sa surprise de les
voir déjà si nombreux.
On se rendit à la chapelle, et là, après une prière qui
réunissait tous les cœurs, dans un même sentiment de
reconnaissance, le prélat, visiblement ému, adressa à ces
heureux vieillards et à leurs dignes servantes quelques
mots tout pathétiques d’édification et d’encouragement. Il
exprima combien il aimait l’œuvre, et quel bonheur c’était
pour lui et pour toute la ville de la voir établie à Périgueux.
En visitant la maison, Sa Grandeur ne put que bénir la
divine Providence des choses merveilleuses qu’elle avait
416
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
faites pour ses pauvres depuis le commencement de la
fondation. Puis elle se retira, non sans avoir fait une géné¬
reuse offrande et avoir promis aux Petites-Sœurs de venir
prochainement dire la sainte messe dans leur chapelle.
Tous ces détails sont consignés dans le registre de la
maison-mère de l’Institut. Ils nous ont été transmis par
la Mère supérieure-générale. Elle ajoute :
Les commencements de cette maison furent remarqua¬
bles par plusieurs conversions. Parmi les vieillards, il y
en avait un bon nombre qui étaient éloignés du bon Dieu
depuis de longues années. En entrant dans l’asile, ils n’y
venaient que pour y recevoir les soins de la charité et se
mettre à l’abri de la misère. Mais la grâce les y attendait)
et bientôt, touchés par cette charité qui les entourait, ils
revenaient librement et d’eux-mêmes vers cette religion
qu’ils avaient oubliée et de laquelle ils recevaient tant de
bien, ce qui fut pour les Petites-Sœurs un grand sujet de
consolation.
Dès les premiers jours du fonctionnement de l’œuvre,
il fut aisé de prévoir qu’elle aurait ses progrès et pren¬
drait des développements inespérés. Aussi fallut-il se
hâter de compléter le plan de l’architecte par l’achève¬
ment de la seconde partie de l’édifice qui comprenait la
construction d’une chapelle. Ce fut l’ouvrage de peu
d’années. La chapelle ne fut néanmoins achevée que
quatre ans plus tard. Mgr Dabert en fit la consécration le
18 juillet 1872, en présence d’un nombreux clergé et d’un
concours empressé de fidèles, parmi lesijuels plusieurs
notabilités de la ville. On y remarquait, et tous les regards
et tous les cœurs reconnaissants se tournaient de leur
côté, Mme de Gosselin, M. Alix dë Gosselin, son fils;
Mme Du Hamel, sa nièce, et M. Du Hamel, son neveu ;
M. Gerlié et M. l’abbé Layant, amis de la famille.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 417
La consécration se fit avec toute la pompe des céré¬
monies de l’Eglise. Commencée à huit heures, elle ne se
termina qu’à une heure de l’après-midi.
De l’admirable discours que Sa Grandeur prononça,
après cette consécration, en prenant pour texte ces paro¬
les de Jésus-Christ : « Je vous donne un commandement
nouveau ; c’est que vous vous aimiez les uns les autres
comme je vous ai aimés », nous détachons les lignes sui¬
vantes qui forment le plus gracieux, le plus saisissant ta¬
bleau de la vie héroïque des Petites-Sœurs.
Après avoir fait le plus délicat éloge de la pieuse fon¬
datrice « qui a bien mérité de l’Eglise et des pauvres »
l’éloquent prélat s’écrie : « Et que dirai-je maintenant de
» nos chères Petites-Sœurs-des-Pauvres ? Rien, je le sais,
» qui n’ait le double inconvénient de blesser leur modes-
» tie et de rester bien au-dessous de leur incomparable
» dévouement. Et, cependant, comment me taire- sur cette
» nouvelle famille religieuse qui fait de l’héroïsme même
» de la charité, son exercice quotidien, et qui le pratique
» avec cette simplicité, cette assurance, ce naturel que
» nous mettons à nos actions les plus ordinaires ? Voyez-
» la cette Petite-Sœur-des-Pauvres : elle s’est faite la ser-
» vante des pauvres vieillards. Pour eux comme pour elle,
» elle n’a et ne veut avoir qu’un trésor : le trésor de
» la Providence. L’asile est ouvert, et la voici à l’œuvre :
» elle mendie I Elle mendie et tout lui est bon. Tout est
« accueilli par sa reconnaissance ; tout est mis à profit
» par son industrie. Bientôt le mobilier se forme, s’ac-
» croît, s’embellit de tout le luxe de la propreté. Chaque
» jour aussi se recueille la nourriture de l’asile. Aux heu-
» res réglementaires, la table est dressée et garnie de mets,
» agréablement variés comme les vêtements des convives.
» Après leur repas, la Petite-Sœur qui les a servis, fait le
27
418 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
» sien de leurs restes ; et, s’ils n’ont rien laissé, elle re-
» tourne à l’aumône ou reprend son travail dans l’asile,
» attendant l’heure où il plaira à la Providence de lui en-
» voyer un morceau de pain.
» Voilà, en quelques traits trop incomplets, par quelle
» vie la Petite-Sœur-des-Pauvres a pris sa place dans les
» phalanges virginales de la charité. Çette place est belle,
» mes chères Petites-Sœurs, votre Institut l’a reçue des
» mains de son vénéré fondateur, dont nous sommes heu-
» reux de célébrer avec vous la fête en ce jour. Cette place,
» votre Institut la gardera ; vous la garderez vous-mêmes
» dans cet asile, sous la paternelle direction d’un pas-
» teur (1), à qui le Seigneur a donné une abondante par-
» ticipation de votre propre esprit. Vous la garderez pour
» le soulagement des pauvres et pour l’honneur de la
» sainte Eglise, la mère des grandes inspirations et des
» sublimes dévouements (2).»
On ne saurait ni mieux penser, ni mieux dire.
Comme on l’avait prévu, l’hospice a prospéré. Aujour¬
d’hui cent dix pauvres vieillards y sont reçus, logés, nour¬
ris et soignés avec une piété filiale par leurs chères Peti¬
tes-Sœurs, qui n'ont pour subvenir à la dépense que les
dons soit en argent, soit en nature qui leur sont faits.
Mais Dieu, dont la Providence veille à ce que le plus petit
des oiseaux ait sa nourriture de chaque jour, voit dans
cet asile de la pauvreté des âmes qui lui sont bien chères
et pourvoit à tout. ■
Au début, comme nous l’avons dit, les Petites-Sœurs
de cet asile n’étaient que quatre, aujourd’hui elles sont
au nombre de quatorze: Nous n’avons pas besoin d’ insis¬
ter pour faire ressortir leur dévouement, leur charité, et
(1) M. l’abbé Estignard. curé de St-Georges.
% Semaine religieuse de Périgueux, n° du JO juillet 1872.
DES HÔPITAUX., HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 419
le sacrifice continuel qu’elles doivent faire d’elles-mêmes ;
elles sont les Petites-Sœurs-des-Pauvres. Ces trois mots
réunis pour former leur nom, disent ce qu'elles sont, et
forment leur plus bel éloge.
N’oublions pas de mentionner et de signaler à la recon¬
naissance des pauvres une autre bienfaitrice de cet hos¬
pice. Mm0 de Gamanson, dont le nom se trouve uni à tant
de bonnes œuvres, ne voulut pas rester étrangère à celle-
ci : elle donna l’argent nécessaire pour l’acquisition d’une
prairie, voisine de l’établissement, qui fournit la nourri¬
ture des vaches dont le lait avec le produit du jardin
forme la meilleure partie des aliments des vieillards, et
des religieuses.
Tel est l’hospice de nos chères Petites-Sœurs, asile vrai
de la pauvreté heureuse et du dévouement porté jusqu’à
l’héroïsme. Lorsqu’il fut fondé en 1868, il était la 105®
fondation faite par l’Institut depuis son origine ; aujour¬
d’hui le. nombre des fondations dépasse 200. La main de
Dieu ne s'en est point retirée.
Et maintenant, nous dirons aux habitants de Péri-
gueux : Allez souvent, pour vous édifier, visiter l’asile de
vos pauvres vieillards, et laissez-y votre aumône. « Si
vous avez beaucoup, donnez beaucoup ; si vous avez peu,
donnez de ce peu, mais de bon cœur, vous rappelant que
l’aumône sera le sujet d’une grande confiance devant le
Dieu suprême pour tous ceux qui l’auront faite (1). »
Nous ne pouvons mieux terminer cette notice que par
ces paroles qui n’auront jamais une plus juste applica¬
tion : A Domino factum est istud ; et est miràbile in
oculis nostris (2).
(1) Tobie ch. i, v. Pet 12.
(2) Psaume 117, v. 22.
XXXVIII
Bureau de bienfaisance de Carsac.
M. l’abbé Delpeyrat, curé de Garsac, a fait d’heureuses
recherches sur les origines et les développements de sa
paroisse. Il les a consignées dans une brochure de
90 pages, ayant pour titre : Essai historique sur l'an¬
cienne paroisse de Saint-Augustin-de-Carsac.
Ce n’est pas ici le lieu de faire ressortir le mérite de
cette belle étude ; nous pourrons y revenir. Nous y trou¬
vons, dans une société de prêtres, l’origine d’une Miséri¬
corde ou Bureau de bienfaisance, bien digne, à tous
égards, d’une mention toute spéciale.
Nous avons hâte de le dire, pour écrire cette Notice,
nous n’avons qu’à reproduire un extrait du travail de
notre cher confrère, en nous aidant d’une lettre particu¬
lière qu’il a bien voulu nous écrire à ce sujet. Nous lui
laissons de bien bon cœur tout le mérite de ce que nous
allons imprimer.
Dès le commencement du xvi° siècle, il y avait à Garsac
une société de prêtres vivant en commun sous la direc¬
tion du curé de la paroisse. Formaient-ils une commu¬
nauté de prêtres retirés, ou, comme nous dirions aujour¬
d’hui, de prêtres en retraite, se reposant des labeurs d’un
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., DU PÉRIGORD. 421
long ministère? ou bien étaient-ils des prêtres réguliers,
unis entre eux par des vœux ? Il est probable que la cha¬
rité seule les unissait sous l’autorité du curé qu’ils recon¬
naissaient pour leur supérieur, exerçant les œuvres de la
charité et pourvoyant à tous les besoins des pauvres de la
paroisse. Les noms de plusieurs ont été conservés;
c’étaient : 1° Messire Noël de Valette, docteur en théologie
et curé recteur de Carsac ; c’est lui qui fit bâtir les colla¬
téraux de l’église et refaire la voûte de la nef ; 2 « Maistre
Etienne Valette, frère plus jeune du précédent et résidant
avec lui ; 3° Maistre Jehan Jardel, prêtre de Carsac, y
résidant ; il était décédé le 9 novembre 1559 ; 4° Maistre
Etienne Jardel, frère du précédent; 5° Maistre Jean
Taverne, prêtre et notaire ; 6° Maistre Jehan Delsbrout.
Outre ces six prêtres, résidant à Carsac, M. l’abbé Delpey-
rat nous donne les noms de plusieurs autres, résidant
également à Carsac, à la même époque, savoir : M» Pierre
Tardes, M® Géraud Cros, M° Mathieu Malevergne, M° Jean
Farnier. Les Calvinistes, conduits par Assier et Mouvans,
surent les déloger de leur retraite et leur apprendre com¬
ment ils pratiquaient la liberté de conscience, qu’ils récla¬
maient les armes à la main. Ils furent tous massacrés, à
l’exception d’un seul, M6 Géraud Gros, qui vivait encore
en 1612.
Il résulte donc de tout ce qui précède qu’il y avait à
Carsac, avant les troubles religieux du xvi° siècle, sous la
conduite ou l’autorité du recteur, une société de prêtres
séculiers, qui fut dirigée de 1524 à 1559 par Noël de
Valette, occi par les protestants ’en 1567. Cette société,
avons-nous dit, pourvoyait à tous les besoins des pauvres
de la paroisse et administrait leurs biens. Et ce fut là
l’origine de la Miséricorde ou Bureau de bienfaisance qui
y fonctionne encore de nos jours.
422 LES ORIGINES CHRÉTIENNES
Les curés de Garsac ne purent de longtemps réparer le
désordre -et relever les ruines amoncelées en quelques
jours par les„ prétendus réformés. Les pauvres, néanmoins,
n’étaient pas oubliés, et l’un des vicaires avait charge
spéciale de veiller à leurs besoins. De pieux fidèles voulu¬
rent même, par leurs libéralités, augmenter les ressour¬
ces, et, en parcourant leurs dernières dispositions, on
reste convaincu qu’il n’y avait pas de testament sans un
souvenir pour les pauvres et pour l’église. Après avoir
légué une certaine somme consacrée à faire dire des
messes pour le repos éternel de leurs âmes, ils ajoutaient
toujours un don pour la confrérie du Saint-Sacrement et
un autre pour les pauvres de la Miséricorde.
Il serait impossible d’énumérer ici tous les dons faits
à cette Miséricorde; qu’il suffise de dire qu’en dehors-
des rentes qu’elle avait à Sarlat, à Grolejac, Laca-
néda, etcv etc., elle possédait encore en 1789 plus de
200 hectares de propriétés, savoir :
1° Dans le tènement des Landes, relevant de la Gazaille
et de Saint-Rome, une terre labourable, donnée par
Antoine Tray, contenant une cartonnée et 5 punières 3/4.
2° Dans le tènement de la Garrigue et Pasquebal, une
terre et bois appelés à Longue-Crèze, contenant deux car¬
tonnées et 3 punières.
3° Les Pechs de la Bergade, de l’Ane, des Tuileries, de
Fertignon, de la Gane, de Monseigneur, de la. Boissière,
de Peyremole, du Bouyssou, de Yialard.
4° Le petit et le grand Rayssé, Relumnier, la Montade,
les Vignasses, les Auzières et Garrissades de Vialard,
les Buyssades, le Roc de la Navette, les Vergnes, les bois
d’Aillac, etc., etc.
5° D'autres pièces de bois et terres à Peche-Vache, aux
Harpies, au Moulin-de-Papier, aux Grouzettes, à Malever-
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGOBD. 423
gne, à Peyremole, sur le Pech, au Pont-du-Bouyssou, au
Combalou, à la Vergne, à la Plane, aux Noyettes, au
Plantou, au Coudert, à la Joncaille, à la Fontaine de
Faye, sur le Cingle, etc., etc.
Ces biens, placés naturellement sous la sauvegarde des
curés, furent d’abord administrés^ par eux ou par un délé¬
gué spécial qui avait le titre de syndic.
Ce pourvoyeur des pauvres avait pour mission de préle¬
ver les revenus; de donner quittance et de faire la distri¬
bution aux nécessiteux, sur l’avis du curé ou. du vicaire
chargé de ce soin. Il devait, en outre, produire ses
comptes toutes les fois qu’il en était requis.
Cette fonction, absolument gratuite, fut d’abord confiée
à un clerc', et, dans la suite, sa nomination eut lieu en
assemblée capitulaire, c’est-à-dire avec le concours de
tous les habitants, sous la présidence du curé de la
paroisse.
Dans l’assemblée capitulaire qui eut lieu à cet effet, à
l’issue des vêpres de Carsac, le dimanche 31 janvier 1731,
à laquelle assistèrent avec messire Bertrand Moméjà,
docteur en théologie et curé de la paroisse , noble Fran¬
çois Jean de Labrousse, écuyer, sieur de Carsac ; François
de Moreau, avocat au Parlement et juge de Sarlat ; Pierre
Touron, clerc ; Pierre Ligounat, clerc ; Jean Jardel, clerc ;
Guillon Jardel, laboureur; Jacques Joly, laboureur;
Gabriel Géraud, Michel Moulinière, Jean Cros, Géraud
Royère, Jean Maillet, Lagrier et Garrigou frères ; David
Touron, tailleur ; Antoine Géraud, sauve-gardien.etc., etc.,
c’est Pierre Touron, clerc, meunier et mallier du Moulin-
Neuf, qui est nommé et accepte le titre de syndic de la
Miséricorde. Il l’était déjà delà confrérie du Saint-Sacre¬
ment. C’était un homme d’une probité reconnue. Par acte
du 26 septembre 1721, il avait obtenu, comme récompense
424
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
de sa fidélité à solder les pieuses libéralités de sa tante,
deux tombeaux dans l’église de Carsac. Le 16 juin 1722,
Jean de Bénie de Lacypière, conseiller du roi en la séné¬
chaussée et siège présidial de Sarlat, en vertu d’une pro¬
curation du T. R. P. Claude Massai, général et grand mi¬
nistre de tout l’ordre de la Trinité pour la rédemption des
captifs, l’avait nommé quêteur et marguillier de Téglise et
de la paroisse d’Alliac, «pour lever et recevoir dans cette
» église et dans toute la paroisse les aumônes et charités
» que les personnes de piété faisaient en faveur des pau-
» vres esclaves détenus dans les fers entre les mains des
» barbares. » Il succédait dans ce dernier emploi à Jean
Royère, que le même Lacypière avait destitué.
Ce Pierre Touron, du Moulin-Neuf, conserva ces deux
nobles emplois jusqu’à sa mort, arrivée le 31 août 1743, et
les larmes des pauvres l’accompagnèrent jusqu’à sa der¬
nière demeure. Par son testament du 12 juin 1743, reçu
par Debars, notaire royal, il léguait aux pauvres malades
de la Miséricorde 400 livres tournoises, à la confrérie du
T.-S. Sacrement, 25 livres pour faire dorer l’ostensoir de
l’église, et à M. le curé de Carsac et aux RR. PP. Corde¬
liers et Récolets de Sarlat la somme nécessaire pour dire
200 messes pour le repos de son âme.
Le syndic des pauvres de Carsac était aidé dans le soin
des malades par les Filles de la Miséricorde de Sarlat,
qui, plusieurs fois la semaine, venaient les visiter, panser
leurs plaies, exécuter les ordonnances et donner les
remèdes que prescrivaient les médecins et chirurgiens.
Le 13 juin 1745, jour de dimanche, à l’issue des vêpres,
une assemblée capitulaire se réunissait au presbytère
pour nommer un nouveau syndic des pauvres. Avec
M. François Duloix de Lasserre, curé de la paroisse,
étaient présents noble Laurent de Bars, écuyer, seigneur
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 425
de laGazaille ; Jean Jardel, marchand ; Jean Jardel, clerc ;
Jean Touron, teinturier; Guillaume Joly, etc., et.c. A
l’unanimité, [tous désignèrent pour remplir cet emploi
Jean Touron , meunier au Moulin-Neuf. Entré en fonction
dès ce jour, il poursuivait en justice les débiteurs des
pauvres et faisait condamner devant le juge de Grolejac,
les 13 août 1764 et le 11 mars 1766, François Neyrat, pour
retard apporté à solder la rente due aux pauvres de la
Miséricorde de Carsac, par acte du 13 août 1764.
Cet état de choses a duré jusqu’en 1789, jusqu’à cette
Révolution faite au nom du peuple, mais dont les pauvres
de Carsac ont peu profité. On leur fit tirer adroitement les
marrons du feu et d'autres les mangèrent, remarque
M. l’abbé Delpeyrat, qui, à ce sujet, ne peut dire tout ce
qu’il sait.
Il restait encore, en 1844, aux pauvres de Carsac, mal¬
gré les désastres de la Révolution, 88 hectares 95 ares de
terrain, qui fut vendu depuis à vil prix, et dont le produit,
placé en rentes sur l’Etat, forme un capital dont le revenu
est plus que suffisant pour soulager toutes les misères,
et c’est là qu’on puise, dit-on, largement, pour assurer
l’élection politique des ambitieux qui montent sur les
épaules des pauvres pour leur faire du bien.
En terminant cette Notice sur la Miséricorde ou Bureau
de bienfaisance de Carsac, rappelons, comme nous l’avons
dit en la commençant, que nous l’avons extraite du tra¬
vail historique que M. l’abbé Delpeyrat a fait sur sa
paroisse. Le cher confrère nous permettra de lui adresser
ici nos biens sincères félicitations. Quelle belle statistique
diocésaine nous aurions, si chaque curé faisait de sem¬
blables études sur sa paroisse I
XXXIX
Bureau de bienfaisance de Prats-de-Carlux.
La paroisse de Prats-de-Carlux possède un Bureau de
bienfaisance, régi par une administration purement
laïque. La notice que nous allons en donner ajoutera un
témoignage nouveau à l’origine ecclésiastique de la plu¬
part de nos établissements de charité, et prouvera une fois
de plus l’inconvenance d’une loi qui exclut le prêtre de
l’administration des biens péniblement amassés par les
prêtres au profit des indigents.
L’origine du Bureau de Prats, ou si l’on aime mieux sa
préparation, remonte à la seconde moitié du xve siècle.
Nous allons en suivre les développements qui nous offrent
des détails du plus saisissant intérêt.
Nous nous aiderons ici, comme pour le Bureau de bien¬
faisance de Carsac, des documents, ou plutôt du travail
qu’a bien voulu nous communiquer M. l’abbé Delpeyrat,
ce chercheur intelligent et heureux. Ici encore nous lui
laissons tout le mérite de ce que nous allons imprimer.
Les anciens terriers de la paroisse de Prats nous mon¬
trent, dès la fin du xvB siècle, des biens pour les pauvres
appartenant à l’église et que le curé seul régissait. Ces
427
LES ORIGINES CHRÉTIENNES, ETC., Dü PÉRIGORD.
biens, situés dans le tènement de Combe-Naude, près de
l’église, contenant « 14 cartonnées » étaient arrentés à
nouveau le 14 vril 1479, par messire Anthoine de Chas-
sain, prêtre, docteur en théologie et curé-recteur de
Prats, à Léonard Peyrat, à la redevance annuelle de 4
cartons de froment et de 12 deniers en argent, avec le
droit d’acapte. L’acte était reçu par Jehan de Fenis,
notaire royal.
Ce n’était point là encore le Bureau de bienfaisance tel
que nous le comprenons aujourd’hui, c’était s» prépara¬
tion, toute ecclésiastique. Elle avait dû commencer bien
des années avant le 14 avril 1479, puisque, à cette date,
l’arrentement des biens des pauvres se faisait « à nou¬
veau, » au moins pour la deuxième fois.
En 1513, lorsque Pons de Gimel, seigneur de Paluel,
fut armé chevalier, dans la nouvelle contribution qui
frappa les quinze paroisses de la juridiction, nous trou¬
vons quatre prêtres résidant simultanément à Prats,
atteints par cet impôt : Jehan de Laumont, Jehan Rabi-
sole, Jehan et autre Jehan Izac, dont l’un était spéciale¬
ment chargé du soin des pauvres. Il devait prendre le
titre d 'aumônier, distributeur d’aumônes.
Il en fut ainsi jusqu’aux troubles religieux de ce
xvi« siècle. Les laïques d’alors administrèrent ces biens,
et les pauvres n’eurent pas lieu de s’en réjouir.
Et néanmoins le mal s’accrut et le nombre des pauvres
augmenta. Les guerres de la Fronde qui suivirent ruinè¬
rent la contrée. Le pays fut ravagé, pillé, incendié. Les
troupes du duc de Mayenne et du maréchal de Matignon
le parcoururent en tout sens. Turenne y. séjourna quel¬
ques jours après le siège de Sarlat, et le sieur d’Aubeterre
durant les 49 jours du siège de Carlux. « La détresse était
» si grande, et les habitants tellement molestés, ruinés et
428
LES ORIOINES CHRÉTIENNES
» appauvris, que ceux qui avaient avant 4 paires de bœufs
» n’avaient plus alors les moyens d’en avoir un seul. »
C’était en 1593. Et un seul homme s’occupait alors acti¬
vement de secourir les pauvres. La tempête et les orages
avaient enlevé le peu de récolte qui restait. Pris pendant
deux fois et emmené captif d’abord à La Faurie, puis à
Domme, loin de se laisser abattre, son courage semble
grandir avec les difficultés. Il assiste les plus malheu¬
reux, relève le moral de ceux qui désespèrent, les fortifie
et ranime par ses paroles et par ses exemples. Il adresse
aux trésoriers-généraux de France pour le Languedoc (1),
siégeant à Toulouse, une requête accompagnée de 10
témoins pour attester la vérité de ce qu’il raconte, et par¬
vient à faire dégrever pour quelque temps de tout impôt
la paroisse de Prats. Il poursuit devant le Parlement de
Bordeaux ceux qui ont usurpé les biens des pauvres, et
meurt en 1616, regretté même de ses ennemis. Cet homme
était messire Jehan Vergne, prêtre, docteur en théologie,
recteur-curé de Prats depuis 1586.
Ses successeurs imitèrent son exemple et augmentèrent
les revenus des pauvres. Pascal de Labrousse, natif de la
paroisse et devenu vicaire-général de l’évêque de Sarlat,
donna en mourant aux pauvres de Prats, dont il avait été
curé pendant 25 ans, une terre assez considérable. Mes-
sire Jehan de Bonet, curé de Prats de 1665 à 1695, s’oc¬
cupa activement du besoin des pauvres. Il donna par tes¬
tament 200 écus pour le mariage de 12 filles honnêtes, et
400 livres pour faciliter l’apprentissage de 10 jeunes gens,
avec une rente pour vêtir chaque année 8 pauvres vieil-
(I) La paroisse de Prats, dépendant du diocèse de Cahors, était avant
1640, du présidial de Gourdon et du ressort du Parlement de Toulouse,
créé en 1302 et qui comptait dans sa juridiction le Languedoc, le
Quercy, etc.
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., DU PÉRIGORD. 429
lards. Ce fut Marguerite de Bonet, sa sœur, épouse de
M* Jean de Pignol, avocat à la cour et juge de Sarlat, qui
solda les pieuses libéralités du curé de Prats.
Dès ce moment, cette institution des pauvres prit le
nom officiel de Miséricorde de Prats, et ce fut d’abord le
vicaire qui en administra les biens sous la surveillance
tutélaire et paternelle du curé. Mais, comme leur régie
réclamait parfois des actes judiciaires et des revendica¬
tions qui pouvaient nuire au saint ministère, dès les pre¬
miers jours du xvm° siècle les curés de Prats nommèrent,
avec le concours des notables, un syndic laïque pour en
tenir les comptes. Cette mesure, toute populaire, avait
aussi pour but d’intéresser à la pieuse fondation toutes
les personnes charitables de la paroisse. On avait bien
présumé. Aussi voyons-nous en 1741 ce syndic, Pierre
Neyrat, autorisé à prêter, au nom de la Miséricorde qu’il
administrait, des sommes assez considérables qui prou¬
vaient que les biens des pauvres avaient considérable¬
ment augmenté. Dans l’assemblée capitulaire du 4 mai
1745, il fut même démontré que plusieurs donations
pieuses n’étant pas pour le moment nécessaires aux
besoins des pauvres, le syndic leur chercherait un place¬
ment avantageux.
Messire Mathieu Clavel, qui fut curé de Prats de 1747 à
1770, mit tous ses soins à faire produire à la Miséricorde
tout le bien possible, surtout envers les pauvres malades.
A cet effet, dans une assemblée des notables, présidée
par lui-même et réunie aux Gautheries, en 1752, il fut
arrêté que Marguerite Chassain, autorisée par son père,
serait envoyée à l’hôpital de Sarlat pour y apprendre à
servir les malades et leur donner tous les soins néces¬
saires. Cette fille, dévouée à Dieu et au service des pau¬
vres, qui habitait le village des Yeyssières, demeura dans
LES ORIGINES CHRÉTIENNES
l’hôpital de Sarlat une année entière, moyennant 60 livres
payées à la supérieure de cet établissement par la Misé¬
ricorde de Prats.
Ayant fait tous les progrès qu’on avait espérés, et munie
d’un trousseau de chirurgie, Marguerite Chassain com¬
mença à soigner les pauvres malades de la paroisse, dis¬
persés dans 20 familles.. Elle les visitait plusieurs fois la
semaine et leur administrait les drogues et médicaments
jusqu’à leur parfaite guérison, les tenant dans la plus
grande propreté, et faisait de leur état un rapport exact
aux médecins. Pour les aliments, bouillons, linges, cou¬
vertures et honoraires des médecins, chirurgiens et apo¬
thicaires, etc., le curé et le syndic devaient y-pourvoir
autant que pouvaient le permettre les ressources de la
Miséricorde. Cette pieuse fille devait recevoir annuelle¬
ment pour tous ces soins et dévouements une indemnité
de 60 livres.
Après un an d’exercice de cette charité généreusement
dévouée, on jugea nécessaire de modifier sa position et
de lui donner une influence et une autorité qu’elle n’avait
pas, et dont la privation pouvait nuire au bien qu’elle vou¬
lait faire. Une nouvelle assemblée des notables eut lieu le
29 novembre aux Gautheries, sous la présidence du curé.
Les conventions suivantes y furent arrêtées :
« Il demeure convenu entre messire Mathieu Glavel,
» prêtre, docteur en théologie, curé de Prats, MM. Izac,
» avocat au Parlement et juge de Garlux, Jean-Baptiste
» Yergne, Jean Duteil, Jean Déguiral, autre Jean Déguiral,
» bourgeois, Jean Tache, Anthoine Laborderie, Jean Bouys-
» sonnie, Pierre et autre Pierre Garrigues, Marc Cros,
« clerc, et Anthoine Neyrat, syndic, formant la majeure
» partie des notables de Prats, d’une part ; et Marguerite
» Chassain, du village des Veyssières, d’autre part ; savoir
DES HÔPITAUX, HOSPICES, ETC., PU PÉRIGORD. 431
» est que le sièur curé et les principaux paroissiens re-
» mettent à